TRANSCENDANCE, de Wally Pfister
L’histoire :
une conférence donnée par le professeur Will Caster (Johnny Depp), génie de la recherche en intelligence artificielle, est au centre d’une controverse dans le monde scientifique ; avec sa femme Evelyn (Rebecca Hall), Will a développé des idées audacieuses faisant de lui un champion du transhumanisme : il est persuadé que, dans un avenir proche, il sera possible d’élaborer un ordinateur capable d’enregistrer, de dupliquer et de ressentir les infinies nuances de la conscience humaine. Mais les activistes du RIFT, opposés au développement de ces nouvelles technologies, sont d’un autre avis, et organisent des attentats ciblés et synchronisés pour faire passer leur message. Un homme tire sur Will et se suicide, tandis que des dizaines d’experts sont tués sous les yeux du professeur Joseph Tagger (Morgan Freeman), miraculeusement rescapé.
Opéré avec succès, Will répond aux questions de l’agent du FBI Buchanan (Cillian Murphy) ; Will et Evelyn ont aidé Tagger à concevoir un superordinateur quantique, P.I.N.N., capable d’imiter l’intelligence humaine. Mais la balle avec laquelle on a tiré sur Will était irradiée au polonium, et celui-ci est condamné à mourir de mort lente en quelques semaines. Evelyn convainc Max Waters (Paul Bettany) de voler des processeurs de P.I.N.N., et d’enregistrer les mots et pensées de Will durant son agonie, mettant ainsi en œuvre le programme « Transcendance ». Quand Will, décédé, réapparaît sur le programme informatique qu’ils ont créé, personne n’est en mesure de deviner les évènements qui vont se produire. Bree (Kate Mara), membre du RIFT, kidnappe Max afin de l’obliger à dénoncer Evelyn, déterminée à faire survivre l’esprit numérisé de son défunt mari…

La critique :
La science-fiction, ces dernières années, a de nouveau le vent en poupe à Hollywood, aidée en cela par les succès au box-office d’Avatar, Gravity ou Inception. Transcendance se situe dans la droite lignée de ce dernier, ce qui n’étonne pas, puisque le film est produit sous l’égide de Christopher Nolan et son épouse Emma Thomas ; et il marque la première réalisation de Wally Pfister, chef opérateur attitré de Nolan depuis leurs débuts. Pour parfaire un peu plus le lien, Pfister rassemble autour de Johnny Depp un casting essentiellement composé de vedettes familières de l’univers de Nolan, occupé de son côté à tourner le très attendu Interstellar. On retrouve ainsi des acteurs « nolaniens » tels que Rebecca Hall (Le Prestige), Cillian Murphy (Inception et la trilogie Dark Knight) et Morgan Freeman (également les Dark Knight), auxquels se sont joints Paul Bettany et Kate Mara. Tout ce petit monde évolue dans une intrigue a priori passionnante, un vrai sujet de SF contemporaine en phase directe avec la réalité scientifique : le transhumanisme, « doctrine » scientifique naissante, controversée s’il en est, plaidant en faveur d’une fusion imminente entre l’humain « organique » et la machine. Les spécialistes de l’intelligence artificielle s’opposent passionnément depuis des années sur la possibilité de transférer la conscience humaine dans un superordinateur, ou de « réparer » le corps humain par la nanotechnologie de pointe. Des idées bien réelles, posant des problèmes éthiques majeurs, et qui avaient tout pour donner lieu à un film unique. Malheureusement, le film de Pfister ne remplit qu’à moitié ses ambitieux objectifs.

Transcendance, sans être objectivement mauvais, n’emporte pas plus l’adhésion que cela, probablement à cause d’un relatif manque d’audace dans son écriture. L’univers évoqué dans le film apportait avec lui de très intéressantes prémices, mais celles-ci semblent plus survolées qu’approfondies. Le film est techniquement impeccable (on n’en attendait pas moins de la part de l’ancien chef-opérateur de Nolan), mais joue trop la sécurité avec une histoire d’amour entre ses deux personnages principaux, laissant de côté les idées les plus folles et les plus inquiétantes du script, comme ces humains « réparés » par Will et dont le libre arbitre est transformé en esprit de ruche. Rebecca Hall, cependant, s’en sort mieux que Johnny Depp, ici limité par le fait qu’il joue un personnage « désincarné ». La prestation de la comédienne , entre inquiétude et tristesse, est l’un des bons points du film. On aurait aimé aussi voir les points de vue des autres personnages du film un peu plus développés, notamment ceux de la cyberterroriste jouée par Kate Mara (House of Cards) ou le brave collègue incarné par le toujours bon Paul Bettany. Malheureusement, les personnages secondaires ont le plus souvent l’air d’être dépassés par les évènements, et n’intéressent pas vraiment le spectateur. Dommage, aussi, que le bouleversement social et spirituel qu’amène le transhumanisme soit réduit dans le film à une simple menace sectaire, réglée à coups de roquettes. Le récit aurait sûrement gagné en intérêt si Pfister avait poussé un peu plus loin l’extrapolation : un « ordinateur humain » étendant sa conscience à la planète entière via la nanotechnologie, ce n’est quand même pas rien…
Trop prudent, Transcendance préfère jouer sur les sentiers plus rassurants d’un film intimiste. Tant pis pour ceux qui attendaient l’équivalent d’un Brainstorm de l’ère numérique…
Ludovic Fauchier.
ci-dessus : un documentaire sur le transhumanisme, diffusé sur France 2.
(NOTE : personnellement, je n’ai pas regardé ce reportage en entier, et je n’ai pas d’opinion tranchée sur le sujet… L.F.)
La fiche technique :
Réalisé par Wally Pfister ; scénario : Jack Paglen ; produit par : Kate Cohen, Broderick Johnson, Andrew A. Kosove, Annie Marter, Marisa Polvino, Aaron Ryder, David Valdes, Brad Arensman, Yolanda T. Cochran, Mary Regency Boies et Scott Robertson (Alcon Entertainment / DMG Entertainment / Straight Up Films / Syncopy) ; producteurs exécutifs : Dan Mintz, Christopher Nolan et Emma Thomas
Musique : Mychael Danna ; photo : Jess Hall ; montage : David Rosenbloom
Décors : Chris Seagers ; direction artistique : Dawn Swiderski ; costumes : George L. Little
Effets spéciaux visuels : Nathan McGuinness (Double Negative / Stereo D) ; effets spéciaux de plateau : Scott R. Fisher
Distribution USA : Warner Bros. / Distribution International : Summit Entertainment / Distribution France : SND
Caméras : Arriflex 235 et 435 ES, Panavision Panaflex Millennium Xl2 et Platinum, et Phantom Flex
Durée : 1 heure 59