Robert Mulligan (1925-2008)

robertmulligan.jpg  

Un cinéaste attachant s’en est allé le 20 décembre dernier, à l’âge de 83 ans. Il s’appelait Robert Mulligan, et il mérite bien ici que nous lui rendions hommage. Cet homme d’une grande discrétion était un réalisateur de grand talent, particulièrement doué pour les films dramatiques, dont il a signé quelques très beaux fleurons durant les années 1960-1970.  

Né en 1925, Mulligan a étudié à l’Université de Fordham avant de servir durant la 2e Guerre Mondiale dans le corps des US Marines. La guerre finie, il travailla au département éditeur du New York Times, mais rejoignit bientôt le monde de la télévision, alors à ses premiers balbutiements dans l‘Amérique de l‘après-guerre. Employé chez CBS, Mulligan débuta sa carrière au bas de l’échelle, en tant que messager, et apprit vite les ficelles du métier. Tant et si bien qu’il devint réalisateur en 1948, sur d’importantes séries dramatiques, durant plus d’une décennie. Pour l’anecdote, signalons qu’il y tourna un THE DEATH OF BILLY THE KID, avec un certain Paul Newman, quelques années avant que ce dernier (disparu, rappelons-le, il y a peu) n‘interprète un GAUCHER de célèbre mémoire. En 1957, Robert Mulligan signa son premier film de cinéma, FEAR STRIKES OUT (PRISONNIER DE LA PEUR), un drame avec Anthony Perkins et Karl Malden. Deux ans plus tard, il remporta l’Emmy Award de la mise en scène pour THE MOON AND SIXPENCE, production télévisée qui mettait en vedette le grand acteur britannique Sir Laurence Olivier en personne. Il revint au cinéma en 1960, pour signer THE RAT RACE (LES PIÈGES DE BROADWAY) avec Tony Curtis et Debbie Reynolds. Mulligan entama ainsi une décennie fructueuse qui va faire de lui un cinéaste peu à peu reconnu comme de premier plan, particulièrement à l’aise dans le drame intimiste. Il retrouva Tony Curtis l’année suivante, pour signer THE GREAT IMPOSTOR (LE ROI DES IMPOSTEURS), et réalisa immédiatement après COME SEPTEMBER (LE RENDEZ-VOUS DE SEPTEMBRE), avec Gina Lollobrigida et Rock Hudson.  

tokillamockingbirddusilenceetdesombres.jpg

1962 : toujours très actif, Mulligan tourna THE SPIRAL ROAD (L’HOMME DE BORNÉO), un film d’aventures avec Rock Hudson, Burl Ives et Gena Rowlands, d’après le livre de Jan de Hartog, avant d’enchaîner sur son film le plus célèbre. Adapté du roman de Harper Lee, TO KILL A MOCKINGBIRD (DU SILENCE ET DES OMBRES) demeure, 46 ans après sa sortie, une réussite à tout point de vue : Gregory Peck y livre une performance mémorable dans le rôle d’Atticus Finch, un avocat veuf, élevant seul ses deux enfants dans une petite ville d’Alabama rongée par le racisme, durant la Grande Dépression. Raconté du point de vue de Scout, la petite fille de l’avocat, le film (écrit par le grand dramaturge Horton Foote) marque les mémoires, tant par son atmosphère nostalgique teintée de noirceur que par sa critique virulente du racisme « redneck », hélas encore bien actif à l‘époque du film comme de nos jours. Outre Peck, les autres comédiens accomplissent de remarquables performances – notamment Brock Peters, dans le rôle de Tom Robinson, l’ouvrier Noir injustement accusé d’un viol, et un jeune Robert Duvall qui, en quelques minutes de présence muette dans le rôle de « Boo » Radley, se révèle déjà un grand acteur. Et surtout, Mulligan se montre un excellent directeur d’enfants comédiens, dont l’inoubliable petite Mary Badham, la petite Scout qui découvre le monde injuste des adultes. Le film sera un succès à sa sortie, reconnu comme un indémodable classique du grand cinéma Américain. Robert Mulligan fut nominé à l’Oscar du Meilleur Réalisateur, ainsi qu’aux Directors Guild of America Awards pour ce film.  

Image de prévisualisation YouTube

Ci-dessus : la bande-annonce en VO de TO KILL A MOCKINGBIRD / Du Silence et des Ombres.    

Image de prévisualisation YouTube

Ci-dessus : un montage photo accompagnant le superbe monologue (VO) prononcé par Atticus (Gregory Peck) à la fin du procès de TO KILL A MOCKINGBIRD.

lovewithaproperstrangerunecertainerencontre.jpg  

Image de prévisualisation YouTube 

Ci-dessus : un extrait en VO de LOVE WITH THE PROPER STRANGER / Une Certaine Rencontre. Rocky (Steve McQueen) accompagne Angie (Natalie Wood), qui va subir un avortement clandestin…  

En 1963, Robert Mulligan signa LOVE WITH THE PROPER STRANGER (UNE CERTAINE RENCONTRE), avec Steve McQueen et Natalie Wood. Un beau drame romantique qui permet à McQueen de briller dans un rôle bien différent, plus tendre, que les grands films d’action qui ont fait sa gloire. Les deux vedettes de LOVE WITH THE PROPER STRANGER retrouveront d’ailleurs Mulligan en 1965, pour ses deux films suivants. McQueen excellera dans un autre rôle dramatique aux côtés de Lee Remick : BABY, THE RAIN MUST FALL (LE SILLAGE DE LA VIOLENCE), et Natalie Wood tiendra le rôle-titre de INSIDE DAISY CLOVER (DAISY CLOVER) avec Christopher Plummer et Robert Redford. 1967 : Mulligan réalisa UP THE DOWN STAIRCASE (ESCALIER INTERDIT) avec Sandy Dennis, puis retrouva l’année suivante Gregory Peck pour un western, THE STALKING MOON (L’HOMME SAUVAGE), où le héros de TO KILL A MOCKINGBIRD joue aux côtés d’Eva Marie Saint.  

Image de prévisualisation YouTube

Ci-dessus : un montage photo des scènes d’UN ETE 42, accompagné par la célèbre musique de Michel Legrand.  

En 1971, Robert Mulligan revint à l’affiche avec deux nouveaux films : THE PURSUIT OF HAPPINESS avec Michael Sarrazin et Barbara Hershey. C’est cependant son film suivant, UN ÉTÉ 42, qui va rester dans les mémoires et connaître un grand succès à sa sortie. Bercée par la célèbre musique de Michel Legrand, UN ÉTÉ 42 relate avec beaucoup de tact l’histoire d’amour d’un adolescent, Hermie, avec Dorothy, une belle jeune veuve d’un pilote de l’US Air Force mort au combat. Mulligan y évite les pièges d’une histoire qui, sur le papier, pourrait être graveleuse ou niaise, et, à l’écran, le film dégage toujours une belle force poétique, pleine de mélancolie. Le cinéaste se montre une nouvelle fois un excellent directeur de jeunes comédiens, Gary Grimes étant excellent dans le rôle délicat de Hermie. Et la magnifique Jennifer O’Neill marquera les souvenirs des spectateurs. Robert Mulligan décrochera pour UN ÉTÉ 42 une nomination au Golden Globe du Meilleur Réalisateur et à la Directors Guild of America Award.  

lautre.jpg

Robert Mulligan va par la suite ralentir quelque peu le rythme de ses tournages, mais livrera encore quelques belles réussites. Comme L’AUTRE, sorti en 1972. Dans la mouvance des films fantastiques produits par les majors suite au succès de ROSEMARY’S BABY, et peu avant le triomphe de L’EXORCISTE, L’AUTRE se remarque comme une des plus belles réussites du genre. Adapté du roman de l’ancien acteur Tom Tryon, le film relate une histoire inquiétante liée à deux jumeaux, Niles et Holland Perry, durant leurs vacances d‘été dans les années 1930s. Holland, le plus turbulent des deux frères, semble tirer un malin plaisir à commettre des bêtises dont Niles se retrouve accusé… mais ce n’est qu’un aspect du film, particulièrement touchant et effrayant. Magnifiquement filmé et interprété (les jumeaux Chris et Martin Udvarnocky sont particulièrement convaincants, de même que la grande actrice allemande Uta Hagen), L’AUTRE distille une atmosphère d’ »angoisse paisible », le réalisateur tordant habilement le cou aux clichés surnaturels d’usage : en lieu et place, Mulligan filme une demeure chaleureuse, une ferme baignée par le soleil de douces vacances d’été, et utilise tout en suggestion les éléments fantastiques et horrifiques. Peu d’effets choc, mais un usage habile de la caméra et du découpage, des dialogues tout en retenue, des acteurs crédibles, et tout cela suffit pour, au final, tétaniser d’horreur le spectateur à chaque révélation du scénario. Du grand art, pour un film à redécouvrir et réhabiliter d‘urgence.  

Ci-dessous, la bande-annonce originale du film établit parfaitement l’atmosphère du film.  

Image de prévisualisation YouTube

En 1974, Mulligan signa NICKEL RIDE, avec Jason Miller, sur un scénario d’Eric Roth (le futur auteur des scripts de FORREST GUMP, ALI, BENJAMIN BUTTON et quelques autres réussites). Il tournera encore deux films en 1978, BLOODBROTHERS (LES CHAÎNES DU SANG) avec un jeune acteur prometteur, Richard Gere, et connaîtra de nouveau le succès avec la comédie douce-amère MÊME HEURE, L’ANNÉE PROCHAINE, avec Ellen Burstyn et Alan Alda.  

En vieillissant, le réalisateur s’éloignera de plus en plus des plateaux de tournage, signant encore trois films. En 1982, il dirigea Sally Field, James Caan et Jeff Bridges dans KISS ME GOODBYE. Il faudra attendre six années pour le voir signer CLARA’S HEART (LE SECRET DE CLARA) avec Whoopi Goldberg. Ces deux films passeront inaperçus, mais le cinéaste signera un joli dernier film en 1991, hâtivement vu comme le pendant féminin de son ÉTÉ 42 : THE MAN IN THE MOON (UN ÉTÉ EN LOUISIANE), avec Sam Waterston. Et une jeune révélation, prouvant une fois de plus son talent de découvreur de jeunes acteurs : une Reese Witherspoon encore adolescente, et qui porte le film avec charme et naturel, entamant dans les louanges une carrière prometteuse. En voici un extrait (non sous-titré et « compressé »…) :  

Image de prévisualisation YouTube

Le premier film de la jeune comédienne sera aussi donc le dernier de Robert Mulligan, qui goûtera par la suite une retraite bien méritée, et dont le nom restera associé à quelques indiscutables classiques du Cinéma Américain.

0 commentaire à “Robert Mulligan (1925-2008)”


  1. Aucun commentaire

Laisser un commentaire



Winx club le film |
La vie est un long film tra... |
Cinéma et science-fiction |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Festival 8-9,5-16
| pieces of one piece
| Site déménage