Archives pour juin 2010

Les Maquisards de Sherwood – ROBIN DES BOIS

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ROBIN DES BOIS, de Ridley SCOTT  

l’Histoire :  

en 1199, le Royaume d‘Angleterre connaît de sombres heures. Le Roi Richard Cœur de Lion, parti dix ans plus tôt libérer Jérusalem pour la Troisième Croisade, a échoué dans sa tentative, et entreprend un périlleux voyage de retour à travers l‘Europe, et ses royaumes rivaux.  

Pour permettre le retour de Richard et de son armée en Angleterre, des impôts très lourds sont prélevés sur une population misérable. Pauvres et affamés, des enfants sans père se réfugient dans la forêt de Sherwood, voisine de la ville de Nottingham, et pillent les maigres réserves de nourriture amassées par Marian Loxley pour aider ses gens. Richard Cœur de Lion, accompagné de Lord Robert Loxley, l’époux de Marian, arrive à Châlus, en plein cœur de la France, et entame le siège du château fort local. Des combats épuisants opposent l‘armée de Richard aux français. Un archer vétéran, Robin Longstride, et ses compagnons de guerre se distinguent par leur bravoure au cœur des batailles.  

À la Cour d‘Angleterre, les complots politiques se multiplient, avec l‘annonce du retour imminent de Richard en son royaume. Ce qui inquiète surtout son frère cadet, le Prince Jean, ambitieux mais influençable, qui conspire pour s’emparer du trône, malgré l‘opposition des barons fidèles au roi, menés par William Marshal. Contre l’avis de sa mère Aliénor d’Aquitaine, Jean épouse Isabelle d‘Angoulême, jeune nièce du Roi de France Philippe II, dans le cadre d‘une alliance politique contre Richard. L’envoyé de Jean auprès du Roi de France, Godfrey, un noble sans scrupules, rencontre en secret ce dernier et prépare une embuscade en Bretagne, dans la forêt de Brocéliande, pour assassiner le Roi d‘Angleterre.   À Châlus, Robin est salué par Richard pour son courage, mais ose critiquer sa conduite durant la Croisade, et, en châtiment, se retrouve mis au pilori avec ses camarades. Menant la charge contre le château, Richard Cœur de Lion est tué par un carreau d‘arbalète. Robin profite de la confusion pour s‘enfuir avec ses amis – Little John, le jeune Jamie, Will Scarlet et Allan A‘Dayle – et rejoindre l‘Angleterre au plus vite. Ils traversent la forêt de Brocéliande, où Sir Robert Loxley, ramenant la couronne du défunt roi à Londres, est attaqué par Godfrey et les soldats français…  

 

La Critique : 

«Bienvenue à Sherwood, Milady !».  

Robin des Bois… souvenirs de ma toute première séance de cinéma ! J’étais tout petit quand ma mère m’emmena voir, avec ma grande sœur, le dessin animé des studios Disney, gentille relecture animalière des exploits de l’archer de Sherwood. Dans un cinéma délabré de ma bonne ville natale de Saint-Yrieix-la Perche (Haute-Vienne – goûtez nos excellentes madeleines), la projection fut interrompue plusieurs fois, la bobine du film se cassant dans le vieux projecteur. Des puces grouillaient dans la salle, paraît-il. Ce vieux cinéma agonisa encore quelques années, avant de fermer définitivement. Il s’appelait le Ludo… Appelez ça une coïncidence ou un signe de ma future grande passion. Si le souvenir du film s‘effaça vite dans ma mémoire, le nom et la légende de Robin des Bois allait rester quelque part dans mon petit monde imaginaire, parmi les grands noms de l’aventure de cape et d’épée, Zorro ou d’Artagnan. Qui sait ? Enfant, en me promenant près des petits bois de ma région, je me suis peut-être imaginé faire partie des Joyeux Compagnons, narguant l’usurpateur Prince Jean, et le brutal Shérif de Nottingham ?  

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Autre coïncidence, des années plus tard… on m’apprit que ma ville natale était traversée par le circuit touristique de la Route Richard Cœur de Lion ; le fameux Roi d’Angleterre, celui-là pour qui Robin des Bois s’était battu dans les légendes, n’était en fait jamais rentré des Croisades pour châtier son vilain petit frère Jean ; il trouva la mort devant le château de la ville voisine de Châlus, après onze jours d’agonie, la faute à un carreau d’arbalète français… Blessure de guerre mortelle, survenue durant une période de conflits incessants entre les Rois d’Angleterre maîtres de l’Aquitaine, et leurs rivaux les Rois de France, sur fond de Croisades.  

Voilà donc mes premières «connexions» avec l’univers de Robin des Bois, me faisant aller entre la réalité historique et la légende trépidante.

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Connexions alimentées bien sûr aussi par les innombrables versions du mythe créé autour du personnage, qui a traversé les siècles pour devenir partie intégrante de la culture populaire. Une imagerie largement alimentée par le Cinéma, via les classiques avec Douglas Fairbanks en 1922, et surtout Errol Flynn dans la version Technicolor de 1938, signée Michael Curtiz et William Keighley, classique délicieusement suranné et porte-étendard du genre «swashbuckler» alors à la mode à Hollywood. Un genre franchement parodié (par John Cleese dans BANDITS BANDITS, Mel Brooks, ou même Shrek…), souvent revisité entre versions plus ou moins fidèles, du nostalgique LA ROSE ET LA FLECHE de 1976 avec Sean Connery et Audrey Hepburn, superbes Robin et Marian vieillissants, à la plus connue version «rock’n roll» de 1991 due à Kevin Reynolds, avec un improbable Kevin Costner (et son accent western si reconnaissable !), l’indispensable Morgan Freeman, la charmante Mary Elizabeth Mastrantonio, Alan Rickman déchaîné en odieux Shérif, et Sean Connery, encore lui, en guest star royale.  

Voilà les longs préambules nous menant à ce ROBIN DES BOIS 2010 démythifié, revu par un cinéaste expert ès épopées impitoyables, Sir Ridley Scott, qui boucle une fructueuse dernière décennie, avec à son actif des GLADIATOR, LA CHUTE DU FAUCON NOIR, KINGDOM OF HEAVEN, AMERICAN GANGSTER. Scott qui retrouve pour la cinquième fois son parfait binôme, «Maximus» Russell Crowe, aux côtés de la grande Cate Blanchett. Le scénariste Brian Helgeland (MYSTIC RIVER, L.A. CONFIDENTIAL, MAN ON FIRE), également réalisateur d’un CHEVALIER plaisant et aussi très «rock‘n roll», s’est associé à Scott pour recréer le climat d’une époque médiévale qui tranche radicalement avec la légende dorée de Robin des Bois. Certes, en bons hommes de spectacle, les deux hommes nous livrent avant tout un récit d’aventures truffé de batailles spectaculaires, mais ils se sont surtout accordés pour démythifier une époque rude : l’Europe de la fin du 12ème Siècle, théâtre de luttes seigneuriales, de conflits sanglants et d’une misère sociale extrême, n’ayant donc rien à voir avec la joyeuse ambiance des films d’Errol Flynn dans ses magnifiques collants…  

À la vision de la dernière scène de KINGDOM OF HEAVEN, montrant la rencontre du chevalier Balian (Orlando Bloom) avec le Roi Richard en partance pour la Terre Sainte, on devinait déjà l’envie de Ridley Scott de traiter sous un angle réaliste les origines de Robin des Bois. Le cinéaste ne s’en cachait d’ailleurs pas dans ses commentaires sur son film ; il envisageait, dans les ébauches du scénario de KINGDOM, de conclure l’histoire en menant Balian en Angleterre et de lui faire endosser la future identité de Robin. Idée abandonnée, mais l’envie de s’emparer du mythe était déjà là. Son ROBIN DES BOIS se pose donc au final comme une suite «indirecte» de son épopée des Croisades – beau film au montage hélas tronqué lors de sa sortie en salles, et qui devient un pur chef-d’œuvre dans sa version intégrale sortie en DVD. Avec l’apport de Helgeland, Ridley Scott revient à un thème qui l’obsède depuis le début de sa carrière, la Chevalerie. Avec tout ce que ce mot implique d’imagerie héroïque, de duels, d’amour courtois et de code d’honneur respectés ou trahis entre de puissants antagonistes. Pratiquement toute sa filmographie est nourrie de ces thèmes : clairement annoncé par les titres évocateurs de DUELLISTES, BLADE RUNNER, GLADIATOR, définissant autant de guerriers obsessionnels affrontant en combat singulier de redoutables adversaires (incarnés par Harvey Keitel, Rutger Hauer ou Joaquin Phoenix), l’esprit de chevalerie est aussi omniprésent dans LEGEND (Tom Cruise «intronisé» chevalier blanc, à la rescousse d’une princesse en péril) et bien sûr dans ses épopées KINGDOM OF HEAVEN et 1492 : CHRISTOPHE COLOMB. De façon plus inattendue, le thème revient aussi, dissimulé dans ses films contemporains, que ce soit les films policiers (TRAQUEE, notamment, et sa romance entre un flic du Queens et une «princesse» de Central Park), ou une brève mention dans LA CHUTE DU FAUCON NOIR (le dessin d’un soldat avant la bataille, illustrant un Samouraï dans une forêt sortie des récits d‘Akira Kurosawa)… même le final d’ALIEN prenait des allures de combat héraldique entre une Saint-Georges des temps futurs, Ripley (Sigourney Weaver) et son Dragon, l’Alien… même le calamiteux G.I. JANE perpétuait aussi une forme de chevalerie «médiatique» désabusée, par le personnage de Demi Moore, championne désignée de la lutte politique d’une sénatrice ambitieuse…

ROBIN DES BOIS est en quelque sorte l’aboutissement des obsessions «chevaleresques» de Ridley Scott, qui enracine la mythologie dans la réalité la plus crue. Le choix du cinéaste et de son scénariste de situer un moment important de l’action dans la Forêt de Brocéliande n’est pas le fruit du hasard. Tout en jouant sur le souci de réalisme historique – Brocéliande existe réellement, non loin de Rennes en Bretagne, et est donc un endroit tout à fait plausible pour le voyage de notre héros -, Ridley Scott n’allait certainement pas passer à côté de la légende du Roi Arthur, inspirée par cette célèbre forêt. Le rappel est tout à fait évident lorsque Robin prête serment de loyauté sur l’épée d’un seigneur mourant. On se retrouve en pleine légende arthurienne, si magnifiquement évoquée en 1981 par EXCALIBUR, le film de John Boorman, dont Scott est d’ailleurs un grand admirateur. Le scénario de Brian Helgeland sait très bien tenir compte de cet esprit «arthurien», en évoquant avec finesse l’histoire d’amour naissante entre Robin et Marian. Une véritable histoire de «fin’amor» entre le guerrier désillusionné et la dame de haut rang. Un amour courtois qui ne signifie pas amour platonique, la romance est à l’image de l’époque, charnelle et naturaliste. Le scénariste s’amuse en créant des dialogues à double sens («A good night/ a good knight») autour de cette relation, contrebalancée par les mœurs paillardes des camarades de Robin, joyeux larrons appréciant les girondes villageoises de Nottingham ! On reconnaît là la touche de grivoiserie légère propre au scénariste-réalisateur de CHEVALIER, dans lequel Geoffrey Chaucer (génial Paul Bettany) jouait un rôle important. L’esprit de l’auteur anglais des CONTES DE CANTERBURY, prédécesseur historique de notre Rabelais national, est présent dans cette évocation sans fard des mœurs du Moyen Âge. Le personnage du bon gros Frère Tuck va d’ailleurs dans ce même sens. Le brave moine aux appétits bien terrestres (son nom, «Tuck» signifie «ripaille» en anglais) n’est apparu qu’assez tard dans les récits sur Robin des Bois, eux-mêmes inspirés par les écrits de Chaucer et Rabelais… le choix de Mark Addy, qui a d’ailleurs joué dans CHEVALIER, renforce ce traitement «à la Chaucer» de l’épopée.  

Suivant la même idée d’implanter la fiction dans la réalité historique, Ridley Scott et son scénariste reviennent aussi aux racines mêmes du personnage de Robin. Le texte déroulant qui ouvre le film pose la question de la nature même du héros. Quelques notes glanées chez le Grand Oracle Wikipédia sur les origines de l’histoire de Robin des Bois montraient que, d’un récit à un autre, ce dernier passait du statut de paysan révolté à celui de brigand assassin sans foi ni loi, de l’aristocrate révolté partisan de Richard Cœur de Lion à celui de justicier rendant aux pauvres ce qu’il prend aux riches… le tout au gré des thèmes et des courants littéraires alors en vogue selon le contexte. Le nom original du héros, qui est aussi celui du titre du film, porte autant à confusion en français qu‘il traduit sa nature profonde, en anglais. Robin Hood ne devrait pas se traduire par Robin des Bois (ce serait alors «Robin Wood»), mais plutôt «Robin à la Cagoule» (désignant un élément vestimentaire de l‘époque)… un double sens en découle : dès le 13ème Siècle, le nom générique «Robehood» désignait à la fois les brigands réfugiés dans les bois d‘Angleterre, et leurs actes de brigandage… Symboliquement, donc, «Robin Hood» représente l’homme qui, se dressant contre un pouvoir absolu corrupteur, se met volontairement hors la loi, en rejoignant la forêt, lieu par excellence de la vie primitive opposée à la civilisation… ce qui explique peut-être le contresens, finalement logique, de la traduction française !

ROBIN DES BOIS est à la fois le personnage central, et, à l’instar des DUELLISTES, BLADE RUNNER et GLADIATOR, l’incarnation de son propre symbole, lié aux ravages de la guerre. Ridley Scott aborde ici un thème particulièrement riche, d’autant plus qu’il demeure présent encore de nos jours dans l’imaginaire collectif contemporain. Robin des Bois, qu’il soit réel ou légendaire, a une forte valeur de symbole politique. Voyez aussi comment tant de grands personnages rebelles se sont approprié inconsciemment le mythe de Robin en prenant le maquis contre des autorités corrompues : Che Guevara, le Sous-Commandant Marcos, Phoolan Devi la «Reine des Bandits», etc. se sont souvent vus qualifiés de «Robin des Bois» contemporains. Faisant de son Robin une sorte de maquisard médiéval, héroïque mais aussi ambigu, Ridley Scott a su capter l’esprit même du mythe, incarnation de la révolte populaire face à un pouvoir arbitraire. Lutte représentée dans le film par les conflits et complots opposant à la Cour d’Angleterre les barons, menés par William Marshal (Guillaume le Maréchal, «le Plus Grand Chevalier d‘Angleterre», importante figure historique de la fin du 12ème Siècle, incarné ici par le toujours solide William Hurt), le faible Prince Jean et les agents à la solde du Roi de France. Helgeland et Scott respectent d’ailleurs la vérité historique en annonçant la future signature de la Grande Charte, important texte juridique qui établira en 1215 les bases du tout premier code civil anglais sur le droit aux libertés individuelles. Établissant l’habeas corpus contre l’emprisonnement arbitraire, la Grande Charte sera signée par un Prince Jean rechignant d’ailleurs à l’appliquer, ce qui entraînera d’ailleurs la Première Guerre des Barons en Angleterre, de 1215 à 1217.  

Les auteurs de ce nouveau ROBIN DES BOIS ont su bâtir leur récit en respectant le contexte historique : les errements de Richard Cœur de Lion aboutissant à sa mort à Châlus, la rivalité réelle entre Richard et Jean, alimentée par les intrigues de leur mère Aliénor d’Aquitaine, la montée au pouvoir en France de Philippe II (le futur Philippe Auguste, vainqueur de Bouvines. Vive la France qui gagne !)… l’arrière-plan historique et politique de l’époque est fidèlement recréé, comme sans doute il n’a jamais été conçu auparavant dans un film sur Robin des Bois.  

 

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Côté mise en scène, Ridley Scott met à profit son immense expérience de cinéaste à grand spectacle pour nous livrer, plus qu’un film d’aventures médiévales, un vrai film de guerre ! La bande des «Joyeux Compagnons» de Robin – Petit Jean, Will Scarlet… -, démythifiée par le scénario de Helgeland, devient sous les caméras de Ridley Scott un véritable commando de durs à cuire, une horde sauvage n‘ayant rien à envier à Sam Peckinpah et aux films de «durs à cuire» des années 60, comme LES SEPT MERCENAIRES, LES PROFESSIONNELS, etc. Et oui, ROBIN DES BOIS assume aussi ses airs de western !

Dans son récit, Scott cite par ailleurs des classiques inattendus : une scène de danse et séduction entre Robin et Marian, au son de la ballade celtique «Women of Ireland» familière à ceux qui ont vu BARRY LYNDON, et un grand finale furieux et barbare, où il est fortement question d’un débarquement militaire sur une plage… quand la scène s’attarde sur des fantassins entraînés au fond de la Manche par le poids de leurs armures, l’hommage au SOLDAT RYAN de Steven Spielberg est évident ! Autant qu’à la bataille finale d’ALEXANDRE NEVSKI d’Eisenstein, avec son lac gelé se brisant sous le poids des Chevaliers Teutons…

Aidé par le travail de son chef-opérateur de GLADIATOR, John Mathieson, Ridley Scott reconstitue une époque âpre, sauvage, avec le sens du détail visuel qu’on lui connaît. Les clichés romantiques du vieil Hollywood sont bien loin, la France et l’Angleterre moyenâgeuse sont ici décrites dans toute leur froide brutalité. Accompagnée par la percutante musique de Mark Streitenfeld (un des disciples les plus doués de Hans Zimmer), l’action est épique et violente, frontale et dérangeante, comme dans cette scène de mise à sac du village de Nottingham qui, restant dans l’optique «film de guerre» appliquée par le réalisateur, évoque les souvenirs des villages martyrs de la 2ème Guerre Mondiale.  

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Les acteurs sont irréprochables. Chez les seconds rôles, outre le truculent Mark Addy et ses abeilles, et William Hurt, saluons surtout les prestations du grand acteur suédois Max von Sydöw, dont la diction et la tenue shakespearienne font une fois de plus merveille, et de Mark Strong, comédien britannique que cette année 2010 couronne nouveau roi des méchants du grand écran, juste après son rôle dans SHERLOCK HOLMES !

Dans le rôle-titre, Russell Crowe impressionne la pellicule, comme à l’accoutumée ! Littéralement «dégraissé» après avoir affiché un solide embonpoint dans ses deux films précédents, BODY OF LIES / Mensonges d’État et STATE OF PLAY / Jeux de Pouvoir, il impose la même puissance physique qu’à l’époque de GLADIATOR, et campe ici un véritable vétéran de guerre. Un Robin désabusé, poussé par les circonstances à incarner un héros qu’il n’est pas, et donc particulièrement complexe sous ses airs de sauvage.

Sa compatriote Wallaby, Cate Blanchett, est une nouvelle fois magnifique. Elle devient une Marian endurcie par les drames, dure à la tache et n’hésitant pas à partir au combat, une vraie guerrière bien éloignée elle aussi du cliché de la demoiselle médiévale en détresse. Portée par ces deux immenses comédiens, la romance à l’écran de Robin et Marian sonne toujours juste, sans sentimentalisme excessif.

Pour l’anecdote, on notera que c’est la seconde fois que «Russ» combat les Français (après MASTER AND COMMANDER) et que Dame Cate défend l’Angleterre avec autant de détermination que face à l’Invincible Armada espagnole dans ELIZABETH L’ÂGE D’OR. Toujours royale, l’actrice australienne serait parfaite pour incarner Boudicca (ou Boadicée), la Reine Guerrière celte qui combattit les Romains – et devint le symbole de l’Angleterre résistante aux invasions…  

 

La flèche a fait mouche !

 

la note :

 

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Ludovico Hood (mais où es-tu donc, belle Marian ?)

 

La Fiche Technique :

 

ROBIN HOOD / ROBIN DES BOIS  

Réalisé par Ridley SCOTT   Scénario de Brian HELGELAND 

Avec : Russell CROWE (Robin Longstride), Cate BLANCHETT (Marian Loxley), Max Von SYDÖW (Sir Walter Loxley), William HURT (Sir William Marshal), Mark STRONG (Sir Godfrey), Oscar ISAAC (le Prince Jean), Danny HUSTON (le Roi Richard Cœur de Lion), Eileen ATKINS (Aliénor d’Aquitaine), Mark ADDY (le Frère Tuck), Matthew MACFADYEN (le Shérif de Nottingham), Kevin DURAND (Little John – Petit Jean), Scott GRIMES (Will Scarlet), Alan DOYLE (Allan A’Dayle), Douglas HODGE (Sir Robert Loxley), Léa SEYDOUX (Isabelle d’Angoulême), Jonathan ZACCAI (Philippe II, Roi de France) 

Produit par Russell CROWE, Brian GRAZER et Ridley SCOTT (Universal Pictures / Imagine Entertainment / Relativity Media / Scott Free Productions)   Producteurs Exécutifs Michael COSTIGAN, Ryan KAVANAUGH, Charles J.D. SCHLISSEL et James WHITAKER   Musique Mark STREITENFELD   Photo John MATHIESON   Montage Pietro SCALIA   Casting Jina JAYDécors Arthur MAX   Direction Artistique John KING, David ALLDAY, Ray CHAN, Karen WAKEFIELD, Alex CAMERON, Anthony CARON-DELION, Marc HOMES, Matthew ROBINSON, Mike STALLION, Tom STILL, Mark SWAIN et Remo TOZZI   Costumes Janty YATES  

1er Assistant Réalisateur Max KEENE   Réalisateur 2e Équipe Alexander WITT   Cascades Steve DENT 

Mixage Son Tony DAWE et John MOONEY   Effets Spéciaux Sonores Ann SCIBELLI 

Effets Spéciaux Visuels Edson WILLIAMS, Dick EDWARDS, Michael KENNEDY et Richard STAMMERS (Centroid Motion Capture / FB-FX / Hammerhead Productions / Lola Visual Effects / MPC / Plowman Craven & Associates) 

Générique de fin créé par SCARLET LETTERS 

Distribution USA : Universal Pictures / Distribution INTERNATIONAL : UIP   Durée : 2 heures 20

Born to be Wild… – Dennis Hopper (1936-2010)

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Dennis HOPPER (1936-2010)   

J’essaie de me souvenir de la toute première fois où j’ai vu Dennis Hopper jouer dans un film… ça doit remonter à une diffusion à la télévision d’APOCALYPSE NOW. Au terme du terrible voyage au cœur de la Guerre du Viêtnam, les rescapés du commando du Capitaine Willard (Martin Sheen) entrent dans le domaine du Colonel Kurtz (Marlon Brando)… au milieu des indigènes armés, au bord du fleuve, apparaît un drôle d’énergumène hirsute, photographe hippie gesticulant, surexcité de recevoir des compatriotes…  

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«je suis américain, tout va bien !» Bien sûr, bien sûr… des cadavres pendent aux arbres, des têtes coupées traînent partout, les autochtones sont manifestement prêts à massacrer les nouveaux venus, mais tout va très bien. Dennis Hopper vient de faire son entrée remarquée dans le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola, et dans ma mémoire de cinéphile débutant ! Au fil des années, je retrouverai Hopper au fil de films de qualité souvent variable, du chef-d’œuvre indiscutable au cinéma bis le plus paresseux, en passant par des perles de la télévision, des westerns et des films noirs cultes, où à chaque fois, ce voleur de scènes né fera un show inoubliable. Dennis Hopper fut un personnage unique à l‘écran comme dans la vie. En plus de 50 ans de carrière, il campa des rôles de petits voyous, d’hommes tourmentés, des desperados nerveux, parfois aussi des braves types, mais surtout une sacrée galerie de méchants, tordus, pourris et psychopathes en tout genre ! Et pour l‘anecdote, un des acteurs américains les plus souvent tués à l’écran… 

Une présence unique à l’écran donc, alimentée par une vie personnelle des plus «rock’n roll», car Dennis Hopper côtoya aussi quelques-uns des plus grands artistes américains de la seconde partie du 20e Siècle, rendit par son tempérament border line des cinéastes confirmés complètement chèvres, multiplia les conquêtes féminines, les mariages et les divorces, et réussit à survivre à une période noire d‘addiction aux drogues et à l‘alcool. Dépendance dont il saura pourtant se sortir à l’approche de la cinquantaine, et redevenir un artiste confirmé, apprécié pour ses multiples talents, sa disponibilité vis-à-vis de ses fans, faisant de lui l‘exact inverse des affreux qu‘il a incarné à l‘image. Prolifique à l’écran – il est cité dans plus de 200 œuvres, tous supports confondus -, Dennis Hopper était aussi un grand amoureux de l’Art sous toutes ses formes. Cinéaste renommé – EASY RIDER bien sûr, mais aussi les excellents COLORS et HOT SPOT -, photographe, écrivain, poète et sculpteur, il fut reconnu comme un très grand collectionneur d’œuvres d’art. Et comme l’incarnation d’une des figures emblématiques et désenchantées de la contre-culture des années 1960.

 

Vous pouvez voir quelques-uns de ses travaux de photographe en cliquant sur le lien suivant :

http://www.artnet.fr/artist/8500/dennis-hopper.html

… et consulter son impressionnante filmographie en cliquant ci-dessous :

http://www.imdb.com/name/nm0000454/

 

55 années de carrière de Dennis Hopper, c’est une véritable auberge espagnole remplie de succès, d’errances, d’échecs, de rencontres déterminantes et de retours inattendus… difficile donc de tout évoquer ou de résumer chaque film en détail, j’évoquerais ici surtout certains films qui m‘ont marqué, et quelques faits de sa vie tumultueuse.

Je puise comme à l’accoutumée mes informations chez les «Grands Oracles» de l’Internet, les sites Wikipédia et ImdB… Il m’est par conséquent difficile de vérifier l’exactitude des informations. L’ami Hopper ayant eu parfois tendance à inventer, ou du moins exagérer, ses souvenirs, surtout ceux concernant ses années de défonce, cela rend la biographie des plus délicates… Que les admirateurs de Dennis Hopper me pardonnent en cas d’erreur ou d’oubli, et veuillent bien me signaler les corrections nécessaires à apporter !

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Dennis Lee Hopper fut un «westerner», un vrai de vrai. Ce petit-fils de modestes fermiers du Kansas naquit le 17 mai 1936, à Dodge City ; une ville où le Marshal Wyatt Earp s‘illustra, colts au poing, pour faire régner la loi en pleine conquête de l‘Ouest. Par le biais du Cinéma, le petit gars du Kansas rencontrera d‘ailleurs le Marshal héroïque, incarné par Burt Lancaster dans le classique REGLEMENT DE COMPTES A OK CORRAL, sous les caméras de John Sturges…

Les parents de Dennis Hopper, Marjorie Mae et Jay Millard Hopper, emménagent à Kansas City après la 2ème Guerre Mondiale. En grandissant, Dennis participe aux classes d’art du Kansas City Art Institute – où il suit l’enseignement du peintre Thomas Hart Benton, son tout premier mentor qui va lui faire découvrir la peinture. À 13 ans, il emménage avec sa famille à San Diego, en Californie. Marjorie est alors instructrice en secourisme, et Jay directeur d’un bureau de poste. Des années plus tard, Hopper affirmera que son père travaillait en fait pour l’OSS – la future CIA !

Brillant élève à la Helix High School de La Mesa, il apprend les bases du travail d’acteur, et étudie à l’Old Globe Theatre de San Diego ; puis il part étudier à l’Actors Studio de New York, passant cinq ans à travailler sous l’égide du grand Lee Strasberg. Hopper deviendra aussi, vers la même époque, un grand ami du comédien Vincent Price. Connu pour ses rôles de méchants au cinéma, Price était aussi un homme immensément cultivé et intelligent, qui influencera grandement Dennis Hopper dans sa passion naissante pour l’art. À 19 ans, le jeune Hopper fait ses débuts d’acteur. Parfois crédité à tort par certaines sources comme figurant au générique de JOHNNY GUITARE (1954), le film de Nicholas Ray, Hopper fait ses premières armes à l’écran à la télévision américaine dans l’épisode A MEDAL FOR MISS WALKER de la série CAVALCADE OF AMERICA.  

Il enchaîne en 1955 les apparitions à la télévision dans des petits rôles : un jeune épileptique, Robert, dans l’épisode BOY-IN-THE-STORM de la série MEDIC avec Richard Boone, ainsi qu’un épisode de la série THE PUBLIC DEFENDER et un autre de la série LETTER TO LORETTA. Cette année-là, Dennis Hopper fait aussi ses débuts au cinéma dans un film mythique de Nicholas Ray, REBEL WITHOUT A CAUSE / La Fureur de Vivre. Têtes d’affiche, James Dean et Natalie Wood attirent tous les regards, quant à Dennis Hopper, il trouve là son tout premier rôle de «méchant» : il est Goon, petite frappe membre du gang de Buzz (Corey Allen) qui cherche des noises à Dean et Sal Mineo. Hopper n’a que deux ou trois répliques, mais participe à l’imagerie rebelle, forgée autour du film – la génération «Blouson Noir», rodéos de voitures et duels au couteau à cran d’arrêt ! Il devient aussi l’ami de Natalie Wood et James Dean, pour qui il avait une immense admiration. Vers la même époque, Dennis Hopper est aussi un bon ami de l’autre icône de la jeunesse en révolte des fifties, le King en personne, Elvis Presley.

Hopper apparaît aussi, non crédité au générique, dans un film noir, I DIED A THOUSAND TIMES / La Peur au Ventre, de Stuart Heisler, avec Jack Palance, Shelley Winters et Lee Marvin. Il retrouve son amie Natalie Wood dans deux épisodes de série télévisées, KING’S ROW et THE KAISER ALUMINUM HOUR. 

 

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Dennis Hopper, en 1956, retient l’attention de la critique dans le grand drame classique de George Stevens, GEANT avec Elizabeth Taylor, James Dean, Rock Hudson, Carroll Baker, Mercedes McCambridge, Sal Mineo et Rod Taylor. Il interprète Jordy, le fils de Leslie et Bick Benedict (Taylor et Hudson). Un fils promis à un avenir prospère de baron du bétail au Texas, mais qui fait déjà preuve d’un certain sens de la rébellion en devenant docteur, contre l‘avis de son père… et surtout en épousant une Indienne mexicaine. Inacceptable aux yeux de l’establishment texan, déjà décrit comme passablement raciste ! Très affecté par la nouvelle de l’accident mortel de James Dean, Dennis Hopper continue à travailler à Hollywood, mais son caractère pour le moins difficile lui vaut vite une réputation de jeune acteur ingérable.

En 1957, il joue toujours à la télévision, étant notamment Billy the Kid dans l’épisode BRANNIGAN’S BOOTS de la série western SUGARFOOT, avec Jack Elam et un petit garçon nommé Kurt Russell. Au cinéma, Hopper est de nouveau remarqué dans GUNFIGHT AT THE OK CORRAL / Règlements de Comptes à OK Corral, le grand western classique de Sturges, avec Burt Lancaster et Kirk Douglas. Il est Billy, le cadet des frères Clanton qui ont déclaré la guerre au clan Earp à Tombstone. Un jeune pistolero sensible et intelligent, que Wyatt Earp (Lancaster) épargnerait volontiers s’il n’était pas influencé par ses brutes de frères… C’est Doc Holliday (Douglas) qui doit l’abattre dans la fusillade finale. Hopper est aussi Napoléon Bonaparte (!) dans l’improbable THE STORY OF MANKIND d’Irwin Allen, avec Ronald Colman, Hedy Lamarr, les Marx Brothers, Vincent Price, Virginia Mayo, Peter Lorre, John Carradine… et donne sa voix à un Policier Militaire dans SAYONARA de Joshua Logan, avec Marlon Brando et James Garner, sans être crédité au générique.

Peu de temps après la mort de Dean, il joue dans un western de Henry Hathaway, FROM HELL TO TEXAS / La Fureur des Hommes. Le tournage se transforme en guerre ouverte, entre le réalisateur vétéran et le jeune comédien qui refuse de se plier à ses directives. Au bout de plusieurs jours de tournage et de 85 prises gâchées, Hathaway n’en peut plus et explose de colère contre Hopper : «Vous ne travaillerez plus jamais dans cette ville !». Sa réputation ainsi faite, Dennis Hopper sera exclu des plateaux de cinéma de Hollywood pour des années.

Il gagne sa vie en jouant dans quelques films vite oubliés, et apparaît surtout à la télévision américaine alors en pleine expansion. Entre 1958 et 1965, il enchaîne les prestations dans des épisodes de dizaines de séries, dont quelques-unes sont entrées dans la légende. On le voit par exemple en 1958 dans un épisode de STUDIO ONE réalisé par John Frankenheimer, THE LAST SUMMER. Il est aussi au générique de l’épisode THE LAST NIGHT IN AUGUST, dans la série PURSUIT écrite par Rod Serling. Dans la série de western ZANE GREY THEATER, il joue un épisode – THE SHARPSHOOTER – écrit par Sam Peckinpah. Citons rapidement, dans les années suivantes, les épisodes THE HOLD-OUT du GENERAL ELECTRIC THEATER, épisode présenté par Ronald Reagan (dont il sera un supporter politique dans les années 1980), avec Groucho Marx ; THE INDELIBLE SILENCE – pour la série judiciaire THE DEFENDERS / Les Accusés, avec E.G. Marshall (dans laquelle débutèrent aussi Gene Hackman, Dustin Hoffman, Robert Duvall, James Earl Jones, Martin Sheen, etc.)… En 1962, Dennis Hopper travaille pour la première fois avec le réalisateur Stuart Rosenberg pour des épisodes de THE DEFENDERS et ESPIONAGE. Rosenberg et Hopper se retrouvent pour un excellent épisode de THE TWILIGHT ZONE / La Quatrième Dimension, IL EST VIVANT. Présenté par l‘indispensable Rod Serling, Hopper y tient rôle de Peter Vollmer, un paumé adepte des théories nazies, conseillé dans ses discours par une ombre sinistrement familière !  

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Avec un mentor pareil, comment voulez-vous le voir jouer des gentils par la suite ?   

 

En 1959, Dennis Hopper emménage à New York pour étudier de nouveau sous l’égide de Lee Strasberg. En 1961, il épouse Brooke Hayward (fille de l‘actrice Margaret Sullavan), et devient photographe.

Le film fantastique NIGHT TIDE de Curtis Harrington, une obscure production à petit budget, lui vaut toutefois son premier rôle en tête d‘affiche cette même année. Le 26 juin 1962, Dennis et Brooke ont une petite fille, Marin Hopper. Il fréquente les milieux branchés de l’époque, et rencontre Andy Warhol. Au sein de sa bouillonnante Factory, Warhol improvise ses films «arty» dans lesquels apparaît l’acteur : THE THIRTEEN MOST BEAUTIFUL BOYS, TARZAN AND JANE REGAINED… SORT OF, et sa série des SCREEN TESTS en 1965 et 1966. Après sept années de bannissement, Dennis Hopper a droit à son come-back à Hollywood, avec l’aide d’un parrain de poids, le «Duke» John Wayne en personne. Ayant joué en 1959 avec son fils Patrick dans un western oublié, THE YOUNG LAND / Californie Terre Nouvelle, et étant aussi le gendre de Margaret Sullavan, une amie de Wayne, Hopper peut grâce à ce dernier jouer les petites brutes de western dans le très bon LES QUATRE FILS DE KATIE ELDER. …devant les caméras de Henry Hathaway, l’homme qui l’avait jadis chassé de Hollywood ! À l’écran, il est envoyé ad patres par le Duke lui-même.  

 

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Très occupé, Dennis Hopper multiplie les activités en 1966. Devenant un excellent photographe, il crée par exemple la pochette de couverture, toute imprégnée de l’esprit «Western», du single d’Ike & Tina Turner : RIVER DEEP – MOUNTAIN HIGH. L’une des grandes figures de la Contre-culture des années 1960s, Terry Southern, son futur coscénariste d’EASY RIDER, le signale comme l’un des artistes photographes à suivre dans le magazine BETTER HOMES AND GARDENS. À la même époque, il devient également peintre, poète et commence à collectionner les œuvres d’art – il acquiert notamment une des premières copies des Boîtes à Soupe Campbell’s d’Andy Warhol. Vers l’époque du tournage de QUEEN OF BLOOD, film bis de Curtis Harrington produit par Roger Corman, il rencontre l’un de ses plus fidèles copains, un jeune acteur qui comme lui aime les femmes, l’alcool et les substances planantes, un certain Jack Nicholson ! Ces deux-là se retrouvent pour le film THE TRIP de Roger Corman (1967), écrit par Nicholson, où Hopper joue avec Peter Fonda, Susan Strasberg et Bruce Dern. Pour se «préparer» professionnellement au sujet du film, tout ce petit monde se défonce allègrement au LSD… Par ailleurs, Dennis Hopper retrouve son réalisateur Stuart Rosenberg, qui lui confie un petit rôle, le détenu Babalugats, dans LUKE LA MAIN FROIDE avec Paul Newman.  

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En 1968, Hopper effectue une autre apparition très brève mais marquante, dans le premier western américain de Clint Eastwood revenu d’Italie, PENDEZ-LES HAUT ET COURT réalisé par Ted Post. Parmi un casting de «trognes» inoubliables – Pat Hingle, Charles McGraw, Ed Begley, Ben Johnson, Bruce Dern et L.Q. Jones – Hopper n’apparaît que quelques minutes dans le rôle du Prophète, un hors-la-loi pouilleux froidement descendu par Ben Johnson ! Trois minutes de folie furieuses emmenées par un Hopper qui, à l’image, semble déjà bien parti dans les paradis artificiels… Il fait par ailleurs une apparition non créditée dans HEAD de Bob Rafelson, en figurant chevelu dirigé par Jack Nicholson cinéaste dans une scène de restaurant.  

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1969 ! C’est bien sûr l’année où Hopper rassemble assez d’argent pour co-écrire, jouer et réaliser un petit film de motards entré dans la légende cinéphilique… aux côtés de Peter Fonda et Jack Nicholson, il est Billy dans EASY RIDER. Le film symbole de la Contre-culture par excellence, qui enthousiasme surtout les cinéphiles voyant là l’incarnation d’un Cinéma libre, cassant les codes de l’establishment hollywoodien. Scénario anti-classique au possible (voire même carrément inexistant, et néanmoins nommé à l’Oscar !), scènes improvisées par le trio Fonda-Hopper-Nicholson, le montage innovant, très inspiré par la Nouvelle Vague et le Free Cinema britannique… tout ceci, sans oublier l’imagerie des motards hippies fonçant à toute allure sur l’autoroute et la chanson BORN TO BE WILD de Steppenwolf, assure un triomphe public inespéré à Hopper. Chaque anecdote de tournage renforce également la légende créée autour du film : le remplacement de Rip Torn par Jack Nicholson (Hopper devra, des années plus tard, payer à Torn une amende salée pour diffamation. Ce dernier n’avait pas apprécié ce que Hopper avait prétendu – Torn l’aurait menacé d’un couteau avant le tournage !), les tensions entre Peter Fonda et Hopper (sur la question des bénéfices financiers du film), le mariage dissous de Hopper avec Brooke Hayward, son refus de quitter la table de montage… et un sérieux abus de substances illicites devant et derrière la caméra. Le film fait un malheur au Festival de Cannes, et pour beaucoup, représentera «l’idéalisme perdu des années 1960s» selon une formule consacrée.

(bon, personnellement, je trouve le film bien surfait par rapport à sa légende. Il a très mal vieilli, portant en lui pas mal de clichés stylistiques propre aux films avant-gardistes de l’époque… Heureusement, Nicholson, déjà bien «allumé» dans un savoureux monologue sur les OVNIS, sauve presque le film à lui tout seul !)

EASY RIDER obtient le Prix de la Meilleure Première Œuvre à Cannes, est nommé à la Palme d’Or et le Prix Spécial de la National Society of Film Critics. Parmi de nombreux prix dans les festivals de cinéma de l‘époque, Hopper obtient des nominations à l’Oscar du Meilleur Scénario Original, au WGA Award du le Meilleur Drame Écrit Directement pour l‘Écran, avec Terry Southern et Peter Fonda, et une nomination pour la Meilleure Réalisation d’un Premier Film, aux Directors Guild of America Award.

Cette même année, Dennis Hopper joue de nouveau un méchant de western face à John Wayne (qui le tue une seconde fois à l‘écran !), dans son classique et sympathique TRUE GRIT / Cent Dollars pour un Shérif, l’une des dernières réalisation de Henry Hathaway, avec également Robert Duvall et Strother Martin. Le succès d’EASY RIDER ne va cependant pas faire du bien à Hopper, de plus en plus dépendant, à l’orée d‘une sombre décennie. Il vit comme un paria dans l‘Ouest des Etats-Unis, et épouse Michelle Phillips (la chanteuse des The Mamas and the Papas) le 31 octobre 1970. Ils divorcent… huit jours plus tard ! «Les sept premiers étaient très bien !», dira-t-il ensuite…

En 1971, Hopper réalise son second long-métrage, THE LAST MOVIE. Un film existentialiste, non linéaire, irracontable, où le réalisateur-acteur accumule 40 heures de film au terme d‘un tournage… chaotique. Présenté au Festival de Venise, le film est un bide public et critique monumental. Hopper se réfugie à Taos, Nouveau-Mexique (là où il tourna EASY RIDER), pendant presque un an. Il sombre totalement, consommant quotidiennement cocaïne, bières, marijuana et cuba libres… c’est la décennie infernale pour Dennis Hopper. En 2001, il évoquera ces années de cauchemar : «… Avec tout ce que j’ai pris comme drogues, produits narcotiques et psychédéliques, j’étais vraiment devenu un alcoolique. Vraiment, j’avais pris l’habitude de prendre de la cocaïne pour pouvoir dessouler et boire encore plus. Mes cinq dernières années de boisson furent un cauchemar. Je buvais un demi gallon de rhum* (…), 28 bières, et trois grammes de cocaïne par jour, rien que pour pouvoir me remuer. Et je croyais que j’allais bien, seulement parce que je ne rampais pas ivre mort par terre.»

*soit environ 2 litres… 

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En 1972, Dennis Hopper épouse Daria Halprin en troisièmes noces. Loin de Hollywood et de New York, clochardisé, il survit en jouant dans des productions à petit budget et des films européens d’art et essai. Rares sont les spectateurs qui le voient dans des films comme KID BLUE (1973), un western comique avec Warren Oates et Ben Johnson, ou MAD DOG MORGAN (1976), western australien de Philippe Mora dont il a le rôle-titre. Vers 1974, Dennis et Daria, ont une fille, Ruthanna Hopper. Le couple divorce en 1976. On retrouve Hopper dans le rôle de Tom Ripley, L’AMI AMERICAIN, une adaptation pesante du roman de Patricia Highsmith signée Wim Wenders, avec Bruno Ganz, Gérard Blain, Nicholas Ray et Samuel Fuller.  

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Vers la même époque, le cinéaste du PARRAIN, Francis Ford Coppola, le convainc de rejoindre l’aventure du tournage d’APOCALYPSE NOW… De son propre aveu, Hopper accepta peu de temps avant de commencer à tourner, trop heureux de pouvoir retrouver du travail. Sans trop savoir dans quelle galère il se retrouverait aux Philippines ! Le documentaire AU CŒUR DES TENEBRES : L’APOCALYPSE D’UN CINEASTE recueille le témoignage de Hopper, alors ravagé par la drogue et la boisson, et nous livre des documents de tournage absolument ahurissants… L’acteur doit incarner un Reporter-photographe de guerre hippie, «converti» au culte du Colonel Kurtz, une espèce de bouffon et prophète de la Jungle, qui se lance dans des diatribes exaltées envers le personnage de Martin Sheen. Un Coppola déjà miné par un tournage interminable, et une série d’incidents invraisemblables, doit en plus faire avec les exigences d’un Marlon Brando obèse et capricieux… Il doit aussi travailler avec un Dennis Hopper que Brando ne peut pas voir en peinture. L’acteur-réalisateur d’EASY RIDER ne sait pas son texte, et n’aime pas improviser les scènes de confrontation avec Sheen, usant la patience de Coppola lui-même en pleine dépression nerveuse… Et pourtant, malgré tous ces obstacles qui auraient pu détruire le film, APOCALYPSE NOW sort enfin à Cannes en 1979, remporte la Palme d’Or et s’imposera au fil du temps comme un chef-d’œuvre, un cauchemar filmé inégalable. La prestation de Hopper, malgré un temps de présence assez court à l’écran (trois scènes en tout), contribue à l’ambiance de folie de ce film phare.

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Malgré son addiction, Hopper continue de travailler, bon an mal an. Il revient au western en 1980 dans une mini-série télévisée, WILD TIMES / La Cible, avec Sam Elliott et Ben Johnson, où il tient le rôle de Doc Holliday. Il réalise et joue le drame punk OUT OF THE BLUE / Garçonne, une œuvre âpre saluée par la critique et nommé à la Palme d’Or du Festival de Cannes. Sa dépendance à l’alcool et à la drogue empire au début des années 80. En 1983, durant le tournage du film EUER WEG FÜHRT DURCH DIE HÖLLE / Les Guerriers de la Jungle, Hopper est arrêté par la police mexicaine, retrouvé nu et délirant près d‘un village mexicain. Hopper affirmera plus tard avoir été tellement «stone» qu’il ne se souvient ni de l’arrestation ni de son renvoi ! Il entame une cure de désintoxication sérieuse cette même année, et commence peu à peu à se rétablir, tout en accumulant les tournages. Francis Ford Coppola ne l’oublie pas et lui fait jouer le rôle du père alcoolique de Matt Dillon et Mickey Rourke dans RUMBLE FISH / Rusty James. Puis il est au générique du dernier film de Sam Peckinpah, OSTERMAN WEEK-END, avec Rutger Hauer, John Hurt, Craig T. Nelson et Burt Lancaster… où il est presque trop «sobre» dans le rôle d’un respectable médecin californien, doublé d’un ancien espion.  

 

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Il parodie son propre rôle du Reporter d’APOCALYPSE NOW en 1985 dans O.C. AND STIGGS / Vous avez dit dingues ?, une comédie de Robert Altman, campe l’année suivante un «Captain» disjoncté, ancien du Viêtnam, dans THE AMERICAN WAY… et joue un autre personnage bien allumé, le Shérif Lefty Enright, personnage vengeur venu affronter dans leur antre les tueurs dégénérés de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE 2 de Tobe Hooper – le pire film qu’il ait jamais tourné, selon lui ! 1986 est l’année du grand retour pour un Dennis Hopper guéri de ses démons. Il s’illustre dans trois films où son interprétation est à chaque fois saluée par la critique. Il est Feck, le dealer du drame RIVER’S EDGE / Le Fleuve de la Mort, avec Crispin Glover et un tout jeune Keanu Reeves.  

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Il joue également dans HOOSIERS / Le Grand Défi, avec Gene Hackman et Barbara Hershey. Un solide drame sportif où il accompagne Hackman en entraîneur d’une modeste équipe de basket, incarnant Shooter, l’ivrogne de la ville fan de basket. Un rôle qui lui vaut une nomination à l’Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle.  

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Mais, entre ces deux films, une œuvre se détache qui éclipse les autres… C’est BLUE VELVET de David Lynch, avec Isabella Rossellini et Kyle MacLachlan. Un thriller inclassable où un jeune homme de bonne famille (MacLachlan), jouant les apprentis détectives, découvre la perversité cachée de sa bonne petite ville américaine apparemment sans histoires. Dennis Hopper est Frank Booth, criminel kidnappeur, psychopathe adepte des jeux sexuels sadomasochistes avec la belle chanteuse Dorothy Vallens (Rossellini). Un dangereux sadique, se shootant à l’oxygène pur et entraînant le gentil MacLachlan dans un éprouvant voyage nocturne…

 

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Un rôle pour lequel Hopper convainquit Lynch de le laisser jouer, en lui disant : «vous devez me laisser jouer Frank Booth. Parce que je suis Frank Booth !» Lynch avouera avoir été terrifié par Hopper pendant le tournage. Au vu des images, cela n‘a rien d‘étonnant… Le film est un triomphe auprès des critiques spécialisés, une des œuvres les plus marquantes de Lynch, et vaut sans doute à Hopper d’incarner son personnage le plus effrayant. Il s’ensuit pour Hopper un déluge de récompenses dans les mois qui suivent : parmi lesquelles des nominations au Golden Globe et à l’Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle pour HOOSIERS, et une pour le Golden Globe du Meilleur Acteur dans un Second Rôle dans BLUE VELVET. Dennis Hopper reçoit par ailleurs le Prix de la Boston Society of Film Critics du Meilleur Acteur dans un Second Rôle dans BLUE VELVET, de la Los Angeles Film Critics Association pour ce même film ainsi que pour HOOSIERS, et enfin le Prix de la National Society of Film Critics du Meilleur Acteur dans un Second Rôle, toujours pour BLUE VELVET.  

 

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Il continue par la suite d’enchaîner les apparitions et les seconds rôles dans diverses productions, et revient à la mise en scène de cinéma avec l’excellent COLORS, en 1988. Il ne joue pas dans le film, confiant les rôles principaux à Robert Duvall et au bouillant petit jeune qui monte alors, Sean Penn. Le film est un polar brillant, nerveux, décrivant sans fioritures le quotidien de deux flics en patrouille dans les quartiers les plus dangereux de Los Angeles, South Central et East LA, zone de guerre opposant les gangs noirs des Crips et des Bloods. Un sujet sensible, pour un film qui à l’époque suscita la controverse avant que l’on ne réalise la lucidité du propos. Hopper fustige sans concession la violence urbaine et le racisme de la police de Los Angeles, qui allait déclencher de terribles émeutes suite au passage à tabac de Rodney King. Un film qui demeure hélas toujours d’actualité, les gangs décrits existant réellement et continuant de se faire la guerre depuis plus de deux décennies. Le film obtient un solide succès public aux USA, et l’interprétation des duettistes Penn et Duvall est saluée par la critique. Signalons aussi une très bonne musique, signée Herbie Hancock, et la mise en scène affûtée de Hopper, qui signe un des meilleurs films policiers américains des années 1980s.

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1989 marque l’année du quatrième mariage de Dennis Hopper, avec Katherine LaNasa. Il joue dans un intéressant drame carcéral resté hélas inédit en France, CHATTAHOOCHEE, avec un autre jeune acteur du grand écran en pleine ascension, Gary Oldman. Hopper réalise son cinquième film, CATCHFIRE, réalisé et interprété par lui-même avec Jodie Foster, Dean Stockwell, Vincent Price, John Turturro, Fred Ward, Catherine Keener, Charlie Sheen, et la participation non créditée de Bob Dylan… Un film hélas massacré au montage par ses financiers, dans le dos de Hopper. Mécontent, celui-ci poursuivit la compagnie en justice, en vain, mais obtint d’être crédité au générique sous le pseudonyme «Alan Smithee», pour signaler son désaccord.  

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Dennis Hopper se rattrape en cette année 1990, en signant HOT SPOT, d’après un roman de Charles Williams. Il met en scène un petit bijou de Film Noir post-moderne, où un aventurier (le bellâtre Don Johnson) débarque dans une petite ville texane, à la recherche d’un emploi. Devenu vendeur de voitures, il est pris au piège entre deux femmes fatales : la blonde et manipulatrice Virginia Madsen d’un côté, et la brune et douce Jennifer Connelly… Deux pépées sublimes qui dominent de leur présence torride ce film qui fit hélas un flop à sa sortie.

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En 1990, Dennis et Katherine ont un fils, Henry Lee Hopper. L’artiste aux multiples facettes aborde alors une nouvelle décennie bien remplie ! En 1991, il est de nouveau salué pour sa prestation dans le téléfilm PARIS TROUT, de Stephen Gyllenhaal (le papa de Maggie et Jake), avec Barbara Hershey et Ed Harris. Dans le rôle-titre, Hopper incarne à nouveau un sale type : un sudiste bigot, corrompu, mari violent et forcément raciste ! Le film est sorti dans les cinémas français sous le titre RAGE. Il vaut à Hopper d’être nommé aux Emmy Awards, dans la catégorie Meilleur Acteur dans une Minisérie ou un Téléfilm.  

 

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Sean Penn le contacte pour apparaître dans son premier long-métrage comme réalisateur, l’intense THE INDIAN RUNNER, avec David Morse, Viggo Mortensen, Valeria Golino, Patricia Arquette, Charles Bronson, Sandy Dennis et Benicio Del Toro. Il est Caesar, un barman antipathique qui fait replonger Frank Roberts (Mortensen) dans l’alcoolisme et la violence malgré les efforts de son frère joué par David Morse. Dennis Hopper est aussi remarqué cette année-là dans un téléfilm hélas assez moyen, DOUBLECROSSED, où il interprète le rôle de Barry Seal, un homme qui a vraiment existé. Cet aviateur fut aussi passeur de drogue pour le Cartel de Medellin ; traqué par la DEA, Seal mourut dans des circonstances suspectes impliquant probablement les services secrets américains mouillés dans les trafics du Général Noriega et consorts… En avril 1992, Hopper divorce d’avec Katherine LaNasa. L’année suivante, on le voit entre autres dans un policier de James B. Harris, BOILING POINT / L’Extrême Limite avec Wesley Snipes, Lolita Davidovich et Viggo Mortensen, et dans un incroyable nanar, l’adaptation filmée du jeu vidéo SUPER MARIO BROS., avec Bob Hoskins et John Leguizamo, où il joue le Roi Koopa, un dinosaure humanoïde ! Passons…  

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Cette même année, Hopper tient aussi deux rôles cultes dans des univers de série noire : il est Lyle from. Dallas, un tueur professionnel rancunier dans RED ROCK WEST de John Dahl, où il fait passer un sale moment à Nicolas Cage, qui a eu le tort à l’écran de vouloir lui prendre son métier et son magot ! Et Dennis Hopper est au prestigieux générique de TRUE ROMANCE, le film de Tony Scott, écrit par Quentin Tarantino, qui rassemble Christian Slater, Patricia Arquette, Val Kilmer, Gary Oldman, Brad Pitt, Tom Sizemore, Christopher Walken, Samuel L. Jackson, James Gandolfini et Jack Black ! Pour une fois, Hopper joue un personnage sympathique, Clifford Worley, le père du jeune Clarence (Slater). Dans un face-à-face grandiose face à Christopher Walken, Hopper fait preuve de son exceptionnel talent. Torturé par Don Vincenzo Cocotti (Walken) qui veut la peau de son fils, le vieux Clifford sait qu’il n’a aucune chance de s’en sortir vivant… il décide de partir en beauté, en racontant au mafioso une histoire qui va le faire sortir de ses gonds, histoire que je vous déconseille de répéter à des Siciliens. Ces gens sont d’un susceptible !  

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En 1994, Hopper signe son dernier long-métrage, une comédie avec Tom Berenger, CHASERS, vite tombée aux oubliettes. Et surtout, il s’amuse bien en incarnant un méchant ex-policier revanchard, et adepte des explosifs, dans le fameux SPEED de Jan de Bont. Son personnage, Howard Payne, va pourrir la journée du jeune flic héroïque (Keanu Reeves) et des passagers d’un bus piégé, qui explosera s’il passe sous le seuil fatidique des 80 kilomètres-heure. Avec un personnage assez monodimensionnel sur le papier, Dennis Hopper se déchaîne à l‘écran, il ricane, gesticule et menace particulièrement la pauvre Sandra Bullock, pour le plus grand bonheur de l’amateur de courses-poursuites trépidantes.

Invité dans l’émission INSIDE THE ACTORS STUDIO, Dennis Hopper peut tranquillement savourer sa notoriété durement acquise et se donner avant tout à sa passion pour les arts. Quitte, dans ses dernières années, à courir le cachet dans des productions d’un intérêt souvent médiocre, pour ne pas dire parfois même de vraies séries Z surfant sur les succès des films de Tarantino ou des thrillers à la SEVEN… à vrai dire, il se moque généralement de la qualité des films livrés, ses prestations lui permettant surtout de financer ses expositions d’art et ses travaux personnels ! Et parfois aussi quand même, de retrouver quelques bons copains sur les plateaux…  

On le revoit jouer les méchants dans le luxueux navet de Kevin Reynolds et Kevin Costner, WATERWORLD, un sous MAD MAX nautique jadis écrit pour être produit au rabais par Roger Corman, et qui finira plombé par un budget faramineux de quelques 175 millions de dollars ! Un tournage qui se transforme en cauchemar permanent pour Reynolds et Costner, qui finiront le film définitivement brouillés. Hopper, lui, en a vu d’autres, et cabotine à outrance dans le rôle de Deacon, l’affreux pirate des mers régnant sur l’Exxon Valdez !

Plus intéressante est sa participation au film du peintre Julian Schnabel, BASQUIAT (1996) avec Jeffrey Wright, Benicio Del Toro, David Bowie (jouant Andy Warhol !), Gary Oldman, Willem Dafoe, Christopher Walken et Courtney Love. Hopper incarne le marchand et galeriste suisse Bruno Bischofberger, une grande figure du monde artistique contemporain, ami et collaborateur de Warhol avec qui il découvre Jean-Michel Basquiat (Wright), peintre à la carrière fulgurante disparu à 27 ans. Retour donc à un univers bien connu de Dennis Hopper, celui de la Factory, de l’art contemporain new-yorkais et l’univers warholien.

Le 13 avril 1996, Hopper se marie pour la cinquième et dernière fois, avec Victoria Duffy. On le retrouve en 1997 dans THE BLACKOUT d’Abel Ferrara avec Matthew Modine, Béatrice Dalle et Claudia Schiffer ; en 1999, il a un court rôle sympathique, celui de Hank Pekurny, un chômeur réconcilié avec son fils Matthew McConaughey dans la comédie EDTV / En Direct sur EDTV de Ron Howard, avec également Jenna Elfman, Woody Harrelson, Martin Landau, Ellen DeGeneres et Elizabeth Hurley. Il apparaît aussi dans un drame intéressant d’Alison Maclean, resté inédit en France, JESUS’S SON, avec Billy Crudup, Samantha Morton, Jack Black et Holly Hunter. On le retrouve en souverain félon dans le téléfilm JASON ET LES ARGONAUTES, sorti en 2000. Il signe cette même année son dernier film, un court-métrage, HOMELESS.  

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Dans sa dernière décennie, Dennis Hopper multiplie les apparitions et les seconds rôles, toujours professionnel et inquiétant par sa seule présence. Il retrouve Kiefer Sutherland, qu’il avait «parrainé» à ses débuts d’acteur, dans sa série télévisée 24 HEURES CHRONO. Jack Bauer (Sutherland), l’homme qui sauve le monde en une journée à chaque saison, a fort à faire durant 5 épisodes face à Victor Drazen, un mercenaire serbe ancien chef de la police secrète de Slobodan Milosevic. Hé oui, encore un méchant bien vicieux dans la galerie des personnages joués par Hopper !

Il fera d’ailleurs des retours réguliers à la télévision américaine dans les années suivantes : en 2004, on le retrouve au générique de la série TV LAS VEGAS, dans l’épisode NEW ORLEANS, avec James Caan et Josh Duhamel ; dans la série NBC E-RING / D.O.S. Division des Opérations Spéciales, sur le Pentagone ; et en 2007 dans un épisode dans l’épisode MALIBOOTY de la très appréciée série ENTOURAGE, où il joue son propre rôle !  

Dennis Hopper se sera aussi amusé de temps à autre à prêter sa voix saccadée inimitable dans des jeux vidéo, participant ainsi à GRAND THEFT AUTO VICE CITY où il joue un réalisateur de pornos ! Dans le même esprit, il participera à la vidéo de rap BAD BOY’S 10TH ANNIVERSARY… THE HITS, jouant dans le segment VICTORY avec Busta Rhymes et Danny DeVito. Et en 2005, Dennis Hopper est aussi le narrateur de la chanson «Fire Coming Out of the Monkey’s Head» du groupe Gorillaz. Le 26 mars 2003, Hopper célèbre la naissance de son dernier enfant, sa fille Galen Grier Hopper, née de son mariage avec Victoria Duffy.  

On le revoit notamment en 2005 dans l’univers des zombies de George A. Romero, avec LAND OF THE DEAD – LE TERRITOIRE DES MORTS de George A. Romero, aux côtés du futur «Mentalist» Simon Baker, John Leguizamo et Asia Argento. Il y incarne Kaufman, un affreux businessman inspiré par Donald Rumsfeld, à qui les morts-vivants réservent une fin explosive !  

Toujours actif ces dernières années, Dennis Hopper fit notamment des apparitions dans des films restés souvent inédits dans nos salles : comme 10th & WOLF (2006), avec James «Cyclope» Marsden, Piper Perabo, Giovanni Ribisi et Val Kilmer ; SLEEPWALKING, avec Charlize Theron et Woody Harrelson, ELEGY, avec Ben Kingsley et Penélope Cruz et SWING VOTE / La Voix du Cœur, une comédie politique satirique avec Kevin Costner. Signalons, puisqu’on parle de politique, qu’après avoir été pendant presque trente ans un supporter actif du Parti Républicain, de Reagan et des Bush père et fils, Dennis Hopper rejoindra les Démocrates lors de l’élection présidentielle américaine de 2008. Écoeuré par la désignation de la virago Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence républicaine, Hopper fera clairement savoir qu’il deviendra supporter politique de Barack Obama !  

En 2009, Dennis Hopper joue toujours à la télévision, incarnant le producteur de disques Ben Cendars dans la série CRASH, basée sur le film de Paul Haggis. Mais la série est annulée au terme d’une saison. Il complète son dernier film : la comédie THE LAST FILM FESTIVAL, avec Jacqueline Bisset et Leelee Sobieski, et prête sa voix à un film d’animation, ALPHA AND OMEGA.  

Malheureusement, sa santé se dégrade rapidement, sous l’effet d’un cancer de la prostate avancé. Une dernière mésaventure conjugale vient assombrir ses derniers mois, une procédure de divorce houleuse, «à la californienne», d’avec sa dernière femme, Victoria Duffy, qui lui aurait volé 1.5 millions $ en œuvres d’art et se voit interdite de l’approcher, mais pourra légalement rester sur sa propriété… Dennis Hopper est sur la liste des artistes invités au spectacle inaugural du Museum of Contemporary Art (MOCA) de Los Angeles, avec le concours de Julian Schnabel, en mars 2010. Il a enfin son étoile, la 2403e, sur le Hollywood Walk of Fame, le 18 mars. Pour l’occasion, Dennis Hopper apparaît en public pour la dernière fois, rongé par la maladie, et entouré de sa famille, ses amis Jack Nicholson, Viggo Mortensen, David Lynch, Michael Madsen, et ses nombreux fans. 

Dans sa demeure de Venice, en Californie, Dennis Hopper a finalement pris la grande route sur son chopper, le 29 mai dernier, moins de deux semaines après son 74e anniversaire. Il laisse derrière lui un fils, trois filles, et deux petites-filles. Ce mercredi 2 juin, il vient d’être enterré par ses proches (dont son vieux copain de toujours, Jack Nicholson) à Taos, Nouveau-Mexique, là où il écrivit et tourna EASY RIDER.  

Bonne route, Monsieur Hopper. On boira une bonne bière à votre santé – si possible une Pabst Blue Ribbon, votre marque préférée dans BLUE VELVET…

 

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