S, comme… :
… Sacks, Oliver :
Figure familière du monde médical anglo-saxon, Oliver Sacks doit sa notoriété aux nombreux travaux qu’il a effectué dans le domaine de la neurologie et de la psychiatrie, et à ses best-sellers écrits suite à ses rencontres, effectuées durant son travail dans les grands hôpitaux américains. Affichant une liste impressionnante de diplômes, titres honorifiques et postes de prestige, le docteur Sacks a exploré les mystères du cerveau humain d’une façon peu orthodoxe. Ses ouvrages édités à travers le monde ont contribué à faire connaître au public les maladies et syndromes qui y sont liés : l’autisme, la maladie de la Tourette, la maladie de Parkinson, l’encéphalite léthargique, l’agnosie visuelle… et bien entendu, le syndrome d’Asperger. Cet homme très médiatique dans sa profession (ce qui lui vaut sa part inévitable de critiques) est peut-être bien lui-même atteint du syndrome d’Asperger… L’homme reste, malgré son immense savoir et son succès, d’une timidité maladive, d’une très grande discrétion et continue de suivre des habitudes quotidiennes solidement établies, ce qui correspondrait au profil type.
Oliver Sacks est né en 1933 à Londres, le dernier enfant d’un couple de médecins juifs (sa mère fut l’une des premières femmes chirurgiennes anglaises). Ce jeune garçon timide, passionné de chimie, et de médecine (grâce aux enseignements parentaux) fit l’Ecole de Saint Paul’s, et entrera au Queen’s College de l’Université d’Oxford, en 1951, d’où il sortira lauréat de diplômes en physiologie et biologie (BA en 1954), d’une Maîtrise en Arts et un BM BCh (le rendant qualifié pour pratiquer la médecine) en 1958. Il partira aux Etats-Unis, travailler au Mount Zion Hospital de San Francisco, et à l’UCLA. Avec quelques années d’avance sur les planantes sixties, Oliver Sacks, durant ses études à l’UCLA, prend diverses drogues, pour vivre des expériences transcendantales (qu’il décrira bien plus tard, en 2012, dans des articles et son livre HALLUCINATIONS). Sous amphétamines, Sacks aura l’illumination en lisant un ouvrage d’Edward Liveing, grand spécialiste britannique de la migraine au 19ème Siècle. Sacks suivra donc les traces de son prestigieux aîné, en écrivant sur ses observations de patients atteints de troubles neurologiques méconnus. Le premier livre rédigé par Sacks, édité en 1970, sera d’ailleurs intitulé MIGRAINE. Depuis 1965, Sacks vit à New York, où il pratique la neurologie. En 1966, membre du CenterLight Health System du Bronx de New York, Sacks consulte à l’Hôpital Beth Abraham, où il soigne un groupe de patients atteints d’encéphalite léthargique, une maladie rarissime apparue dans les années 1920. Les patients, conscients, sont incapables de bouger depuis des décennies. Sacks les traite avec un nouveau médicament, la L-Dopa, les aidant à se « réanimer ». Cette expérience sera la base de son second livre, écrit en 1973, AWAKENINGS (L’EVEIL). Le grand succès de ce livre fera date dans le milieu médical et dans le grand public ; à tel point qu’en 1990, un film homonyme de Penny Marshall en sera tiré. Le personnage du docteur Malcolm Sayer, alter ego fictif de Sacks, est joué par Robin Williams. Le travail de Sacks à Beth Abraham aida à créer la fondation à l’origine de l’Institute for Music and Neurologic Function (IMNF). Il y est conseiller médical honoraire.
Depuis 1966, Sacks a multiplié les postes de prestige dans de nombreux hôpitaux et cliniques : consultant en neurologie pour les foyers des Petites Soeurs des Pauvres à New York, membre des comités de l’Institut des Neurosciences et du Jardin Botanique de New York, consultant neurologue (de 1966 à 1991) au Centre Psychiatrique du Bronx, instructeur et professeur de neurologie clinique au College de Médecine Albert Einstein, professeur à l’Ecole de Médecine de l’Université de New York (de 1992 à 2007), professeur de neurologie et psychiatrie au Centre Médical de l’Université Columbia, il est finalement revenu en 2012 à l’Ecole de Médecine de l’Université de New York comme professeur de neurologie et consultant pour le centre d’épilepsie. Et, avec tout cela, il continue d’avoir son propre cabinet, et d’être membre des comités de l’Institut des Neurosciences et du Jardin Botanique de New York. Il a dû toutefois ralentir son rythme de travail depuis qu’un cancer de l’oeil droit lui a fait perdre une partie de sa vue.
A ces activités déjà bien remplies, se rajoute donc sa carrière d’écrivain (traduit en 25 langues), commencée avec MIGRAINE. Sacks écrit régulièrement des articles pour le New Yorker et le New York Review of Books, et pour de nombreuses autres publications. Cela a fait de lui un auteur à succès, plus qu’aucune autre personnalité dans le monde médical. Outre MIGRAINE et L’EVEIL, citons aussi L’HOMME QUI PRIT SA FEMME POUR UN CHAPEAU (1985), SEEING VOICES (DES YEUX POUR ENTENDRE, VOYAGE AU PAYS DES SOURDS, sorti en 1989), UN ANTHROPOLOGUE SUR MARS (1995), L’ÎLE EN NOIR ET BLANC (1997) et MUSICOPHILIA (2007). UN ANTHROPOLOGUE SUR MARS nous intéresse plus particulièrement car Sacks y consacre un chapitre important à Temple Grandin, professeur en sciences animales atteinte du syndrome d’Asperger dont nous avions déjà parlé. Sacks a donc contribué à faire connaître le syndrome au grand public, et encouragé Grandin à parler de sa vie avec ce handicap particulier. Le style littéraire de Sacks est reconnu pour non seulement éclairer les lecteurs sur des maladies et des handicaps méconnus, mais aussi pour sa grande poésie, son sens de la narration et la compassion pour les gens qu’il décrit. Ses oeuvres ont largement ont même fini par inspirer le grand dramaturge Harold Pinter, touché par la lecture de L’EVEIL, s’en inspira pour écrire en 1982 sa pièce A KIND OF ALASKA, et le compositeur Michael Nyman, qui a écrit un opéra sur L’HOMME QUI PRIT SA FEMME POUR UN CHAPEAU, en 1986. Son oeuvre d’écrivain a été largement récompensée : Sacks est ainsi le tout premier « Columbia University Artist » au campus Morninside Heights de l’université, pour son oeuvre reliant les arts et les sciences ; en 2000, l’IMNF l’a récompensé de son premier Music Has Power Award, « pour ses contributions remarquables au support de la musicothérapie et l’effet de la musique sur le cerveau et l’esprit humain ». L’IMNF lui a décerné le même prix en 2006. Sacks a aussi remporté en 2001 le Lewis Thomas Prize for Writing about Science.
Un pareil succès ne pouvait évidemment pas aller sans un certain lot de critiques et de jalousies professionnelles, des plus légitimes (des confrères de Sacks, comme Arthur K. Shapiro, ont travaillé sur les neurosciences avec autant d’acharnement, et ont beaucoup écrit, sans obtenir pour autant le même intérêt médiatique). Dans un corps professionnel connu pour sa rigueur, et sa relative fermeture à l’intérêt du public, la personnalité de Sacks et ses ouvrages provoquent aussi pas mal de grincements de dents. Le principal reproche adressé à Sacks étant, pour simplifier, que sa compassion pour ses malades et ses sujets d’observation lui servent d’alibi idéal pour se mettre en valeur. Les critiques les plus agressives font carrément de lui un montreur de phénomènes de foire. Le cinéaste Wes Anderson, déjà cité en ces pages, s’est gentiment moqué du personnage de Sacks à travers le docteur Walter Raleigh, incarné par Bill Murray dans THE ROYAL TENENBAUMS (LA FAMILLE TENENBAUM) ; un docteur manifestement perdu dans son monde de bizarreries neurologiques, sans doute lui-même un peu autiste et incapable de communiquer avec sa jeune épouse Margo (Gwyneth Paltrow), elle-même très probable Aspie…
Pour finir, le docteur Sacks semble avoir été un sujet parfait pour ses propres observations. Il est en effet atteint de prosopagnosie, un trouble l’empêchant de reconnaître ou mémoriser immédiatement les visages. Par ailleurs célibataire de très longue date, jamais marié, Oliver Sacks a reconnu avoir souffert toute sa vie d’une timidité maladive vécue comme un fardeau. Passionné par son travail (on peut du coup voir ses livres comme l’expression d’un centre d’intérêt poussé au plus haut point), homme d’habitudes (il nage chaque jour en piscine depuis des décennies) à l’élocution très spéciale (à la limite du bégaiement, ressemblant beaucoup à celle de Steven Spielberg) quand il est interviewé, le bon docteur Sacks serait certainement un Aspie que cela n’étonnerait personne.
cf. Wes Anderson, Temple Grandin, Bill Murray, Robin Williams ; Margo Tenenbaum (LA FAMILLE TENENBAUM)
… Salander, Lisbeth, des romans et films MILLENNIUM :
A héroïne unique, cas problématique…
Frêle, petite, émaciée, bardée de piercings et tatouages, Lisbeth Salander est devenue, grâce à la fameuse trilogie MILLENNIUM, une véritable icône héroïque pour les lecteurs des romans policiers de Stig Larsson. Trois livres (LES HOMMES QUI N’AIMAIENT PAS LES FEMMES, LA FILLE QUI RÊVAIT D’UN BIDON D’ESSENCE ET D’UNE ALLUMETTE, LA REINE DANS LE PALAIS DES COURANTS D’AIR) qui ont propulsé la littérature policière scandinave sur le devant de la scène, nous révélant les vilains secrets d’une société bien trop policée pour être honnête, et dont le succès doit beaucoup à cet étonnant personnage, une jeune femme « border line », géniale hackeuse asociale au look gothique punk reconnaissable au premier coup d’oeil. Une héroïne du 21ème Siècle dont la psychologie déroute ceux qui la croisent et inquiète ses ennemis. Lisbeth Salander a, depuis la sortie des romans, pris les traits au cinéma de Noomi Rapace (photo ci-dessus, dans les adaptations filmées en Suède), et de Rooney Mara (seconde photo) dans l’adaptation du premier livre par le grand David Fincher. Le personnage peut se vanter d’être la première super-héroïne venue de Suède depuis Fifi Brindacier (Pippi Langstrumpf), la fillette rouquine à la force démesurée imaginée par Astrid Lindgren. La comparaison peut paraître saugrenue, mais Fifi, véritable institution en Suède, fut en partie l’inspiratrice de Lisbeth, selon Stig Larsson, qui s’imagina ce qui aurait pu arriver à la fillette si elle avait grandi dans la Suède contemporaine. Une autre anecdote, bien plus triste et sinistre, est aussi à l’origine de la création de Lisbeth : adolescent, Larsson avait assisté au viol collectif d’une jeune fille nommée Lisbeth par trois de ses copains. N’ayant osé intervenir, il en était resté traumatisé, et dégoûté à jamais de la violence faite aux femmes. Les romans MILLENNIUM étaient donc pour lui l’occasion d’exorciser ce traumatisme à travers le parcours, en fiction, de son personnage.
Le comportement très étrange de cette jeune femme sans amis, sans famille, préférant de loin ses activités de hackeuse et d’enquêtrice à la compagnie des hommes laisse penser qu’elle est peut-être atteinte du syndrome d’Asperger… C’est une hypothèse posée dans les romans par le héros, le journaliste Mikael Blomkvist, et un autre personnage, Holger Palmgren, premier tuteur de la jeune femme. Hypothèse non confirmée par les professionnels, dans les romans. Les adversaires et ennemis de Lisbeth, eux, prennent moins de gants, et la traitent de «psychopathe», «schizophrène» et autres amabilités, pour la noircir aux yeux de l’opinion publique. Le profil psychologique et le comportement de la jeune femme ne correspondent pas, en fait, au «profil type Asperger», malgré certains traits communs. Et d’ailleurs, le comportement souvent très violent de Lisbeth, bien connu des lecteurs de la série, ne cadre pas avec celui-ci.
Je dois ici préciser que je n’ai jamais lu les romans en question, ni vu les films avec Noomi Rapace, ma seule source étant la « version Fincher » de Lisbeth. N’attendez donc pas ici que je fasse un comparatif entre les romans et les films, ou les deux interprétations du même personnage (incarné cela dit par deux remarquables comédiennes).
Peu communicative, renfermée, rendue paranoïaque par une enfance traumatisante, Lisbeth est selon son défunt auteur une sorte de sociopathe d’un genre inédit, bénéficiant de circonstances atténuantes très particulières : un père violent, un internement en hôpital psychiatrique, et la mise sous tutelle décrétée par l’Etat suédois, sans autre forme de procès. Autant dire que la demoiselle a de bonnes raisons de se méfier de tout le monde, et surtout des autorités. Pour le bien de son enquête, Mikael Blomkvist doit l’ »apprivoiser » difficilement. Lisbeth, en dehors de son travail dans l’entreprise Milton Security, ne voit personne, si ce n’est une compagne occasionnelle, Myriam Wu. Lisbeth cultive l’ambiguïté sexuelle, ayant des rapports sexuels aussi bien avec celle-ci qu’avec Blomkvist, premier surpris des initiatives qu’elle prend… Lisbeth Salander brille par une intelligence acérée, bénéficiant d’une mémoire photographique parfaite. Autodidacte, elle a appris les mathématiques de très haut niveau, et s’est montrée capable de résoudre le théorème de Fermat en 3 semaines. Lisbeth met à profit son intelligence comme collaboratrice chez Milton Security, en créant et utilisant des logiciels complexes, pour enquêter (en toute illégalité) dans les systèmes et réseaux informatiques, devenant une légende dans la communauté des hackeurs. Guère de hobbies signalés dans son existence, si ce n’est peut-être sa maîtrise des arts de la boxe ; ancienne sparring-partner, la jeune femme à l’apparence frêle est une redoutable « castagneuse » quand le besoin s’en fait sentir, et une artiste de l’esquive.
Voilà pour les principaux traits pouvant la rapprocher du syndrome d’Asperger. Cependant, son comportement ne cadre pas vraiment. Il faut dire qu’elle traîne un lourd passé criminel, par la faute d’un père odieux : Zalachenko, ancien agent du renseignement militaire soviétique, et agent double protégé par la SAPÖ, les services secrets suédois. Cet affreux bonhomme battait la mère de Lisbeth ; et, à douze ans, celle-ci a décidé de rendre justice en incendiant son géniteur, brûlé à 80 %. Son internement et sa mise sous tutelle résultent d’une décision des services de la SAPÖ, craignant qu’elle ne révèle les secrets d’Etat liés à son père. La demoiselle est n’hésite devant rien pour punir particulièrement les hommes coupables de maltraitance envers les femmes – en commençant par l’avocat chargé de son dossier, qui abuse de sa fonction pour la violer. Lisbeth met au point une vengeance des plus brutales contre l’affreux bonhomme. Et elle n’hésitera pas à châtier brutalement d’autres crapules. Par ailleurs, rappelons que Lisbeth n’a pas vraiment de scrupules à pratiquer des activités ouvertement criminelles : piratage de données informatiques, manipulation de comptes bancaires, utilisation de fausses identités, chantage… Un comportement qui certes vise des personnages eux-mêmes criminels, mais qui ne colle pas avec le calme et le respect des règles propres aux Aspergers. L’ambiguïté de la part de Stig Larsson est délibérée, l’auteur rappelant que, bien avant que les évènements ayant « fait » Lisbeth aient eu lieu, celle-ci était une fillette brillante, mais asociale, déjà capable de se battre, en réponse à une situation de menace envers elle.
… Sam et Suzy (Jared Gilman et Kara Hayward), les deux enfants héros de MOONRISE KINGDOM :
Dans l’univers de Wes Anderson, qui nous est déjà familier en ces pages, Sam Shakusky et Suzy Bishop, les deux enfants héros de MOONRISE KINGDOM (sorti sur les écrans l’an dernier), ne détonnent pas le moins du monde. Tous deux, partis vivre la grande aventure dans l’île de New Penzance en ce bel été 1965, affichent en effet des caractéristiques ouvertement « Asperger ». Orphelin, Sam aime la peinture et les récits d’exploration ; un séjour au camp scout Ivanhoé devrait en principe le contenter, mais la réalité des corvées du camp l’ennuie au plus haut point. D’autant plus que Sam ne participe pas aux activités et n’aime pas ses jeunes camarades, qui le lui rendent bien… Ce jeune garçon taciturne, pas spécialement sympathique, a aussi le chic pour mettre à l’épreuve les adultes qui le prennent en charge : le chef Ward (Edward Norton) n’a aucune autorité sur lui, et ses derniers parents adoptifs, excédés, finissent par jeter l’éponge. Pour Sam, cela signifie de se retrouver devant « Action Sociale » (Tilda Swinton), fonctionnaire pète-sec qui devra le confier à l’orphelinat… Soit dit en passant : pour incarner Sam, le cinéaste Wes Anderson demanda au jeune Jared Gilman de s’inspirer du jeu de Clint Eastwood dans L’EVADE D’ALCATRAZ !
Sam n’a donc ni amis ni figure parentale fiable. Heureusement, il a rencontré Suzy (Kara Hayward, remarquable jeune comédienne), une gamine de son âge. Apparemment mieux intégrée et éduquée, grâce à ses parents avocats libéraux (Frances McDormand et l’indispensable Bill Murray), Suzy s’ennuie pourtant tout autant, ses parents débordés de travail la laissant avec ses insupportables petits frères. C’est durant une représentation de l’opéra de Benjamin Britten, NOYE’S FLUDDE (Noé et le Déluge, annonciateur de la tempête finale), à la paroisse locale, qu’ils vont se rencontrer et devenir les meilleurs amis du monde. Fins prêts à vivre la grande aventure dans l’île, Sam et Suzy organisent donc, un an après leur rencontre, une « grande évasion » mémorable. Evasion qui va aussi les révéler l’un à l’autre : après les serments d’amitié, viendra l’amour ! Nos deux drôles de tourtereaux vivent leur passage à l’âge adulte, déroutant des adultes brusquement rappelés à leur responsabilités. Ni le chef Ward, ni les parents Bishop n’étant très efficaces, pas plus que le patachon capitaine Sharp (Bruce Willis, dans un savoureux contre-emploi de ses rôles habituels).
Et tandis que les adultes s’affolent, nos deux gamins vivent l’aventure d’une vie, complètement coupés des réalités. On les découvre certes imaginatifs (ils rebaptisent le triste « Goulet de Marée au Mile 3,25″ du nom de « Moonrise Kingdom », le livre préféré de Suzy) et organisés, mais pas vraiment conscients du danger de leur fugue : s’aventurer dans une île sauvage, à l’approche d’une terrible tempête, alors qu’on a emporté que du matériel de camping, quelques livres, un tourne-dique et le chat de la famille n’est peut-être pas une si bonne idée, après tout… Et l’aventure est aussi entachée par la violence : une première rencontre avec les scouts de Ward se solde quand même par une agression aux ciseaux, et la mort du chien, mascotte des louveteaux. Heureusement, les choses vont s’améliorer, les scouts se rangeant finalement du côté des fugitifs ; un peu de rébellion à l’autorité adulte ne peut pas faire de mal, après tout ? Et ils y gagneront un mariage officieux (entre Aspies, on prend ces décisions-là très au sérieux), Sam étant même finalement adopté par le capitaine Sharp, après un périlleux sauvetage. Enfin un adulte en qui Sam peut avoir confiance, ce n’était pas trop tôt après toutes ces épreuves ! On espère pour nos deux héros que le passage à l’âge adulte ne sera pas trop décevant…
MOONRISE KINGDOM dégage un parfum nostalgique et très caustique, sous sa légèreté. On peut apprécier le film, comme une relecture très personnelle des contes de fées de l’enfance, revisités par le réalisateur de RUSHMORE et LA FAMILLE TENENBAUM. Nos deux jeunes héros étant les Petits Poucets / Chaperon Rouge partis en forêt déjouer les pièges qui les guettent, Madame Action Sociale faisant figure de méchante sorcière, et le capitaine Sharp étant l’héroïque équivalent du chasseur. Il n’échappera pas non plus aux connaisseurs des films d’Anderson que Sam et Suzy ressemblent respectivement aux personnages de Max Fischer (dans RUSHMORE) et Margot Tenenbaum (LA FAMILLE TENENBAUM), eux-mêmes très Aspies.
cf. Wes Anderson, Bill Murray ; Max Fischer (RUSHMORE), Margot Tenenbaum (LA FAMILLE TENENBAUM)
… Satie, Erik (1866-1925) :
Dans les dictionnaires, on le classe comme compositeur et musicien, mais il préférait se qualifier de « phonométricien » (« quelqu’un qui mesure les sons »), après avoir été présenté comme « gymnopédiste »… Dire d’Erik Satie qu’il était un original est donc un bel euphémisme. Le compositeur des GYMNOPEDIES et des GNOSSIENNES, également écrivain et poète de premier plan, personnage emblématique de l’avant-garde musicale française et du mythique Montmartre de la Belle Epoque, précurseur de nombreux mouvements artistiques du 20ème Siècle, était un curieux personnage, malicieux (il adorait pratiquer les canulars), socialement maladroit, secret et mélancolique. Etudier le parcours de Satie, et les anecdotes sur son caractère, révèle à n’en pas douter un authentique Aspie.
Erik Satie est né en Normandie, à Honfleur ; son père, Alfred, était courtier maritime, sa mère, Jane Leslie, était une Ecossaise native de Londres. Lui et son frère Conrad furent élevés dans la religion anglicane. La famille emménagea à Paris pour suivre le père, devenu traducteur, alors qu’il n’avait que quatre ans. Jane mourut deux ans plus tard. Erik et Conrad furent renvoyés à Honfleur, chez leurs grands-parents paternels, chez qui Erik aura ses premières leçons de musique. Après la mort de la grand-mère en 1878, les deux frères revinrent à Paris chez leur père, remarié à Eugénie Barnetche, une professeur de piano. On n’échappe pas à son destin… même si le jeune Satie détesta vite les leçons de musique de sa belle-mère. Il avait treize ans quand il entra au Conservatoire de Paris, ce qui n’arrangea pas son horreur de l’enseignement musical. Le grand Erik Satie, en pleine adolescence, fut en effet un étudiant des plus médiocres et paresseux. Il n’y a guère qu’un professeur, Georges Mathias, pour percevoir alors le potentiel du jeune homme, meilleur compositeur que musicien selon lui… Satie sera renvoyé, puis réadmis en 1885 ; mais il n’impressionna pas plus les professeurs du Conservatoire, qu’il quitta, sans diplôme et sans achever le cursus, pour s’engager dans l’armée l’année suivante. Il changea vite d’avis, tant la vie des casernes l’ennuyait, et il se rendit volontairement malade de la bronchite pour se faire réformer.
En 1887, Erik Satie se tourna vers le quartier des artistes, Montmartre, où il s’installa et où fit preuve d’une grande créativité. Il commença à écrire et publier (avec l’aide paternelle) ses premières compositions, les premières GYMNOPEDIES (suivies plus tard des OGIVES, GNOSSIENNES, etc.). Et, surtout, il rejoignit le petit monde artistique du « plus extraordinaire cabaret au monde », le Chat Noir. Il y rencontre Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, ses amis le poète Patrice Contamine et le compositeur Claude Debussy, et tant d’autres. Grâce à Debussy, Satie rejoignit l’ordre de la Rose-Croix, et écrire plusieurs compositions maçonniques (SALUT DRAPEAU !, LE FILS DES ETOILES, SONNERIES DE LA ROSE+CROIX), donnant des performances au Salon de la Rose-Croix pour le Sâr Joséphin Péladan. En 1890, Satie emménagea au numéro 6 rue Cortot. Il fut très prolifique durant cette période, créant en 1892 les premières pièces d’un système de composition de sa propre invention (FÊTE DONNEE PAR DES CHEVALIERS NORMANDS…), et commençant ses premiers canulars (il annonça par exemple la création du BÂTARD DE TRISTAN, un opéra parodiant Wagner qu’il ne composa jamais). Tandis que les amis du Chat Noir sympathisèrent avec les habitués de l’Auberge du Clou de Miguel Utrillo (dont la belle peintre Suzanne Valadon), Satie rompit avec Péladan et les Rose-Croix ; toujours facétieux, il créera sa propre secte ésotérique : l’Eglise Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur, dont il sera le « Parcier et maître de chapelle »… et le seul fidèle. Il composa une Grande Messe (sa future MESSE DES PAUVRES), écrivit lettres, articles, et pamphlets affirmant son scepticisme sur les affaires religieuses et artistiques. Le jeune homme était très sûr de lui, mais guère apprécié pour ses déclarations… Témoins ses deux tentatives d’entrer à l’Académie Française, présidée par le vénérable Camille Saint-Saëns. Ses lettres de candidature ruinent sa réputation auprès de l’establishment parisien, et une certaine antipathie pour Saint-Saëns. Dans le même ordre d’idée, une anecdote montre que Satie, pourtant généralement décrit comme quelqu’un d’aimable, pouvait aussi se montrer extrêmement cinglant avec ceux qui ne l’appréciaient pas. Le critique musical Jean Poueigh, des années plus tard, s’en prit à son ballet musical PARADE ; Satie lui répondit : « Vous n’êtes qu’un cul, mais un cul sans musique.« Bien envoyé, Monsieur Satie ! Même si cela vous valut huit jours de prison… Monde injuste. Les critiques peuvent descendre à loisir les artistes, qui, eux, doivent jouer la règle du jeu, et encaisser en serrant les dents.
Durant cette période, Erik Satie va aussi connaître une grande histoire d’amour avec Suzanne Valadon. La peintre, compagne de Miguel Utrillo (et mère de Maurice Utrillo), une bien jolie jeune femme connue pour son caractère changeant, était une artiste remarquable ; les portraits photographiques de l’époque mettent en valeur son étrange regard mi-fermé mi-rêveur. Artiste, certes, et qui sait ? Peut-être un peu autiste, Suzanne Valadon ?… Toujours est-il que Satie en tomba fou amoureux, et, après une nuit passée ensemble, la demanda en mariage ; demande aussitôt refusée par Suzanne. Satie composa pour « sa Biqui » les DANSES GOTHIQUES. Malheureusement, six mois plus tard, elle rompit avec lui. Le coeur brisé, il composera les VEXATIONS, un thème musical court, jamais publié de son vivant, qui doit se jouer 840 fois de suite – en respectant les silences. Bien plus tard, des chefs d’orchestre courageux comme John Cage joueront la pièce dans son intégralité : elle dure en tout vingt heures !! Obsessionnel, Monsieur Satie… Il semble que sa vie amoureuse commença et prit fin avec Suzanne Valadon, et qu’il n’ait pas eu d’autres relations intimes de toute sa vie.
Héritant en 1895, ce qui lui permit d’être édité, Satie, jusqu’ici habitué à porter des vêtements de clergyman, adopta un nouveau style vestimentaire : tout en velours, ce qui lui vaudra le surnom de « Velvet Gentleman ». Il épuisa cependant vite ses ressources et dut emménager dans des logements de plus en plus modestes et petits, quittant la rue Cortot pour Arcueil, son chez-lui définitif. Il composa les deux premières séries de PIECES FROIDES, reprit contact avec son frère Conrad, pour régler ses problèmes financiers, et abandonna toute idée religieuse. A partir de 1899, Satie doit survivre comme pianiste de cabaret, composant des chansons populaires ; de son propre aveu, de « rudes saloperies« , qu’il reniera. Beaucoup de textes et de chansons de cette période furent perdus. Satie composa aussi des oeuvres plus sérieuses, comme la musique de la pantomime JACK IN THE BOX, ou GENEVIEVE DE BRABANT… Mais Satie refusa de les publier, une habitude chez lui. Sa réputation et son talent furent cependant reconnus, au point qu’il rivalisa, aux yeux des spécialistes, avec Claude Debussy et Maurice Ravel.
Puis, en octobre 1905, Erik Satie, à 39 ans, s’inscrit à la Schola Cantorum de Vincent d’Indy, qui sera son professeur pour lui apprendre la musique contrapuntique, tout en continuant à travailler comme musicien de cabaret. De quoi surprendre son entourage (d’autant plus que d’Indy est un proche de Saint-Saëns) et les professeurs de la Schola… Trois ans plus tard, le compositeur obtiendra son seul et unique diplôme, à 42 ans ! Son style musical changea radicalement. Parmi ses travaux d’étudiant, notons DESESPOIR AGREABLE. TROIS MORCEAUX EN FORME DE POIRE, publiée en 1911, est une compilation de ses compositions d’avant la Schola, en 1905. Si Satie rejettait certains aspects de la musique romantique, il ne détestait pas le genre musical lui-même. Il prenait un soin particulier à éviter le mélodrame et les longueurs. En 1912, ses compositions humoristiques pour piano, accompagnées de notes rédigées par ses soins, seront un grand succès. Il arrêta aussi d’utiliser des barres de mesure dans ses compositions. Toujours facétieux, il composa LE PIEGE DE MEDUSE (1913), parodiant le style romantique. Il devint socialiste, s’investissant dans des oeuvres de patronage laïques, et fréquentera la communité ouvrière d’Arcueil. Par affection pour les travailleurs, et sans aucun intérêt pour la politique, Satie deviendra membre du Parti Communiste, et changera son apparence sera désormais comme celle d’un « bourgeois fonctionnaire » en chapeau melon, parapluie, etc. Quand son travail ne l’occupait pas, Satie, passionné de culture médiévale, trouvait aussi le temps d’avoir un hobby secret : dans un cabinet de dépôt de collection, il fabriquait des châteaux imaginaires en métal d’après des dessins faits par lui sur des petites cartes. Toujours plein d’ironie, il publiait ensuite des petites annonces anonymes, du type « château à louer »…
Erik Satie fut un personnage important du monde artistique parisien des grandes années 1910-1920. S’il dut en fait son succès aux « Jeunes Ravélites », des musiciens élèves de Ravel affirmant leur préférence pour ses oeuvres d’avant la Schola (faisant ainsi de Satie un précurseur de Debussy, un point de débat permanent entre spécialistes), Satie, d’abord touché, s’éloigna de ces jeunes admirateurs ne prêtant pas attention à son travail plus récent. Il rencontra d’autres jeunes artistes qu’il estimait plus liés à ses travaux récents, et qu’il appréciait : Jean Cocteau, Georges Auric, Roland-Manuel… Il écrivit ses mémoires et réflexions pleines d’ironie et d’humour, MEMOIRES D’UN AMNESIQUE et CAHIERS D’UN MAMMIFERE, à la même époque. Il travailla avec Cocteau, rejoignant son groupe des Nouveaux Jeunes, comprenant Arthur Honegger, Francis Poulenc, Darius Milhaud, Georges Auric, Louis Durey, Germaine Tailleferre, mais il se sépara d’eux en 1918, sans explication. Satie rencontra aussi les grands artistes de l’époque : Picasso, Braque, Tzara, Picabia, Duchamp, etc. ; il travailla avec Man Ray (LE CADEAU, 1921), rejoignit les Dadaïstes, arbitra malgré lui un différend entre André Breton et Tristan Tzara sur la vraie nature de l’avant-garde ; il signa la musique de RELÂCHE (1924), un ballet de Picabia, ainsi que la musique du film de René Clair, ENTR’ACTE.
Malgré toute cette activité, Erik Satie demeura très pauvre, et refusait autant de demander de l’argent que de vendre ses compositions. Alcoolique de longue date, absinthomane, il mourut le 1er juillet 1925 d’une cirrhose du foie. Satie était connu pour interdire l’accès de son studio d’Arcueil. Après son décès, ses amis y découvrirent des compositions qui leur étaient totalement inconnues, ou qu’ils croyaient perdues : la musique orchestrale de PARADE, GENEVIEVE DE BRABANT, LE POISSON RÊVEUR, des SCHOLA CANTORUM, les VEXATIONS, des GNOSSIENNES… Les textes étaient posés et cachés n’importe où : dans son piano, les poches de ses costumes, d’autres endroits bizarres. Dans son placard, les mêmes costumes de velours gris, qu’il remplaçait dès que l’un d’eux s’usait. Voilà qui confirme bien le caractère Aspie du compositeur, reconnu depuis comme l’un des plus grands musiciens français.
Sa musique lui a évidemment survécu, dans tous les supports – y compris dans les films. Notamment LA FAMILLE TENENBAUM, décidément omniprésente en ces pages !
… Schell, Oskar (Thomas Horn, dans EXTRÊMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES) :
Que peut-il arriver de pire à un enfant Aspie ? Le moindre dérangement du quotidien provoque une forte poussée d’angoisse chez tout enfant atteint du syndrome, et il faut une aide patiente de la part des proches pour atténuer ces angoisses. Oskar Schell, un jeune garçon new-yorkais, surdoué, timide, débordant d’imagination et de créativité, vit une situation insupportable depuis le jour où son père Thomas est mort, piégé dans une des tours jumelles du World Trade Center lors des attentats du 11 septembre 2001, le « Jour Terrible »… Il était le mentor, le modèle et le héros du gamin, son point de repère dans un monde devenu illogique, cruel et absurde aux yeux de ce dernier. En adaptant le roman de Jonathan Safran Foer, le cinéaste Stephen Daldry (BILLY ELLIOT, THE HOURS, THE READER) nous offre, en plus d’une aventure très originale, et d’une évocation pleine de tact des conséquences d’un évènement qui a façonné le début de ce siècle, un portrait d’une grande justesse d’un enfant Aspie se confrontant, du jour au lendemain, à l’épreuve du deuil.
Oskar Schell (le jeune Thomas Horn, très touchant) est un enfant complexe ; un »garçon difficile » dont le comportement rappelle parfois le personnage de Jamie dans EMPIRE DU SOLEIL. Affectueusement élevé par ses parents, il ne manque de rien. Son père a bien compris d’ailleurs qu’il a besoin d’une attention spéciale ; exceptionnellement intelligent, Oskar est aussi extrêmement craintif, et il peut compter sur l’aide de ce père inventif, qui stimule son intelligence en permanence par le jeu : il lui crée des «missions de reconnaissances», des jeux d’indices, des duels verbaux, et encourage le gamin dans ses activités. Qui mieux que Tom Hanks peut incarner à l’écran l’image de ce père idéal, celui que tous les enfants aimeraient avoir ? Notre jeune héros excelle déjà d’ailleurs dans le bricolage de livres animés, et autres petites inventions. Durant son aventure, Oskar mentionne avoir passé des tests pour savoir s’il a le syndrome d’Asperger. Il faut toutefois signaler que le film commet une erreur fréquemment répandue, en faisant dire à l’enfant « maladie d’Asperger » au lieu de « syndrome d’Asperger ». Erreur peut-être intentionnelle de la part des auteurs ? Oskar est encore très jeune et ne voit sans doute pas encore les avantages de son don particulier… il se trompe donc, en toute innocence, en utilisant le mauvais terme. Son odyssée lui permettra non seulement de faire son deuil, mais aussi d’accepter sa différence.
Le film ne fait certes pas un portrait réaliste de la vie d’un Aspie, mais il montre bien qu’Oskar a la plupart des signes évidents du syndrome, d’où ce comportement qui rend les autres personnages souvent perplexes ou hostiles. Oskar a du mal à se faire des amis de son âge, et il est reconnu comme un enfant «spécial» dans son école ; s’il est un très bon élève, il se fait cependant insulter par des camarades. Oskar a un champ de connaissances très étendues, dans divers domaines qui le passionnent : notamment les sciences, l’histoire, la photographie, etc. Le jeune garçon a aussi une élocution très particulière, recherchée et inventive – un héritage des jeux avec son père. Oskar adore inventer des jeux d’insultes avec Stan (John Goodman), le portier de son immeuble. Un esprit en recherche permanente de stimulation, et un vrai moulin à paroles ! Nul doute qu’en grandissant, Oskar continuera d’être un esprit curieux, un chercheur dans l’âme.
La contrepartie de ces talents particuliers : une sensibilité démesurée qui se traduit par des phobies, que le traumatisme ne fait qu’accroitre. Oskar souffre de vertige et l’idée de tomber le terrorise, comme le montre l’épisode de la balançoire, où son père l’oblige à surmonter sa peur. La mort de ce dernier va accentuer celle-ci : Oskar se plonge dans les images d’archives, au point de se persuader que son père s’est défenestré pour échapper aux flammes… Une vision horrible, obsédante, exprimant sa culpabilité de n’avoir pas osé décrocher le téléphone le matin fatidique, pour lui parler une dernière fois : le caractère profondément déstabilisant du drame, l’a complètement paralysé. Son hypersensibilité sensorielle, aussi, est devenue plus violente ; on imagine sans peine les difficultés qu’Oskar ressent dès qu’il pose les pieds dans les rues de New York, vu son état particulier. La peur de la foule, du métro, des ponts suspendus, des gratte-ciels, les bruits de sirènes de police et d’avions dans le ciel (rappelant évidemment l’ambiance du « Jour Terrible »)… Oskar ne se sépare jamais, dans ces cas-là, de son talisman personnel, un tambourin dont le tintement l’apaise.
Le drame fait «exploser» ses obsessions, son besoin de trouver un sens logique à la mort de son père. Cela devient pour l’enfant une véritable quête mêlant l’intime et l’universel. Et ce n’est pas sans violence. Oskar se punit en s’infligeant des cicatrices sur le corps… Il se montre aussi très dur avec Linda (Sandra Bullock), sa mère désemparée. Il la blesse psychologiquement durant une confrontation douloureuse, le chagrin laissant un bref moment la place à la colère. Il se disputera aussi avec le mutique Locataire (formidable Max Von Sydöw), qui n’est autre que son grand-père. Un mentor touchant, aussi égaré et marqué que lui par les tragédies de l’Histoire (un terrible bombardement de sa ville natale durant la 2ème Guerre Mondiale). Heureusement, Oskar gagne assez de maturité dans son aventure pour rétablir les liens avec sa famille.
EXTRÊMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES est aussi l’histoire d’une quête, et, dans toute histoire de ce type, l’objet de la quête compte moins que l’aventure vécue par le personnage principal. Ce qui sera le cas d’Oskar ; s’étant mis en tête de trouver le propriétaire d’une clé au nom de « Black » laissée par son père juste avant sa mort, le gamin se met en tête de rencontrer tous les new-yorkais nommés Black… Un objectif apparemment absurde, dicté par un besoin impérieux de trouver une logique cachée ; pour Oskar, la quête va avoir des conséquences qu’il n’attendait pas. L’enfant timide va se lier à des inconnus, notamment les époux Black (Viola Davis et Jeffrey Wright) et le Locataire. Son aventure le rapprochera aussi de sa mère, à son insu, grâce à l’habile intervention de celle-ci… et rassembler toute une communauté liée par le traumatisme du 11 septembre. Au bout du chemin, Oskar Schell aura su, littéralement, sortir de sa coquille, résoudre son deuil, et être enrichi d’une nouvelle maturité.
à suivre,
Ludovic Fauchier.
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