Archives pour mai 2008

Sydney Pollack 1934-2008

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Le cinéaste Sydney Pollack est décédé à l’âge de 73 ans, le 26 mai 2008, des suites d‘un cancer.   

Né le 1er juillet 1934, fils d’une famille d’immigrés juifs russes, le jeune Sydney Pollack partira à New York étudier l’art dramatique à la Neighborhood Playhouse de Sanford Meisner, de 1952 à 1954 (croisant notamment d’autres élèves tels que Robert Duvall, et sa future épouse, l’actrice Claire Griswold). Revenu du service militaire, il deviendra l’assistant de Meisner en 1958. En 1960, John Frankenheimer engagera Pollack comme dialogue coach pour son film THE YOUNG SAVAGES, où il rencontrera Burt Lancaster, qui l’encouragera à passer à la mise en scène.  À l’instar de nombreux autres cinéastes de sa génération, Pollack fera donc ses premières armes de réalisateur à la télévision américaine de 1961 à 1965, officiant sur des séries à succès de l’époque telles que BEN CASEY, THE ALFRED HITCHCOCK HOUR ou LE FUGITIF.  

Il passera ensuite à la mise en scène de cinéma avec THE SLENDER THREAD (30 MINUTES DE SURSIS), un drame où il filme Sidney Poitier et Anne Bancroft ; dans ce film, Poitier incarne un jeune homme tentant de garder éveillée au bout du fil téléphonique une femme suicidaire, interprétée par Bancroft, qui vient d’absorber des médicaments. L’année suivante, Sydney Pollack tourne son second film, PROPRIÉTÉ INTERDITE, d’après la pièce de Tennessee Williams, avec Natalie Wood et Charles Bronson – ainsi qu’un jeune comédien prometteur dont il va être l’ami et le metteur en scène favori durant plus de 20 ans, Robert Redford. 

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Ci-dessus : ON ACHEVE BIEN LES CHEVAUX et ses éprouvants marathons de danse.  

Si ces premiers films ne sont pas encore de francs succès, ils lui permettent de retrouver Burt Lancaster. Ils tourneront ensemble en 1968 LES CHASSEURS DE SCALPS, un sympathique western comique où Lancaster, dans le rôle d’un trappeur râleur, partage l’affiche avec Shelley Winters, Telly Savalas et Ossie Davis. Cette même année, l’acteur rappellera même Pollack à la rescousse pour terminer le tournage de THE SWIMMER, suite au départ du réalisateur Frank Perry. Burt Lancaster travaillera à nouveau avec Sydney Pollack l’année suivante dans CASTLE KEEP (UN CHÂTEAU EN ENFER), honnête film de guerre où un commando américain mené par Lancaster se retranche dans une ancienne forteresse durant la Bataille des Ardennes. Mais c’est avec le film suivant que Sydney Pollack va définitivement percer et acquérir une grande renommée : l’adaptation du roman de Horace McCoy, ON ACHEVE BIEN LES CHEVAUX, est un des grands succès de l’année 1969, et rapporte de nombreuses nominations aux Oscars, et un Oscar du Meilleur Second Rôle pour Gig Young. Cette évocation sombre des terribles marathons de danse (concours extrêmement populaires et épuisants, durant la Grande Dépression post-1929) permettra notamment à Jane Fonda de casser alors son image d’actrice légère. Fort de ce succès, Sydney Pollack va entamer une série fructueuse de films désormais reconnus comme des classiques des années 70.  

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Tel est le cas de JEREMIAH JOHNSON, où Pollack retrouve Robert Redford pour ce western atypique, véritable poème écologique très à la mode en cette année 1972. Si Pollack remanie et allège un peu trop, au risque de l’affadir, l’excellent scénario de John Milius (le futur réalisateur de CONAN LE BARBARE et L’ADIEU AU ROI n’appréciera d’ailleurs pas la relecture de Pollack), force est de constater que les images sont de toute beauté, et l’interprétation de Redford, reposant sur très peu de dialogues, demeure impeccable. Les deux hommes se retrouveront en 1973 pour un autre succès, THE WAY WE WERE (NOS PLUS BELLES ANNÉES), mélodrame un peu suranné ou Redford donne la réplique à Barbra Streisand. À noter, dans ce même film, que nous assisterons aux débuts prometteurs d’un jeune comédien pas encore spécialisé dans les rôles d’« allumés » cyniques, James Woods.  

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Ci-dessus : YAKUZA – un règlement de comptes qui tourne au drame pour le jeune Dusty (Richard Jordan), malgré l’arrivée de Harry Kilmer et Tanaka Ken (Robert Mitchum et Takakura Ken)…  

En 1974, Sydney Pollack dirige Robert Mitchum et l’acteur japonais Takakura Ken dans le solide YAKUZA, un thriller de bonne facture écrit par les frères Paul et Leonard Schrader. Filmant le voyage d’un ancien soldat américain dans le territoire impitoyable de la pègre japonaise, à la recherche de la fille kidnappée de son ami, Pollack, au style d’habitude policé, livre des scènes mémorables d’affrontements dans le plus pur style des chambara, les films japonais consacrés à ces mêmes Yakuzas. Puis, en 1975, Sydney Pollack retrouve son acteur fétiche pour un grand succès de cette année-là, LES TROIS JOURS DU CONDOR. Robert Redford partage l’affiche avec la charmante Faye Dunaway, mais c’est Max Von Sydöw, magistral en inquiétant tueur méthodique, qui leur vole la vedette dans ce thriller d’espionnage réussi, typique du climat paranoïaque de « l’époque Watergate », qui donna d’autres réussites comme CONVERSATION SECRÈTE de Francis Ford Coppola ou LES HOMMES DU PRÉSIDENT d’Alan J. Pakula.  

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Après ces réussites, Sydney Pollack est définitivement reconnu comme un des meilleurs cinéastes alors en activité. Malheureusement, son film suivant, sorti en 1977, va casser quelque peu sa série de succès. BOBBY DEERFIELD est un drame romantique peu apprécié, malgré la présence d’Al Pacino. Sydney Pollack va préférer retrouver Robert Redford avec Jane Fonda en 1979 dans le drame désabusé LE CAVALIER ÉLECTRIQUE. Puis, en 1981, il dirige Paul Newman et Sally Field dans ABSENCE DE MALICE.  

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Ci-dessus : quand « Dorothy Michaels » (Dustin Hoffman) rencontre son agent (Sydney Pollack lui-même) au Russia Tea Room !…  

Mais après tous ces drames, Sydney Pollack passera à la comédie pour signer son plus grand succès public, avec TOOTSIE. Sans être forcément au niveau d’audace du film référence en matière de « comédie de travestis », CERTAINS L’AIMENT CHAUD de Billy Wilder, le film de Pollack sera reconnu comme un de ses meilleurs représentants. Le mérite revenant largement à un Dustin Hoffman des grands jours, des seconds rôles impeccables (entre autres Charles Durning, Teri Garr, et le génial Bill Murray) et une vision gentiment caustique du tournage des séries télévisées, un monde que le cinéaste connaît bien pour y avoir travaillé durant des années. Pollack joue également dans son propre film le rôle de l’agent complètement dépassé par le travestissement de Hoffman et les problèmes qui s’ensuivent. Ses scènes sont d’ailleurs totalement hilarantes, le réalisateur s’avérant être un excellent comédien. À moins que ce ne soit le caractère réputé difficile de Hoffman durant le tournage qui l’ait à ce point aidé… En tous les cas, leurs disputes à l’écran nous valent des moments savoureux, tel celui-ci ! :

 » – Tu aurais dû voir sa réaction quand elle a cru que j’étais lesbienne.- Lesbienne ? Tu viens juste de dire que tu es gay.

- Non, non, non – SANDY croit que je suis gay, JULIE croit que je suis lesbienne.

- Je croyais que Dorothy était supposée être hétéro ?

- Dorothy EST hétéro. Ce soir Les, l’homme le plus sensible et le plus gentil au monde m’a demandé de l’épouser.

- Un type nommé Les veut que TU l’épouses ?

- Non, non, non – il veut épouser Dorothy.

- Mais est-ce qu’il sait qu’elle est lesbienne ?

- Dorothy n’est PAS lesbienne.

- Je sais ça, mais est-ce que LUI le sait ?

- Il sait QUOI ?

- Que, euh, je… je sais plus. «   

 

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Trois ans plus tard, OUT OF AFRICA arrive sur les écrans en décembre 1985. La sixième collaboration de Sydney Pollack avec Robert Redford va leur rapporter des récompenses à la pelle, ainsi qu’à Meryl Streep, et les louanges quasi unanimes alors de la critique. À tel point qu’aux Oscars 1986, OUT OF AFRICA va remporter 7 Oscars, ne laissant rien aux concurrents, à savoir l’infortunée COULEUR POURPRE de Steven Spielberg. Avec le recul, ce plébiscite paraît pourtant disproportionné : le grand drame romantique évoqué bénéficie certes de beaux atouts (la lumière des grands paysages africains, la musique flamboyante de John Barry, la prestation de Klaus Maria Brandauer en baron infidèle), mais (à mes yeux en tout cas) OUT OF AFRICA s’est vite démodé. La composition trop « parfaite » de Meryl Streep, le jeu « romantique réservé » de Redford, un manque flagrant de rythme et d’inventivité dans le montage et la mise en scène rendent vite le film monotone et pesant. Paradoxalement (et là je suis tout à fait de parti pris, je l‘avoue !), le grand film méprisé de Spielberg, dans lequel le continent Africain joue aussi un rôle fondamental, va au fil du temps acquérir un statut de chef-d’œuvre incontesté d’amour et de larmes… Quoi qu’il en soit, et quelle que soit sa valeur réelle, OUT OF AFRICA va être reconnu comme le pinacle de l’œuvre de Sydney Pollack. Car, hélas, dans la décennie suivante, les choses vont sérieusement se gâter, le style du cinéaste, toujours très policé, va peu à peu perdre de sa superbe pour tomber dans le travail routinier.  

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Ci-dessus : le vol en avion de Karen Blixen et Denis Finch-Hatton (Meryl Streep et Robert Redford). La grande scène romantique d’OUT OF AFRICA, magnifiée par la musique de John Barry.  

Après cinq ans d’attente, Sydney Pollack et Robert Redford font de nouveau équipe et présentent en 1990 HAVANA. La déception publique et critique est générale devant ce remake à peine déguisé du légendaire CASABLANCA de Michael Curtiz, laborieusement transposé dans le Cuba de la fin de règne du dictateur Batista, avant l’arrivée de Fidel, Che et leurs sbires. Ce sera la septième et dernière collaboration filmique de Pollack et Redford… En 1993, Sydney Pollack adaptera un roman du très populaire spécialiste du thriller judiciaire John Grisham, avec LA FIRME. Le film, correct mais pas inoubliable, soutenu par une belle équipe d’acteurs chevronnés (Tom Cruise, Gene Hackman, Ed Harris, Hal Holbrook, Holly Hunter, entre autres), remporte un grand succès. Grand admirateur de Wilder (on pouvait le pressentir pour TOOTSIE), Sydney Pollack va avoir l’occasion de lui rendre directement hommage en remakant un de ses bijoux, SABRINA, en 1995. Mais la magie n’opère pas, c’est peu dire, même si Harrison Ford sauve les meubles en reprenant le rôle de Humphrey Bogart. Le film est un sérieux échec et Pollack ne retournera à la mise en scène qu’en 1999, avec toujours Harrison Ford (entamant alors hélas le début d‘une certaine traversée du désert cinématographique), associé à Kristin Scott Thomas dans RANDOM HEARTS, titré chez nous L’OMBRE D’UN SOUPÇON pour bien enfoncer le clou de la référence hitchcockienne. C’est de nouveau un échec pour Pollack qui s’est alors à l’époque tourné vers la production de films.  

Il faudra attendre 2005 pour voir le nom du cinéaste de nouveau à l’affiche, pour ce qui sera donc son ultime film de fiction avec L’INTERPRÈTE. Sydney Pollack y dirige sa partenaire d’EYES WIDE SHUT, Nicole Kidman en personne, face à Sean Penn, dans un thriller politique correctement réalisé, écrit et joué, mais qui peine à vouloir retrouver les recettes mises en œuvre trente ans plus tôt avec LES TROIS JOURS DU CONDOR. Cette même année, Pollack va quand même clore sa carrière de cinéaste par une bonne note, en signant le documentaire ESQUISSES DE FRANK GEHRY sur le célèbre architecte contemporain.  

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Ci-dessus : EYES WIDE SHUT – la confrontation finale entre Victor Ziegler et William Harford (Sydney Pollack acteur face à Tom Cruise).  

 

La carrière filmique de Sydney Pollack ne s’arrête cependant pas à ses réalisations, réussies ou pas. L’homme était aussi reconnu pour être un talentueux comédien (qui n’a pas oublié sa formation chez Meisner) et un producteur actif et passionné. En tant que comédien, Pollack fit ses débuts « officiels » dans les savoureuses scènes de TOOTSIE, et, quelques années plus tard, va livrer d’excellentes prestations dans de nombreuses apparitions – parfois des caméos, mais aussi des rôles importants. Citons en bref : THE PLAYER de Robert Altman ; une scène réjouissante dans LA MORT VOUS VA SI BIEN de Robert Zemeckis, où il examine une Meryl Streep complètement démantibulée ; MARIS ET FEMMES de Woody Allen ; A CIVIL ACTION (PRÉJUDICE) de Steven Zaillian ; une prestation plus embarrassée dans FAUTEUILS D’ORCHESTRE de Danièle Thompson (où il subit de plein fouet, le pauvre, le numéro « chargeurs réunis » de Valérie Lemercier) ; jusqu’à MICHAEL CLAYTON, de Tony Gilroy, sorti l’an dernier, où il faisait face à George Clooney. Mais son rôle le plus mémorable sera celui de Victor Ziegler dans EYES WIDE SHUT, l’ultime chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, où celui-ci l’appela pour remplacer au pied levé Harvey Keitel. Face à Tom Cruise, sa vedette de LA FIRME et son ami dans la vie, Sydney Pollack est magistral dans le rôle d’un notable de Park West doucement paranoïaque, comploteur et libidineux. La confrontation finale entre lui et Cruise, autour d’un whisky et d’une table de billard, est un extraordinaire moment de tension psychologique, et où Pollack s’avère être un acteur exceptionnel.  

En tant que producteur (exécutif ou non), Sydney Pollack va s’investir à fond à partir de la fin des années 1980, jusqu’à cette année 2008 fatidique, donnant notamment l’occasion à des jeunes réalisateurs prometteurs, ou bien à des cinéastes venus de l’étranger, de mettre en scène leurs films. Le nom de Pollack apparaît ainsi au générique des films suivants (pour ne citer que les plus connus) : THE FABULOUS BAKER BOYS (SUSIE ET LES BAKER BOYS) de Steven Kloves avec la belle Michelle Pfeiffer et les frères Jeff et Beau Bridges ; PRÉSUMÉ INNOCENT d’Alan J. Pakula avec Harrison Ford ; DEAD AGAIN de Kenneth Branagh ; SEARCHING FOR BOBBY FISCHER de Steven Zaillian avec Joe Mantegna, Joan Allen et Ben Kingsley ; RAISON ET SENTIMENTS d’Ang Lee avec Emma Thompson, Hugh Grant, Alan Rickman et Kate Winslet ; deux films d’Anthony Minghella (lui-même disparu en ce début d’année), LE TALENTUEUX MONSIEUR RIPLEY avec Matt Damon, Jude Law, Gwyneth Paltrow et Cate Blanchett, et RETOUR A COLD MOUNTAIN, avec entre autres Jude Law, Nicole Kidman et Renée Zellweger, et ses dernières collaborations avec George Clooney pour MICHAEL CLAYTON puis LEATHERHEADS (JEUX DE DUPES).  

Nous verrons encore le nom de Pollack cité comme producteur cette année, aux génériques des drames MARGARET, de Kenneth Lonergan, avec Matt Damon et Anna Paquin, et THE READER de Stephen Daldry, avec Kate Winslet et Ralph Fiennes.  

Sydney Pollack laissera dans le monde du cinéma le souvenir d’un homme fin, intelligent, courtois, et toujours très actif pour défendre sa passion du cinéma.



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