The Secret Life of Walter Mitty / La Vie Rêvée de Walter Mitty, de Ben Stiller
Walter Mitty (Ben Stiller), employé au développement des négatifs du prestigieux magazine Life, est un petit homme discret, dominé par sa mère Edna (Shirley MacLaine) et son envahissante sœur Odessa (Kathryn Hahn). Pour échapper à un terne quotidien, Walter se rêve tout le temps en train de vivre de fantastiques aventures et de grandes romances. Objet de sa flamme non avouée : Cheryl Melhoff (Kristen Wiig), une nouvelle venue au journal, où les temps sont difficiles : Life va cesser sa parution en magazine pour devenir entièrement numérique, et un odieux cadre exécutif, Ted Hendricks (Adam Scott), prépare la réduction du personnel. Le trop timide Walter s’attire vite son mépris. Avec la parution imminente du dernier numéro sur papier, Walter doit développer une photo particulière de la série que lui a envoyé le grand reporter Sean O’Connell (Sean Penn) : la photo numéro 25, qui est introuvable. Persuadé que Sean lui a laissé des indices, le petit homme se sent pousser des ailes : il ose enfin aborder Cheryl, quitte la maison maternelle et, à la recherche du photographe et de la photo mystérieuse, s’envole pour le Groënland…
Au terme d’un de ces invraisemblables « development hell » dont les studios américains sont trop souvent coutumiers, La vie rêvée de Walter Mitty peut enfin voir le jour au terme d’une série de réécritures étalées sur vingt ans, des scénarii ayant été tour à tour annoncés chez Ron Howard, Chuck Russell et Steven Spielberg, pour mettre en vedette Jim Carrey puis Owen Wilson. C’est finalement Ben Stiller, le vieux complice de ce dernier, qui aura su mener à terme cette nouvelle adaptation de la nouvelle de James Thurber. Une relecture en règle de l’histoire originale, plus qu’un remake du film de Norman McLeod, La vie secrète de Walter Mitty, un grand classique de la comédie américaine datant de 1947. Dans le rôle-titre, Danny Kaye livrait une performance irrésistible, parsemée de numéros chantés délirants (voir l’extrait, plus bas). Le tout en compagnie de la ravissante Virginia Mayo, et de Boris Karloff s’autoparodiant avec bonheur en psychiatre fou, et dans un Technicolor pétaradant à souhait.
Loin de chercher à imiter le film de McLeod, le Walter Mitty de Ben Stiller préfère s’inscrire dans son époque. Surprise, après nous avoir livré en tant que réalisateur deux comédies complètement dingues, Zoolander et Tonnerre sous les Tropiques, Stiller prend le spectateur à contre-pied. S’il nous offre encore quelques beaux pétages de plomb typiques de sa part, Stiller pose ici sa mise en scène et se laisse aller, au fil du récit, à quelques beaux moments de contemplation et d’introspection auquel il ne nous avait pas habitués. Qu’on ne s’y trompe pas, le film reste bourré de gags « stilleresques » à souhait ! La course-poursuite à la Michael Bay, le combat contre un grand requin blanc (Spielberg a dû bien rire), ou la séquence Benjamin Button sont autant de grands moments de franche rigolade. Mention particulière aussi, à la scène muette du portique aux rayons X, qui voit le squelette de Stiller subir les prises de catch d’une énorme mama policière… On ne se refait pas, et l’humour explosif de Ben Stiller fait feu de tout bois dans ces scènes-là.
Mais ces moments délirants ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Petit à petit, Walter Mitty change de ton, et révèle une facette moins connue de l’acteur-réalisateur. Il semble que tous les comédiens catalogués « comiques » partagent bon nombre d’angoisses, et Stiller ne déroge pas à la règle. Il n’est finalement pas étonnant de le voir passer, dans le film, devant une photo de Peter Sellers, le plus emblématique et le plus perturbé des acteurs catalogués « comiques ». Sans forcément s’identifier à ce dernier, Stiller a admis avoir été diagnostiqué « cyclothimique » il y a quelques années, une sorte de crise maniaco-dépressive légère qui, dans son cas, alimenterait ses personnages de braves types connaissant et subissant de soudaines bouffées délirantes. Le plus souvent, cela se traduit dans ses films par des gags physiques et des gaffes à répétition, mais on se rappellera aussi que Stiller a pu jouer dans La Famille Tenenbaum un type assez pathétique et bien éloigné de ses rôles habituels. Son Walter Mitty n’est finalement pas très éloigné de ce dernier personnage, malgré les rires. On peut voir le film comme une remise en question amusée du personnage public de Stiller, apprenant finalement à se détacher des contraintes et obligations de son métier. Le ton doux-amer que prend le film en cours de route n’est pas désagréable, et son maître d’œuvre peut se permettre quelques considérations qui, sans être révolutionnaires, savent humaniser son histoire. Le film vient donc finalement nous rappeler quelques saines leçons de vie du style « sortez de votre routine, ne vous soumettez pas au système » qui sont, pour le personnage principal, les signes d’une maturité bienvenue. Et, pour ne rien gâcher, Walter Mitty version Stiller culmine par une très belle purement contemplative avec Sean Penn, le loup solitaire (ici dans un rôle sympathique, c’est assez rare pour le souligner), qu’on retrouve toujours avec plaisir.
Voilà donc de quoi faire notre bonheur durant deux heures.
Ludovic Fauchier.
La fiche technique :
Réalisé par Ben Stiller ; scénario de Steve Conrad, d’après la nouvelle de James Thurber ; produit par Stuart Cornfeld, Samuel Goldwyn Jr., John Goldwyn, Ben Stiller, Matt Levin, Jeff Mann, Ethan Shapanka et Kurt Williams ; producteurs exécutifs : G. Mac Brown, Meyer Gottlieb et Gore Verbinski (20th Century Fox Film Corporation / TSG Entertainment / Samuel Goldwyn Films / Red Hour Films / New Line Cinema)
Musique : Theodore Shapiro ; photo : Stuart Dryburgh ; montage : Greg Hayden
Direction artistique : David Swayze ; décors : Jeff Mann ; costumes : Sarah Edwards
Distribution USA et International : 20th Century Fox
Durée : 1 heure 54
Caméras : Arricam LT et ST, Arriflex 235 et 435, et Panavision Panaflex Millennium XL2
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