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Archives pour septembre 2012

En bref… LE HOBBIT

Une nouvelle affiche du HOBBIT de Peter Jackson vient de sortir sur le Net.

Voici donc une belle bande de Nains, douze rudes gaillards menés par leur roi Thorin Oakenshield (ou Thorin Ecu-de-Chêne) interprété par Richard Armitage (aperçu en vilain espion dans CAPTAIN AMERICA), et bien déterminés à reprendre leur royaume au terrible dragon Smaug.

En bref... LE HOBBIT dans Infos en bref Bilbo-le-Hobbit64400

Ils se nomment : Balin (lieutenant de Thorin, barbe blanche, à droite du patron sur la photo), Dwalin (chauve et pas commode, frère du précédent), Kili, Fili (les deux jeunots de la troupe), Bifur, Bofur (portant chapeau en haut à droite), Bombur (le glouton aux faux airs de Gérard Depardieu en Obélix), Dori, Nori, Ori, Oïn et Gloïn (le papa de Gimli, en haut à gauche).

Cet hiver, soyez cool, soyez barbus !

 

Ludovic Fauchier.

Les photos de LINCOLN + news du casting de ROBOPOCALYPSE

Bonjour à tous !

 

Une première série de photos du prochain film de Steven Spielberg, le très attendu LINCOLN avec Daniel Day-Lewis dans le rôle titre. 

A ses côtés, un casting de belle envergure, rassemblant notamment Sally Field, Tommy Lee Jones, Joseph Gordon-Levitt, David Strathairn, Hal Holbrook et Jackie Earle Haley.

 

Les photos de LINCOLN + news du casting de ROBOPOCALYPSE dans Infos en bref Daniel-Day-Lewis-in-Lincoln-2012-Movie-Image

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Profitons-en pour rajouter quelques news fraîches concernant son film suivant, ROBOPOCALYPSE. Annoncé pour l’été 2014 sauf erreur d’information de ma part, ce sera un retour sur un terrain familier à Spielberg : la science-fiction, tendance forcément apocalyptique selon le titre, d’après un roman de Daniel Wilson, un jeune auteur et spécialiste en cybernétique et intelligence artificielle, déjà comparé au défunt Michael Crichton.

Drew Goddard, un jeune scénariste qui monte (révélé par les succès de CLOVERFIELD et LA CABANE DANS LES BOIS) rédige le scénario, assez classique sur le papier : la mise en service d’Archos, la première intelligence artificielle globale, entraîne la révolte de celui-ci et des robots qu’il contrôle : programmé pour protéger la Vie elle-même, Archos a décidé l’élimination sans conditions de l’espèce humaine. Un petit groupe de résistants se dresse contre lui.

Trame assez familière à ceux qui ont vu les TERMINATOR, MATRIX ou I, ROBOT, mais gageons que la différence se fera sur le traitement et la vision de Spielberg. Ce film devrait prolonger les thèmes d’A.I. INTELLIGENCE ARTIFICIELLE et les scènes dantesques de LA GUERRE DES MONDES.

Le cinéaste prépare déjà son casting. Chris Hemsworth, le puissant Thor des films Marvel, a été annoncé comme le premier rôle masculin depuis quelques mois, sans confirmation officielle cependant. Spielberg est en négociations avec Anne Hathaway (ouais !!!). Hmm… le puissant Thor et la Catwoman de Christopher Nolan dans le même film… Spielberg serait donc un fan des « comic books movies » que cela ne m’étonnerait qu’à moitié.

Il devrait aussi engager dans son film Ben Whishaw, le jeune comédien anglais vu dans LE PARFUM, I’M NOT THERE, et très demandé puisque nous allons le voir en nouveau Q dans SKYFALL, le James Bond de Sam Mendes, puis dans l’intrigant CLOUD ATLAS co-réalisé par les Wachowskis et Tom Tykwer, son réalisateur du PARFUM. Tout ça se présente bien, donc.

 

Ludovic Fauchier

La Séquence du Spectateur…

Bonjour à tous ! 

Une nouvelle rubrique dans ce blog, baptisée en hommage à une défunte émission  »La Séquence du Spectateur » !

On verra ou on reverra ici des scènes célèbres, « cultes », etc., sans thème particulier, juste pour le plaisir. Si vous avez des suggestions, n’hésitez pas à m’en faire part.

Histoire de se mettre en jambes - et de se dérider un peu histoire d’oublier une actualité franchement sinistre -, on commence par un extrait de BRUCE TOUT-PUISSANT (2005) : Bruce Nolan (Jim Carrey), ayant obtenu les pouvoirs de Dieu, se venge de son confrère Evan Baxter (Steve Carell) en lui pourrissant son premier JT…

Je ne dirais pas que le film est un chef-d’oeuvre, mais la scène qui suit est irrésistible. 

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Mieux que les antidépresseurs : Jim Carrey et Steve Carell !

En bref… LAWLESS / Des Hommes Sans Loi, THE WE AND THE I et LE HOBBIT

Bonjour à tous ! Je reprends ici une rubrique que j’avais abandonnée depuis pas mal de temps…

Depuis que j’ai commencé ce blog, mes textes sont passés du stade de la petite critique à de vrais essais analytiques, au point de me prendre énormément de temps… Je corrige un peu le tir en vous parlant très rapidement de films sortis en salles ce mois-ci, et de la dernière image d’une preview très attendue. Vos réactions et remarques seront les bienvenues.

 

En bref... LAWLESS / Des Hommes Sans Loi, THE WE AND THE I et LE HOBBIT dans Infos en bref Lawless

LAWLESS (DES HOMMES SANS LOI) est un excellent film de John Hillcoat, un australien qui s’était fait remarquer par ses précédentes réalisations : THE PROPOSITION, un western tourné et situé dans l’outback, avec Guy Pearce et Ray Winstone ; et surtout LA ROUTE avec le grand Viggo Mortensen, Charlize Theron et toujours Guy Pearce, d’après le roman de Cormac McCarthy.

Hillcoat  confirme son talent avec ce nouveau film, qui nous plonge dans le monde des « moonshiners » et autre « bootleggers » de la Prohibition, ici trois frères du fin fond de la Virginie qui pratiquent la distillation et le trafic illégal d’alcool et entrent en guerre contre un agent fédéral véreux et brutale (campé par un Guy Pearce, l’acteur fétiche de Hillcoat, visqueux à souhait). Un film de criminels efficace, à la violence très frontale (une scène de torture au goudron, une autre de castration, des règlements de compte à la mitraillette… vous êtres prévenu, ça n’est pas un film à l’eau de rose) qui cache en fait un vrai western, un pur et dur, qui n’aurait certainement pas déplu à Sam Peckinpah.

Un casting impeccable : outre Pearce, s’y illustrent Shia LaBeouf, Tom Hardy (décidément impressionnant), Jessica Chastain, Gary Oldman et la gracieuse Mia Wasikowska (ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, ALBERT NOBBS, JANE EYRE et RESTLESS). C’est du tout bon !

 

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THE WE AND THE I, de Michel Gondry.

Notre versaillais bricoleur / clippeur / cinéaste multitêtes des plus inventifs s’accorde ici une petite « récréation » avant son adaptation de L’ECUME DES JOURS d’après Boris Vian. Pas désagréable quoiqu’un peu anodine, cette virée dans un bus du Bronx nous fait suivre une bande d’adolescents sortant de leur dernier jour de classe avant les vacances. Comme il se doit, ça gueule, ça roule des mécaniques, ça forme des groupes et ça ricane devant les vidéos transmises sur son iPhone, avant que les masques tombent…

Tout ça semble un peu léger avant que, habilement, Gondry resserre son récit autour des secrets des uns et des autres. Le réalisateur laisse ses jeunes comédiens avoir le champ libre et bride ses expérimentations visuelles habituelles, orientant sa mise en scène autour d’une idée ingénieuse : la narration en temps réel, se déroulant au rythme du voyage du bus à travers le Bronx. Bien fichu, même si on attend toujours mieux du cinéaste.

 

Et enfin, voici la dernière affiche promotionnelle, tout juste diffusée sur le Net, du très attendu HOBBIT : UN VOYAGE INATTENDU de Peter Jackson.

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Inutile, je pense, de vous résumer le film qui marque le premier chapitre d’une nouvelle trilogie précédant celle du SEIGNEUR DES ANNEAUX, et qui va nous raconter, entre autres choses, comment Bilbo(n) Sacquet s’est emparé du Préssssieux au grand dam de ce pauvre Gollum…

Si vraiment vous débarquez de la planète Mars et n’avez aucune de ce dont je parle ici, je vous conseille de relire au plus vite un certain BILBO LE HOBBIT bien connu de toutes les bibliothèques pour la jeunesse, depuis des décennies…

L’affiche fait bien entendu le lien avec celles du SEIGNEUR DES ANNEAUX : LA COMMUNAUTE DE L’ANNEAU (Frodon et l’Anneau) et du RETOUR DU ROI (Aragorn et son épée). Bilbo(n) Baggins (Sacquet) a fière allure, brandissant son Dard*. Il est interprété par Martin Freeman, apprécié des aficionados des séries télé pour son excellente prestation dans la série SHERLOCK de la BBC, magistrale relecture modernisée des romans de Conan Doyle. D’ailleurs, Benedict Cumberbatch, l’interprète de Sherlock Holmes dans cette série, prêtera sa voix et ses traits (numérisés en performance capture) pour incarner l’affreux dragon Smaug que Bilbo(n) devra affronter dans la suite…

 

A bientôt pour d’autres news !

Ludovic Fauchier.

 

*je n’y suis pour rien, c’est vraiment le nom de l’épée !

William Friedkin, partie 2

William Friedkin, partie 2 dans Filmographie William-Friedkin-Cruising

Après quoi Friedkin s’intéresse à CRUISING, un roman du journaliste Gerald Walker qui circulait depuis des années dans le milieu du cinéma. Basé là aussi sur une histoire vraie, une série de meurtres survenus au début des années 1970, le livre intéressa pendant un temps Steven Spielberg, qui faillit en faire son premier long-métrage ; de même, Brian DePalma, également intéressé, y trouvera l’idée de son DRESSED TO KILL (PULSIONS), tourné et sorti à la même époque que le film de Friedkin – et aussi mal accueilli à sa sortie.

CRUISING (LA CHASSE, 1980) relate une série de crimes particulièrement horribles, à New York. On retrouve les restes de jeunes hommes, homosexuels, violés et tués pendant des relations SM. Le tueur présumé a toujours pris soin de ne laisser aucune trace compromettante sur les lieux de ses meurtres. Le Capitaine Edelson (Paul Sorvino) convainc un jeune officier de police, Steve Burns (Al Pacino), de servir d’appât au tueur insaisissable. Correspondant au type physique des victimes, Steve emménage dans un appartement de Greenwich Village, quartier fréquenté par les homosexuels, et se fait passer pour l’un d’eux. Le soir, il rôde dans les boîtes underground sadomasochistes du Village, afin d’appâter l’assassin. Les semaines passent, sans résultat. Le jeune flic se détache de plus en plus de sa petite amie, Nancy (Karen Allen)…

 

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Et un nouveau brûlot, un ! CRUISING sera l’un des films les plus controversés du cinéaste ; classé X par la MPAA, le film sera cinquante fois remanié, selon Friedkin, avant d’obtenir une classification tout juste moins infâmante. Quarante minutes du film auront été retirées, et probablement détruites par le studio United Artists. CRUISING fut descendu en flammes par la critique, et par les associations américaines de défense des homosexuels n’appréciant pas l’imagerie blousons de cuir-chaînes-moustache des milieux underground ici décrits… Les mêmes associations semblaient avoir oublié que dix ans plus tôt, Friedkin avait décrit avec beaucoup de finesse la communauté gay de New York dans LES GARCONS DE LA BANDE. Son propos, ici, n’est certainement pas de diffamer et de caricaturer les homos ; une nouvelle fois, la violence des images montrées par le cinéaste a paralysé la faculté de jugement de ses critiques. Dommage pour eux.

CRUISING est un excellent polar, terriblement dérangeant dans sa description d’une New York n’ayant rien à voir avec les quartiers chics d’un Woody Allen. L’idée maîtresse du film est de montrer à quel point la frontière entre le Bien et le Mal est poreuse chez l’être humain ; le jeune flic Steve Burns campé par Pacino, vaguement défini au départ de son enquête (il a une petite amie, et espère faire ses preuves pour une promotion et une bonne carrière), plonge en fin de compte dans sa part de ténèbres, se rapprochant sans le savoir d’un tueur sérieusement dérangé, refoulant son homosexualité au point d’assassiner les hommes qu’il désire. Idée très politiquement incorrecte de la part de Friedkin, qui nous révèle peu à peu que ce refoulement est partagé par Burns. Son homosexualité latente révélée peu à peu dans le milieu qu’il fréquente, Burns se rapproche du tueur au point que le doute subsiste au final. Le tueur est neutralisé, mais on apprend que le voisin gay de Steve a été retrouvé assassiné selon le même mode opératoire… Y a-t-il un autre tueur en liberté ? Steve s’est-il trompé sur l’identité du meurtrier ? Ou, perturbé par sa vraie nature, a-t-il imité le tueur et assassiné le malheureux ?

S’éloignant de la mise en scène du polar «hard boiled» façon FRENCH CONNECTION, Friedkin se rapproche ici du style giallo, ces thrillers italiens basculant dans le fantastique horrifique. De fait, CRUISING est un univers cauchemardesque et surréel, épousant parfaitement la thématique de l’histoire. Fidèle à lui-même, le cinéaste ne recule pas devant la représentation d’une violence écœurante, crue, dans la description des meurtres ; et son souci de réalisme documentaire est poussé ici au maximum, durant les fameuses scènes tournées dans de vrais clubs fétichistes gays de New York. Les figurants que l’on y voit s’ébattre sont les vrais habitués des lieux… et les scènes hardcore ayant survécu aux coupes exigées par la MPAA ne sont pas simulées.

Pour Al Pacino, un rôle mémorable, un pari gonflé qui aurait pu se conclure par un suicide professionnel (combien d’acteurs américains accepteraient de jouer dans un film pareil de nos jours ?) mais dont il se tire haut la main, en dépit d’une brouille avec Friedkin. Pour le cinéaste, c’est un échec public de plus. Mais plus de 30 ans après sa sortie, CRUISING, tout en conservant son statut controversé, est enfin reconnu comme une de ses meilleures œuvres.

 

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Friedkin signe ensuite LE COUP DU SIECLE en 1983, avec Chevy Chase, Gregory Hines et Sigourney Weaver. Une comédie satirique sur les marchands d’armes passée inaperçue au box-office (le public de l’époque associait davantage Chevy Chase aux comédies «National Lampoon» qu’à des critiques politiques acerbes…). Pour Friedkin, ce film serait presque des «vacances», même si le cinéaste vise cette fois-ci les marchands d’armes et la corruption de dictatures latino-américaines couvertes par les gouvernements successifs des USA… Le film suivant nous ramène Friedkin à son meilleur niveau.

 

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Sorti en 1985, TO LIVE AND DIE IN L.A. (POLICE FEDERALE LOS ANGELES) suit Jim Hart et Richard Chance (William Petersen), deux agents de l’USSS (Secret Service), agence gouvernementale chargée à la fois d’assurer la protection des plus hauts représentants politiques américains et de lutter contre les réseaux de faux monnayeurs. Opérant à Los Angeles, Hart veut partir à la retraite sur un coup fracassant, l’arrestation d’Eric Masters (Willem Dafoe), trafiquant de fausse monnaie particulièrement dangereux. Mais Hart se fait piéger, et il est assassiné par Masters. Chance jure de venger son ami et se plonge à corps perdu dans sa traque, flanqué d’un nouveau coéquipier plus mesuré, John Vukovich (John Pankow). Ils commencent par surveiller un des complices criminels de Masters, l’attorney véreux Max Waxman. Masters soupçonnant Waxman de l’avoir dénoncé à la police, il le tue chez lui. Vukovich s’est malheureusement endormi durant sa surveillance. Le temps passant, Chance, obnubilé par sa vengeance, va peu à peu oublier toute déontologie policière et faire courir des risques insensés, aussi bien pour lui que pour son coéquipier…

 

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Retour en très grande forme au polar pour William Friedkin, qui adapte un roman écrit par Gerald Petievich, un ancien agent de l’USSS, roman inspiré par ses années de service dans la traque des faux monnayeurs. Remaniant largement l’histoire, Friedkin nous livre un film électrisant, encore plus transgressif que FRENCH CONNECTION. En apparence, le sujet fait penser à un pré-ARME FATALE, à la différence fondamentale que le cinéaste refuse les conventions et le happy end de rigueur : il ose même l’impensable dans un blockbuster d’action, à savoir que le héros (ou plutôt l’anti-héros) se fait bêtement tuer vingt minutes avant la fin du film, d’un coup de shotgun en pleine tête ! C’est que le bien mal-nommé Chance s’est cru, durant tout le film, au-dessus des lois, et a fait preuve d’un comportement impulsif, le poussant littéralement au suicide… Et c’est son coéquipier, plus timoré, qui va achever la traque en devenant à son tour un autre idiot suicidaire.

Fidèle à ses habitudes d’ancien réalisateur de documentaires, Friedkin tient à ce que son TO LIVE AND DIE IN L.A. soit authentique de bout en bout : il tourne dans les quartiers les plus dangereux de Los Angeles, sur le territoire des gangs ; les détenus figurants dans la scène de prison de San Luis Obispo où se retrouve le personnage de John Turturro sont de vrais prisonniers ; les agents des Services Secrets (dont Petievich lui-même) sont également présents dans les scènes les concernant ; et un faux monnayeur servit de conseiller technique à Willem Dafoe, qui fabrique réellement de faux billets dans le film. Le tournage de ses scènes fut même surveillé par les hélicoptères de la soupçonneuse police de L.A. !

Le film en lui-même est un petit chef-d’œuvre, une description au vitriol des mœurs du Los Angeles de l’ère Reagan. Aussi flamboyante en surface que totalement corrompue en profondeur, la ville californienne est décrite dans toute sa «splendeur» cynique, par un Friedkin qui excelle à créer une ambiance délibérément surréelle, touchant à l’absurde. L’attitude des deux flics participe à cette absurdité ambiante ; voir par exemple cette scène où Vukovich rattrape un suspect et l’arrête :
«Pourquoi vous me poursuivez ?

– J’en sais rien, pourquoi tu t’enfuis ?

– Je m’enfuis parce que vous me poursuivez !»

Dans le même ordre d’idée, la monumentale course-poursuite renvoie bien sûr à FRENCH CONNECTION, l’égale, et même la surclasse. Nos deux flics se retrouvent dans une situation familière à nombre de blockbusters d’action, sauf que Friedkin transgresse une nouvelle fois les règles. Cette poursuite n’a aucune raison objective d’être là (on n’identifie aucun des tireurs et poursuivants), si ce n’est de révéler l’état d’esprit complètement confus de Chance, et la panique de Vukovich. La scène, un moment d’anthologie, tourne au rêve éveillé et participe à l’absurdité ambiante.

Le film est relativement bien accueilli à sa sortie aux USA, même si on est loin du triomphe public de FRENCH CONNECTION, sa radicalité et le cynisme de ses personnages y étant sûrement pour quelque chose. Il faudra là encore quelques années avant que l’on reconnaisse en lui un des meilleurs films policiers des années 1980, et un des tous meilleurs films de Friedkin.

Friedkin signera par la suite deux téléfilms tournés et écrits avec Gerald Petievich, sur une organisation gouvernementale spéciale luttant contre les terroristes, C.A.T. SQUAD (1986) et C.A.T. SQUAD : PYTHON WOLF (C.A.T. SQUAD, COMMANDO PYTHON, 1988). Peu d’informations et d’opinions favorables sur le Net. On passe donc à la suite…

 

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Friedkin s’attaque de nouveau à deux sujets épineux pour la société américaine, la peine capitale et les tueurs en série. C’est RAMPAGE (LE SANG DU CHÂTIMENT, 1987).

Charles Reece (Alex McArthur), un tueur en série en proie à des délires paranoïdes, s’introduit dans des maisons pour massacrer et mutiler des familles, et boire leur sang. Une chasse au tueur est menée par la police, et bientôt Reece est capturé. Anthony Fraser (Michael Biehn), avocat libéral opposé à la peine de mort, se voit chargé de mener l’accusation contre Reece dans un procès à sensation. La défense plaide l’irresponsabilité pénale, affirmant que Reece a commis ces meurtres en raison d’une maladie mentale et ne peut être considéré comme responsable de ses actes. Emu par la détresse de la famille d’une des victimes de Reece, Fraser décide d’aller contre ses convictions et de requérir la peine de mort contre le tueur…

 

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Un mélange de thriller policier et de drame judiciaire, inspiré du cas d’un tueur en série réel, Richard Chase, malade mental adepte du vampirisme. Friedkin secoue à nouveau la conscience du spectateur avec ce film intense sur des questions judiciaires délicates dans la société américaine : la peine de mort est-elle une solution vraiment «morale», même appliquée aux tueurs en série ? Celui de RAMPAGE est aussi terrifiant que pathétique… Il suscite bien entendu la répulsion, mais sa maladie mentale (on se rapproche du mal qui ronge Regan dans L’EXORCISTE) est une circonstance atténuante de taille. Ce qui pose alors un autre problème délicat : de tels individus placés en traitement psychiatrique sont-ils irrémédiablement condamnés à être enfermés pour le reste de leurs jours ? Et si un jugement favorable les amenait à être relâchés ?…

Ce film très perturbant n’a pas été distribué aux USA pendant 5 ans ; pas cette fois à cause de la censure, mais à cause de la banqueroute de la compagnie DEG (également derrière les brillantissimes polars L’ANNEE DU DRAGON de Cimino et MANHUNTER de Michael Mann) fondée par Dino De Laurentiis. William Friedkin changea le montage des scènes finales quand le film put être distribué aux USA en 1992, soulevant une certaine controverse chez ses admirateurs.

Les deux fins sont en effet très différentes :

- dans celle du montage de 1987, Reece est reconnu sain d’esprit au terme du procès, et donc condamné à mort. Le conflit personnel de Fraser devient caduc quand le scanner cérébral révèle la maladie mentale de Reece. Celui-ci se suicide en faisant une overdose de médicaments antipsychotiques qu’il avait cachés.

- dans celle de la version révisée par Friedkin lui-même en 1992, Reece, reconnu malade mental, est envoyé dans un hôpital psychiatrique d’Etat. Il écrit à un homme dont il a tué la femme et l’enfant, lui demandant de venir le voir ; et un panneau final révèle qu’il va être libéré sur parole dans six mois, et donc libre, peut-être, de recommencer ses tueries…

Le cinéaste, opposé à la peine de mort (se rappeler son documentaire THE PEOPLE VS. PAUL CRUMP) s’est-il renié ? De son propre aveu, son point de vue sur la peine de mort a changé entretemps.

N’ayant vu aucune des deux versions (le film, à ma connaissance, est rarissime et n’est pas disponible en DVD), je ne peux que me fier à ces résumés trop succincts, et supposer que la version remaniée par Friedkin laisse pourtant plus de place au doute…

Quoiqu’il en soit, Friedkin finit ainsi sa traversée personnelle des années Reagan (Regan ?) sur un autre film «maudit».

 

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Les choses se gâtent nettement par la suite, le cinéaste accusant une sérieuse baisse de créativité au début des années 1990. 17 ans après L’EXORCISTE, il signe un nouveau film fantastique, THE GUARDIAN (LA NURSE, sortie en 1990).

Allan et Molly Sheridan laissent un soir la garde de leurs deux enfants à la nounou, Diane. Mais, quelques instants après, Diane disparaît en emportant le bébé des Sheridan dans les bois. Trois mois plus tard, un autre couple, Phil et Kate Sterling (Dwier Brown et Carey Lowell) emménagent dans leur nouvelle maison de Los Angeles. Ils sont bientôt les parents d’un petit Jake. Pour pouvoir continuer à travailler, ils engagent une nounou, Camilla (Jenny Seagrove), jolie et compétente, pour veiller sur Jake…

Hélas, ce film-là n’est pas L’EXORCISTE… Le cinéaste signe une navrante histoire de nounou offrant des sacrifices humains à un arbre démoniaque, et reniera une version remontée pour la télévision. On passe.

 

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Il renoue avec les grands studios pour son film suivant, BLUE CHIPS, sorti en 1994.

Pete Bell (Nick Nolte), entraîneur de l’équipe de basket universitaire des Western University Dophins, a mis au point un programme de recrutement rapide de futures stars, les «Blue Chips». Mais son équipe perd beaucoup de matches, et les vedettes sont en réalité soudoyées par les autres universités. Pratique rigoureusement interdite, mais Pete a besoin de résultats et laisse Happy (J.T. Walsh) offrir de somptueux cadeaux aux joueurs, dont Neon Boudeaux (Shaquille O’Neal), pour qu’ils restent chez les Dolphins. Entre son association avec le ripou Happy, les soupçons de scandale évoqués par un journaliste sportif (Ed O’Neill), ses relations difficiles avec sa femme (Mary McDonnell) et les vilaines pratiques d’un de ses anciens protégés, Pete craque…

Premier film de Friedkin avec le studio Paramount depuis SORCERER, BLUE CHIPS est pour lui l’occasion de filmer le basket-ball, un sport qu’il adore, mais sur lequel il garde un regard critique et cinglant, parlant ici de la corruption et de l’argent roi dans le sport de haut niveau. Un thème toujours d’actualité. Fidèle à ses habitudes, Friedkin s’inspire pour le personnage de Nolte d’un vrai entraîneur, Bob Knight, et de vrais joueurs et entraîneurs de la NBA de l’époque jouent leur propre rôle. Hélas, le film ne passionne guère…

Pas plus que JAILBREAKERS (1994), un téléfilm réalisé par Friedkin dans le cadre de REBEL HIGHWAY, une série de téléfilms revisitant les films d’exploitation «blousons noirs» des années 1950. Ces téléfilms sont signés par quelques noms prestigieux : outre Friedkin, on y retrouve John Milius, Joe Dante ou Robert Rodriguez. Le cinéaste ne semble guère cependant s’intéresser à cette histoire d’une lycéenne (Shannen Doherty) qui tombe amoureuse d’un petit loubard (Antonio Sabato Jr.)…

 

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La convalescence de Friedkin commence avec JADE, réalisé en 1995 pour la Paramount.

David Corelli (David Caruso), District Attorney adjoint de San Francisco, est appelé sur les lieux du meurtre brutal de Kyle Medford, un influent homme d’affaires. Une cassette vidéo compromettante est découverte dans le coffre-fort de la victime, montrant le Gouverneur Lew Edwards (Richard Crenna) en plein ébats avec une prostituée, Patrice (Angie Everhard). Interrogée, celle-ci révèle l’existence d’un vaste réseau de prostitution organisé par Medford pour de très riches clients ; la plus demandée est la mystérieuse «Jade». Menacé par Edwards qui ne veut pas voir sa carrière détruite, Corelli échappe au sabotage de sa voiture. L’enquête révèle que les empreintes digitales trouvées sur l’arme du meurtre de Medford sont celles de Trina Gavin (Linda Fiorentino), psychologue et ancienne compagne de Corelli, maintenant mariée à son meilleur ami, l’avocat de la défense Matt Gavin (Chazz Palminteri)…

 

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Si ce résumé vous rappelle un autre film, c’est tout à fait normal… JADE est à la base un scénario de Joe Eszterhas, à l’époque le scénariste le mieux payé de Hollywood, grâce au triomphe de BASIC INSTINCT de
Paul Verhoeven, qui initia une vague de thrillers érotiques stéréotypés (SLIVER, également écrit par Eszterhas). William Friedkin part donc avec un assez lourd handicap, ce scénario semblant être cyniquement photocopié par son auteur… Le cinéaste rattrape les choses comme il peut, en remaniant totalement le script au grand dam d’Eszterhas.

Pourvu de séquences SM bien corsées (où, cette fois, c’est la Femme qui domine et humilie), le film a été tronqué des scènes les plus explicites à sa sortie. Handicapé par ce scénario bancal, et la comparaison inévitable avec BASIC INSTINCT, le film de Friedkin garde pourtant quelques atouts typiques de son réalisateur. Esthétiquement, à la flamboyance du film de Verhoeven, JADE se distingue par une noirceur et une atmosphère étouffante, décrivant impitoyablement une élite sociale américaine gagnée par la décrépitude. La séquence d’ouverture, scandée par LE SACRE DU PRINTEMPS de Stravinsky, est impressionnante, nous rappelant que le cinéaste de L’EXORCISTE est encore capable de terrifier le public. De plus, Friedkin nous livre, après FRENCH CONNECTION et TO LIVE AND DIE IN L.A., une troisième séquence de course-poursuite automobile mémorable : dans les rues du Chinatown de San Francisco, Corelli et son adversaire se pourchassent… jusqu’à être bloqués par la foule. La première course-poursuite immobile du cinéma américain n’empêche pas ses protagonistes de foncer dans le tas, pied au plancher, et de renverser les passants, d’habitude miraculeusement épargnés !

Dernier atout non négligeable du film de Friedkin, la sublime Linda Fiorentino, parfaite femme fatale révélée l’année précédente dans LAST SEDUCTION, éclaire le film de sa présence incendiaire. Hélas, la belle brune, après un rôle savoureux dans MEN IN BLACK deux ans après, n’aura plus l’occasion de briller en tête d’affiche.

Très mal accueilli à sa sortie, JADE fut un échec public terrible de plus pour Friedkin, qui considère pourtant alors qu’il s’agit de son film préféré.

 

William-Friedkin-Douze-Hommes-en-Colère

12 HOMMES EN COLERE (1997) est une nouvelle adaptation de la célèbre pièce de Reginald Rose, déjà adaptée au cinéma avec succès par Sidney Lumet avec Henry Fonda, en 1957. Ici produite et réalisée pour la chaîne télévisée Showtime, l’histoire reste la même, avec quelques modifications dues au changement d’époque.

Douze jurés viennent d’assister au procès d’un jeune homme accusé du meurtre de son père. Dans une petite pièce à la climatisation défaillante, les douze hommes doivent délibérer et rendre un verdict unanime : si l’accusé est reconnu coupable, il sera condamné à mort. Onze jurés votent pour la culpabilité du supposé meurtrier ; seul le Juré N°8 (Jack Lemmon) exprime des doutes. Peu à peu, entre ce juré réfractaire et les onze autres (parmi lesquels Georges C. Scott, William Petersen, Armin Mueller-Stahl et James Gandolfini), la tension monte…

Ce passage à la télévision réussit bien à Friedkin, pour cette adaptation qui n’a pas du tout à rougir de la comparaison avec le classique de Lumet. Toujours provocateur avec l’âge, Friedkin «actualise» l’odieux Juré numéro 10, un bigot blanc, grossier et raciste, qui devient ici un ancien membre de Nation of Islam. Coïncidence curieuse ? Le Juré numéro 2, celui qui veut la peine de mort pour l’accusé, était joué par Lee J. Cobb dans le film de Lumet. Cobb joua ensuite l’inspecteur Kinderman dans L’EXORCISTE. Le même Kinderman était joué dans L’EXORCISTE III (réalisé par William Peter Blatty) par George C. Scott… qui reprend ici le rôle du juré joué par Cobb !

 

William-Friedkin-Rules-of-Engagement

Friedkin revient au cinéma en 2000 avec un autre sujet difficile : RULES OF ENGAGEMENT (L’ENFER DU DEVOIR) avec Samuel L. Jackson, Tommy Lee Jones, Guy Pearce et Ben Kingsley.

Durant la Guerre du Viêtnam, le Lieutenant Terry Childers (Samuel L. Jackson) exécute un prisonnier désarmé pour intimider un officier de l’Armée Populaire Vietnamienne, afin qu’il annule une embuscade contre des Marines. Childers sauve ainsi la vie des soldats, dont celle du Lieutenant Hays Hodges (Tommy Lee Jones). En 1996, Hodges se retrouve à la division JAG pour défendre Childers. Evacuant l’Ambassadeur
américain au Yémen avec son unité de Marines, Childers et ses hommes ont ouvert le feu sur une foule de manifestants, causant 83 morts parmi les civils. Le drame choque l’opinion publique, et provoque de très graves tensions diplomatiques. Childers, directement accusé, affirme pourtant que la foule était armée par des terroristes…

Voilà un film dont le sujet explosif est hélas toujours d’actualité, anticipant avec douze ans d’avance une situation géopolitique familière. Il est écrit par James Webb, un ancien officier des Marines, avocat et Secrétaire de la Navy devenu Sénateur de Virginie. Encore une fois, Friedkin voit son film très mal reçu à sa sortie. Cette fois-ci, le cinéaste est l’objet d’attaques de l’American-Arab Anti-Discrimination Committee, qui accuse le film d’être «le film le plus raciste jamais fait contre les Arabes par Hollywood.» Accusation très grave dont Friedkin se défend vivement, argumentant que RULES OF ENGAGEMENT est un film contre le terrorisme, pas contre les Arabes et l’Islam.

 

William-Friedkin-The-Hunted

Le cinéaste signe ensuite son dernier film pour la Paramount, THE HUNTED (TRAQUE), en 2003, son dernier pour une «major» de Hollywood.

Quand quatre chasseurs sont retrouvés massacrés dans une forêt de l’Oregon, l‘Agent Spécial du FBI Abby Durrell (Connie Nielsen) se tourne vers L.T. Bonham (Tommy Lee Jones), un spécialiste de la survie en
milieu sauvage, pour retrouver et arrêter le tueur. Instructeur retraité des Forces Spéciales, Bonham réalise que les meurtres sont l‘œuvre d‘Aaron Hallam (Benicio Del Toro), un homme qu‘il a formé, et qui le considérait comme son mentor. Bonham est rongé par la culpabilité de n’avoir pas répondu aux lettres de Hallam, des appels à l’aide quand celui-ci sentait que ses pulsions meurtrières prenaient le dessus sur sa personnalité durant ses missions au Kosovo. Commence alors une haletante traque entre le vieux chasseur et l’ancien soldat entraîné à tuer, revenu transformé de ses combats…

 

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La veine documentaire et le souci de réalisme du cinéaste sont toujours mis à contribution, le film s’inspirant d’une histoire vraie arrivée au conseiller technique du film, Tom Brown Jr., instructeur expert en survie en milieu hostile qui dut traquer un de ses anciens élèves des Forces Spéciales, devenu criminel.

Le film est un «survival» tendu, hargneux, mené sans temps morts et remarqué pour le réalisme de ses scènes de combat à mains nues et au couteau. Son accueil est une fois de plus mitigé ; nombre de critiques le comparent hâtivement à une copie du premier RAMBO, mais quelques-uns lui trouvent des qualités, notamment un souci de caractérisation et une subtilité qui fait généralement défaut à ce genre de films. L’interprétation hantée de Del Toro, Tommy Lee Jones impeccable en vieux briscard et Connie Nielsen en femme officier déterminée, est également notable.

 

William-Friedkin-Bug

William Friedkin, lassé du système hollywoodien dominé par le système des blockbusters, des images de synthèse et des films de super-héros, coupe les ponts. Et il revient, le couteau entre les dents !  BUG, sorti en 2006, est un drame claustrophobique, un électrisant «petit» film indépendant écrit par le dramaturge Tracy Letts d’après sa propre pièce.

Agnes White (Ashley Judd) vit seule dans un motel miteux, au milieu de nulle part. Elle est sans cesse dérangée par des appels téléphoniques - et personne ne répond au bout du fil. Son ex-mari Jerry (Harry Connick Jr.) étant en prison, elle trompe son ennui dans l’alcool avec son amie lesbienne R.J. (Lynn Collins). Un soir, R.C. lui présente un inconnu, Peter (Michael Shannon), un vagabond qui dit avoir été renvoyé de l’Armée. Ils détectent un bruit étrange – le cliquetis d’un grillon coincé dans un détecteur de fumée. Elle lui propose de rester dormir dans sa chambre, il accepte. Jerry réapparaît, après deux ans passés en prison. L’ambiance devient tendue, violente. Agnes et Peter deviennent amants, vivent reclus et plongent dans la paranoïa absolue…

 

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Toujours plus radical, le cinéaste nous enferme dans la démence progressive de son couple vedette sans nous laisser aucune échappatoire. L’histoire d’amour entre Agnes (Ashley Judd, méconnaissable) et Peter (Michael Shannon, révélation du film) est sexuelle à mort, terriblement tragique (le poids de la culpabilité, thème récurrent du cinéma de Friedkin, entraîne la folie d’Agnes) et totalement horrifique. Le cinéaste de L’EXORCISTE nous décrit ici un cas de «folie à deux» poussé à l’extrême, et ne nous épargne aucun détail des manifestations de schizophrénie profonde dont souffre Michael, notamment une scène d’automutilation absolument insoutenable. Une expérience terriblement nihiliste, et un très grand film de Friedkin.

 

William-Friedkin-Killer-Joe

Cinq ans après, Friedkin et Tracy Letts récidivent avec KILLER JOE. Toujours d’après une pièce de Letts, KILLER JOE n’a rien à envier, question noirceur et férocité, à BUG.

Petit trafiquant de drogue, Chris Smith (Emile Hirsch), sérieusement endetté auprès d’un caïd local, s’est fait jeter par sa mère, junkie et alcoolique, qui a consommé sa réserve de cocaïne qu’il devait livrer pour payer ses dettes. Le dos au mur, Chris ne voit qu’une solution pour se tirer d’affaire : faire tuer sa mère par un professionnel et faire croire à un accident, la police d’assurance qu’elle a contracté sera alors versée à Dottie (Juno Temple), l’innocente petite sœur de Chris. Celui-ci se partagera le magot avec son père Ansel (Thomas Haden Church), garagiste abruti, Dottie, et leur belle-mère Sharla (Gina Gershon). Chris et Ansel contactent «Killer Joe» Cooper (Matthew McConaughey), tueur professionnel et officier de police à Dallas… Mais le tarif habituel de Joe étant bien au-dessus des moyens de Chris et Ansel, ceux-ci passent un marché avec le tueur : contre ses services, ils lui offrent Dottie en caution…

 

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Ce film noir et poisseux à souhait bascule à chaque instant dans le Fantastique, amené par des détails visuels uniques : le ciel d’orage qui annonce l’arrivé de Joe ; le pitbull enchaîné, véritable Cerbère des Enfers transformé en mobil-home… Le cinéaste livre aussi, à travers KILLER JOE, une comédie très cruelle sur des personnages absolument répugnants (un vrai règlement de comptes envers l’image de la Famille américaine, ici ingrate, ignare, veule, corrompue et à la limite de l’inceste !) ; comédie noire doublée d’une relecture très saignante des contes de fée (est-ce un hasard si l’un des personnages se nomme Ansel ?), Joe étant le Grand Méchant Loup installé dans la famille du Petit Chaperon Rouge Dottie. Laquelle passe à l’âge adulte, avec tout ce que cela sous-entendu de sexualité, par la violence. L’horreur explosera d’ailleurs dans un dernier acte qui vous dégoûtera pour toujours du poulet frit, Joe y faisant respecter la loi du plus fort d’une manière pour le moins répugnante…

Le personnage de Joe, emblématique de toute la dualité des personnages de Friedkin, est incarné par un fantastique Matthew McConaughey, cantonné pendant des années aux rôles légers de comédies standardisées, et qui dégouline ici de perversité, face à un casting brillant : Emile Hirsch (INTO THE WILD, HARVEY MILK) en fils indigne, Juno Temple (KABOOM, DIRTY GIRLS) en innocente nymphette, Gina Gershon (BOUND, SHOWGIRLS) en belle-mère vénale et Thomas Haden Church (SIDEWAYS, SPIDER-MAN 3) en paternel demeuré. On n’est pas prêt d’oublier ce «charmant» portrait de famille qui s’achève dans la nausée et le rire grinçant…

 

William Friedkin, qui conserve à un âge avancé une énergie et une rage de filmer digne du jeune homme en colère qu’il a été, annonce déjà son prochain film : I AM WRATH, histoire d’un policier en quête de vengeance, interprété par Nicolas Cage. On espère qu’en travaillant avec Friedkin, l’acteur saura sortir de l’ornière dans laquelle sa carrière est récemment tombée. Et que «Hurricane Billy» nous livrera une nouvelle bombe cinématographique !

 

Ludovic Fauchier.

William Friedkin, partie 1

William Friedkin, partie 1 dans Filmographie William-Friedkin1

Bonjour, chers amis neurotypiques !

 

William Friedkin mord encore ! A 77 ans, le cinéaste de FRENCH CONNECTION et L’EXORCISTE prouve qu’on peut toujours compter sur lui pour infliger de sérieux électrochocs au spectateur, comme en témoigne son dernier long-métrage, KILLER JOE, sorti l’an dernier et qui vient de débarquer sur nos écrans en ce paisible (?) mois de septembre. Un film noir bien glauque, poisseux, sensuel, à l’humour tordu.

L’occasion de passer en revue la filmographie du cinéaste, qui ne se limite pas aux deux chefs-d’œuvre susnommés, mais à une pléthore d’œuvres de qualité parfois variable, le plus souvent dérangeantes pour le confort moral et les idées reçues. William Friedkin, fils de descendants d’immigrés juifs ukrainiens, a conservé de sa jeunesse une certaine colère contre les injustices, colère sans doute déclenchée par le souvenir d’un père mort dans l’indigence. La créativité de cet enfant de Chicago va de pair avec une intelligence acérée, et une personnalité parfois abrasive, ce qui lui a souvent valu quelques brouilles et disputes sérieuses.

Pour résumer maladroitement l’œuvre de Friedkin, disons que celle-ci est un vrai rollercoaster sensoriel et émotionnel, profondément marquée par la question du Mal à l’œuvre dans la société américaine, depuis l’ère Nixon jusqu’à la débâcle actuelle : on y trouve pêle-mêle des sujets aussi difficiles que le trafic de drogue, le puritanisme religieux, la peine de mort, le terrorisme, etc.

Dans les films de Friedkin, des constantes : des forces sinistres guettent l’espèce humaine, qu’il s’agisse d’une force démoniaque venue du fond des âges ou de réseaux humains totalement corrupteurs. Le Mal triomphe en ce monde, nous dit Friedkin. Autre constante essentielle pour comprendre ses films : la dualité, propre là encore à chacun de nous. Un oncle du cinéaste, rappelle-t-il en présentant KILLER JOE, était policier. Enfant, il l’admirait, et il se demanda ensuite comment cet oncle pouvait mener grand train de vie avec son salaire modeste… Du trafiquant de FRENCH CONNECTION si respectable au faux monnayeur–artiste peintre de TO LIVE AND DIE IN L.A., en passant par le prêtre-psychiatre de L’EXORCISTE ou l’entraîneur lucide mais corrompu de BLUE CHIPS, tous les personnages de Friedkin ont une double nature ; certains s’en accommodent, et d’autres, comme le tueur de CRUISING, ne l’assument pas et deviennent fous. On ne ressort pas indemne du cinéma de Friedkin, vous êtes prévenus.

Les informations suivantes proviennent de celles recueillies sur Wikipédia et le site ImdB. Je recommande par ailleurs à ceux qui veulent en savoir plus sur le tournage de L’EXORCISTE un excellent petit livre de Mark Kermode, DANS LES COULISSES DE L’EXORCISTE, paru aux éditions Le Cinéphage.

 

William-Friedkin-au-travail-sur-lExorciste1 dans Filmographie

La carrière de «Hurricane Billy» Friedkin ne se limite bien sûr pas au seul Cinéma, le réalisateur ayant aussi œuvré à la télévision, où il débuta comme réalisateur d’émissions en direct. Il a également réalisé des épisodes séries télévisées : l’épisode «OFF SEASON» de THE ALFRED HITCHCOCK HOUR ou SUSPICION en 1965 (où il se fit sermonner par Sir Alfred pour ne pas porter de cravate au travail !), qui est un véritable brouillon de ses œuvres à venir ; l’épisode «NIGHTCRAWLERS» de la TWILIGHT ZONE de 1985, titrée chez nous LA CINQUIEME DIMENSION, où un vagabond terrorise les clients d’un relais ; «ON A DEADMAN’S CHEST» pour LES CONTES DE LA CRYPTE en 1992, une histoire de tatouage infernal empoisonnant l’existence d’un chanteur de hard rock (dont le groupe s’intitule «Exorcist» !) ; et deux épisodes des EXPERTS, «COACKROACHES» (2007, avec son acteur de TO LIVE AND DIE IN L.A., William Petersen) et «MASCARA» (2009).

Friedkin est également un excellent réalisateur de documentaires (notamment THE PEOPLE VS. PAUL CRUMP en 1965, sur un condamné à mort qui échappera grâce à son film à la peine capitale) et de quelques clips vidéo (l’un d’eux, SELF CONTROL de Laura Branigan, fut interdit de diffusion sur MTV pour cause de poitrine féminine dénudée). Une formation documentaire qui lui a été très utile pour développer son «œil» de cinéaste. Friedkin a par ailleurs aussi mis en scène l’opéra SALOME de Richard Strauss en 2006 à l’Opéra Bavarois de Munich.

Je me limite ici aux seules réalisations de longs-métrages cinéma et télévision… même si n’ai pas vus plusieurs d’entre eux. Damned. Je mérite d’aller me curer les pieds à Poughkeepsie.

 

Les débuts de Friedkin au cinéma se passent mal : il se retrouve à devoir réaliser GOOD TIMES en 1967, une comédie avec Sonny & Cher, et également George Sanders. Basé sur le show télévisé redoutablement kitsch du couple vedette qui exaspérait chaque matin Bill Murray dans UN JOUR SANS FIN, ce film n’a guère marqué les mémoires… Sonny se voit offrir un rôle dans un film, il accepte mais le scénario est si mauvais que lui et Cher décident de le réécrire en 10 jours, l’occasion pour eux de parodier westerns, films de Tarzan et de détectives privés.

Laissons Friedkin résumer le film lapidairement : «Si j’avais tourné ce film en Roumanie sous Ceausescu, on m’aurait assassiné !»

 

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Entre GOOD TIMES et le montage d’une autre commande, THE NIGHT THEY RAIDED MINSKY’S, Friedkin part en Angleterre réaliser THE BIRTHDAY PARTY (1968).

Locataire d’une maison en bord de mer, Stanley Webber (Robert Shaw) reçoit la visite de deux inconnus, inquiétants et mystérieux, Goldberg et McCann. Une voisine offre à Stanley un jouet d’enfant, la propriétaire affirme que c’est l’anniversaire de Stanley, alors qu’il dit le contraire. Les deux étrangers vont trouver là prétexte à le persécuter…

Méconnue, cette adaptation d’une pièce d’Harold Pinter fait remarquer Friedkin des critiques. Un film angoissant, qui ne révèle jamais le secret de la réclusion apparente de son protagoniste principal, et qui marque la première adaptation d’une pièce de théâtre par le cinéaste (voir aussi LES GARCONS DE LA BANDE, 12 HOMMES EN COLERE, BUG – qui partage des thèmes similaires – et KILLER JOE). Friedkin montre déjà sa capacité à créer des ambiances claustrophobiques qui exploseront dans L’EXORCISTE ou BUG.

 

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En 1968, la comédie musicale FUNNY GIRL de William Wyler avec Barbra Streisand interprétant Fanny Brice, figure emblématique du burlesque à Broadway, étant alors produite par Columbia,  le studio United
Artists réagit en produisant en concurrence THE NIGHT THEY RAIDED MINSKY’S avec le mari d’alors de Streisand, Elliot Gould. Friedkin vient juste de finir GOOD TIMES et part en Angleterre réaliser THE BIRTHDAY PARTY alors que MINSKY’S connaît une très longue post-production. Ayant vu le premier montage effectué sans lui, il dénigre publiquement le film et se voit interdit d’assister aux projections ! Remonté, le film marche bien au box-office, mais on peut déjà deviner que le jeune Friedkin en a gardé une dent contre Hollywood.

C’est une comédie musicale inspirée d’une histoire vraie. Une innocente jeune femme Amish, Rachel Schpitendavel (Britt Ekland), arrive à New York pour devenir danseuse. Engagée dans la revue du Minsky’s Burlesque, Rachel effectue ses chastes numéros de danse inspirés par des épisodes de la Bible, au grand déplaisir du public. Mais les patrons du cabaret, Billy Minsky (Elliot Gould) et Raymond Paine (Jason Robards), voient là l’occasion de ridiculiser Vance Fowler (Denholm Elliott), qui veut les obliger à fermer pour le bien de la morale et de la décence publique… 

Le style du film est remarqué et apprécié pour sa reconstitution du Broadway des années 1920, son ambiance mi-comique mi-mélancolique, ses expérimentations visuelles le rapprochant de la Nouvelle Vague et du jeune cinéma anglais. Et on voit poindre quelques thèmes typiques de Friedkin : une attaque contre l’hypocrisie de la société américaine, le poids de la religion et la manipulation d’une jeune femme innocente (L’EXORCISTE et KILLER JOE parlent finalement de la même chose, sous des formes très différentes).

 

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Irrité par ses premiers déboires avec Hollywood, Friedkin se tourne ensuite vers une adaptation par Mart Crowley de sa pièce de théâtre, LES GARCONS DE LA BANDE. C’est un des tous premiers films américains à oser aborder franchement le monde homosexuel. Son affiche fit d’ailleurs un scandale à l’époque : «Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Harold. Voici son cadeau.», à savoir un jeune prostitué.

Dans un appartement de l’Upper East Side à New York, Michael (Kenneth Nelson) organise la fête d’anniversaire de son ami Harold (Leonard Frey). Donald, Emory, Hank, Larry et Bernard se joignent aux festivités. Alan (Peter White), l’ancien camarade de chambrée de Michael, arrive alors qu’il n’était pas invité. Vient également «Cowboy», un prostitué qui sera le cadeau d’anniversaire d’Harold…

 

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Peu connu, le film de Friedkin est apprécié par la critique, qui salue le travail du cinéaste, et est considéré comme un tournant dans l’histoire de la culture gay aux USA.

 

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Puis Friedkin et le producteur Philip D’Antoni (BULLITT) s’intéressent au livre de Robin Moore, FRENCH CONNECTION, reconstituant une affaire criminelle célèbre des années 1960, qui défraya la chronique aux USA et en France. Les inspecteurs Eddie Egan et Sonny Grosso, qui mirent à jour la fameuse «French Connection», seront les conseillers techniques du film, et joueront même dedans. Le film sort en 1971, distribué par la 20th Century Fox.

Alain Charnier (Fernando Rey), industriel respecté et trafiquant de drogue international, utilise sa compagnie de transport maritime pour convoyer des chargements d’héroïne partout dans le monde, depuis Marseille. Il soudoie un animateur de la télévision française, Henri Devereaux, qui va faire le passeur pour vendre de l’héroïne pure auprès la pègre new-yorkaise, représentée par Sal Boca (Tony Lo Bianco), petit mafioso patron de pizzeria. Deux policiers de la Brigade des Stupéfiants de New York, Jimmy « Popeye » Doyle (Gene Hackman) et Buddy « Cloudy » Russo (Roy Scheider), alertés par leurs indics, mènent une filature difficile pendant des mois, espérant que Boca les mènera au « gros poisson »…

 

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Premier triomphe public pour William Friedkin, ce polar innove et dépoussière sérieusement le genre par les transgressions opérées par le cinéaste. FRENCH CONNECTION nous montre un duo de flics crédibles (Gene Hackman et Roy Scheider, crédibles de bout en bout) dans leur peu reluisant quotidien, celui du New York de l’époque. Transgressif, Friedkin l’est en faisant de «Popeye» Doyle un personnage très ambigu, cassant l’imagerie du policier héroïque hollywoodien : Doyle est raciste, sadomasochiste, commet des bavures et tue de sang-froid le complice de Charnier de plusieurs balles dans le dos, au terme d’une course-poursuite monumentale. Course-poursuite surclassant par son intensité celle de BULLITT : ici, Doyle lancé aux trousses du tueur dans le métro fonce dans le tas, percute des voitures, et manque d’écraser d’innocents passants… Pour la petite histoire, ce fou de Friedkin et le cascadeur Bill Hickman ont réellement joué avec la vie des passants : ils dépassèrent délibérément le périmètre de sécurité prévu pour le tournage et continuèrent à fond la caisse pendant des kilomètres… Certains accidents, freinages intempestifs et réactions affolées des passants sont donc tout à fait authentiques !

C’est aussi une flopée d’autres séquences marquantes, depuis l’introduction dans la bonne ville de Marseille (ah, Marseille… son soleil, son vieux port et, déjà, ses trafiquants et ses coups de feu… bon, certes, les mentalités et les criminels ont changé), à la scène du test de l’héroïne, en passant par la fusillade finale et une scène de filature parfaitement maîtrisée. L’œil documentaire de Friedkin excelle à saisir les activités des flics et des criminels en saisissant le détail qui fait mouche (exemple : Charnier et Nicoli, les nantis crapuleux, se régalent au restaurant tandis qu’un Doyle transi de froid fait le pied de grue au dehors…) ; les dernières minutes du film pousseront la transgression jusqu’au bout, dans une scène résumant la vision du monde selon Friedkin : Doyle vient d’abattre par erreur un collègue et rival, et s’enfonce dans les ténèbres, tout à sa recherche obsessionnelle d’un ennemi introuvable…

Oscar et Golden Globe du Meilleur Réalisateur pour Friedkin.

 

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Pour son film suivant, Friedkin décroche le poste très demandé de réalisateur de L’EXORCISTE, produit par la Warner d’après le roman à  succès de William Peter Blatty, jusqu’ici connu pour ses comédies écrites pour Blake Edwards. Friedkin devance des collègues prestigieux intéressés ou contactés par Warner, comme Edwards justement, John Boorman (qui refusera et ratera une séquelle inutile du film) et même Stanley Kubrick (qui fera probablement SHINING en réponse). Un tournage long et difficile, qui engendrera un chef-d’œuvre de terreur et pas mal de polémiques, les premières de la carrière de Friedkin.

Un prêtre jésuite, le Père Merrin (Max Von Sydöw), mène des fouilles archéologiques dans le nord de l’Irak, sur le site de l’antique cité de Ninive, où il déterre au même endroit un médaillon chrétien et les restes d’une statuette représentant le démon Pazuzu. Avant le retour du vieux prêtre aux Etats-Unis, des signes inquiétants annoncent l’horreur qui va s’abattre à des milliers de kilomètres de là, sur la maison de la célèbre actrice Chris MacNeil (Ellen Burstyn), à Washington… La gentille fille de 12 ans de Chris, Regan (Linda Blair), se plaint bientôt de bruits et de coups donnés contre son lit dans sa chambre, et son comportement progressivement perturbé annonce une maladie mentale. La personnalité de Regan se dégrade, au point que son apparence, son langage et sa voix changent horriblement. Des crimes sont commis dans le voisinage. Les médecins sont impuissants à la guérir. Chris va se tourner en désespoir de cause vers un jeune prêtre et psychiatre, Damien Karras (Jason Miller), pour sauver sa fille de l’entité qui vit désormais en elle…

 

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Incroyable, quand on y pense, que le public ait fait un tel triomphe au film de Friedkin, tant celui-ci conserve son pouvoir traumatique près de 40 ans après sa sortie. Souvent imité, parodié, mais jamais égalé, il n’a pas volé sa réputation de film le plus terrifiant jamais filmé. Et cette peinture féroce de la société américaine des années 1970 a évidemment créé la polémique à sa sortie … Le cinéaste a été attaqué sur tous les fronts, pour sa description frontale, sans concessions, du martyr vécu par la petite Regan (Linda Blair, dont la carrière d’actrice a souffert de la contre-publicité générée autour d’elle par le film). Des spectateurs étaient pris de malaises devant les scènes les plus dures du film : l’artériographie de Regan soumise à la torture d’instruments médicaux à la recherche de son mal, et la terrible scène du crucifix. Les groupes de pression religieux, et les consternants évangélistes américains tels que Billy Graham, eux, ont attribué au film un pouvoir maléfique ayant soi-disant poussé des spectateurs à des actes criminels, dont on cherche à vrai dire encore la trace ; pour ces gens-là, la cause est entendue au sujet de L’EXORCISTE : Satan l’habite.

 

Plaisanterie grivoise mise à part, on a beau réduire le succès du film à la musique «Tubular Bells» de Mike Oldfield, à ses scènes de vomissements et de tête tournant à 360 degrés, le film de Friedkin est cependant bien plus qu’un simple film d’horreur basés sur des trucages habiles. Grâce à l’histoire écrite par William Peter Blatty (inspirée d’un cas réel d’exorcisme survenu en 1949), Friedkin offre aussi une réflexion perturbante
sur les mystères de la Foi, et sur la question du Bien et du Mal tapis en chacun de nous.

Il le fait en mêlant les scènes du quotidien le plus banal à une réflexion métaphysique sur l’origine du Mal qui s’empare de la fillette – précisons que Regan n’est pas possédée par Satan, mais par Pazuzu, une divinité / démon vénérée à l’ère babylonienne, bien des siècles avant l’ère chrétienne. Blatty et Friedkin ont aussi l’intelligence, avant de déchaîner les forces occultes dans la chambre de Regan, de rappeler que les vrais cas de possession démoniaque (tels ceux qui ont eu lieu à l’Abbaye de Loudun en 1634) ont une origine psychiatrique : le cas de Regan serait donc un phénomène d’hystérie poussé à son paroxysme. Le fait que la possédée soit confrontée à un prêtre et psychiatre n’est donc pas anodin. Toutefois, la cause de la possession de Regan, qu’elle soit médicale et/ou psychiatrique, n’est que le support pour un Mal venu du fonds des temps pour mettre à mal la société moderne tient de plus sacré : la famille, l’enfance.

En frappant là où cela fait le plus mal –le calvaire de Regan pousse son entourage dans ses derniers retranchements psychologiques et à s’interroger sur la nature même du Mal en ce monde -, Friedkin n’offre pas de réponses faciles au public, évitant les résolutions rassurantes d’innombrables films fantastiques. Et, emboîtant le pas au ROSEMARY’S BABY de Roman Polanski, il fait entrer le genre, encore prisonnier à l’époque des clichés gothiques, dans le 20ème Siècle en pleine ébullition sociale.

Une direction d’acteurs magistrale, une atmosphère mélancolique et sinistre à souhait (le travail sur les éclairages et la bande son y sont pour beaucoup) et un sens du découpage cinématographique rigoureux contribuent bien sûr à la réussite du film, truffé d’images et de scènes mémorables : le face à face très «western» de Merrin face à la statue de Pazuzu ; l’inquiétant clochard quémandant l’aumône au père Karras ; l’hypnose de Regan ; les duels psychologiques entre Karras et Regan possédée ; Merrin arrivant
au domicile des McNeil sous le réverbère ; les plans subliminaux d’un terrifiant visage ayant fait croire que le Diable avait pris possession du film (en réalité, une bobine-test de maquillages rejetés par Friedkin, qu’il inséra habilement dans le montage final), etc. Et, au milieu de tout cela, la détresse touchante d’Ellen Burstyn, la tristesse de Jason Miller et l’admirable compassion stoïque de Max Von Sydöw.

En 2001, Friedkin a présenté une version remaniée de son film, cédant aux demandes de son ami Blatty. Des rajouts de quelques scènes portant notamment sur la progression de la maladie de Regan ; la discussion des deux prêtres dans l’escalier durant une pause pendant l’exorcisme ; et la fin, moins abrupte, plus mélancolique. Ainsi que l’ajout de nouvelles images subliminales (pas vraiment nécessaires) et la scène-électrochoc de la «Marche de l’araignée».

Golden Globe et nomination à l’Oscar du Meilleur Réalisateur pour Friedkin, qui en deux films devient alors le réalisateur le plus côté à Hollywood.

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Après le succès de L’EXORCISTE, Friedkin tourne un remarquable documentaire où il interviewe Fritz Lang en 1974. Il prépare semble-t-il pendant un temps un film de science-fiction, une histoire d’OVNIS liés au mythe de l’Atlantide, avant d’apprendre qu’un jeune collègue, Steven Spielberg, prépare RENCONTRES DU TROISIEME TYPE. Jugeant le sujet trop proche, il change d’avis et décide d’adapter une histoire familière des cinéphiles, une nouvelle adaptation du roman Georges Arnaud, qui a donné LE SALAIRE DE LA PEUR par Henri-Georges Clouzot en 1953. Initialement prévu avec Steve McQueen, SORCERER (LE CONVOI DE LA PEUR, 1977) sera l’un des plus mauvais souvenirs du cinéaste, un tournage éprouvant en République Dominicaine. 

Trois hommes se retrouvent coincés au fin fond du Nicaragua, vivant sous de fausses identités: Manzon (Bruno Cremer), banquier français, spéculateur risquant la prison ; Scanlon (Roy Scheider), un petit escroc américain pourchassé par des truands après avoir pillé une église ; et Kassem (Amidou), terroriste arabe recherché par la police. Reconvertis en ouvriers pour une raffinerie de pétrole, ils végètent dans un immonde bidonville ; seule une bonne somme d’argent pourrait les en sortir. Quand la compagnie qui les emploie voit un site voisin ravagé par les flammes, la seule solution est de convoyer par camion un chargement de dynamite, pour éteindre les puits. Il faut quatre chauffeurs volontaires ; Scanlon, Manzon, Kassem et un dernier larron, le tueur professionnel Nilo (Francisco Rabal), vont conduire les deux camions à travers une route jalonnée d’obstacles, contre une bonne paie. Malheureusement, la dynamite mal isolée laisse suinter de la nitroglycérine qui peut exploser au moindre choc…

 

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Ce film à très gros budget (22 millions de dollars, une fortune pour l’époque) va marquer le début de son rejet par le public et par l’industrie cinématographique américaine après les triomphes précédents. Friedkin se fâche avec tout le monde : son producteur, son chef opérateur, son équipe de tournage et ses acteurs (surtout Roy Scheider qui n’apprécie pas la suppression d’une scène au montage, où son personnage apparaissait plus sympathique). Les difficultés techniques du tournage sont aggravées par le mauvais temps et les inondations ; durant le tournage de la séquence où les camions traversent un pont de cordes délabré, ceux-ci vont basculer plusieurs fois dans la rivière en crue…

Le studio Paramount supprime, pour la sortie européenne du film, 30 minutes de scènes d’exposition montrant les personnages avant leur arrivée au Nicaragua, ceci sans avertir un Friedkin furieux. Celui-ci, toujours provocateur, avait glissé dans son film une photo du comité de la corporation Gulf+Western, propriétaire de Paramount à l’époque, pour représenter les méchants exploiteurs pétroliers montrés dans le film !

Le film enfin terminé a de sérieux handicaps à sa sortie : le plus évident étant son statut de remake d’un chef-d’œuvre de suspense cinématographique. Il est donc descendu en flammes par les critiques. Pourtant, la version de Friedkin, qui défend bec et ongles son film, va gagner une réputation de film culte, son atmosphère désespérée et poisseuse étant appréciée – spécialement ladite séquence du pont de cordes.

Malheureusement, le pessimisme radical de l’œuvre ne plaît guère au public de l’époque. Et pour couronner le tout, le film sort quelques semaines après un certain STAR WARS qui, lui, attire les foules. Entre la noirceur du film de Friedkin et l’optimisme enfantin du space opéra de George Lucas, le public a vite tranché : SORCERER est un échec financier qui pèsera lourd dans les relations déjà houleuses entre Friedkin et Hollywood…

 

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Il réalise ensuite THE BRINK’S JOB (TÊTES VIDES CHERCHENT COFFRES PLEINS, 1978)

L’histoire est de nouveau inspirée de faits réels, le casse de la banque Brinks de Boston en 1950. Certains des cambrioleurs ont même travaillé sur comme consultants sur le film.

Tony Pino (Peter Falk), un petit escroc de Boston, veut se faire une réputation en réalisant un cambriolage à grande échelle. Après avoir volé 100 000 $ dans un fourgon de la banque Brinks, Tony et ses complices s’attaquent au q.g. de la Brinks, une forteresse réputée imprenable et inviolable.

Réalisant que la réputation de la Brinks de Boston n’est en fin de compte que du vent, Tony, son beau-frère Vinnie (Allen Garfield), et une bande de bras cassés (Paul Sorvino, Warren Oates, Peter Boyle) vont réussir leur casse le 17 janvier 1950, et s’enfuir avec plus d’un million de dollars ! Les patrons de la Brinks sont publiquement embarrassés. Mais J. Edgar Hoover et le FBI vont faire de l’affaire une priorité, au grand dam de Tony et sa femme Mary (Gena Rowlands)…

Une récréation pour Friedkin après trois tournages difficiles, THE BRINK’S JOB est perçu dans sa filmographie comme un film plutôt léger, où il rassemble cependant un sympathique casting avec les comédiens familiers de Cassavetes (Gena Rowlands et Peter Falk), et Warren Oates dans un beau rôle d’allumé. Une comédie qui ne l’empêche pas pour autant de taper sur les banques et le FBI, et de ridiculiser un certain mythe sécuritaire toujours présent dans son pays.

Ironie du sort, ce film sur un braquage fut lui-même victime d’un braquage : 15 bobines non montées furent volées dans les locaux de Technicolor ; les voleurs demandèrent 600 000 $ de rançon que Friedkin refusa de leur payer. Il termina le film sans ces bobines, et envoya poliment les voleurs aller se faire voir : «trouvez-vous un projecteur et appréciez le film. Il est tout à vous !»

 

 

A suivre…



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