
CHEVAL DE GUERRE, de Steven Spielberg
Je dédie ce texte à la mémoire de mes aïeux, mon arrière-grand-père Roger Fauchier, et son frère Marc, grands amateurs de chevaux.
ALERTE SPOILERS : si vous n’avez pas encore vu le film, je vous conseille de patienter un peu avant de lire ce texte qui révèle des passages importants.
L’histoire de CHEVAL DE GUERRE est née dans un pub…
Auteur acclamé de romans pour la jeunesse (ENFANT DE LA JUNGLE, LE ROYAUME DE KENSUKE, SOLDAT PEACEFUL), Michael Morpurgo habite de longue date le village d’Iddesleigh, dans le Devon, région du sud-ouest anglais ouverte aux vents de l’Atlantique, faisant presque face à la verte Irlande de feu John Ford. En bon citoyen anglais, ce talentueux écrivain aime passer de temps en temps au pub local. C’est là qu’il rencontra, il y a des années de cela, un vétéran de la Première Guerre Mondiale, ancien soldat affecté aux chevaux de la Devon Yeomanry. Au fil du temps, Morpurgo rencontra d’autres vétérans de la Grande Guerre: un villageois, le Capitaine Budgett, ancien membre de la Cavalerie, et un troisième villageois qui lui raconta ses souvenirs de l’arrivée de l’Armée dans le village, venue acheter des chevaux au début de la
guerre. Cela ne devait pas tomber dans l’oreille d’un sourd.
Sensibles à la cause de l’enfance, Morpurgo et sa femme Clare ont fondé la Farms for City Children, où des enfants des villes peuvent vivre et travailler une semaine à la ferme. L’écrivain raconta, récemment lors d’une interview donnée à la BBC Radio 4, ce qui arriva à un enfant bègue, terriblement renfermé, venu participer au programme des Morpurgo :
« (…) J’arrivai dans la cour derrière cette grosse maison victorienne où ils vivent tous, et «Billy» était là, debout en chaussons près de la porte de l’écurie et la lanterne au-dessus de lui, en train de parler. De parler, parler, parler, au cheval. Et le cheval (une jument), Hebe, avait sorti sa tête, juste au-dessus de l’écurie, et elle écoutait (…), ses oreilles se déplaçaient, et elle savait qu’elle devait rester là pendant que cela avait lieu, parce que ce garçon voulait parler, et le cheval voulait écouter, et je savais que cette chose fonctionnait à deux niveaux, (…). Toute la peur était partie, et il y avait quelque chose d’intime dans cette relation, la confiance s’établissait entre le garçon et le cheval, ce que je trouvais énormément touchant, et je pensais… Mais oui, qu’on pourrait écrire une histoire sur la Première Guerre Mondiale à travers les yeux d’un cheval, laisser le cheval conter l’histoire, et laisser l’histoire de la guerre venir à travers les soldats : les soldats Britanniques tout d’abord, puis les soldats Allemands, puis une famille Française avec qui les chevaux passent l’hiver, et que peut-être alors aurait-on une idée universelle de la souffrance de la Première Guerre Mondiale…»
L’idée du CHEVAL DE GUERRE germait peu à peu dans l’esprit de Morpurgo.
La troisième source d’inspiration provint d’une vieille peinture à l’huile laissée par Clare Morpurgo : «c’était une peinture très effrayante et alarmante, pas le genre que vous voudriez voir accrochée à un mur. Elle montrait des chevaux durant la Première Guerre Mondiale, en train de charger et se prendre dans des fils de fer barbelés. Cela m’a hanté.» La peinture en question était due à F.W. Reed, et datée de 1917, l’avant-dernière année du conflit. S’il ne nous a pas été possible de trouver la peinture en question, une recherche sur les illustrations de la Première Guerre Mondiale montrant les chevaux de guerre est facile à réaliser. Vous avez pu voir il y a quelques semaines quelques illustrations très émouvantes dues à Fortunino Matania, un artiste de l’époque. Notamment celle-ci, «Goodbye, Old Man», montrant la cruelle séparation d’un jeune soldat anglais avec son cheval blessé, et que je ne résiste pas de vous montrer à nouveau. Elle illustre à merveille le propos de CHEVAL DE GUERRE, le roman de Morpurgo et le nouveau film de Steven Spielberg.
La 1e Guerre Mondiale, ou «Grande Guerre» comme on l’appelait alors, tua en tout 9 millions d’hommes, peut-être même plus encore, compte tenu du nombre de disparus. 886 000 hommes moururent dans les seuls rangs britanniques. Tant de morts, tant de jeunes vies fauchées dans des conditions absurdes.
Les chevaux furent largement employés sur les champs de bataille et partagèrent les souffrances des soldats, dans les tranchées et les barbelés. Sur un million de chevaux envoyés à la guerre pour les seuls rangs britanniques, seuls 62 000 rentrèrent au pays. Les autres moururent à la guerre, ou furent tués pour leur viande en France. Pour évaluer le nombre global de chevaux tués dans tous les camps, il faut multiplier par dix et donc arriver à une estimation de 10 millions de chevaux tués.
Donc : pour chaque homme tué au combat, un cheval mourut également. Ce fut le dernier grand conflit dans lequel «la plus noble conquête de l’Homme» fut autant mis à contribution, pour son malheur… L’industrialisation de la guerre allait peu à peu laisser le Cheval au rang de souvenir, face au développement des tanks, mitrailleuses, avions de combat et autres machines de mort.
Lors de la parution du livre en 1982, Morpurgo fut justement récompensé et salué pour son travail ; un thème très fort pour parler aux jeunes générations, épargnées par les conflits, de ce carnage horrifique qu’a été la Première Guerre Mondiale. Ceci à travers l’histoire du parcours à travers la guerre d’un jeune et fougueux cheval, Joey, indissociable de son maître et ami, Albert, un jeune fermier du Devon. L’adaptation théâtrale signée par Nick Stafford en 2007, à Londres puis Broadway, fut appréciée et saluée à son tour. Parmi les
spectateurs de Londres, Kathleen Kennedy et Frank Marshall, les producteurs associés de longue date de Steven Spielberg, s’enthousiasmèrent pour l’histoire. Ils convainquirent facilement leur ami et collègue d’acheter les droits d’adaptation du livre de Morpurgo. Spielberg lut le livre, vit la pièce, et, ému par l’histoire, décida d’en faire son nouveau film. Ce qui s’accordait parfaitement avec les vues de Morpurgo, qui essayait de porter son livre à l’écran depuis quelques années, avec l’aide d’un excellent scénariste, Lee Hall, l’auteur de BILLY ELLIOT. Ce film lança la carrière du jeune Jamie Bell, devenu depuis le Tintin de Spielberg. Il n’y a pas de coïncidences…
Spielberg engagea un second scénariste réputé, Richard Curtis. Un nom a priori inattendu pour un film dramatique sur la 1e Guerre Mondiale : Curtis est un nom familier aux spectateurs des comédies romantiques «so british» avec Hugh Grant – QUATRE MARIAGES ET UN ENTERREMENT, LE JOURNAL DE BRIDGET JONES et LOVE ACTUALLY. Mais Curtis connaît aussi l’histoire de son pays natal par cœur, qu’il revisitait par l’humour avec la série BLACKADDER. Après quelques légitimes appréhensions, Curtis accepta de retravailler le script original de Hall. Et, durant l’année 2010, alors que Spielberg peaufinait la très longue post-production des AVENTURES DE TINTIN : LE SECRET DE LA LICORNE, il entama donc le tournage de CHEVAL DE GUERRE dans les paysages du Devon, du Surrey et du Wiltshire. Tournage et post-production achevés, CHEVAL DE GUERRE est sorti juste après TINTIN. Infatigable Spielberg, qui à 66 ans, vient déjà d’enchaîner sur le tournage, et la postproduction, du très attendu LINCOLN avec Daniel Day-Lewis et Tommy Lee Jones.
Vous pouvez être sûrs d’entendre les sempiternels commentaires adressés à Spielberg avec la sortie de CHEVAL DE GUERRE. L’histoire d’un jeune garçon et d’un cheval, pensez donc, ne pourrait être
destinée qu’à des enfants… Ce catalogage systématique, avec toujours ce petit ton méprisant que les grandes personnes, graves et sérieuses, affectent d’avoir en pareil cas, finit par lasser. CHEVAL DE GUERRE est destiné à un public universel, sans limitation d’âge ou de culture. Pour les esprits curieux de tout âge, l’expérience sera unique. Sous ses atours de récit à grand spectacle, ce film est avant tout une odyssée amère au cœur de la folie humaine. Et il constitue, sans aucun doute, l’une des œuvres les plus importantes de son
réalisateur.
La sortie du film de Spielberg permet de nous rappeler que le Cinéma américain n’a plus abordé depuis longtemps la Grande Guerre… Le dernier film traitant du sujet remonte à 1994, 18 ans déjà : LEGENDES D’AUTOMNE, mélodrame épique tantôt pompeux et parfois inspiré d’Edward Zwick, avec Brad Pitt et Anthony Hopkins… L’évocation de la Grande Guerre passait par un éprouvant passage dans les tranchées. Le jeune frère du héros joué par Brad Pitt y succombait sur les barbelés. L’aviez-vous reconnu, ce malheureux jeune homme : c’était Henry Thomas, qui avait bien grandi depuis E.T. !
On connaît l’intérêt de Spielberg pour les sujets historiques, mais c’est la toute première fois que le cinéaste aborde la Grande Guerre, alors que sa filmographie le rattache essentiellement à la 2e Guerre Mondiale. Aborder la 1ère Guerre Mondiale lui permet, indirectement, de reconnaître l’influence de ses maîtres à filmer. On pense bien sûr en premier lieu à l’ami Stanley Kubrick et ses SENTIERS DE LA GLOIRE, chef-d’œuvre qui fit s’étrangler en son temps l’Armée française ; au point que le film resta interdit pendant près de 20 ans dans notre beau pays des libertés et des droits de l’Homme…
La 1ère Guerre Mondiale a aussi inspiré David Lean, le maître anglais situant tout ou partie de trois de ses films les plus célèbres : le monumental LAWRENCE D’ARABIE qu’on ne présente plus, une bonne partie du DOCTEUR JIVAGO (avec la description brève mais saisissante du bourbier de la guerre, prélude à la Révolution de 1917) et le sous-estimé LA FILLE DE RYAN qui a manifestement marqué Spielberg, notamment par l’évocation du traumatisme de guerre de l’officier britannique (Christopher Jones) annonçant celle de Tom Hanks dans LE SOLDAT RYAN… Officier qui séduit d’ailleurs Rosie l’irlandaise (Sarah Miles), durant une promenade à cheval. Citons aussi quelques films méconnus de John Ford, notamment le très bon et très rare PILGRIMAGE (DEUX FEMMES) où une vieille femme bourrue, forcément irlandaise, vient se recueillir sur la tombe de son fils mort dans les tranchées.
La référence la plus astucieuse de Spielberg à un de ses aînés dans CHEVAL DE GUERRE, est sans doute celle faite à Samuel Fuller et THE BIG RED ONE (AU-DELA DE LA GLOIRE). L’ultime chef-d’œuvre de Fuller, basé sur ses souvenirs de la 2e Guerre Mondiale, commençait par une vision d’Apocalypse de la Grande Guerre : on y voyait le sergent Possum (Lee Marvin) errer dans des tranchés jonchées de cadavres… puis faire face à un cheval terrorisé, sous le regard mort d’une statue du Christ. Spielberg appréciait le cinéma de Fuller, au point de lui faire tourner un bref caméo savoureux dans 1941. Le réalisateur de MAISON DE BAMBOU (dont on peut voir un extrait dans MINORITY REPORT), son cigare toujours vissé au bec, y jouait un officier déclenchant l’alerte rouge sur Los Angeles… Fuller, qui appréciait Spielberg, préparait son BIG RED ONE lors du tournage de cette scène. Lui avait-il parlé de son film en préparation, et de la scène du cheval ?…
On peut conclure ce tour non exhaustif des films marquants sur la 1ère Guerre Mondiale en évoquant rapidement les classiques du genre, essentiellement tournés pendant les années 1930 et 1940 : notamment A L’OUEST RIEN DE NOUVEAU, de Lewis Milestone, adaptation réussie du chef-d’œuvre antimilitariste d’Erich Maria Remarque ; LA GRANDE ILLUSION, chef-d’oeuvre impérissable de Jean Renoir avec Jean Gabin, Pierre Fresnay et Erich Von Stroheim ; ou le très patriotique SERGENT YORK d’Howard Hawks avec l’inoubliable Gary Cooper. Où, plus près de nous, des films d’horizons divers, tel KING AND COUNTRY (POUR L’EXEMPLE) de Joseph Losey ; le réalisateur de MONSIEUR KLEIN y évoquait déjà le martyre des chevaux durant la Grande Guerre, en filmant une vraie carcasse de cheval pourrissante dans une tranchée. Ou, plus proche de nous, l’original GALLIPOLI avec un tout jeune Mel Gibson, réussite australienne de Peter Weir reconstituant la tragique campagne militaire des soldats de l’ANZAC, corps expéditionnaire australien et néo-zélandais, sacrifié dans le conflit.
Mais revenons à nos moutons… enfin, à nos chevaux.
CHEVAL DE GUERRE est donc l’occasion rêvée pour le cinéaste de filmer la 1ère Guerre Mondiale, mais n’est pas pour autant un film de guerre. Spielberg est assez intelligent pour ne pas faire de son nouveau film un «copié-collé» du SOLDAT RYAN dans les tranchées. Le roman de Morpurgo, son approche particulière du conflit, ont inspiré sa propre vision du conflit. Certes, les batailles meurtrières sont montrées dans toute leur ampleur, mais elles ne constituent pas le cœur du récit. Spielberg ne surenchérit pas ici sur la violence extrême des combats tels qu’il les avait reconstitués pour RYAN ; il change d’approche en utilisant un point de vue original. Celui de Joey, le cheval demi Pur-Sang, protagoniste de l’histoire et observateur du conflit meurtrier ; ce cheval devient le sujet des multiples conflits personnels vécus par les humains qu’il croise. Anglais, Allemands et Français, séparés ou opposés par les drames de la Grande Guerre, se retrouveront ainsi rassemblés sans en avoir conscience autour de ce cheval unique. Le cinéaste crée ainsi ici une histoire «mosaïque» unique en son genre.
Le talent cinématographique de Spielberg est exceptionnel en ceci qu’il est l’un des rares de sa profession à savoir maîtriser une «langue des signes» essentiellement visuelle, bien plus puissante que le meilleur discours théorique. Une image particulière peut sublimer une histoire. Grand utilisateur de symboles, Steven Spielberg trouve dans le Cheval un mythe fondamental, transcendé par le contexte historique décrit ici.
Ce n’est certes pas la première fois que Spielberg filmait des chevaux, avec une idée derrière la tête… Si ceux qu’Indy chevauche dans L’ARCHE PERDUE et LA DERNIERE CROISADE sont strictement «utilitaires» (on est en pleine poursuite western à chaque fois qu’Indy galope, pour le bonheur du spectateur), il en est d’autres dans deux autres films qui avaient déjà un rôle très différent. Revoyez certaines séquences de LA COULEUR POURPRE et LA LISTE DE SCHINDLER, et vous aurez «l’embryon» en développement de CHEVAL DE GUERRE.
Dans LA COULEUR POURPRE, le brutal Mister (Danny Glover) fait constamment sangler son cheval pour aller parader auprès des filles. Le cheval est ici symbole de puissance virile, mais dans ses mauvais côtés : le fils de Mister laisse tomber la selle, et se prend une correction de son père. Lequel, fanfaronnant toujours à cheval, tentera de violer en vain la sœur de l’héroïne. Attaché en carriole, le cheval deviendra le messager de l’incompréhension : celui du facteur dont Mister prend les lettres pour les cacher à Celie, et celui du père pasteur de Shug qui rejette celle-ci. Dans LA LISTE DE SCHINDLER, le Cheval était également présent à des moments clé. Monture privilégiée des deux personnages principaux, Oskar Schindler et Amon Goeth (Liam Neeson et Ralph Fiennes), l’animal révèle quelque chose de ses maîtres au spectateur. D’un côté, le caractère séducteur de Schindler, puis le début de sa prise de conscience : une promenade romantique avec une de ses conquêtes lui fait découvrir, au sommet d’une colline, les massacres du Ghetto de Cracovie. L’officier SS Amon Goeth, quant à lui, parade dans son camp sur un cheval blanc, pour dominer les malheureux déportés de sa présence et son autorité mortelle. Pharaon et ses esclaves… Un jeune garçon juif qu’il charge de nettoyer sa selle finira exécuté pour une erreur de trop.
Avec CHEVAL DE GUERRE, Spielberg peut développer tout un jeu habile de signes et de références mythiques remarquablement variées. Lié à l’homme depuis des millénaires, le Cheval a pris une dimension symbolique et archétypale exceptionnelle. L’odyssée de Joey permet au cinéaste d’aborder plusieurs de ces thèmes. Le jeune cheval ne fait pas que traverser les champs de bataille, bien avant cela il lie entre eux les destins de plusieurs personnes que la Guerre va transformer. Et il en sortira lui-même transformé, après être passé de mains en mains.
La relation entre le jeune Albert (Jeremy Irvine) et Joey est touchante. Spielberg filme son développement en insistant particulièrement sur sa nature muette, purement instinctive. Ce sont des scènes d’apprivoisement «classique», mais qui passent par des détails très subtils. Le jeune homme qui a suivi la naissance de Joey se sent intimement lié à celui-ci, mais s’il veut le garder auprès de lui, il ne le possède pas… Joey a son caractère et son langage propre (le jeu des regards, mouvements d’oreille, du cou, des pattes, etc.), et de plus, il a une mère protectrice qui veille à ce qu’il n’approche pas les étrangers ! Joey est l’incarnation littérale d’une force vitale à ce moment-là encore insoumise, profondément liée à la «Terre Mère» représentée par la jument. Il vit quelques semaines de liberté et d’insouciance dans les magnifiques prairies verdoyantes du Devon, avant le sevrage nécessaire, et le début de la grande amitié qui le liera au jeune homme. L’apprivoisement entre eux deux est réciproque. On quitte l’enfance et l’innocence très tôt, dans le film.
Joey devient alors un paradoxe vivant : bâti pour la course et remarqué par le propriétaire Lyons (David Thewlis), il se retrouve cheval de trait pour les modestes Narracott… Il se retrouve aussi déjà au cœur d’un conflit, bien avant les obus et les tranchées. La décision de Ted, le père d’Albert (Peter Mullan), semble totalement absurde. Pourquoi un fermier, en grande difficulté financière, se ruine-t-il pour acheter un cheval de course ? L’alcoolisme du personnage n’explique pas tout. L’ancien sergent rescapé de la Guerre des Boers a un contentieux en cours avec Lyons… plutôt que d’en venir à la violence, il ose défier son propriétaire sur un autre terrain. Joey se retrouve alors, malgré lui, l’enjeu d’une «guerre» de classes sociales. L’achat entraîne un autre conflit, intime celui-là, entre les parents d’Albert. Rosie, la mère réaliste (Emily Watson), reproche à son mari son attitude, plus par déception que par colère. On devine que le père garde pour lui de douloureuses séquelles de guerre, le traumatisme d’avoir perdu des amis dans des batailles à l’autre bout du monde, et cherche à prendre sa revanche sur le mauvais sort à travers l’achat de Joey. Celui-ci est donc, déjà, un «cheval de guerre» qui s’ignore, cristallisant les conflits de la famille Narracott.
Et, s’il galope toujours au grand air avec son nouveau maître, il continue à être l’enjeu du conflit entre les Narracott et les Lyons. Au conflit des pères répond celui des fils : Albert a la fougue et l’idéalisme romantique de sa jeunesse, et ose défier le fils Lyons pour les yeux de sa belle, dans une course «voiture contre cheval» dans la campagne. Joey devient alors le cheval romantique qu’il sera plus tard, lors des scènes
avec Emilie la jeune française. Cette guerre «intime» arrive à son paroxysme avec des scènes évocatrices de ce qui attend Joey et Albert. Ce dernier reporte toute son affection sur le cheval, mais doit se résoudre à en faire un animal de labour… et pour cela, lui faire l’apprentissage de la violence. Il doit domestiquer l’instinct «brut» de ce dernier. L’usage à contrecœur du fouet, notamment, qui pousse Joey à enfin obéir, annonce son futur calvaire… et le labourage, impeccablement mis en images par Spielberg, devient un autre signe annonciateur : les sillons rendus démesurés par l’image annoncent les boueuses tranchées de la Guerre.
A SUIVRE DANS LA 2e PARTIE…
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