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Archives pour novembre 2012

ARGO – l’histoire et la fiche technique

ARGO - l'histoire et la fiche technique dans Fiche et critique du film argo-3

ARGO

Réalisé par Ben AFFLECK   Scénario de Chris TERRIO, d’après l’article «Escape from Tehran» de Joshua BEARMAN

Avec : Ben AFFLECK (Anthony Mendez), Bryan CRANSTON (Jack O’Donnell), Alan ARKIN (Lester Siegel), John GOODMAN (John Chambers), Victor GARBER (Ken Taylor), Tate DONOVAN (Bob Anders), Clea DuVALL (Cora Lijek), Scoot McNAIRY (Joe Stafford), Rory COCHRANE (Lee Schatz), Christopher DENHAM (Mark Lijek), Kerry BISHE (Kathy Stafford), Kyle CHANDLER (Hamilton Jordan)

Produit par Ben AFFLECK, George CLOONEY, Grant HESLOV et Alex SUTHERLAND (Warner Bros. Pictures / GK Films / Smoke House)  

Musique Alexandre DESPLAT   Photo Rodrigo PRIETO   Montage William GOLDENBERG   Casting Lora KENNEDY  

Décors Sharon SEYMOUR   Direction Artistique Peter BORCK et Deniz GÖKTÜRK   Costumes Jacqueline WEST  

Distribution USA et INTERNATIONAL : Warner Bros. Pictures   Durée : 2 heures  

Caméras : Arri Alexa Plus, Arricam LT et ST, Bolex H16 REX-5 et Canon 1014 AZ

 

argo-le-vrai-faux-poster dans Fiche et critique du film

L’Histoire :

Après plus de 25 ans de pouvoir arbitraire et brutal, soutenu par les puissances occidentales, le Shah d’Iran a dû quitter le pays avec son épouse. L’Ayatollah Khomeini a pris le pouvoir, et les anciens alliés du despote sont désignés à la vindicte des Gardiens de la Révolution. Le 4 novembre 1979, des étudiants chiites, poussés à la haine du «Grand Satan» américain, prend d’assaut l’ambassade des USA à Téhéran. Les fonctionnaires de l’ambassade ont tout juste le temps de détruire des documents gênants avant que la foule ne pénètre dans les locaux pour les prendre en otage. A Washington, l’administration du président Carter se retrouve dans une position délicate en essayant de négocier la libération de près de soixante otages. Dans le quartier général de la CIA, Hamilton Jordan et Jack O’Donnell apprennent par leurs sources que six diplomates (Bob Anders, Mark et Cora Lijek, Lee Schatz, Joe et Kathy Stafford) ont juste eu le temps de s’enfuir et de se réfugier dans l’ambassade du Canada. L’ambassadeur canadien Ken Taylor fait tout ce qu’il peut pour cacher les six hommes et femmes terrifiés. Tout le monde sait que, s’ils sont identifiés et découverts, ils seront arrêtés, emprisonnés, torturés et assassinés.

O’Donnell contacte son meilleur agent, Anthony Mendez, spécialiste en exfiltrations : il faut absolument faire sortir les six diplomates hors d’Iran, sans éveiller la suspicion des nouveaux maîtres du pays. Aucun scénario ne semble applicable. Dépité, Mendez ne peut mettre en place une seule opération… jusqu’à ce qu’une discussion au téléphone avec son fils, qui regarde le film «La Bataille de la Planète des Singes», lui donne une idée complètement folle : John Chambers, le maquilleur oscarisé de la saga «La Planète des Singes», est aussi un contact de la CIA et un bon ami de Mendez. Celui-ci le rejoint et expose son idée ; Chambers lui fait rencontrer Lester Siegel, un producteur vétéran, et de monter avec lui le plan censé sauver les fugitifs de l’ambassade : il faut faire croire qu’ils seront les membres d’une équipe de cinéma, en repérages pour un film de science-fiction exotique… «produit» avec l’aval des supérieurs de Mendez, pour le moins sceptiques…

Mission : Incroyable – ARGO

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ARGO, de Ben Affleck

Quel est le point commun entre la dramatique prise d’otages de Téhéran de 1979 et les films de  »space opéra » ? A priori, absolument aucun. Et pourtant…

Avec ARGO, Ben Affleck vient de porter à l’attention générale une incroyable histoire vraie d’espionnage et d’évasion, le « Subterfuge Canadien ». En pleine crise des otages de Téhéran, l’agent de la CIA Tony Mendez fit évader hors d’Iran six diplomates américains, en les faisant passer pour une équipe de cinéma venue en repérages pour un faux film de science-fiction intitulé ARGO. L’opération de couverture fut accomplie avec le concours à Hollywood d’un vrai producteur et du maquilleur des films LA PLANETE DES SINGES, John Chambers ! Une histoire pareille, longtemps tenue secrète, devait bien finir par intéresser le cinéma américain. Bonne pioche en l’occurence puisque le projet a été co-financé par George Clooney et son associé Grant Heslov ; les deux comparses avaient déjà une certaine expérience en matière de films sur les conflits au Moyen-Orient, avec un regard aussi lucide que décapant. Le très sérieux SYRIANA et l’azimuté MEN WHO STARE AT GOATS (LES CHEVRES DU PENTAGONE) sont là pour en témoigner.

 

Mission : Incroyable - ARGO dans Fiche et critique du film argo-2
A la barre d’ARGO, Ben Affleck confirme le bien que l’on pensait de ses deux premières réalisations : GONE BABY GONE et THE TOWN. Quittant sa chère ville de Boston, le comédien-cinéaste se frotte à un sujet passionnant mais délicat à traiter : le mêlange entre le très sérieux contexte historique de 1979 et cette histoire de couverture « hollywoodienne » aurait pu faire basculer le film dans la grosse farce et le n’importe quoi. Heureusement, Affleck a su trouver le parfait équilibre entre la comédie (l’épisode hollywoodien de départ) et la tension qui se dégage au fil du film. Un exercice d’équilibriste qu’Affleck réussit avec beaucoup d’adresse, n’hésitant pas, dans la reconstitution de l’évasion, à jouer avec les nerfs du spectateur dans un registre que l’on croyait réservé au seul Alfred Hitchcock. Ce qui, déjà en soi, n’est pas un mince exploit.

Spectaculaire, tendu, ARGO l’est certainement, mais le film se double aussi d’une critique politique bienvenue pour enrichir le propos. On devine, en sous-main, la « patte » des producteurs Clooney et Heslov toujours à la pointe du combat démocratique dans le petit monde du cinéma américain. Le contexte de l’histoire d’ARGO est donc l’occasion de quelques coups de griffe bien sentis à l’égard du rôle trouble joué par la CIA dans l’Histoire passée. De vilaines habitudes idéologiques prises par l’Agence, après la 2ème Guerre Mondiale, ont poussé celle-ci à soutenir et armer des dictatures au nom des intérêts économiques extérieurs des USA. La « plus grande Démocratie au monde » a souvent mis l’éthique de côté dans ces cas-là, l’Iran en étant un bel exemple. L’Opération AJAX, préparée par le Royaume-Uni et les USA, et exécutée par la CIA, chassa du pouvoir Mohammad Mossadegh, qui avait eu le « tort » de nationaliser les champs pétrolifères objets de toutes les convoitises. Fin de la démocratie iranienne, remplacée par l’autocratie du Chah Mohammad Reza Pahlavi en 1953. Et malheureusement pour le peuple iranien, mise en place de la SAVAK, police politique du souverain et synonyme d’emprisonnements, tortures et meurtres des opposants… La complicité coupable des Occidentaux, américains en tête, sur ces exactions, sera habilement exploitée par l’Ayatollah Khomeini et les nouveaux dirigeants chiites iraniens, qui déclareront comme on le sait la guerre au « Grand Satan ». La crise des otages de Téhéran sera la conséquence du rôle malencontreux joué par la CIA dans les affaires iraniennes 25 ans auparavant. Cette prise d’otages durera 444 jours et coûtera les élections présidentielles américaines de 1980 à Jimmy Carter, battu par Ronald Reagan.

 

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Ces observations, Affleck ne les met pas de côté, et ne se prive pas d’égratigner en temps voulu les atermoiements des « gratte-papiers » de la CIA, manifestement dépassés par la situation. Le film n’omet pas non plus le rôle fondamental tenu par les diplomates canadiens ayant recueilli leurs six homologues américains, et vivant au jour le jour les tracasseries et la suspicion des autorités iraniennes. Dommage que leur importance ait dû être quelque peu amoindrie pour des raisons de longueur narrative, mais Affleck a dû faire des choix. La tension dramatique prime sur la « cuisine » diplomatique. Quoi qu’il en soit, la reconstitution des scènes liées à la situation de violence à Téhéran est très bien rendue dès l’introduction, la prise de l’ambassade par les étudiants islamiques constituant un modèle de tension. Tout comme, plus tard, la découverte d’un Téhéran par Tony Mendez, où le visage de Khomeini est partout, tel Big Brother ; la vision fugitive mais marquante d’exécutions sommaires et de pendus dans la rue ; la traversée du Bazar peu à peu hostile, ou celle d’une foule de manifestants furieux par les fugitifs, l’action restant filmée de leur point de vue. Le style visuel du film est à l’avenant, une ambiance « grise » assurée par le grain de l’image, volontairement retravaillée par Affleck pour reconstituer l’atmosphère des films d’époque, tels LES HOMMES DU PRESIDENT. Dans le genre, ARGO se rapproche parfois par cette esthétique granuleuse froide du MUNICH de Spielberg, encore une référence bien intégrée.

 

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ARGO, de par son sujet si particulier pour un récit d’espionnage, ne pouvait aussi que titiller Ben Affleck sur un univers qu’il connaît bien. La mise en place de l’opération de couverture - l’élaboration du faux film de science-fiction - permet non seulement de rire un peu après la violence du début et le suspense de la suite, elle permet aussi à Affleck de revisiter tout un pan de la culture populaire la plus « geek » avec beaucoup d’humour. Plaçons-nous dans le contexte de l’époque. Le vieil Hollywood est « cramé », épuisé ; quel meilleur symbole que de montrer le célèbre panneau « Hollywood » renversé et rongé de partout ? Même si Affleck triche un peu avec la réalité des faits – le panneau venait juste d’être restauré à l’époque des faits du film -, l’idée est juste. En 1979, la Mecque du Cinéma est en pleine restructuration, et chaque studio court après le succès du moment. Un certain STAR WARS ayant fait exploser le box-office deux ans plus tôt, tout le monde se met à produire de la science-fiction, avec des résultats variables !

 

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C’est une discussion téléphonique entre Mendez et son jeune fils, féru justement de SF, qui lui donnera l’idée de contacter John Chambers, l’homme des maquillages de LA PLANETE DES SINGES (la saga et la série télévisée originales, pas les versions récentes de Tim Burton et Rupert Wyatt). Chambers, ancien technicien dentaire durant la 2ème Guerre Mondiale, se forma ainsi en pratique à poser des prothèses et à maquiller des blessés de guerre, avant de devenir un professionnel du maquillage. Son travail efficace pour LA PLANETE DES SINGES de Franklin J. Schaffner (1968) lui vaudra le tout premier Oscar de sa profession.

 

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Technicien efficace, Chambers eut quelques autres titres de gloire qui lui valent une certaine sympathie des « geeks » du cinéma et de la télévision : les oreilles de Spock dans la série STAR TREK, c’était lui ! On lui doit aussi, entre autres, le visage brûlé de William Finley dans PHANTOM OF PARADISE de Brian DePalma, les Humanimaux de L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU avec Burt Lancaster, la main perforée de Rutger Hauer dans BLADE RUNNER, des travaux non crédités comme la tête coupée du marin des DENTS DE LA MER… et aussi les premiers maquillages du pilote de la série MISSION : IMPOSSIBLE, ce qui permet un habile retour vers ARGO, dont le grand finale fait penser aux scénarii de la célèbre série. L’affiliation de Chambers à la CIA était bien réelle, le maquilleur ayant joué les hommes de liaison à Hollywood pour l’élaboration du plan de sauvetage des diplomates. La préparation du plan « mission : impossible » est irrésistible de drôlerie, aidée en cela par deux grands voleurs de scène, les formidables John Goodman et Alan Arkin. Deux vétérans au tempérament comique éprouvé, et qui bénéficient des répliques les plus savoureuses. Affleck, à la caméra, s’amuse même à recréer un tournage de space opéra ringard, et une lecture publique donnée par des ersatz de C-3PO, Chewbacca, et compagnie !

 

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Les clins d’oeil sont légion et bien placés dans ces séquences référentielles en diable : outre STAR WARS et LA PLANETE DES SINGES déjà cités, STAR TREK et l’univers des très kitsch GALACTICA et FLASH GORDON ne sont pas loin… Ces références pourraient être gratuites, mais elles sont astucieusement replacées dans la suite du film, faisant une mise en parallèle bien sentie entre deux mondes antagonistes : d’un côté, la fiction la plus « geek », et de l’autre la situation réelle en Iran. Les Gardiens de la Révolution en sont les dindons de la farce. Véritables « stormtroopers » de l’histoire, ils marcheront dans le canular en découvrant les storyboards du film, assimilant le méchant (mélange supposé de Darth Vader et l’Empereur Ming) au Shah en exil… Et Affleck, en connaisseur astucieux, de relier quant à lui la fuite fictive des personnages du faux film à celle de ses anti-héros.

On laissera le mot de la fin aux duettistes Goodman et Arkin, en guise de pied de nez aux enragés de Khomeini :

« - « l’Histoire est une farce qui se termine en tragédie ».

- Non, c’est dans l’autre sens.

- Qui a dit ça ?

- Marx.

- Groucho a vraiment dit ça ? »

 

Ludovic Fauchier – « votre mission, si vous l’acceptez… »

 

 

 

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Anecdotes :

Le faux film était à l’origine un scénario qui ne fut jamais tourné : une adaptation de LORD OF LIGHT, roman de Roger Zelazny, un des maîtres de la science-fiction littéraire. Dans ARGO, Mendez est montré en train de donner des directives à un dessinateur de storyboard. L’auteur de ces storyboards n’est autre que la légende des comics américain, Jack Kirby, le père des Quatre Fantastiques, Silver Surfer, Hulk, Thor et compagnie ! Kirby avait quitté Marvel à l’époque où se situe le film, et travailla effectivement comme storyboardeur de cinéma. Ben Affleck, qui baigne depuis longtemps dans la culture « comics » (les films de Kevin Smith, DAREDEVIL, HOLLYWOODLAND), a dû apprécier la référence…

Aspie, or not Aspie ? Le petit abécédaire Asperger, chapitre 7

G, comme…

Aspie, or not Aspie ? Le petit abécédaire Asperger, chapitre 7 dans Aspie g-le-mahatma-gandhi-asperger-dhonneur

… Gandhi, Mohandas Karamchand (1869-1948) :

Les recherches effectuées depuis le début de cet abécédaire sur les personnalités historiques supposées avoir eu le syndrome d’Asperger mènent décidément à des surprises de taille… Le nom du Mahâtma Gandhi, le Père de la Nation Indienne, apparaît ainsi dans quelques publications sur Internet comme un possible Asperger. Mais comme de bien entendu, il ne s’agit que d’hypothèses, les indices biographiques étant très « dispersés » et parfois sujets à controverse. On ne peut que constater, cependant, certaines ressemblances de parcours avec un Saint François d’Assise, autre figure spirituelle pacifique, qui renonça aux bienfaits matériels pour se consacrer exclusivement à la défense des plus miséreux, et qu’on a déjà cité comme éventuel Asperger.

Impossible ici de raconter en détail l’extraordinaire parcours de Mohandas Karamchand Gandhi : fils d’une famille aisée du Gujarat promis à une carrière d’avocat, il prit peu à peu conscience des souffrances de ses compatriotes colonisés par le Royaume-Uni. Après avoir réussi à obtenir la reconnaissance des droits civiques des hindous émigrés en Afrique du Sud, Gandhi revint dans son pays natal pour combattre par la non-violence (« ahimsa »), la désobéissance civique et « l’étreinte de la vérité » (« satyagraha ») les injustices commises par les autorités britanniques sur la population hindoue. Trente ans de lutte, de prières, de marches à travers le pays (dont la célèbre Marche du Sel de 1930), de jeûnes forcés, de critiques permanentes du colonialisme et de la mondialisation économique, d’emprisonnements, et aussi de lutte contre l’intolérance religieuse et les discriminations de caste à l’égard des miséreux, discriminations hélas toujours présentes en Inde de nos jours. L’Indépendance de l’Inde obtenue par Gandhi et ses alliés politiques en 1947 entraînera contre ses souhaits la partition du pays avec le Pakistan, et un climat d’hostilité religieuse permanente entre les communautés. Ses actions de conciliation avec les musulmans entraîneront son assassinat en 1948 par un nationaliste hindou. Entré dans la légende des grandes figures pacifistes, Gandhi inspirera par son action et sa vision du monde des figures telles que Martin Luther King, Nelson Mandela, le Dalaï Lama, Aun San Suu Kyi, pour ne citer que ceux-là…

Ce résumé très sommaire de la vie de Gandhi ne saurait nous éclaircir sur sa personnalité, et il faut fouiller dans les détails biographiques pour déterminer si, oui ou non, le Mahâtma était un Aspie. De sa jeunesse, on sait que Gandhi, enfant très timide et sensible, avait été très influencé par les croyances de sa mère adepte du Jaïnisme (religion hindoue prônant la non-violence envers toutes les formes de vie). Le jeune Gandhi était un élève médiocre – un rapport de lycée évoquait à son égard  »une mauvaise écriture », signe souvent constaté du syndrome d’Asperger. Très courtois, le jeune Gandhi se distinguait aussi par un autre handicap qui le gênera durant sa carrière d’avocat : une extrême timidité qui l’empêchait de s’exprimer correctement en public… Timidité qui ne l’empêchera pourtant pas plus tard de prendre la parole devant des milliers d’auditeurs. Quant à une éventuelle maladresse sociale, propre aux Aspies, elle semble difficile à trouver, si ce n’est peut-être dans les années « formatrices » en Angleterre où il fit ses études, et en Afrique du Sud.

Autres signes possibles : une soif de culture et un goût prononcé pour la lecture, qui lui fera aborder aussi bien les écrits de Léon Tolstoï (c’est d’ailleurs en s’inspirant de ce dernier qu’il créa la « Ferme Tolstoï » en Afrique du Sud, précurseur de son Ashram de Sabarmati), la philosophie de l’ascèse de Henry David Thoreau que les grands textes sacrés, avec une préférence pour la Bhagavad Gita. Son végétarisme et végétalisme, provenant de ses croyances jaïnistes, peuvent aussi être vus comme un indice supplémentaire – le refus de la violence envers les animaux. L’exigence de rigueur morale absolue qu’il s’imposait ainsi qu’à ses proches, et qui fut souvent mal reçue par eux, peut aussi aller dans le sens d’un syndrome d’Asperger. Tout comme a pu l’être son sens de l’amitié exclusif, encore qu’il faille être prudent dans ce terrain-là. La parution en 2011 du livre de Joseph Lelyveld GREAT SOUL a révélé la correspondance privée de Gandhi et de son ami l’architecte Hermann Kallenbach, semant la confusion dans les médias et la colère des autorités hindoues.

La vie de Mohandas Karamchand Gandhi a bien sûr inspiré le Cinéma ; une pluie d’Oscars a récompensé le film GANDHI de Richard Attenborough (1982), reconstitution fidèle des grandes heures du Mahâtma, incarné par Ben Kingsley (Oscar du Meilleur Acteur), originaire de la même province du Gujarat. Gandhi est depuis apparu dans deux films hindous très intéressants : WATER (2005) de Deepa Mehta, drame sur la condition des veuves hindoues prisonnières de coutumes ancestrales, et GANDHI MY FATHER (2007) de Feroz Abbas Khan, racontant la relation difficile entre le grand homme et son fils Harilal.

Cf. Saint François d’Assise, Henry David Thoreau

 

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… Gardner, Chauncey (Peter Sellers), dans BEING THERE (BIENVENUE MONSIEUR CHANCE).

Employé de maison d’un vieil homme pendant toute sa vie, le jardinier Chance n’a reçu aucune éducation particulière et ne connaît le monde extérieur que par la télévision… Il n’a pas de nom de famille, pas d’ami ni de compagne, et aucun trait psychologique distinctif, en dehors d’une innocence totale. A la mort du vieil homme, le voilà bientôt obligé de quitter sa maison de Washington, et il est recueilli par Ben et Eve Rand (Melvyn Douglas et Shirley MacLaine), un couple appartenant à la plus haute sphère politique américaine. Rebaptisé « Chauncey Gardner » suite à un quiproquo, ses aphorismes jardiniers vont faire de lui une star des médias et le conseiller personnel du Président… Le principal intéressé observe ce cirque à son égard avec une candeur et un détachement absolus. Et pour cause, il est bel et bien autiste.

BEING THERE, remarquable satire écrite par Jerzy Kosinski (publiée d’abord en France sous le titre « La Présence »), devint en 1979 une comédie subtile et tout aussi réussie signée de Hal Ashby. Le petit monde médiatico-politique américain y est adroitement croqué, dans une variation sur le thème du conte d’Andersen LES HABITS NEUFS DE L’EMPEREUR où tout le monde est ici suspendu aux lèvres d’un petit homme pris pour l’Evangile. Pour le regretté Peter Sellers, ce fut le rôle d’une vie, son avant-dernier avant son décès. L’acteur anglais tenait plus que tout à incarner Chance, affirmant que, de toutes ses créations, il était celui qui lui ressemblait le plus. Déclaration troublante à plus d’un titre puisque Chance, tel un personnage des peintures de Magritte, n’a pas d’existence concrète ; c’est un personnage « en creux », loin de l’exhubérance comique des rôles les plus célèbres de son interprète. Ses traits « autistes Aspies », très mal connus à l’époque du film, étant une source d’humour décalé, de malentendus permanents, cela supposerait donc que Sellers, personnage insaisissable dans la vraie vie, était peut-être bien lui-même atteint du syndrome. Cela fera l’objet d’un autre chapitre.

On a souvent parlé du personnage comme d’un « simplet », un idiot, ce qui est à mon avis un contresens. En fait, toute la farce de BEING THERE repose sur le manque d’éducation de Chance. Sans raison, sans explication, ce brave garçon sans âge ni identité affirmée a été laissé dans l’ignorance du monde. Personne ne s’est occupé de l’aider, de l’éduquer. De ce fait, il est resté dans sa « bulle » d’autiste, comme un enfant qui ne serait jamais sorti de sa chambre… mais dans le monde de faux-semblants des médias et des hautes sphères de Washington, personne ne l’a remarqué. Mis à part l’ancienne domestique qui a travaillé avec lui, tout le monde est dupe ou projette sur lui des idées, des fantasmes, des frustrations qui n’ont rien à voir avec la personne réelle de Chance. Ce décalage permanent est source de quiproquos permanents et savoureux, lorsque le personnage répond « à côté de la plaque » aux avances d’un homosexuel, ou à celles d’Eve Rand.

Pour l’anecdote, on remarquera les « correspondances Aspies » qui émaillent le film, notamment la reprise funky de la célèbre musique d’AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA de Richard Strauss. Musique inspirée par le livre de Friedrich Nietzsche, et qui demeure à jamais associée au film 2001 : L’ODYSSEE DE L’ESPACE de Stanley Kubrick. Lequel fit justement jouer Peter Sellers à deux reprises (dans LOLITA et DOCTEUR FOLAMOUR). Comme par hasard, Strauss, Nietzsche et Kubrick étaient, à des degrés divers, des Aspies supposés… Par ailleurs, Chance le jardinier / Chauncey Gardner a très certainement une discrète influence sur un autre célèbre « Candide » du cinéma américain : Forrest Gump (Tom Hanks), dont nous parlerons plus loin. « Bienheureux les pauvres en esprit… » 

 

Cf. Stanley Kubrick, Friedrich Nietzsche, Peter Sellers, Richard Strauss ; Hrundi V. Bakshi, Forrest Gump

 

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… Gates, Bill :

Un QI de 160. Milliardaire à 31 ans. Fortune personnelle en 2011 : estimée à 56 milliards de dollars. Homme le plus riche du monde de 1996 à 2007, en 2009 et en 2012. Informaticien depuis l’adolescence, entrepreneur et homme d’affaires admiré et décrié, philanthrope. Signe très particulier : diagnostiqué du syndrome d’Asperger, sans le moindre doute possible. Bill Gates, le fondateur de Microsoft, a changé le monde en rendant l’informatique accessible à tous. Une science jadis réservée aux simples « nerds » dispense désormais tous ses bienfaits (et ses inconvénients…) dans les foyers de la Terre, cela grace en partie au redoutable sens des affaires de cet homme qui intrigue et irrite en même temps, représentant sans doute l’un des « Aspies » des plus accomplis. Il suffit de voir n’importe quel documentaire, interview, livre ou article à son sujet pour comprendre que Bill Gates vit dans une autre sphère… et pas uniquement celle de l’économie de marché. 

Fils d’un père avocat d’affaires et d’une mère professeur et présidente de la direction de plusieurs entreprises et banques, Bill Gates, on le devine, a su bénéficier des connaissances et du soutien parental. Enfant réfléchi, poussé par l’esprit de compétition, curieux de tout, il a rejoint à l’adolescence l’école préparatoire de Lakeside, étudiant tout particulièrement les mathématiques, les sciences, la littérature anglaise (la passion de la lecture ne l’a jamais quitté) et l’art dramatique. C’est à Lakeside qu’il s’est découvert la passion de l’informatique, y créant son premier programme. Une passion exclusive dont il admit lui-même qu’il lui était impossible de se détacher. Lui et trois autres élèves (dont Paul Allen, futur co-fondateur de Microsoft, et Steve Ballmer) se découvrirent vite un talent commun certain pour exploiter, les étés entre les cours, les failles dans le système des ordinateurs de l’époque, ce qui leur valut quelques ennuis… Difficile pour un jeune « nerd » d’exercer ses nouvelles compétences et d’approcher le sexe opposé ? Pas pour Gates qui écrivit le programme des cours et de la répartition des étudiants en classe sur les ordinateurs de Lakeside… il modifia le programme du code pour être placé à côté des étudiantes !

Après avoir reçu son diplôme et passé le test SAT, avec la note de 1590 sur 1600, Gates arriva à Harvard en 1973, sans objectif particulier. Peu motivé pendant ses études, il bricola surtout les ordinateurs du campus. Décrochant peu à peu de Harvard, où il ne finira jamais ses études, Gates retrouva Paul Allen pour fonder leur propre compagnie informatique de software en 1974. La compagnie Microsoft, enregistrée le 26 novembre 1976, naquit de leurs travaux. Le reste, peut-on dire, est histoire, le sens aiguisé des affaires et l’ambition de Gates fera de lui le plus jeune milliardaire au monde en 1987, un record qui sera dépassé par un certain Mark Zuckerberg, inspiré par son oeuvre et que nous retrouverons en toute fin de cet abécédaire. Gates dit parfois regretter sa notoriété, cet homme notoirement timide n’aimant pas attirer l’attention sur lui.

Malheureusement, ce succès financier incontestable se double chez Gates d’une image… quelque peu ambiguë. La personnalité du créateur de Microsoft y est sans doute pour beaucoup, son Asperger prononcé n’ayant certainement pas joué en sa faveur : cinglant, distant, orgueilleux, semblant peu concerné par les états d’âme de ses subordonnés ou de la concurrence (sa rivalité avec feu Steve Jobs, le créateur d’Apple à la philosophie très différente de la sienne… et sans doute Aspie lui-même, est restée célèbre), Bill Gates a présenté les aspects les moins reluisants du syndrome dans les relations humaines – déjà mises à mal dans le monde impitoyable du business à l’américaine. Les années passées comme exécutif chez Microsoft restent un mauvais souvenir pour les professionnels ayant eu à subir ses remarques et sarcasmes. Manifestation de supériorité intellectuelle égocentrique, ou envie de mettre à l’épreuve ses subordonnés pour défendre leurs propositions ? Sans doute un peu des deux. Cette attitude sera préjudiciable à Gates quand il sera accusé d’enfreindre les lois antitrust du gouvernement américain, et sommé de témoigner en 1998 devant le juge examineur du litige, David Boies : Gates, se sentant menacé, répondit « en Aspie » et reconnut plus tard avoir eu tort de se montrer insolent avec le juge, qui statua en sa défaveur.

Gates s’étant depuis lors retiré de Microsoft (dont il reste quand même président exécutif), il consacre désormais son immense fortune dans l’action philanthropique, cherchant à convaincre le monde des affaires, et spécialement les milliardaires, d’aider les pays pauvres à se développer et à innover dans les domaines de la santé et de la science. Vaste et noble programme, qui n’est pas sans rencontrer méfiances et critiques. Saura-t-il « réparer » le Monde comme un programme d’ordinateur défectueux ?

La culture populaire s’est bien entendue emparée de Bill Gates, une cible rêvée pour les satires et les parodies de tout poil. Sa carrière opposée à celle de Steve Jobs ont fait l’objet d’une « biopic » télévisée réussie, PIRATES OF SILICON VALLEY (1999), où il est interprété par Anthony Michael Hall. Le cinéma s’est montré quant à lui plus timide, se limitant à une apparition marquante dans le film THE SOCIAL NETWORK consacré à Mark Zuckerberg. Plus anecdotique, et plus drôle : Bill Gates fit l’acteur dans les pubs tournées avec Jerry Seinfeld pour Microsoft. L’une d’elles montre Gates et Seinfeld tentant de s’intégrer à une famille américaine normale, sous-entendu ironique sur les difficultés « Aspies » de l’homme le plus riche au monde…

cf. Steve Jobs, Mark Zuckerberg

 

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… Glover, Crispin

S’il existait une catégorie  »on connait son visage mais on ne sait jamais comment il s’appelle » aux Oscars, l’acteur Crispin Glover y serait certainement nommé. Méconnu du grand public, cet acteur au visage émacié est une figure familière de films célèbres, faisant l’objet d’un certain culte auprès des connaisseurs. La filmographie de Glover est une joyeuse galerie de personnages marginaux, disjonctés, inquiétants… ou de timides pathologiques dont George McFly, le très poltron paternel du héros de RETOUR VERS LE FUTUR, est le plus célèbre représentant. On trouve aussi notamment dans la filmographie de Crispin Glover : le cafardophile cousin Dell, dans SAILOR ET LULA ; Andy Warhol (lui-même Aspie probable) dans une courte scène marquante des DOORS ; l’inquiétant Sac d’Os, fétichiste des cheveux des CHARLIE’S ANGELS ; WILLARD, un gentil garçon introverti passionné par les rats ; le monstre Grendel dans LA LEGENDE DE BEOWULF, qui nous attend plus bas. Ayant joué avec Johnny Depp dans GILBERT GRAPE et DEAD MAN, il parodie son personnage de Willy Wonka (CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE de Tim Burton)… Pas rancunier, Tim Burton l’a engagé pour le casting vocal du film d’animation NUMERO 9, avant d’en faire le Valet de Coeur de son ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. Et ce n’est qu’une petite partie de sa carrière, riche en personnages du même genre…

Sur la personnalité du comédien, rien ne laisse supposer qu’il soit un Aspie. Un détail curieux, cependant, surgit dans sa biographie : il a été élève à la Mirman School, une école pour enfants surdoués. « Enfant surdoué », voilà un terme flou mais qui laisse la place à un doute minuscule… Quelques anecdotes sur Crispin Glover contribuent à la réputation excentrique de l’acteur. Glover a gagné aussi celle-ci grâce à une apparition mémorable dans le talk-show de David Letterman en 1987. Effectuant un canular digne d’Andy Kaufman, Crispin Glover arriva sur le plateau déguisé dans son personnage du film RUBIN AND ED. Après une fausse dispute avec une spectatrice, Glover se lança dans un combat de bras de fer et de karaté avec l’animateur qui n’était pas prévenu !

Défenseur acharné de la contreculture, Glover est aussi auteur de livres d’art, musicien et réalisateur. Son premier film, WHAT IS IT ? est un film surréaliste avec des acteurs ayant le syndrome de Down (la trisomie 21) ; son second, IT IS FINE ! EVERYTHING IS FINE est écrit par un acteur-écrivain, Steven C. Stewart, atteint de paralysie cérébrale. Glover prépare un troisième film pour clore sa trilogie « IT? ».

Etrange personnage, donc, qui prend un grand plaisir à cultiver son originalité et un sérieux grain de folie dans le monde redoutable du show-business à l’américaine. Crispin Glover mérite bien d’être cité dans ce chapitre, pour recevoir un « Asperger d’Honneur » !

– cf. Grendel, George McFly, Willy Wonka ; Tim Burton, Andy Kaufman, Andy Warhol

 

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… Gore, Al :

Ancien journaliste, député à la Chambre des Représentants de Washington, sénateur, vice-président des USA sous les deux investitures de Bill Clinton, candidat vainqueur au vote populaire mais pourtant battu à l’élection présidentielle américaine de 2000 (dans des conditions franchement douteuses), homme d’affaires fervent défenseur de la cause environnementaliste, et Prix Nobel de la Paix en 2007, Al Gore voit de temps en temps son nom apparaître dans des listes de personnalités supposées avoir le syndrome d’Asperger. A mon humble avis, le principal intéressé n’a jamais été diagnostiqué comme tel, et, s’il était avéré qu’il l’ait eu, il s’en est remarquablement accommodé. Gore, un « Aspie » léger ? Après tout, ça n’est pas impossible, vu que de prestigieux prédécesseurs de l’Histoire politique ont su faire preuve de certaines excentricités… Mais la prudence s’impose, une fois de plus.

Fils d’un sénateur du Tennessee, destiné à être un futur membre de l’Ivy League (les prestigieuses universités américaines d’où sortent les futurs présidents et leaders du pays), Gore suivit l’enseignement de rigueur sans difficultés particulières. Ce jeune homme passionné de lecture, de mathématiques et de sciences entre à Harvard, mais se montre pourtant mauvais élève. Il sèche les maths, s’ennuie en sciences et « glande » durant ses premières années ! Il se reprend cependant dans ses dernières années d’étude et finira parmi les meilleurs élèves de sa classe (parmi lesquels on trouve l’acteur Tommy Lee Jones). Une rencontre décisive a lieu durant ses études : Gore suit les cours de l’océanographe Roger Revelle, théoricien du réchauffement climatique, qui déclenchera son intérêt total pour les questions d’environnement. Gore se distingue aussi par une attitude peu conventionnelle, à l’époque des violentes émeutes estudiantines qui gagnent son pays : bien qu’opposé à la Guerre du Viêtnam, il est en désaccord avec les mouvement protestataires dominants. Il ne se prive pas de les juger stupides et infantiles, et s’attire les reproches de ses camarades quand il décide de s’engager au Viêtnam, pour juger par lui-même.

Journaliste militaire durant son service, Gore rentrera découragé aux USA. Il cherche sa place pendant quelques années où il se tourne vers le journalisme d’investigation et étudie la loi à l’Université Vanderbilt. Après avoir révélé les pratiques frauduleuses de deux membres du Conseil Municipal de Nashville, il décide, sur un coup de tête, de se lancer en politique, à 28 ans. Et, en peu de temps, il deviendra un jeune membre Démocrate de la Chambre des Représentants, puis du Sénat. Féru de technologie, Gore se prend de passion pour l’informatique, la technologie, les réseaux de communication… Durant les années 1980, il préside ainsi plusieurs comités sur la science, la technologie, les affaires de sécurité, tout en continuant de se passionner pour les problèmes environnementaux. Incollable et intarrissable sur ces sujets, Gore sera alors l’un des « Atari Democrats », véritable « nerd » expliquant à ses aînés dépassés les mystères et les fabuleuses possibilités de la communication informatique… Durant ses vice-présidences sous Clinton, il encouragera la diffusion et l’utilisation domestique d’Internet, comme nouveau vecteur d’éducation et d’information à destination du public, entre autres actions. C’est lui qui inventa le célèbre terme d’«autoroutes de l’information», faisant de lui une figure décisive de la révolution informatique.

S’éloignant de la sphère politique peu à peu après sa défaite de 2000, Gore continue un long combat entamé depuis 1976 en faveur de l’environnement. Toujours intarissable sur cette cause qui lui tient à coeur depuis sa jeunesse, Gore a exposé ses vues dans le documentaire oscarisé UNE VERITE QUI DERANGE en 2006… quitte à s’attirer des critiques quand au ton du film, jugé véhiculant une propagande catastrophiste. Mais Gore tient ferme et, redoutable débatteur, a su défendre son point de vue, au nom de la vérité.

Exigence de vérité, comportement « décalé » avec son milieu social, connaissances extrêmement précises dans les sujets qui le passionnent… voilà brièvement exposés les quelques possibles aspects Asperger de la personnalité d’Al Gore. A chacun de juger si cela suffit à le « classer » comme tel, ou si ce sont de simples coïncidences.

 

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… Gould, Glenn (1932-1982) :

Glenn Gould, ou l’un des plus célèbres cas de syndrome d’Asperger, sur lequel le doute n’est guère permis tant tout concorde dans le comportement de l’histoire de cet pianiste canadien de génie. Il a su  »composer » avec toutes les immenses difficultés d’un syndrome d’Asperger de très haut niveau, tel que l’a diagnostiqué le psychiatre américain Peter Ostwald dans l’étude qu’il lui a consacrée.

L’éducation musicale de Glenn Gould s’est faite très tôt, par l’intermédiaire de sa mère, Florence Emma (« Flo »), une descendante lointaine du grand compositeur norvégien Edvard Grieg. Flo Gould, à vrai dire, exposa son fils à la musique avant même sa naissance, ayant prévu qu’il serait un grand musicien. Et, alors qu’il n’est qu’un bébé, Gould était déjà un enfant singulier ; il agitait les doigts comme s’il tenait un instrument à cordes, et, au lieu de pleurer, fredonnait… La mère de Gould avait vu juste, ou l’avait-elle habilement préparé ? A 3 ans, le petit Glenn Gould avait l’oreille absolue, à l’instar d’un Wolfgang Amadeus Mozart. Baignant constamment dans cette éducation musicale, le jeune Gould suivit les leçons maternelles et devint un enfant remarquablement doué pour le piano, avant d’apprendre la musique auprès des professionnels du Conservatoire Royal de Musique de Toronto. Une grave blessure au dos le gênera pour jouer ; son père bricola une chaise percée spéciale qui deviendra son fétiche dont il ne se séparera jamais, même quand elle tombait en morceaux ; les leçons de ses professeurs le feront adopter une posture particulière, « collée » au clavier ; la blessure et le syndrome que tout le monde ignore alors lui donneront cette allure raide si spéciale, qui paraîtrait compassée et empruntée si le jeune pianiste ne se montrait pas d’une dextérité et d’une précision prodigieuses. Sa prodigieuse mémoire lui permit de retenir très vite les compositions les plus difficiles à interpréter, et, à l’âge de 13 ans, le jeune homme décrocha les plus hauts diplômes du Conservatoire, pouvant entamer une carrière professionnelle de pianiste virtuose. Avec une prédilection particulière pour les compositions mathématiques de Jean-Sébastien Bach. Le succès de son interprétation des « Variations Goldberg » en 1955 est entré dans la légende et continue d’être réédité et écouté, plus de 50 ans après sa parution.

La célébrité précoce de Glenn Gould doit aussi certainement beaucoup à ce que l’on nommait alors, faute de mieux, ses « excentricités » qui furent autant de comportements typiques du syndrome d’Asperger. Gould était un expert dans tout ce qui avait trait à la musique, mais en contrepartie, ses aptitudes sociales étaient déconcertantes. Il détestait les concerts en public, au point de parfois refuser de monter sur scène au tout dernier moment. Il fredonnait tout en jouant, faisant s’arracher les cheveux des preneurs de son. Ses grands concerts avec Leonard Bernstein furent particulièrement délicats à gérer pour le célèbre chef d’orchestre. Gould arrêta d’ailleurs très tôt, à 32 ans, les concerts en public, préférant la pureté technique et le calme des enregistrements en studio. Le syndrome affecta aussi, comme on s’en doute, sa vie privée. Introverti, d’une discrétion totale, Gould évitait de se montrer ; la seule histoire d’amour qu’on lui connaît, avec l’enseignante en art Cornelia Foss, se finit mal en raison des crises d’angoisse et d’une certaine paranoïa de Gould. Il préférait, en bon Aspie, une certaine solitude et la compagnie des animaux à celle de ses congénères.

Glenn Gould avait en horreur le contact physique, marque d’une hypersensibilité handicapante quand, par exemple, un technicien du son lui envoya un jour une claque amicale dans le dos avant un enregistrement… Gould en ressentit une telle gêne que la journée d’enregistrement fut gâchée par ce seul geste. Quand il sortait, il portait des couches de vêtements, un béret et une paire de gants, quel que soit le temps au-dehors. Des policiers, croyant voir un vagabond, l’arrêtèrent un jour en le voyant attifé de la sorte dans un parc… en Floride ! Et ce ne sont là que quelques exemples parmi une liste interminable des « bizarreries » de l’artiste.

Mais limiter Glenn Gould à son handicap est très réducteur. Il fut avant tout un artiste exceptionnel, et un expert exigeant, doté d’une faculté d’analyse unique pour tout ce qui avait trait à la musique. Il ne se limita pas d’ailleurs à son héros Bach, mais produit aussi nombre d’enregistrements et d’études critiques sur les plus grands : Brahms, Sibelius, Bizet, Mozart, Beethoven, Richard Strauss (tiens, ces trois derniers entrent dans notre liste…), etc. tout en se montrant souvent cinglant dans ses jugements. Fasciné par la radio, il réalisa plusieurs documentaires pointus pour la radio canadienne. Parmi ses plus notables productions, la bien nommée SOLITUDE TRILOGY, oeuvre de musique concrète et méditation sur les différentes communautés canadiennes.

Etrangement, le Cinéma ne s’est pas encore « emparé » de la vie du pianiste prodige. Ou, sinon par des voies indirectes… Mis à part un très beau film de François Girard sorti en 1993 (32 SHORT FILMS ABOUT GLENN GOULD où il est interprété par Colm Feore) et des documentaires, peu de choses… à part le son très identifiable des « Variations Goldberg » interprétées par ses soins, devenues de film en film le leitmotiv du bon docteur Hannibal Lecter !

 

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… Graham, Jim (Christian Bale) dans EMPIRE DU SOLEIL

« Difficile. Garçon difficile. » C’est ainsi que le sergent Nagata, impitoyable chef japonais d’un camp de prisonniers de guerre en Chine occupée durant la 2ème Guerre Mondiale, qualifie le jeune britannique Jim Graham. Le soldat n’a pas tort… Séparé de ses parents lorsque les Japonais ont pris d’assaut les quartiers coloniaux de Shanghai à la fin de l’année 1941, Jim a survécu au jour le jour en déployant des trésors d’ingéniosité, et en prenant des risques fous. Ce jeune garçon vit l’enfer dans le camp sous la menace constante des gardes japonais, et se retrouve ballotté entre plusieurs parents de substitution qui peinent à comprendre son comportement. Hyperactif, intelligent, sensible, Jim connaît aussi des coups de folie liés à sa passion démesurée pour l’aviation. Quand la 2ème Guerre Mondiale touche à sa fin, les affrontements aériens entre les Zéros japonais et l’US Air Force sont pour lui un spectacle inoubliable. Mais les horreurs auxquelles il assistera l’affecteront irrémédiablement…

Adapté du roman, semi-autobiographique, semi-fictif, de James G. Ballard, EMPIRE DU SOLEIL est un film particulier dans la filmographie de Steven Spielberg. Le « Wonder Boy », entrant dans la quarantaine, casse l’étiquette de « magicien de l’écran » à succès dont on l’a affublé, en dévoilant sans fards son intérêt pour la grande Histoire. EMPIRE DU SOLEIL marque de ce fait l’évolution de son cinéma vers des films plus sombres, plus durs, comme le seront LA LISTE DE SCHINDLER et LE SOLDAT RYAN. EMPIRE DU SOLEIL, assez mal reçu à l’époque, est réévalué avec le Temps comme un de ses meilleurs films. Il révèle le talent d’un tout jeune comédien, Christian Bale, qui connaît depuis une carrière des plus fructueuses. Avec Spielberg, Bale façonne un personnage étrange : ni mignon, ni sujet à la moquerie, Jim Graham est un enfant confronté à des situations terribles, dont il se sort par une astuce et une vision du monde absolument déroutantes pour son entourage. Il ne fait pas de doute, en revoyant le film avec le décalage des années, que le jeune britannique a une forme particulière du syndrome d’Asperger.

Choyé par ses parents, respectables notables de la colonie britannique, Jim est déjà en décalage avec les conventions de son milieu. S’il chante à la chorale locale, par exemple, avec ses petits camarades, il s’y ennuie profondément. Il a des idées étranges et des rêves sur Dieu qu’il partage avec sa mère. Et surtout, il a une passion exclusive typique d’un petit Aspie : l’aviation militaire, un sujet sur lequel il est incollable et se montre d’une étonnante acuité (il peut ainsi reconnaître un avion en vol grâce au bruit de son moteur !)… Et, comme nombre d’Aspies, ces particularités étonnantes s’accompagnent d’une faille évidente : une totale inconscience du danger environnant, alors que la 2ème Guerre Mondiale frappe aux portes. Voir à ce titre la scène exemplaire où il joue au pilote dans une carcasse de Zéro, avant de réaliser qu’il se trouve juste à côté de soldats japonais armés. 

Cette inconscience le mènera par la suite à être manipulé par un étrange ami, Basie (John Malkovich), un combinard cynique qui le fait participer à ses petits trafics, tout en abusant de sa confiance. La scène de la « chasse aux faisans » dans le camp en est l’exemple extrême : Basie, voulant trouver un chemin pour s’enfuir du camp, fait poser des collets à Jim dans les marécages voisins du camp… tout en lui cachant l’existence des mines. Jim joue ainsi sa vie, en faisant l’éclaireur pour son ami. Quand l’objet de sa passion lui apparaît, Jim bascule dans un autre monde, oubliant le danger environnant : il doit toucher un avion en construction et saluer respectueusement ses pilotes interloqués, tout comme il doit assister aux premières loges au ballet des avions de combat, oubliant qu’il peut être tué d’une balle perdue. Ces subits « délires », qui s’expliquent bien par le syndrome d’Asperger, semblent étrangement protéger Jim des horreurs qu’il voit. Tout comme ils justifient ses manies et comportements qui agacent tant les adultes : parler sans arrêt de son manuel du jeu de bridge, tenir des statistiques sur le nombre de charançons mangés chaque jour, ou se croire capable de ranimer les morts de l’hôpital…

Etrange enfant, vraiment, qui développe d’instinct un don d’adaptation aux circonstances, au prix de terribles erreurs et de grandes souffrances intimes. La perte d’un état d’innocence menant à une prise de conscience terrible sur ce que les hommes peuvent s’infliger en temps de guerre. Même le trompeur « happy end », le rendant à ses parents, laisse supposer que le jeune homme qu’il est devenu restera profondément perturbé toute sa vie. Jim Graham a laissé des traces notables, et il n’est pas interdit de penser qu’il a inspiré un autre enfant Aspie fictif : Oskar Schell, le jeune héros d’EXTRÊMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES, lui aussi bouleversé par une autre tragédie historique et intime.

 

Cf. Steven Spielberg ; Oskar Schell

 

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… Grandin, Temple :

Très peu connu du grand public de l’Hexagone, le nom de Temple Grandin est peut-être familier aux spectateurs de la chaîne Arte. Il y a presque un an de cela, la chaîne culturelle a diffusé un téléfilm réalisé en 2010, et interprété par Claire Danes. Téléfilm sobrement intitulé TEMPLE GRANDIN, qui a capté l’attention de votre serviteur pour les raisons que vous devinez.

Experte mondialement reconnue en zootechnie, professeur en sciences animales lauréate de plusieurs diplômes, Temple Grandin est atteinte d’autisme depuis sa naissance en 1947. Son travail l’a amené à révolutionner les techniques d’abattage industriel des animaux, à défendre la cause animale tout en comprenant progressivement sa propre condition. Et, de ce fait, elle a publié des autobiographies et des ouvrages éclairants sur l’autisme et le syndrome d’Asperger. Trois d’entre eux ont été traduits en français : MA VIE D’AUTISTE, PENSER EN IMAGES et L’INTERPRETE DES ANIMAUX. 

Pour en arriver là, Temple Grandin a dû se battre avec le lot quotidien des jeunes enfants autistes et Aspies. Le retard du langage (qu’elle acquiert à quatre ans), les colères violentes et subites dès qu’on la touche, la surcharge sensorielle qui la perturbe et la coupe des relations aux autres, le regard et les moqueries de ses camarades au collège et au lycée, les routines et les phobies… Tout y est. Heureusement pour elle, Temple Grandin a eu la chance d’avoir un entourage l’ayant toujours supporté, qu’il s’agisse de sa mère, ou de ses professeurs. Diplômée en sciences animales, sensible à la compagnie des animaux, elle va mettre en pratique ses compétences en zootechnie et et veiller au bien-être des animaux dans les usines d’abattage américaines. Ce qu’elle voit l’horrifie au plus haut degré. Des méthodes d’une brutalité absolue… Une « abomination » comme elle le dit elle-même. Elle va patiemment élaborer une méthode scientifique rigoureuse pour diminuer le stress et la souffrance des animaux. Et elle va réussir à l’imposer aux éleveurs américains. Pas un mince exploit que de s’imposer dans un milieu machiste, où on devait la regarder comme une folle ou une idiote !

Temple Grandin, à partir de son expérience, va devenir peu à peu une figure de la lutte pour le bien-être des animaux. Récompensée par les associations écologistes telles que PETA, elle n’est pas une « écolo » caricaturale pour autant ; ne cherchant pas à fermer les usines et empêcher la consommation de viande animale, elle préfére lutter en faveur d’un traitement éthique des conditions d’abattage. Son autisme l’a aidé à cette prise de conscience : littéralement capable de ressentir ce que ressent l’animal, elle compare ainsi l’angoisse sensorielle de l’animal au moment de son abattage à ses propres peurs. C’est d’ailleurs pour cela que, dans sa jeunesse, elle inventa une « machine à câlins », un appareil de contention utilisé pour calmer les enfants autistes et hypersensibles dans des situations anxiogènes.

Cette prise de conscience de la souffrance animale est allé de pair avec sa propre découverte de son autisme. Sur l’insistance de Ruth C. Sullivan, fondatrice de l’ASA (Autism Society of America), elle acceptera, au milieu des années 1980, de parler d’elle en public à des familles d’enfants autistes, devenant au fil du temps une conférencière appréciée. Elle doit sa notoriété tardive au livre AN ANTHROPOLOGIST ON MARS d’Oliver Sacks, et est depuis devenue une figure majeure des mouvements pour les droits de la personne autiste. Jusqu’à défendre, jusqu’à la controverse, la neurodiversité, notion défendant l’idée que l’autisme n’est pas un trouble en soi, et que les gens « neurobiologiquement différents » doivent être respectés de la même façon que les femmes, les homosexuels, les gens de religion et de couleur de peau différente, etc.

Vous ai-je précisé que Temple Grandin est en train de devenir mon héroïne personnelle ?

Cf. Oliver Sacks

 

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… Grendel (Crispin Glover) dans LA LEGENDE DE BEOWULF

Les convives du Roi Hrothgar (Anthony Hopkins) n’auraient jamais dû chanter aussi fort… Un monstre hideux surgit en pleine nuit, pour les massacrer par dizaines, les démembrer et les dévorer. Voici Grendel, fils des amours illégitimes de Hrothgar et d’une démone très sexy (Angelina Jolie), qui vient ainsi se présenter à son père horrifié. Le film de Robert Zemeckis, adapté d’un très ancien poème anglo-saxon à la date incertaine (entre le 7ème et le 10ème Siècle), démarre ainsi sur les chapeaux de roue en nous présentant une créature de cauchemar, un géant difforme poussé par une rage meurtrière. A priori donc, la vision de Grendel par le cinéaste de FORREST GUMP et RETOUR VERS LE FUTUR n’a rien à voir avec un syndrome d’Asperger. Et pourtant…

Interprété par Crispin Glover, Grendel est caractérisé d’une telle façon qu’il sort des clichés habituels des monstres d’heroic fantasy. Il est le premier du genre à présenter deux caractéristiques du syndrome d’Asperger. Tout d’abord une façon de parler très spéciale. Les scénaristes du film ont eu l’idée astucieuse de le faire s’exprimer en « vieil anglois », respectant le langage d’origine du poème, là où les protagonistes humains s’expriment en un anglais moderne impeccable. Ce décalage langagier donne des scènes inattendues où l’apparente brute épaisse parle un anglais châtié, élaboré, pré-«shakespearien». Grendel a donc beau tuer tout ce qui passe à sa portée, il n’en reste pas moins un être intelligent, à l’étrange élocution pas si différente finalement d’un Aspie… et, pour aller plus loin dans ce sens, le monstre est doté d’une sensibilité très particulière.

C’est son autre particularité : son hypersensibilité au moindre bruit. Zemeckis et ses scénaristes s’inspirent du texte d’origine pour élaborer une idée originale. Il y était en effet écrit que Grendel ne supportait pas le moindre bruit provenant du château de Hrothgar, et venait donc, à sa façon, demander à ses voisins de cesser le vacarme. Le cinéaste et ses coscénaristes ont donc poussé l’idée à l’extrême : le pauvre Grendel est né avec les tympans à vif… les bruits de fête et de chants des convives sont donc pour lui un supplice de tous les instants. Une situation familière à toutes les personnes Aspies souffrant d’hypersensibilité sensorielle. Une chance pour les autres que les vrais Aspies ne réagissent pas aux agressions auditives comme Grendel !

Notons pour finir que ce monstre finalement bien pathétique provoque finalement une relative sympathie, malgré sa violence… Rejeté par son père, le voilà forcé de vivre en retrait, en reclus au fond d’une grotte, entretenant une relation fusionnelle avec sa maman, véritable cauchemar freudien incarné par Miss Jolie, qui est bien la seule à le traiter avec tendresse. C’est dans ses bras que le pauvre Grendel, mutilé par ce bellâtre vaniteux de Beowulf (Ray Winstone), et réduit à la taille d’un tout petit bambin, s’en ira rendre son dernier soupir en position foetale toute symbolique.

- cf. Crispin Glover ; “Doc” Emmett Brown, George McFly, Forrest Gump

 

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… Gump, Forrest (Tom Hanks) dans le film homonyme

« Madame Gump, votre fils est… différent. » Le proviseur, à qui Madame Gump (Sally Field) présente son petit garçon, prend un air plein de condescendance quand il lui présente un tableau d’évaluation d’intelligence. La scène a dû certainement toucher une corde sensible chez tous les parents d’enfants « différents ». Crétin de proviseur, comme il a tort ! Heureusement, Forrest Gump peut compter sur le dévouement d’une mère solitaire qui ne recule devant rien pour lui permettre de suivre une scolarité normale, quitte à utiliser un moyen peu orthodoxe… Voilà en tout cas le garçonnet lancé sur les premiers rails d’un grand voyage. C’est le début du film FORREST GUMP, qui a définitivement fait de Tom Hanks une star dans la grande tradition des acteurs d’antan, ceux de la génération de James Stewart ou Gary Cooper à leurs débuts. Un triomphe en 1994 pour Hanks, qui obtient son second Oscar en moins d’un an, et pour le cinéaste Robert Zemeckis, décidément très présent dans ces pages.

Grâce à eux, le personnage de Forrest Gump est entré dans la culture populaire… même si celle-ci a retenu à tort le côté apparemment « simplet » du personnage sans vraiment le comprendre. Durant tout le film, durant trente ans d’Histoire de l’Amérique, Forrest se fait traiter d’idiot, de simple d’esprit, subit moqueries et incompréhension générale… alors qu’en fin de compte, n’hésitons pas à le dire, Forrest est de toute évidence un Aspie qui s’ignore. Un de plus dans la filmographie riche en personnages « farfelus » de Robert Zemeckis, ce qui laisserait à penser, que… qui sait, peut-être ? L’affection du cinéaste pour ce type de personnage révèlerait bien quelque chose de sa propre personnalité.

Quoi qu’il en soit, l’histoire de la vie de Forrest, ce jeune homme un peu « spécial », est émaillée d’aventures, de rencontres marquantes, d’incidents cocasses ou de drames qui vont peu à peu l’aider à prendre conscience de ce qu’il est. Ostracisé pour sa « lenteur d’esprit » symbolisée par ses atelles fixées à ses jambes, Forrest Gump ne cesse d’être encouragé par sa mère à être fier de sa différence. C’est cette même différence qui va jalonner et façonner les grandes étapes de sa vie.

Comme il se doit, Forrest est d’une maladresse sociale évidente : qu’il soit en train de raconter l’histoire de sa vie sur un banc à des passants aux réactions diverses, ou d’accumuler les gaffes devant trois présidents américains successifs, Forrest montre toujours qu’il est dans sa bulle en toute circonstance. Sa légendaire naïveté provient du fait qu’en bon Aspie, il interprète littéralement tout ce qu’on lui dit. Une source de gags permanente tout au long du film – depuis l’incident des boissons gazeuses avec Kennedy, jusqu’à son rôle méconnu dans l’affaire du Watergate… en passant par son interprétation littérale, au Viêtnam, du surnom « Charlie » (surnom donné à l’ennemi Viêt Minh par les américains). Quand aux centres d’intérêt très poussés, identifiables du syndrome d’Asperger, ceux de Forrest Gump sont très particuliers : la course à pied, le ping-pong, la pêche à la crevette… Des activités dérisoires mais qui vont quand même l’enrichir, à tout point de vue. Sa passion et son mode d’expression préféré étant avant la course à pied, il s’y investit totalement au point de traverser de long en large son pays pendant des années… et de devenir, dans une scène hilarante, une figure inspiratrice, un Messie malgré lui !

Mais l’enrichissement de Forrest est avant tout personnel, et spirituel, derrière l’humour. D’une loyauté inaltérable pour ses quelques amis, Forrest assistera à la mort de Bubba (Mykelti Williamson) au Viêtnam, et à la déchéance du Lieutenant Dan (Gary Sinise). Loin de se vexer des insultes amères de ce dernier rentré mutilé au pays, Forrest l’accompagnera et l’aidera à remonter la pente. Et surtout, le « simplet » Forrest sera grandi par l’amour qu’il porte sans réserves à Jenny Curran (Robin Wright), une jeune femme malmenée par la Vie. Au bout de son voyage, Forrest se découvrira être le père d’un petit garçon (Haley Joel Osment) et acquéreur d’une immense sagesse. Moderne Candide, descendant de Chance (BEING THERE / BIENVENUE MR. CHANCE), Forrest réalisera avoir su cultiver son propre jardin, et devenir, sans avoir à suivre les leçons maternelles, un être humain accompli.

 

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Impossible de ne pas citer, en parlant du syndrome d’Asperger et de FORREST GUMP, le meilleur ami de celui-ci, Benjamin Buford «Bubba» Blue. Véritable «jumeau» en esprit et en cœur de notre héros, Bubba est un Aspie évident, expert incollable sur un seul sujet : les recettes de cuisine des crevettes ! Bubba meurt malheureusement au Viêtnam, mais Forrest respectera leur promesse de devenir capitaine de crevettier. Serment a priori ridicule, mais qui rendra Forrest riche à millions – avec l’aide de Dan… et d’un investissement judicieux dans une « coopérative fruitière », oeuvre d’un possible Aspie célèbre : Apple, la création de Steve Jobs !

Les Aspies parlent aux Aspies, décidément…

 

Cf. “Doc” Emmett Brown, Chauncey Gardner, Grendel, George McFly

 

Ludovic Fauchier.

FRANKENWEENIE – La Fiche Technique et l’Histoire

FRANKENWEENIE - La Fiche Technique et l'Histoire dans Fiche et critique du film frankenweenie-5

FRANKENWEENIE

Réalisé par Tim BURTON   Scénario de John AUGUST, d’après le film de court-métrage de Tim BURTON (1984), scénario original de Lenny RIPPS

Voix de (V.O.) : Charlie TAHAN (Victor Frankenstein), Catherine O’HARA (Mrs. Frankenstein / La Fille Zarbie / La Prof de Gym), Martin SHORT (Mr. Frankenstein / Mr. Burgermeister / Nassor), Martin LANDAU (Mr. Rzykruski), Winona RYDER (Elsa Van Helsing), Robert CAPRON (Bob), Conchata FERRELL (la Mère de Bob), Atticus SHAFFER (Edgar «E.» Gore), James Hiroyuki KIAO (Toshiaki), Frank WELKER (Sparky), Dee Bradley BAKER (Perséphone / Shelley / le Rat-Garou / Colossus / Mr. Moustaches / le Conducteur) et le Caméo de Christopher LEE (Dracula) !

Produit par Allison ABATE, Tim BURTON, Derek FREY, Connie NARTONIS THOMPSON et Simon QUINN (Walt Disney Pictures / Tim Burton Animation Co. / Tim Burton Productions)   Producteur Exécutif Don HAHN 

Musique Danny ELFMAN   Photo Peter SORG   Montage Chris LEBENZON et Mark SOLOMON  

Décors Rick HEINRICHS   Direction Artistique Tim BROWNING et Alexandra WALKER  

Design et Création des Personnages Animés MACKINNON & SAUNDERS   Directeur de l’Animation Trey THOMAS   Supervision de l’Animation Mark WARING  

Distribution USA : Walt Disney Pictures / Distribution INTERNATIONAL : Walt Disney Studios Motion Pictures  

Caméras : Canon EOS 5D Mark II

 

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L’Histoire :

Dans la petite ville de New Holland, vit la paisible famille Frankenstein. Le jeune Victor, le fils de la famille, adore tourner des petits films dans le jardin avec, en vedette, son chien Sparky, un gentil bull-terrier qui est son seul ami. En classe, Victor est enthousiasmé par les cours de science de son nouveau professeur, Mr. Rzykruski, qui demande à tous les élèves de sa classe de préparer leur prochain projet pour le traditionnel concours. Mais la Fille Zarbie, une camarade de classe qui lit l’avenir dans les déjections de son chat Mr. Moustaches, prévient Victor que son destin va changer…

Le père de Victor le persuade de participer aux matches de base-ball pour le voir fréquenter ses petits camarades. Victor accepte, mais doit laisser Sparky tenu en laisse. Quand Victor réussit son premier strike, Sparky se détache, court chercher la balle comme à son habitude… et se fait écraser par une voiture sous les yeux de son jeune maître.

Le pauvre garçon est malheureux sans son chien. Mais quand Mr. Rzykruski démontre les propriétés stupéfiantes de l’électricité sur une grenouille morte, il donne à Victor l’idée folle de ressusciter Sparky, en guise de projet scientifique. Mais Victor est loin de se douter des catastrophes imprévues que son expérience va causer dans le voisinage de New Holland…

Re-Animator – FRANKENWEENIE

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FRANKENWEENIE, de Tim Burton

 

Bonjour, chers amis neurotypiques !

Le destin a de ces ironies… Tim Burton est né et a vécu sa jeunesse à Burbank, Californie. Cette petite ville américaine, dans laquelle il s’est toujours senti mal à l’aise, lui inspira le décor d’EDWARD AUX MAINS D’ARGENT. Elle fut et demeure toujours le site des grands studios du Cinéma américain, notamment ceux de la Warner (qu’il filme dans PEE-WEE BIG ADVENTURE et ED WOOD) et de Walt Disney, chez qui Burton débuta comme animateur à la fin des années 1970. Période difficile pour le futur cinéaste, à une époque où les studios Disney en pleine débâcle interne « ramaient » pour produire un seul long-métrage et se faisaient éclipser par les triomphes de la génération montante Lucas-Spielberg… Simple exécutant à l’instar d’autres futures pointures (Brad Bird, John Lasseter et les créatifs de Pixar), Burton souffrait à devoir dessiner de gentils renardeaux pour ROX & ROUKY, ses dessins biscornus provoquant la perplexité des cadres de Disney. Dans son coin, avec quelques collègues, il réalisa son court-métrage en noir et blanc et en stop-motion, VINCENT, ode à Vincent Price et Edgar Poe et autoportrait de sa propre enfance. Peinant à travailler sur THE BLACK CAULDRON (TARAM ET LE CHAUDRON MAGIQUE), ses designs de démons et sorcières étant jugés trop effrayants par les réalisateurs, Burton quittera les studios Disney par la petite porte… non sans avoir entretemps réalisé en 1984 un petit bijou de court-métrage intitulé FRANKENWEENIE. Un véritable condensé de son futur univers, prévu à l’origine pour être un long-métrage. On imagine l’embarras des patrons de Disney de l’époque devant ce que Burton leur proposait : une histoire d’un jeune garçon et de son chien… où le chien meurt écrasé avant d’être déterré par son maître pour être ranimé, façon FRANKENSTEIN. Ajoutez à cela la charge contre le conformisme des familles américaines, le tout en noir et blanc, et vous aurez une idée du malaise des dirigeants de l’époque… La direction de Disney changea cependant, et le succès de Burton comme cinéaste aida à faire redécouvrir les deux courts-métrages.

 

Re-Animator - FRANKENWEENIE dans Fiche et critique du film frankenweenie-loriginal-1984

Les rapports de Burton avec le studio Disney ont été pour le moins « élastiques ». Après ce mauvais départ, Burton collaborera avec de nouveaux dirigeants chez Disney, notamment pour NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS (L’ETRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK), ED WOOD (produit par Touchstone Pictures, filiale « adulte » des films Disney) et ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. Si ce dernier n’est pas une réussite, c’est le moins que l’on puisse dire, son triomphe financier a aidé Burton à prendre sa revanche sur le passé. Alors qu’il attaquait la production de DARK SHADOWS, le cinéaste a reçu carte blanche de Disney pour revisiter FRANKENWEENIE comme il l’entendait. C’est donc un véritable retour aux sources et aux amours de jeunesse, et un bain de jouvence libérateur pour Burton qui retrouve ses thèmes favoris et revient sur les bons rails après les errances d’ALICE : la banlieue, l’enfance, les chiens, l’animation en stop motion, les films d’épouvante et les monstres géants… Tout y est !

 

frankenweenie-1 dans Fiche et critique du film

De film d’animation, joliment exécuté en stop motion (une solide tradition engagée avec VINCENT, NIGHTMARE et CORPSE BRIDE), FRANKENWEENIE se transforme en véritable oeuvre de « Ré-animation ». Burton ne se limite pas à étirer en long l’histoire – assez succincte – du court-métrage d’origine. Avec l’aide de son scénariste John August (BIG FISH, CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, CORPSE BRIDE), il développe tout un petit univers autour de l’histoire centrale, d’une tendresse toute simple, entre Victor et son chien. L’argument « Frankenstein » prend tout son sens : si l’histoire demeure la même et raconte la réanimation du défunt toutou par son jeune maître inconsolable, FRANKENWEENIE version 2012 est en quelque sorte la résurrection du film de 1984 laissé pour mort par les patrons de Disney de l’époque. Et Victor est tout naturellement l’alter ego juvénile de Burton (un mixe entre son personnage de VINCENT et son homonyme adulte de CORPSE BRIDE) qui « déterre » son défunt film pour lui redonner une seconde vie. Le passage du film « live » d’origine à l’animation va dans ce sens…

On peut aussi remarquer, dans l’élaboration de l’histoire, le rôle des petits camarades copieurs de Victor, et se demander si il n’y a pas là une petite critique sous-jacente de Burton vis-à-vis de collègues moins talentueux qui essaieraient de lui ravir son style et ses idées. A moins qu’il ne s’agisse, plus généralement, d’une critique des rapports difficiles entre les génies solitaires (Victor), les admirateurs trop zélés (Edgar) et les copieurs, existant dans n’importe quel domaine artistique…

 

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Comment refaire un film de jeunesse alors qu’on vient d’atteindre le cap de la cinquantaine ? Tim Burton et John August, libres des exigences du studio, décident de s’en donner à coeur joie. FRANKENWEENIE cuvée 2012 est donc tour à tour bourré d’humour, de références (bien senties), de quelques frayeurs à destination des plus jeunes, d’un joyeux esprit anarchique réglant son compte à l’étroitesse banlieusarde… et n’hésite pas non plus à nous faire verser quelques petites larmes bienvenues. Que celui qui n’a jamais perdu son animal de compagnie quand il était enfant jette la première pierre à Burton… Le cinéaste, qui s’est toujours dit profondément attaché aux chiens de son enfance, réalise là un fantasme enfantin mélancolique à souhait. A vrai dire, son imaginaire assez unique a déjà fait subir de drôles de situations à la gent canine par le passé. Depuis VINCENT et les expériences sur Abercrombie le chien zombie, jusqu’à Scraps le chien squelette de CORPSE BRIDE, c’est un drôle de chenil que Burton a mis en place et qui se poursuit avec le gentil Sparky, bull-terrier « décousu » vedette de son film. Rappelons aussi : Speck (PEE-WEE BIG ADVENTURE), le chien qui provoque la mort du couple de BEETLEJUICE, les toutous toilettés d’EDWARD AUX MAINS D’ARGENT, la Dame au Caniche de BATMAN RETURNS, Zéro le chien fantôme de NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS, les chihuahuas de Bela Lugosi (ED WOOD), Bayard le Saint-Hubert naïf d’ALICE… et les cabots malmenés par les Martiens de MARS ATTACKS ! Burton a décidément un rapport créatif vraiment très particulier avec la gent canine.

 

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FRANKENWEENIE fait aussi plaisir à voir par son retour à une ambiance  »trublionne » à laquelle Burton ne nous avait plus guère habitués depuis quelques temps. Curieuse coïncidence, mais c’est en signant son tout premier film sans ses chers Johnny Depp et Helena Bonham-Carter que Burton a peut-être bien retrouvé une liberté de ton juvénile et salvatrice. On retrouve au fait au casting vocal quelques revenants « burtoniens », notamment le grand Martin Landau et Winona Ryder qui fait son come-back chez son réalisateur de BEETLEJUICE et EDWARD. Voilà Burton qui s’amuse, le temps d’une scène hilarante, à oser l’humour « caca boudin » : la scène où une camarade de classe de Victor quelque peu… hum, étrange… lui lit son avenir dans les crottes de son chat est l’occasion pour Burton de nous filmer l’objet du délit, et en très gros plan s’il vous plaît. On peut même compter les poils… Quel  »outrage », dans un film Disney tout ce qu’il y a de plus familial !! Les envies anarchistes de Burton se déchaînent par des scènes encore plus savoureuses où il revisite avec bonheur les films qui ont forgé sa jeunesse… et qu’il déchaîne à loisir contre ses concitoyens. Le prof de sciences au nom imprononçable, sosie de Vincent Price, peut ainsi cracher tout son mépris du conformisme américain durant une mémorable scène de conseil municipal. Et Burton de lâcher ses hordes de bêbêtes destructrices sur la populace affolée, pour le plus grand bonheur du spectateur. L’occasion pour lui de faire intervenir des personnages et citations familières. Pêle-mêle, on retrouve aussi un jeune clone de Boris Karloff, des bestioles à la Ray Harryhausen, la tortue géante Gamera (éternelle rivale de Godzilla au Japon – d’où le gamin japonais à la caméra), la Momie, la coiffure d’Elsa Lanchester dans LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN, les bossus, les savants fous, la foule en colère… même les confrères Steven Spielberg et Joe Dante sont cités en filigrane. On s’amusera aussi de citations « à double tiroir », comme la tortue Shelley, qui doit aussi bien son prénom à Mary Shelley, l’écrivaine de FRANKENSTEIN – à moins que ce ne soit à cause de Shelley Duvall, vedette du FRANKENWEENIE original. Bonus final émouvant : Christopher Lee, habitué de Burton, fait une apparition télévisée inattendue dans une scène réminiscente de la propre jeunesse du cinéaste, lorsqu’il épiait les films d’épouvante que ses propres parents regardaient à la télévision.

 

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Enfin, la réussite de FRANKENWEENIE ne serait pas ce qu’elle est s’il n’y avait pas, tout d’abord, une relecture de l’histoire originale avec le recul nécessaire des années. Là encore, l’adresse de l’histoire écrite par August avec Burton rend les choses plus complexes qu’à première vue. Alors que le court-métrage pratiquait l’ellipse et ne montrait que l’injustice dans l’accident fatal à Sparky, le long-métrage permet de développer un discours plus mature, tout en le subvertissant à la mode « burtonienne ». Une discussion père-fils classique évoque le mot fatidique de « compromis », un mot que Burton a dû bien souvent entendre par le passé dans les réunions avec les cadres exécutifs lui imposant leurs conditions à chaque film. Réunions qu’il déteste, comme tout bon artiste qui aimerait mieux créer dans son coin, sans contraintes. C’est un justement compromis passé avec le père qui va décider Victor à jouer au baseball avec ses voisins… et causer le drame. Habile jeu sur les mots dû à la plume d’August, le « strike » de baseball va tuer Sparky. Mais ce sont les éclairs (en VO : « strikes ») de la foudre qui vont le réanimer… Le professeur de sciences de Victor Frankenstein, lui, dirait certainement qu’il s’agit du « doigt du Destin »… à moins qu’il ne s’agisse des mains des créateurs du film.

Et voilà comment Burton – soutenu une nouvelle fois par une superbe partition de son vieil ami Danny Elfman – revisite de fond en comble son univers, passant du rire aux larmes avec une sincérité confondante. Bien joué : FRANKENWEENIE est le meilleur film de Tim Burton depuis BIG FISH. On attend maintenant de voir s’il continuera de la sorte avec son PINOCCHIO qui s’annonce comme le futur contrepoint d’EDWARD, raconté cette fois du point de vue de l’inventeur, un Gepetto campé par Robert Downey Jr.

 

Ludovic Frankenfauchier. « It’s alive ! IT’S ALIVE !!! » (rire sardonique)

 

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Anecdote : la gamine blonde, « Weird Girl », s’inspire d’une autre création de Burton, « Staring Girl », apparue dans son recueil de contes LA TRISTE FIN DU PETIT ENFANT HUÎTRE. Dans le FRANKENWEENIE de 1984, la petite fille blonde, surnommée « Domino » au générique, n’est autre que Sofia Coppola, la réalisatrice de LOST IN TRANSLATION, affublée d’une perruque !

En bref… LOOPER

En bref... LOOPER dans Fiche et critique du film looper-1

LOOPER, de Rian Johnson

2044. Joe (Joseph Gordon-Levitt) est un « looper », un tueur professionnel très spécial. Employé d’une mafia ayant mis la main sur des machines à remonter le temps, Joe abat froidement des victimes envoyées depuis le Futur par ses employeurs. La méthode est simple, radicale et efficace… jusqu’à ce que des collègues se retrouvent à devoir éliminer leurs alter egos âgés, devenus des témoins gênants. Quand Joe se retrouve face à lui-même en plus vieux (Bruce Willis), les choses vont déraper…

Ah, les voyages temporels et leurs paradoxes… Un sujet maintes fois rebattu mais qui inspire toujours les aficionados de la science-fiction. Le jeune réalisateur Rian Johnson opte pour un traitement des plus sérieux, et aboutit à un film assez original, une sorte de western mâtiné d’anticipation « low tech », dans lequel le très bon Joseph Gordon-Levitt (INCEPTION, THE DARK KNIGHT RISES) en impose à ce bon vieux Bruce Willis qu’on a toujours plaisir à revoir… et qui, c’est assez rare pour le souligner, apporte un peu de complexité à son jeu habituel de dur à cuire. Il faut dire que le scénario lui offre un sacré dilemme moral en cours de route, et ne s’en tire pas par des pirouettes cyniques. L’intrigue tournant autour des crimes de masse commis par un futur tyran, le personnage joué par Willis se retrouve à traquer celui-ci alors qu’il n’est qu’un enfant innocent. Et, reprenant le concept du TERMINATOR original en l’inversant, le film nous montre l’impensable : Willis en tueur d’enfants ! Perturbant, d’autant plus que son personnage est réellement bouleversé par ses actes.

looper-2 dans Infos en bref

Des bonnes idées, des séquences imprévisibles, LOOPER en regorge suffisamment pour activer les neurones du spectateur. Même si le film connaît en cours de route quelques baisses de régime notables, le réalisateur trouve généralement la séquence imprévisible qui relance l’intérêt de ce film très étrange. Il reste cependant des défauts de narration inhérents au genre « voyage dans le temps », qui auraient bien mérité un éclaircissement en cours de route. Les deux intrigues, celle du « jeune Joe » et du « vieux Joe » se relient à partir de la même scène et il faut soit avoir le cerveau d’Einstein, soit avoir revu les explications de Doc Brown dans RETOUR VERS LE FUTUR 2, pour comprendre un moment clé du film : celui de la première confrontation entre les deux Joe, qui donne lieu à deux scènes différentes, dans deux univers parallèles… (c’est laborieux à expliquer, mais c’est beaucoup plus clair dans le film).

Toujours est-il que le film peine un peu à trouver son rythme entre les deux récits, celui, posé, faussement paisible, du jeune Joe trouvant refuge chez une mère solitaire (Emily Blunt) et son étrange enfant, et la traque du vieux Joe qui nous garantit quelques mémorables fusillades. Saluons en tout cas les efforts déployés par le réalisateur pour nous livrer des scènes d’action LISIBLES, qui ne cherchent pas à « assommer » le spectateur d’effets hystériques à la mode. Et qui s’inscrivent plus dans la logique d’un western classique que d’un énième blockbuster pétaradant.

LOOPER reste donc un film intéressant, truffé de scènes fortes, et qui mérite pour cela le coup d’oeil malgré des handicaps qu’on attribuera à la jeunesse du réalisateur. Un nom à suivre en tout cas, ce Rian Johnson…

 

Loopdovic Fauchier (venu du Futur pour écrire ce blog dans le Présent).

Aspie, or not Aspie ? Le petit abécédaire Asperger, chapitre 6

F, comme…

 

Aspie, or not Aspie ? Le petit abécédaire Asperger, chapitre 6 dans Aspie f-finesse-avengers-academy

… Finesse, de la bande dessinée AVENGERS ACADEMY, parue chez Marvel.

Mélangez les réflexions tranchantes d’un Julian Assange / Mark Zuckerberg, les compétences et la sociopathie d’une Lisbeth Salander, l’élocution froide de l’ordinateur HAL 9000 et des dons de combattant dignes de Daredevil… vous obtenez Finesse, une toute jeune super-héroïne débutante, made in Marvel, sérieusement asociale. Une personnalité affichant quelques particularités propres aux Aspergers dans un contexte super-héroïque…

Recrutée et entraînée par Norman Osborn (le Bouffon Vert) quand il avait les pleins pouvoirs sur les Vengeurs, Jeanne Foucault / Finesse faisait partie de son équipe de jeunes recrues destinées à être de futurs super-criminels. Osborn évincé, les vrais Vengeurs ont décidé d’entraîner la jeune équipe pour leur apprendre à ne pas suivre la voie qu’il leur préparait. Tâche difficile car ces jeunes gens perturbés n’ont pas vraiment conscience de ce que le mot « responsabilité » implique… C’est le postulat de base de cette série récemment parue chez Marvel, et plutôt réussie.

Cette demoiselle est l’un des personnages les plus intéressants de la série, et au vu de ses « exploits » obtenus par des moyens douteux, il n’est pas interdit de penser que les auteurs ont largement puisé leur inspiration dans le personnage de Lisbeth Salander, héroïne des romans et des films MILLENIUM, pour l’accommoder à la mode super-héroïque. Finesse, comme Miss Salander, est une surdouée de l’informatique, hackeuse de génie, et ne s’embarrasse pas de scrupules pour parvenir à ses fins. Elle pratique ainsi sans remords le vol de données privées, et le chantage. Surdouée  diplômée du MIT à 14 ans, Finesse a pour principal super-pouvoir sa mémoire eidétique qui lui permet d’acquérir en un temps record un maximum de connaissances : que ce soit en informatique, en techniques de combat, dans le maniement des langues étrangères ou la capacité de lire sur les lèvres – comme HAL 9000, l’ordinateur de 2001 : L’ODYSSEE DE L’ESPACE, avec qui elle partage une autre caractéristique : une confiance absolue en ses talents la poussant à croire qu’elle ne peut commettre la moindre erreur. Ce qui serait somme toute très pratique (dans un monde de super-héros, s’entend) si elle n’avait sa propre faiblesse, la limitation typique de tout Aspie : une dramatique maladresse sociale qui se traduit par des jugements dénués de sympathie, un vocabulaire très recherché (qui provoque les ricanements de ses camarades) et un sérieux manque de confiance envers autrui.

Ce petit portrait d’un personnage mineur dans l’univers Marvel fournira peut-être une piste de réflexion aux amateurs de comics… Les super-héros ne seraient-ils pas autistes, à leur façon ? En cherchant bien, on trouvera peut-être quelque chose de ce genre chez le plus emblématique de la maison Marvel, avant (et même après) sa transformation en bondissant tisseur de toile… On en parlera en temps voulu.

 

Cf. Peter Parker, Lisbeth Salander

 

f-bobby-fischer-asperger dans or not Aspie ?

… Fischer, Bobby (Robert James) (1943-2008) :

Les « Aspies » (supposés) de l’Histoire réelle ne sont pas forcément tous des personnalités aimables… Le cas de Bobby Fischer, légende du monde des jeux d’échecs, dont on a pu supposer qu’il était atteint d’une forme extrême du syndrome, est l’un des plus révélateurs et des plus déroutants qui aient existé. La personnalité controversée de Fischer, ses phases de réclusion, son comportement vers la fin de sa vie, traduisent un malaise bien plus profond que le simple syndrome. Il est absolument certain que Bobby Fischer a souffert de graves troubles mentaux ayant complètement altéré sa perception des réalités…

Il faut dire que le jeune Robert James Fischer avait eu de quoi être profondément perturbé, l’histoire de ses parents, marquée par les persécutions raciales et politiques, aura eu sur lui des effets dévastateurs. Sa mère, Regina Wender, d’ascendance juive allemande, quitta l’Allemagne nazie avec un biophysicien, Gerhardt Fischer. Ils partirent à Moscou, où ils se marièrent et eurent une fille. Puis en 1938, Regina dut fuir à nouveau, toujours à cause de l’antisémitisme, devenant citoyenne américaine en 1939, avec sa fille. Elle ne revit plus Gerhardt, qui était parti de son côté au Chili. Ils étaient déjà séparés de fait lorsque Bobby naquit en 1943. Son père d’état-civil n’était donc pas son vrai père ; le vrai père biologique de Bobby était probablement un autre fugitif, le physicien juif hongrois Paul Nemenyi, travaillant sur le Projet Manhattan. Le FBI, soupçonneux, voyait en Nemenyi un communiste et Regina une espionne soviétique. Nemenyi mourut en 1952. Le jeune Bobby Fischer ne connut sans doute jamais son vrai père, et refusa toujours par la suite de voir son « faux » père.

La découverte d’un livre décrivant des parties d’échecs changea tout pour le jeune garçon ; selon sa mère, lorsqu’il lisait le livre en question, il était tellement absorbé que c’était impossible de lui parler… Il participa à son premier championnat à l’âge de dix ans ; sans être surdoué du jeu, il se débrouillait bien dans les championnats jusqu’à faire parler de lui dans les journaux dès l’âge de 12 ans. Sa rencontre avec son entraîneur John William Collins en 1956 fera vraiment de lui une figure remarquée du monde des échecs ; en août 1957, il devint champion des USA à 14 ans, sans perdre une partie. Dans un contexte de Guerre Froide, où le jeu d’échecs était une véritable institution politique en URSS, Fischer devint le plus jeune grand maître international suite à ses excellents scores, au tournoi interzonal de Portoroz en Yougoslavie.

Seulement voilà, si Bobby Fischer remporta des succès foudroyants, ses compétences sociales, elles, étaient calamiteuses… Dès ses 16 ans, Fischer arrêta ses études, au grand dam de sa mère avec qui les relations se dégradèrent vite au point qu’ils se brouillèrent pendant 12 ans. Les déclarations de l’époque de Fischer sont pour le moins cinglantes et peu appréciées. Jugez plutôt : en 1961, au cours d’une interview, il dit tout le mal qu’il pense du système scolaire américain, traitant les professeurs et les autres enfants d’idiots, et déclarant que les femmes ne devraient pas enseigner. Ces déclarations lui firent beaucoup de tort, et laissent aussi transparaître une possible attitude d’Asperger… et une indubitable arrogance.

Arrogance qui rejaillit dans les compétitions, la personnalité exigeante et rigide de Fischer lui donnant une réputation méritée de joueur difficile, tout au long des années 1960… Un changement de calendrier durant sa partie contre Reshevsky en 1961 le faisant déclarer forfait, Fischer poursuivit la fédération américaine devant le tribunal, et passa pour un très mauvais perdant. Quatrième au tournoi des candidats de Curaçao l’année suivante, il accusa les trois premiers, tous soviétiques, de collusion contre lui. Après deux ans de boycott des tournois et le changement des règles de qualification par la Fédération Internationale (FIDE) Fischer connut un retour manqué ; après plusieurs bons résultats et victoires, il quitta le tournoi de Sousse alors qu’il dominait… il ne voulait pas affronter plusieurs joueurs soviétiques sans se reposer, et ne voulait pas jouer le samedi, pratiquant le sabbat selon les préceptes de l’Eglise Universelle de Dieu, une secte à laquelle il était lié.

Après un nouveau retrait, ce sera le retour en force en 1970, la période qui le mènera au sommet jusqu’au « match du siècle » face à Boris Spassky à Reykjavik en 1972. Un match entré dans la légende pour ses incidents répétés hors compétition, dûs à Fischer : ses critiques répétées des méthodes Soviétiques, son absence volontaire à la cérémonie d’ouverture, des exigences et des volte-faces déroutantes nécessitant même les appels diplomatiques d’Henry Kissinger. Symptomatique : il voulut faire interdire les caméras de télévision (il ne supportait pas leur bruit, hypersensibilité sonore typique d’un syndrome d’Asperger prononcé), et obtint gain de cause après deux refus… Au bout du compte, Fischer devint le 11ème champion du monde d’échecs. Et de l’avis général, son talent et sa vision unique du jeu en faisaient le meilleur joueur de son époque, révolutionnant cette discipline, selon Garry Kasparov lui-même.

La suite sera hélas moins heureuse, véritable descente aux enfers amorcée par les relations conflictuelles de Fischer avec l’Eglise Universelle de Dieu, dont il s’éloigna après avoir réalisé tardivement que ses dirigeants l’avaient floué. Refusant les conditions du match qui devait l’opposer à Anatoli Karpov en 1975, Fischer se vit destitué de son titre de champion du monde par forfait ; ce qu’il contestera toujours, restant jusqu’à la fin de sa vie le numéro 1… dans sa tête. Et dans la tête de Bobby Fischer, quelque chose « explosa » à cette époque… Fischer sombra dans la paranoïa antisémite, insultant la foi de ses parents et ancêtres ; durant quinze ans, se croyant persécuté, il vit en reclus et se ruina avant de refaire parler de lui en mal, lorsqu’il disputa en 1992 un match revanche contre Spassky en Yougoslavie, durant la guerre civile, en violation de l’embargo décrété par le gouvernement américain ; poursuivi pour fraude fiscale, il ne retournera pas aux USA. La fin de sa vie fut un exil permanent, où il continua les provocations antisémites dans les médias jusqu’à sa mort à Reykjavik, la ville où il devint champion du monde.

On pourrait croire que la vie troublée de Fischer aurait inspiré les cinéastes, mais jusqu’ici, peu de choses à signaler, mis à part les documentaires… Le film de Steven Zaillian A LA RECHERCHE DE BOBBY FISCHER (1993) avec Ben Kingsley est un titre trompeur, le film racontant l’histoire d’un autre enfant prodige des jeux d’échecs, Joshua Waitzkin. Bobby Fischer aura probablement enfin sa « biopic » en 2014, le cinéaste Edward Zwick (LE DERNIER SAMOURAÏ, BLOOD DIAMOND) préparant PAWN SACRIFICE avec Tobey Maguire dans le rôle de Fischer.

 

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… Fischer, Max (Jason Schwartzman dans RUSHMORE)

Issu du drôle de petit univers du cinéaste Wes Anderson (voir notre chapitre « A »), ce jeune homme de 15 ans se dit fils d’un neurochirurgien. Orphelin de sa mère, Max (joué par Jason Schwartzman, membre de la fameuse famille Coppola : son oncle n’est autre que Francis Ford Coppola, et sa mère Talia « Adriaaan » Shire) est élève à l’école privée de Rushmore, préparant aux grandes universités américaines. Bien que remarquablement intelligent, Max exaspère le directeur Guggenheim (Brian Cox) car il ne se distingue que pour une chose : son manque d’intérêt total aux cours, et son implication totale dans les activités extra-scolaire du campus.

Max, à Rushmore, est ainsi tour à tour :  auteur de pièces de théâtre, éditeur de la gazette locale, président du Club de Français, délégué Russe à l’assemblée reconstituée de l’ONU, vice-président du club de philatélie et numismatique, animateur de débats et joutes verbales, direction de l’équipe de hockey sur gazon, président du club de calligraphie, de l’association d’astronomie, capitaine de l’équipe d’escrime, membre de l’équipe de lutte gréco-romaine, décathlonien amateur, deuxième chef des choeurs de la chorale, fondateur du tournoi de balle au prisonnier, ceinture jaune de kung fu, fondateur du club de ball-trap, président des apiculteurs, directeur de l’équipe de karting, fondateur du club d’aviation, du club de backgammon… A cet emploi du temps déjà chargé, il faut ajouter sa passion de la lecture, et ses actions militantes pour l’annulation puis la réhabilitation des cours de latin obligatoire selon son humeur… Bref, il déploie une énergie fantastique à ne pas entrer dans le moule social de l’école, se singularisant aussi par son look caractéristique, là où ses petits camarades gardent la tenue officielle de rigueur.

Egocentrique, terriblement sûr de lui, un brin mégalo et mythomane, volontiers blessant avec ses quelques proches, Max a en fait surtout un terrible problème d’adaptation et de compréhension du langage social, ce qui en fait un bel exemple d’Aspie… Ses mésaventures viendront peu à peu lui ouvrir les yeux sur ses défauts ; en particulier les réactions d’Herman Blume (Bill Murray), businessman désillusionné en qui il croit voir son mentor, et de Rosemary Cross (Olivia Williams), institutrice veuve dont il est amoureux et dont il croit qu’elle sera son initiatrice. Tout en se montrant par ailleurs odieux avec le petit Dirk (Mason Gamble), son seul ami, et Margaret, une lycéenne de son âge, visiblement aussi une Aspie si on en juge par sa passion de l’aéromodélisme et son apparence.

Le film de Wes Anderson, avec beaucoup d’humour pince-sans-rire, raconte l’évolution de Max vers plus de maturité, et la découverte de son talent pour la dramaturgie : Max, son ego « dégonflé », va mettre en scène avec le concours de tous une pièce sur la Guerre du Viêtnam, véritable APOCALYPSE NOW en miniature ; et voilà donc comment Jason Schwartzman, révélé par ce rôle « OVNI », rend hommage à son célèbre tonton ! 

– cf. Wes Anderson, Bill Murray ; Sam et Suzy (MOONRISE KINGDOM), Margot Tenenbaum (LA FAMILLE TENENBAUM)

 

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… Fitts, Ricky (Wes Bentley) dans AMERICAN BEAUTY

La famille Burnham (Kevin Spacey, Annette Bening et Thora Birch) est au bord de l’implosion, alors que Lester, le père tenaillé par le démon de midi, se met à fantasmer sur Angela, la meilleure amie de sa fille Jane. Laquelle est épiée à la fênêtre chaque soir par Ricky, le fils de ses nouveaux voisins, les Fitts. Une joyeuse famille dominée par le père, Frank (Chris Cooper), un colonel des US Marines odieux et réactionnaire. Face à ce triste paternel, la mère (Allison Janney) est complètement détruite, un vrai fantôme entre le mari et le fils, qui semble quant à lui bien bizarre… On l’aura deviné, l’étrange jeune homme est bien un Aspie.

Gestuelle raide, regard intense mais évitant, bonnet vissé presque en permanence sur les oreilles, strictement vêtu et ne se séparant jamais d’une caméra vidéo, Ricky débarque dans le cauchemar de tout jeune Aspie : le lycée, le lieu où tout « anormal » subit vite les moqueries et les jugements méprisants des petits tyrans en devenir… C’est bien ce qui arrive dès le premier jour pour Ricky, qui insulter par Angela, la vedette des pom-pom girls locales. Plus curieuse que son amie, Jane s’intéresse à ce beau garçon cultivant un jardin secret bien particulier. Vidéaste amateur, poète en devenir, il aime filmer des choses triviales – un cadavre d’oiseau, un sac plastique soulevé par le vent… - pour y trouver une beauté cachée. C’est dans le même ordre d’idée qu’il filme Jane, triste et solitaire, dans sa morne maison de banlieue. Loin de s’en offusquer, elle le laisse le filmer, trouvant enfin quelqu’un à qui se confier…

Il faut dire que Ricky vit un quotidien sinistre ; son père, qui l’a surpris en train de vendre et fumer de la marijuana, n’a rien trouvé de mieux que de le faire interner en hôpital psychiatrique avant de l’envoyer à l’école militaire… Observateur impitoyable qui a bien cerné les peurs et les failles de ce pitoyable paternel, Ricky sait que l’attitude macho de Frank n’est qu’une façade pathétique - Frank est un homosexuel profondément refoulé se cachant derrière ses insultes homophobes. La guerre entre eux atteindra son paroxysme un soir où, suite à un malentendu révélateur, Frank va battre son fils comme plâtre. Mais Ricky lui tiendra tête, trouvant là enfin l’occasion de se libérer de son étouffant géniteur.

Excellent premier film de Sam Mendes, AMERICAN BEAUTY bénéficie de la finesse d’écriture du scénariste / dramaturge Alan Ball (SIX FEET UNDER), qui crée avec le personnage de Ricky un personnage d’Aspie crédible et fouillé. Et l’interprétation de Wes Bentley capture la sensibilité cachée du jeune homme derrière la façade du jeune « autiste ».

 

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… Ford, Henry (1863-1947) :

L’un des très grands industriels américains de la première moitié du 20ème Siècle, fondateur de la firme automobile homonyme, Henry Ford est parfois cité dans les listes de personnalités « Asperger » célèbres. Difficile comme souvent d’avoir des certitudes à ce sujet, les quelques informations glanées sur le Net ne peuvent suffire à établir le diagnostic, juste des suppositions… Sur une photo de jeunesse, prise à 22 ans, Ford fait face à l’objectif avec un regard indéchiffrable. Sur les films d’époque, où il apparaît plus âgé, le même Ford a la gestuelle très raide de l’Aspie type. Le doute est donc permis.

Si cela était prouvé, il y a fort à parier qu’Henry Ford, symbole majeur du capitalisme américain, en représente la facette la moins aimable. S’il a révolutionné le monde industriel par ses innovations dans le mode de production, et les idées purement techniques, Ford ne s’est guère montré concerné par l’aspect humain du monde du travail… Il fut l’illustration parfaite du grand patron adepte du « time is money », craint de tous, paternaliste, maniaque du contrôle, fermé aux discussions et, comme si cela ne suffisait pas, il se doublait d’un affreux antisémite, apprécié d’Hitler. 

Fils d’immigré irlandais, le jeune Henry Ford s’ennuyait autant à la ferme de son père qu’à l’école ; élève médiocre, il n’apprit pas à écrire ni à lire correctement. Il s’exprimait par des phrases très simples, un trait de caractère qui lui restera durant toute sa vie. Ford se distinguait par un don pour la mécanique : à 12 ans, son père lui offre une montre de poche qu’il démontera et remontera plusieurs fois. Bricoleur remarquablement doué, il construira une première machine à vapeur à 15 ans, la même année où il arrêtera l’école. Ford considérait que le bricolage était une source de savoir aussi pratique, si ce n’est plus, que les livres. Ses rares centres d’intérêt seront exclusivement liés à son travail, notamment une passion pour la science des matériaux.

Il travailla comme ingénieur mécanicien chez Edison Illuminating Company, et sur son temps libre, élabora des moteurs à essence encore expérimentaux. Il créa une automobile à essence, la Ford Quadricycle, ce qui lui permettra de rencontrer le grand inventeur et de recevoir ses félicitations. Après sa démission de chez Edison, et quelques infortunes comme constructeur débutant, Henry Ford va changer le monde industriel. C’est surtout la Ford T, apparue en 1908, qui va faire de son créateur l’un des hommes les plus riches et puissants de l’époque. Inspiré par le taylorisme, une méthode de travail visant à augmenter la productivité des ouvriers sur les chaînes d’assemblage par la standardisation de leur travail, Henry Ford mit celle-ci en pratique : là où ses concurrents mettaient une dizaine d’heures à fabriquer une seule voiture très coûteuse, Ford fera fabriquer très vite une voiture bon marché, facile à conduire et à réparer. Grâce à un système de franchise et d’ateliers répartis dans tout le pays, et la création d’un très habile marketing, ce sera un véritable triomphe économique, les Américains achetant comme des petits pains la « Tin Lizzie ». Les usines de montage vont se multiplier, y compris à l’étranger. Plus tard, Ford connaîtra un autre grand succès avec la Ford A, à la fin des années 1920, voiture plus confortable et définitivement associée à l’imagerie de l’époque de la Prohibition et de la Grande Dépression.

Ford défendait l’idée du « capitalisme du bien-être », croyant que la paix mondiale et l’entente entre les peuples passerait par le consumérisme… y compris pour ses ouvriers. Du moins s’en persuadait-il, car la réalité était beaucoup moins idyllique : cadences infernales, répétitivité d’un travail monotone, salaires très bas, contrôle maniaque de leurs habitudes (interdiction de boire, de fumer ou de jouer)… Intransigeant, rétif au changement et psychorigide, adversaire déclaré de la politique du New Deal de Roosevelt, Ford refusa pendant très longtemps le dialogue avec les syndicats au point d’engager de douteux services de sécurité interne composés d’hommes de main et de criminels, pour intimider et brutaliser les représentants syndicaux. Accroché à son pouvoir, il fut pendant vingt ans le « conseiller » officieux de son successeur, son fils Edsel, et succéda à ce dernier après son décès…

Les méthodes de Ford furent la cible de critiques justifiées, et laissèrent à la postérité l’image d’un patron inhumain, ambigu, immortalisé en ce sens par les films METROPOLIS de Fritz Lang et LES TEMPS MODERNES de Chaplin. Une vision mécaniste du Monde qui changea certes radicalement le mode de vie de ses contemporains, mais révélatrice de l’échec humain personnel de Ford.

Cf. Thomas Edison

 

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… Ford, Robert (1862-1892).

Ce jeune homme est entré dans l’Histoire par la plus petite porte, la moins glorieuse : celle des assassins et des traîtres… Robert Ford doit sa notoriété à un seul fait, l’assassinat du hors-la-loi Jesse James en 1882. Une célèbre ballade folk le qualifiera pour toujours de « Sale Petit Couard ». Sans ce triste fait d’armes, Robert Ford serait resté à jamais anonyme, et n’aurait pas eu sa place dans cet abécédaire si le roman et le film L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD, avec Brad Pitt, n’avaient pas modifié le point de vue général à son égard.

La vie de Robert Ford fut très brève ; le dernier-né de sept frères, il comptait parmi ceux-ci Charles, qui avait rejoint le gang de Jesse James. Admirateur de James depuis son enfance, suivant tous ses exploits de « bandit héroïque », Robert Ford voulait plus que tout rejoindre sa bande. Mais, trop jeune, pas pris au sérieux, il fut rejeté, tout en restant en contact avec certains membres du gang. Lorsque Jesse James choisit de se retirer sous un faux nom avec sa famille à Saint-Joseph, Missouri, il invita Charles et Robert à le rejoindre, ces derniers se faisant passer pour ses cousins. Les frères Ford avaient en fait l’intention de tuer Jesse James pour toucher la récompense de 10 000 dollars offerte par le gouverneur du Missouri, et la grâce de leurs crimes passés (Robert Ford était accusé du meurtre de Wood Hite, un membre du gang cousin des frères James). Le 3 avril 1882, Robert Ford tua Jesse James d’une balle derrière l’oreille, alors qu’il dépoussiérait un tableau, et revendiqua aussitôt le meurtre. Graciés, n’ayant touché qu’une partie de la récompense promise, les frères Ford vécurent quelques temps de leur « exploit » reconstitué sur les planches. Spectacles qui leur firent vite une réputation de Judas… Charles se suicida, Robert erra dans le pays, avant d’être finalement tué à son tour par un hors-la-loi, Edward O’Kelley, qui fut gracié et remercié pour son acte.

 

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La culture populaire s’empara vite de l’histoire, et bien plus tard, d’innombrables westerns firent de Robert Ford le traître de service. Seul un film de Samuel Fuller, J’AI TUE JESSE JAMES (1949), s’intéressa au personnage de manière plus nuancée, tout en prenant des libertés avec la véracité historique. Jusqu’à ce qu’arrive donc le film L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES…, salué pour son réalisme et son approche psychologique plus fouillée des personnages.

Robert Ford, tel qu’il est joué par Casey Affleck, rejoint par ce biais la liste des personnages « Aspies ». Le film montre en effet le point de vue de Ford, un jeune homme rejeté et moqué par ses aînés, et dont il ne fait aucun doute qu’il est autiste. Servile, geignard, Ford parvient cependant à gagner la confiance de son héros gagné quant à lui par la paranoïa. Entre eux deux, c’est un lien curieux qui se forme – Ford est littéralement amoureux du mythe de Jesse James ; or le vrai Jesse aspire à ne plus vivre cette légende qui l’étouffe… Le film montre qu’il se laisse volontairement tuer par Ford, après que celui-ci ait vu ses illusions héroïques déçues. L’interprétation subtile d’Affleck, cité à l’Oscar, nous montre un jeune homme qui a des traits caractéristiques de l’Aspie : la terrible maladresse sociale, les difficultés à se faire comprendre et respecter, et cette passion démesurée pour la mythologie du brigand bien-aimé vont dans ce sens.

 

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… Saint François d’Assise (1181 ou 1182 ? – 1226) :

Au gré de parutions aux origines parfois hasardeuses sur le syndrome d’Asperger, on en vient à chercher parfois d’hypothétiques « Aspies » chez des figures spirituelles importantes. Saint François d’Assise, le fondateur de l’Ordre Franciscain, saint patron des animaux serait ainsi un authentique Aspie. Cela demeure encore une fois une théorie difficilement prouvable, mais des indices indirects peuvent toujours semer le doute. Le portrait du saint montré ici est censé être le plus fidèle à la réalité historique ; la physionomie paisible, introvertie, et le regard du saint laisseraient dans ce cas-là effectivement penser que, peut-être bien… Reste qu’il faudrait savoir faire la part des choses entre la réalité historique, l’hagiographie religieuse et les contes populaires italiens – les « fioretti », « petites fleurs » – qui ont fait la gloire de Saint François.

Il était né Giovanni di Bernardone : fils d’un riche commerçant, marchand de vêtements d’Assise, qui le nommera  »Francesco » (« François » ou « le Français »), car sa mère était française (provençale, pour être exact). Très jeune, Francesco se pris de passion pour tout ce qui vient du pays maternel – spécialement les troubadours. Grâce aux leçons de cette mère, Francesco sut très vite apprendre à parler et chanter en français, en plus de l’italien. Certaines sources affirment qu’il était illettré quand d’autres prétendent le contraire. Il semble cependant que Francesco ne fit pas d’études particulières, et il ne se destinait pas du tout à la vie monastique.

Le parcours de Francesco n’a rien de conventionnel pour l’époque. Ce fils de bourgeois destiné à reprendre les affaires de son père était un jeune homme dissipé, rêvant d’être un chevalier accomplissant de hauts faits d’armes… mais (selon les hagiographes), derrière cette façade insouciante, Francesco aurait très tôt montré de la compassion pour les pauvres, une attitude guère partagée et appréciée dans son milieu. Un séjour en prison d’une année, suite à une expédition militaire contre la cité voisine de Pérouse, contribua certainement à sa « naissance » spirituelle. Francesco, souvent malade, anxieux, eut une vision mystique le faisant retourner à Assise alors qu’il allait reprendre les armes. Décidé à suivre à la lettre les enseignements du Christ – sans être passé par l’éducation monacale traditionnelle - il embrassa la pauvreté, passant de plus en plus de son temps en solitaire, fréquentant sans hésiter les maisons et colonies de lépreux. Et ceci, sans plus se soucier du jugement de ses proches et de ses amis. Interprétant au pied de la lettre une vision de Jésus Christ, dans la chapelle de San Damiano, lui demandant de « réparer son Eglise en ruine », Francesco vendit donc des vêtements du magasin paternel pour acheter de quoi réparer la chapelle… déclenchant la fureur de son père ; amené devant l’évêque, Francesco renonça à son héritage, et se débarrassa de ses vêtements.

Renonçant totalement aux richesses et aux biens matérielq, Francesco toucha la population de l’époque par ses prêches, simples et enthousiastes. Bientôt entouré de disciples, Francesco initia ainsi un mouvement religieux reconnu par le Pape Innocent III comme un ordre à part entière, les Frères Mineurs qui deviendront l’Ordre des Frères Franciscains. Ses missions religieuses ultérieures emmèneront notamment Francesco à Damiette, en Egypte, pour rencontrer le neveu de Saladin, le sultan Al-Kamil ; une prise de risque incroyable pour l’époque, en pleine Croisade… et si leur conversation exacte resta un mystère, on sait qu’Al-Kamil le laissa partir gracieusement. Il est à noter d’ailleurs que l’ordre Franciscain reçut des concessions en Terre Sainte de la part des successeurs d’Al-Kamil, ceci même après la chute des Croisés, devenant les « Gardiens de la Terre Promise » tolérés par les Musulmans.

Retiré au fil du temps des affaires extérieures de son ordre, Francesco poussa l’identification à Jésus à son paroxysme, priant quarante jours sur la montagne de Verna ; en 1224, il eut une nouvelle vision : l’Exaltation de la Sainte Croix, où un séraphin lui donna les stigmates des cinq blessures du Christ. Soigné mais malade, il fut ramené à Porziuncola, où il dicta son testament spirituel avant son décès. Il sera canonisé en 1228 par Grégoire IX, devenant ainsi Saint François d’Assise.

Etonnant parcours que celui de Saint François, dont l’oeuvre et le testament spirituel firent de lui le premier poète italien selon les critiques littéraires. Ses écrits (dont le « Cantique des Créatures » ou « Cantique au Soleil ») sont toujours considérés comme ayant une grande valeur littéraire et religieuse. Quant à savoir si cela fait obligatoirement de lui un « Aspie », il est difficile d’être affirmatif… Une intelligence précoce, des maladresses sociales (son comportement face à son père, notamment), son refus des conventions qui le pousse à aller dialoguer avec un « Infidèle » Sarrasin, ses phases de retrait du monde, ses angoisses sont cependant des signes interprétables en ce sens. Tout comme son amour profond de la Nature, qui fit de lui dans l’imagination populaire le « Saint Patron des animaux » et de l’écologie. Il n’est pas rare de voir, chez des personnes atteintes du syndrome d’Asperger, un attachement similaire aux animaux et à la Nature (attachement qui n’est certes pas le monopole exclusif des Aspies). Et il arrive parfois que ces mêmes personnes prennent d’une certaine manière le rôle d’un guide spirituel, suivant en cela le chemin tracé par Saint François. A méditer, donc. 

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… Le Monstre (ou la Créature) de Frankenstein

Imaginé par Mary Shelley dans son roman FRANKENSTEIN, OU LE PROMETHEE MODERNE, immortalisé au cinéma par Boris Karloff dans les films d’épouvante des années 1930, souvent imité et parodié, le Monstre de Frankenstein a déjà eu mille vies depuis sa naissance littéraire en 1818. Vénérable « grand-père » des morts-vivants comme des robots, cyborgs et autres androïdes animés par la science, le Monstre n’est pas qu’un être terrifiant, il est aussi une créature intelligente et profondément mélancolique. Ses efforts désespérés pour s’intégrer à la société humaine sont bien mal récompensés : sans cesse rejeté et brutalisé, il provoque la compassion… En cela, ce pauvre Monstre n’a rien à envier aux Aspies. L’imaginaire collectif faisant du Monstre une créature pathétique va d’ailleurs bien dans ce sens. Il serait donc à sa façon un autiste/Aspie qui s’ignore !

Rappelons d’abord qu’il n’a pas de nom : Frankenstein est le nom de son créateur, Victor Frankenstein, étudiant en médecine versé dans l’alchimie obsédé par le secret de la Vie. Utilisant la science et l’occultisme, pour mélanger des restes humains et des « ingrédients » comme l’argile (parenté évidente avec la légende du Golem), Frankenstein imite la création divine en créant un homme artificiel… Mais, comme chacun sait, l’apparence de la créature est si horrible, si contrefaite, que Frankenstein rejette ce dernier sans lui donner de nom. Et le Monstre de poursuivre sans relâche son « père » qui l’a abandonné… Difficile a priori de déceler dans le roman de Mary Shelley les traces d’une créature autiste. Tout juste s’étonnera-t-on de voir que le Monstre se montre remarquablement cultivé (il lit notamment Plutarque et Goethe) et employer un langage châtié, élégant et forcément littéraire, celui du style littéraire de l’époque. Mais déjà, il émeut par sa condition de marginal perpétuel, essayant sans succès de faire partie d’une famille miséreuse. Frankenstein,le vrai « monstre » de l’histoire, refusera de lui donner une compagne pour qu’il puisse rompre sa solitude permanente. La Créature se vengera de lui sur ses amis et sa famille.

Le Monstre connaîtra en 1931 une seconde naissance, grâce au cinéma. Et notamment grâce au cinéaste James Whale, qui, avec FRANKENSTEIN (1931) et sa suite LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN (1935), fit entrer le Monstre dans la mémoire collective. Prenant de très grandes libertés avec le roman, Whale saisit au mieux l’aspect tragique du Monstre, désormais une pauvre brute d’abord muette puis capable de parler quelques mots. Il crée aussi toute l’imagerie liée au Monstre – le laboratoire, la foudre qui lui donne vie, et les foules apeurées donnant la chasse au monstre, de véritables lynchages publics. Pas de doute possible, si Whale terrifiait le public de l’époque, il n’en était pas moins du côté du Monstre.

L’interprétation de Boris Karloff allait dans ce sens : le Monstre avait finalement une âme malgré sa brutalité (dûe au serviteur malveillant de Frankenstein). Aidé par le maquillage créé par Jack Pierce, Karloff donnera au Monstre une étrangeté familière qu’aucun autre comédien ne sut imiter. La gestuelle du Monstre est d’une raideur mécanique, comme s’il était encombré par son propre corps ; et son regard alourdi par ses grandes paupières et son front avancé est tantôt fuyant, tantôt compassionnel. Des scènes célèbres des deux films évoquent déjà, sur un mode dramatique, les déficiences sociales du Monstre, innocent comme un nouveau-né et incapable de comprendre des codes bien établis. Jeter des fleurs dans l’eau, ou jeter la petite fille avec qui il joue, c’est hélas la même chose… Et s’il se réfugie dans une cabane, c’est pour y rencontrer un vieil aveugle qui ne peut être terrifié par son apparence. Le Monstre ne voyant d’abord le vieillard que comme un autre humain, un ennemi, il se montre méfiant et colérique. Mais la bonté de son hôte va toucher chez lui une corde sensible qu’il ne se connaissait pas… Face à l’incompréhension et l’hostilité de la société, il trouve ainsi un peu d’humanité chez un autre paria. Un cadeau inestimable pour le Monstre, qui malheureusement ne trouvera pas l’âme soeur ; même sa « fiancée » (Elsa Lanchester) créée par Frankenstein sera horrifiée par son apparence.

Pauvre Monstre, toujours si seul malgré ses suppliques… Il voulait juste qu’on l’aime. Ses déboires rappelleront des souvenirs familiers aux personnes « Aspies ».

Cf. tous les personnages robotiques présentés dans cet abécédaire – notamment Edward aux Mains d’Argent, les Réplicants de BLADE RUNNER

 

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… Franklin, Benjamin (1706-1790) :

Imprimeur, écrivain, homme politique, franc-maçon, philosophe, diplomate, musicien, scientifique et inventeur… et on en oublie sûrement ! Benjamin Franklin semble avoir tout fait à son époque. Véritable touche-à-tout, autodidacte, Franklin demeure aujourd’hui une des figures fondatrices les plus populaires de l’Histoire des Etats-Unis d’Amérique. Benjamin Franklin, par sa curiosité permanente et son esprit polymathe (c’est-à-dire ouvert à la connaissance approfondie de sujets différents), a peut-être été un Asperger – caractéristique qu’il partagerait avec deux autres Pères Fondateurs et présidents américains qu’il a croisés durant sa vie, Thomas Jefferson et George Washington. Si Franklin a eu le syndrome en question, son remarquable parcours laisse penser qu’il n’en n’était atteint qu’à un degré mineur, qui ne l’a pas empêché de s’impliquer totalement, et avec succès, dans la société de son époque.

Benjamin Franklin n’a jamais fait de grandes études pour y parvenir. Dernier-né d’une famille puritaine ayant dix-sept enfants, il était le fils d’un fabriquant de bougies et de savons. Destiné à faire des études pastorales à Harvard, Franklin, à 8 ans, fut un très bon élève mais n’avait pas les qualités requises pour ses futures études. Il fit ensuite deux ans dans une école d’écriture et d’arithmétique. Doué pour la première discipline, il ne l’était pas pour la seconde ; son père arrêta là sa scolarité, et le jeune Franklin travailla comme apprenti auprès de ce dernier. Le jeune garçon développa une intelligence pratique lui permettant alors, pour jouer avec ses camarades, de construire des chaussées de pierre et de jouer au cerf-volant… un objet familier dont la propulsion l’aidait à franchir les plans d’eau. Surtout, il se prit de passion exclusive pour la lecture. La moindre occasion était bonne pour lire, lire, lire ! Même quand il dut travailler comme apprenti imprimeur à Boston chez un frère aîné, James, sévère et colérique. Les déboires de ce dernier avec les autorités anglaises amèneront Benjamin Franklin à écrire et publier le journal New England Courant fondé par son aîné. Ce qui déclenchera l’ire de James, appréciant peu de se voir supplanté par son cadet trop insolent à ses yeux.

Après une série de déboires, Benjamin Franklin s’établira à Philadelphie où il deviendra imprimeur et rédacteur de la Pennsylvania Gazette. Celle-ci et ses almanachs remportèrent un franc succès, tandis que Franklin, désormais enrichi, tiendra une place fondamentale dans l’administration de la ville fondée par les Quakers, puis dans l’administration des colonies anglaises d’Amérique. Secrétaire de l’assemblée générale de Pennsylvanie, Maître des Postes (qui joueront un rôle fondamental en liant entre elles les colonies antagonistes, puis durant la Guerre d’Indépendance), philanthrope fondateur d’hôpitaux et d’universités, fondateur de l’American Philosophical Society, de la première compagnie de pompiers de la ville… il multiplia les activités tout en étant également un scientifique pratique. Les incendies causés par la foudre lui inspireront sa célèbre expérience avec une clé métallique et un cerf-volant, prouvant aux incrédules la nature électrique de la foudre. L’expérience sera à l’origine de l’invention du paratonnerre. Franklin a aussi inventé les lunettes à double foyer, le poêle à bois à combustion contrôlée et un instrument de musique, le glassharmonica. Et il s’est aussi intéressé aux montgolfières, au Gulf Stream, à la météorologie…

Impossible de tout citer ici en détail, rappelons aussi son action politique un brin paradoxale mais aux conséquences immenses : représentant de l’Assemblée de Pennsylvanie, puis agent des colonies pour le gouvernement britannique, il s’opposera toutefois aux droits seigneuriaux coutumiers pratiqués au détriment des colons natifs ; les rebuffades et le mépris des Britanniques le pousseront contre son gré à signer la Déclaration d’Indépendance en 1776, aux côtés notamment de Thomas Jefferson. Durant la Guerre d’Indépendance, il effectua un voyage diplomatique marquant en France, obtenant la signature du Traité de Paris, avant de rentrer au pays. Il sera, comme George Washington, l’un des rédacteurs et signataires de la Constitution américaine, devenant de fait le seul Père Fondateur à avoir signé les trois documents officiels de la naissance politique des Etats-Unis.

Comme il le disait lui-même, il préférait qu’on dise de lui qu’ »il a eu une vie utile ».  Et ce fut une vie utile, à tout point de vue. Le rêve de toute personne Asperger, sans doute ?

 

Cf. Thomas Jefferson, George Washington ; « Doc » Emmett Brown

 

A suivre…

Ludovic Fauchier.

Bande-annonce : WORLD WAR Z

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Brad Pitt. New York. Un vent d’Apocalypse. Des vagues de millions de zombies sprinteurs super furieux, qui se prennent pour les Arachnides de STARSHIP TROOPERS… C’est la bande-annonce de WORLD WAR Z, le film de Marc Forster qui a connu de gros ennuis de tournage, et qui sortira en juin prochain aux States. On prie pour que le film soit à la hauteur de ces premières images dévastatrices !

 

Ludovic Fauchier.

Bande-annonce : LINCOLN

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Nouvelle bande-annonce de LINCOLN diffusée aujourd’hui ! Je n’en dis pas plus et je vous laisse savourer.

SKYFALL – la fiche technique et l’histoire

SKYFALL - la fiche technique et l'histoire dans Fiche et critique du film skyfall-1

SKYFALL

Réalisé par Sam MENDES   Scénario de Neal PURVIS & Robert WADE et John LOGAN, basé sur les personnages créés par Ian FLEMING

Avec : Daniel CRAIG (James Bond), Judi DENCH (M), Javier BARDEM (Silva), Ralph FIENNES (Gareth Mallory), Naomie HARRIS (Eve), Bérénice MARLOHE (Séverine), Albert FINNEY (Kincade), Ben WHISHAW (Q), Rory KINNEAR (Tanner), Ola RAPACE (Patrice), Helen McCRORY (Clair Dowar), Nicholas WOODESON (le Docteur Hall)

Produit par Barbara BROCCOLI, Michael G. WILSON, Chiu Wah LEE et Gregg WILSON (MGM / Danjaq / Eon Productions / Sphere Studios)  

Musique Thomas NEWMAN   Photo Roger DEAKINS   Montage Stuart BAIRD et Kate BAIRD   Casting Debbie McWILLIAMS

Décors Dennis GASSNER   Direction Artistique Chris LOWE, Neal CALLOW, James FOSTER, Marc HOMES, Paul INGLIS et Jason KNOX-JOHNSTON   Costumes Jany TEMIME

Générique créé par Daniel KLEINMAN

Distribution USA : Columbia Pictures / Distribution GRANDE-BRETAGNE et INTERNATIONAL : Sony Pictures Releasing

Durée : 2 heures 23   Caméras : Arri Alexa M, Arri Alexa Plus et Red Epic

skyfall-81 dans Fiche et critique du film

En mission à Istanbul, James Bond se lance sur les traces de l’assassin de son collègue Ronson, assassin qui s’est enfui avec le disque dur d’un ordinateur du MI-6. Séparée de Bond durant la poursuite, sa collègue Eve a le tueur en ligne de mire, se battant avec 007 sur le toit d’un train en marche. M, qui supervise l’opération, donne l’ordre à Eve de tirer pour tuer le meurtrier… mais c’est Bond qui est touché, et fait une chute mortelle. Le tueur, lui, s’enfuit avec le disque dur.

M se retrouve sur la sellette ; Gareth Mallory, le président du Comité ministériel du Renseignement et de la Sécurité britannique, la convoque pour lui révéler que le disque dur contient la liste des agents secrets de l’OTAN infiltrés dans les groupes terroristes du monde entier. Tous sont donc en danger de mort imminente
suite à l’échec de l’opération, et M se voit poussée vers une retraite avec les honneurs, qu’elle refuse pour se remettre au travail. Mais, avant même d’être rentrée à son bureau, elle découvre que son ordinateur personnel est piraté, et, sous ses yeux, le bâtiment du MI-6 est détruit par une explosion…

Bond revient, bien vivant, et se présente à M après une période de repos anonyme ; M accepte de le reprendre à son service, à condition qu’il passe de nouveau les tests pour devenir agent de terrain. Blessé après sa mission à Istanbul, Bond a perdu son efficacité et sa forme physique coutumière ; retirant les éclats de la balle spéciale logée dans sa cicatrice, il peut identifier l’assassin de Ronson : un  tueur professionnel surnommé Patrice. Après avoir reçu ses ordres de mission, il se rend à Shanghai sur les traces du tueur, sur le point d’exécuter un nouveau contrat pour un commanditaire mystérieux, que l’agent 007 doit identifier au plus vite. Car M reçoit des mails alarmants, lui ordonnant de « méditer ses péchés », et menaçant d’abattre cinq agents de l’OTAN chaque semaine si elle ne le fait pas…

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