• Accueil
  • > Archives pour septembre 2014

Archives pour septembre 2014

Aux disparus de l’été 2014…

Bonjour, chers amis neurotypiques ! L’été 2014 s’achève, et il fallait bien évoquer le souvenir de quelques figures marquantes du cinéma, disparues durant la saison… Ces dernières semaines, ce fut l’été meurtrier, si vous me passez l’expression, mais rassurez-vous, la Grande Faucheuse Cinéphile devrait (en principe) se calmer et nous pourrons revenir aux traditionnelles critiques de film. Voici le parcours et les souvenirs de quatre noms familiers du grand écran qui s’en sont allés cet été.

L. F.

 

Aux héros oubliés 2014... Richard Attenborough

Lord Richard Attenborough (1923-2014) était bien sûr le cinéaste oscarisé de Gandhi, ou l’acteur de La Grande Evasion et Jurassic Park… mais sa carrière ne s’est pas limitée pour autant à ces titres. En près de soixante-dix années de carrière, il semblait avoir tout vu, tout fait, dans le milieu du cinéma et du théâtre ; depuis ses débuts chez les cinéastes britanniques de la grande époque, jusqu’à sa participation dans le film de dinosaures de Steven Spielberg, en passant par quelques très grands classiques anglais et américains des années soixante, Lord Richard Attenborough s’est dépensé sans compter. Cumulant une impressionnante série de distinctions dépassant le cadre du cinéma et du théâtre, il fut aussi salué et renommé pour son implication dans de très nombreuses activités caritatives dans le monde entier (voir la liste phénoménale dressée par Wikipédia, dépassant une soixantaine de titres honorifiques divers). Difficile donc de résumer une carrière aussi riche en quelques paragraphes… Quoiqu’il en soit, ce drôle de petit homme toujours aimable et chaleureux, immédiatement reconnaissable à son visage poupin qui, avec l’âge, ressemblait au véritable Père Noël (qu’il incarna d’ailleurs !), laisse une trace particulière, en tant qu’acteur, réalisateur et producteur, dans l’histoire du cinéma. Lord Richard Attenborough méritait bien d’être salué ici comme il se doit, de la part d’un spielbergo-dinosaurien invétéré.

Richard Samuel Attenborough naquit à Cambridge le 29 août 1923, de parents universitaires très respectés (son père était un ancien diplômé de la grande université, expert reconnu en loi anglo-saxonne, et proviseur de lycée à Leicester). L’éducation ne fut pas un vain mot chez les Attenborough, le futur acteur-cinéaste et ses deux frères cadets eurent tous de belles carrières dans leurs domaines respectifs. Son plus jeune frère, Sir David Attenborough, est un très célèbre naturaliste en Grande-Bretagne, auteur d’émissions sur la vie animale diffusées dans le monde entier. Attenborough eut aussi deux sœurs adoptives, juives allemandes, recueillies par ses parents après leur fuite hors de l’Allemagne nazie en 1939. Une légende tenace veut que Richard Attenborough ait commencé à jouer au théâtre dès l’âge de trois ans ; toujours est-il qu’il fit réellement ses débuts d’apprenti comédien au Little Theater de Leicester, où il fit sa scolarité. Il entra ensuite à la prestigieuse RADA, la Royal Academy of Dramatic Arts, véritable vivier à talents et centre formateur des plus grands comédiens britanniques. Il fit ses débuts professionnels d’acteur sur les planches au moment où l’Angleterre entra en guerre contre l’Allemagne d’Hitler ; tout en jouant au théâtre, il fit ses grands débuts au cinéma en 1942 dans le célèbre film de guerre de Noel Coward et David Lean, Ceux qui servent en mer. Un petit rôle, non crédité, celui d’un jeune matelot terrorisé par les combats, et qui fuyait son poste au grand déplaisir, très britannique, de son flegmatique commandant joué par Coward… Richard Attenborough, avec son allure de petit garçon inquiet, excella à jouer des rôles similaires dans les années qui suivirent. Le jeune homme s’engagea dans la RAF, rejoignant l’unité de tournage dirigée par John Boulting pour filmer les opérations du Bomber Command. Tout en jouant dans des films de propagande (Journey Together, en 1943, avec Edward G. Robinson), le jeune Attenborough participa à des vols extrêmement dangereux, filmant depuis un bombardier les terribles images de tapis de bombes déversées sur les villes allemandes. En 1945, Attenborough épousa Sheila Sim, sa consoeur étudiante à la RADA, qui joua souvent avec lui à l’écran. Ils eurent trois enfants.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : Brighton Rock (Le Gang des Tueurs) lança la carrière de Richard Attenborough au cinéma, en 1947, dans le rôle de l’inquiétant Pinkie Brown.

Après la guerre, les rôles vont s’enchaîner. D’abord des rôles très secondaires (par exemple un pilote de la RAF accueilli au Paradis, dans Une question de vie et de mort, de Michael Powell et Emeric Pressburger, en 1946), puis, très vite, ceux-ci vont céder la place aux premiers rôles, essentiellement grâce aux films produits et réalisés par les frères John et Roy Boulting, avec qui il signa un contrat. En 1947, Richard Attenborough fit sensation en reprenant le rôle de Pinkie Brown, petit gangster psychopathe, qu’il avait déjà incarné au théâtre dans l’adaptation par John Boulting du roman de Graham Greene, Brighton Rock (Le Gang des Tueurs). Dans cet excellent film noir très inspiré par le cinéma de Fritz Lang, Attenborough fut remarquable, montrant une monstruosité qu’on ne lui connaîtra guère par la suite. Le film fut un succès en Grande-Bretagne, et fit du jeune acteur une star dans son pays. Dans la décennie qui suivra, Attenborough sera le plus souvent à l’affiche de comédies très populaires avec Terry-Thomas (Private’s Progress / Ce Sacré Z’héros, 1956, ou I’m All Right Jack / Après moi, le Déluge, 1959 – ce dernier comprenant aussi Peter Sellers), de films de guerre à la gloire des soldats britanniques durant la 2ème Guerre Mondiale (Gift Horse / Commando sur Saint-Nazaire, Dunkerque, Danger Within), et de films policiers. Citons aussi son rôle d’un écolier de 13 ans, dans The Guinea Pig, alors qu’il en avait déjà 25 ! Ou encore sa participation, en 1951, au classique La Boîte magique, toujours réalisé par John Boulting. Toutefois, lassé de jouer les utilités dans des productions souvent mineures, Richard Attenborough voulait monter ses propres projets. Cet esprit érudit, passionné d’Histoire et d’éthique, cherchait à produire des films plus personnels, sa célébrité dans son pays lui permettant peu à peu de s’émanciper professionnellement. Avec le jeune cinéaste Bryan Forbes, Attenborough créa la société de production Beaver Films. Cumulant les postes de producteur et d’acteur, Richard Attenborough sera ainsi le garant de productions de qualité, obtenant le plus souvent le succès public et l’intérêt critique. Cela commença avec The League of Gentlemen / Hold-up à Londres, film policier de Basil Dearden avec Jack Hawkins (1959) ; Attenborough fut excellent dans The Angry Silence (Le Silence de la Colère) de Guy Green, en 1960. Il y jouait le rôle de Tom Curtis, un ouvrier suspecté d’être un traître par ses collègues grévistes. Toujours pour Beaver Films, Attenborough produisit Whistle down the wind (Le Vent garde son secret) de Bryan Forbes, où il fit une petite apparition.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : scène de calvaire conjugal pour le pauvre Billy Savage, joué par Richard Attenborough dans Seance on a Wet Afternoon (Le Rideau de Brume), complètement étouffé par sa chère moitié dérangée (Kim Stanley)…

Avec les années 1960, les studios hollywoodiens cherchaient de plus en plus de grandes coproductions internationales, susceptibles de rallier les spectateurs à des films spectaculaires. Les acteurs britanniques, irréprochables professionnels, furent à la fête dans les castings de ces films restés dans la mémoire collective. Richard Attenborough, fort de son expérience de ses personnages de soldats et d’officiers, rejoignit en 1963, le casting de La Grande Evasion de John Sturges ; pour ce qui reste sûrement le meilleur récit d’évasion jamais filmé, Richard Attenborough était tête d’affiche avec Steve McQueen et James Garner, entourés de Charles Bronson, James Coburn, James Donald, Donald Pleasance et David McCallum. Le film retraçait (en romançant quelque peu) l’histoire vraie de la fuite de 250 prisonniers de guerre au nez et à la barbe de leurs geôliers nazis. Evasion méticuleusement planifiée dans le film par le Major Bartlett dit « Grand X », auquel Attenborough donna ses traits. Il y fut un peu le « clown blanc » de service, l’homme sérieux et organisé de cette galerie de personnages bravaches et débrouillards. Attenborough alterna les seconds rôles efficaces dans d’autres productions anglo-américaines, tout en s’attelant à ses projets de producteur, et en effectuant des recherches détaillées sur la vie du Mahâtma Gandhi… En 1964, Attenborough produisit et joua le rôle principal de Seance on a wet afternoon (Le Rideau de Brume) pour Bryan Forbes ; il fut salué et récompensé du BAFTA Award du Meilleur Acteur pour son personnage de Billy Savage, mari veule d’une fausse médium (Kim Stanley) poussé par cette dernière à commettre un kidnapping. Sa récompense fut groupée avec un autre rôle très réussi, celui du Sergent Major Lauderdale dans le drame guerrier Les Canons de Batusi de John Guillermin. On retrouva Attenborough à l’affiche, l’année suivante, du Vol du Phénix, classique du cinéma d’aventures où il était le co-pilote de James Stewart, tous deux naufragés des airs dans le Sahara, et devant tenir tête à leurs passagers assoiffés. Attenborough fut aussi très bon dans The Sand Pebbles (La Canonnière du Yang-Tsé), chef-d’oeuvre épique de Robert Wise, où il retrouva Steve McQueen, tous deux jouant des matelots américains confrontés aux troubles civils en Chine, en 1926. Attenborough y était le matelot Frenchy Burgoyne, tombé amoureux d’une jeune chinoise et perdant tout pour la protéger. Un personnage à la naïveté aussi touchante que tragique, et la performance d’Attenborough fut saluée d’un Golden Globe du Meilleur Acteur dans un Second Rôle. En 1967, Richard Attenborough obtint de nouveau cette récompense pour un personnage bien plus léger : Albert Blossom, organisateur de spectacle de cirque, aimable mais cupide, dans la comédie musicale Doctor Dolittle (L’Extravagant Docteur Dolittle), de Richard Fleischer, avec Rex Harrison. Son personnage y exhibait un animal bizarroïde, le Pushmi-Pullyu, un lama à deux têtes… La bonhomie joviale d’Attenborough rendait son personnage plutôt sympathique, et il n’est pas interdit d’y voir les prémices de son personnage de Jurassic Park.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : vous pensiez que Richard Attenborough ne jouait que des gentils grands-pères éleveurs de dinosaures ? Ne regardez pas 10 Rillington Place (L’Etrangleur de Rillington Place), où le comédien donna ses traits à un véritable tueur en série, John Reginald Christie…

Avec les années 1970, l’acteur choisit de mettre sa carrière en retrait, pour pouvoir enfin devenir un cinéaste à part entière. Durant cette nouvelle décennie, Sir Richard Attenborough (devenu Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique en 1967) alterna ainsi les projets de metteur en scène, affichant sa préférence pour les grands sujets historiques, et les « simples » rôles de comédien. En 1969, il réalisa Ah Dieu ! que la Guerre est jolie !, une très curieuse comédie musicale antimilitariste, critiquant l’attitude des élites militaires britanniques durant la 1ère Guerre Mondiale, avec les plus grands noms de la scène et de l’écran britanniques participèrent : Laurence Olivier, Michael Redgrave et sa fille Vanessa, John Gielgud, Ralph Richardson, Maggie Smith, Jack Hawkins, etc., tous reprenant des chansons classiques de l’époque dans une suite de tableaux ironiques. Le public suivit, les critiques (et certains historiens traditionnalistes) un peu moins. Parmi les films dans lesquels joua Richard Attenborough durant cette période, il faut s’attarder sur sa performance dans 10 Rillington Place (L’Etrangleur de Rillington Place), dû à Richard Fleischer. Attenborough campait John Reginald Christie, tueur en série tristement célèbre dans l’histoire criminelle de l’Angleterre, un homme ordinaire qui, se faisant passer pour un médecin amateur, asphyxiait, violait et tuait des femmes trop confiantes ; l’affaire fit d’autant plus grand bruit que Christie avait fait d’un certain Tim Evans le faux coupable idéal, condamné à mort à sa place pour le meurtre de sa femme Beryl et de leur bébé Géraldine… Histoire glaçante, pour un des films les mieux documentés sur un vrai tueur en série, et l’interprétation d’Attenborough était saisissante. Avec sa voix doucereuse, ses manières polies et gentiment autoritaires, et sa façon de se tenir en retrait tout en étudiant ses proies potentielles, Attenborough réussit à convaincre qu’il était ce personnage abominable. Les scènes où il manipulait le pauvre Evans (un excellent John Hurt) étaient particulièrement déstabilisantes. Sorti de cet affreux personnage, Attenborough réalisa ensuite, en 1972, Young Winston (Les Griffes du Lion), biopic sur la jeunesse de Sir Winston Churchill, avec Simon Ward, Robert Shaw, Anne Bancroft, et un tout jeune comédien prometteur : Anthony Hopkins, qui sera son acteur préféré. Le film se situait dans la lignée des grands films épique de David Lean, sans toutefois en retrouver le souffle.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : Attenborough réalisateur signa le méconnu Magic en 1977. Dans cette scène, Corky Withers (Anthony Hopkins) est mis à l’épreuve par son agent (Burgess Meredith) de se séparer de sa marionnette Fats pendant cinq longues, très longues, minutes… Un supplice pour le magicien consumé par sa schizophrénie. 

On retrouva Attenborough acteur en 1975, face à Peter O’Toole dans Rosebud, un film raté d’Otto Preminger, et face à John Wayne venu jouer les Dirty Harry à Londres dans Brannigan. En 1976, Richard Attenborough se lança dans un nouveau projet épique : le film de guerre Un Pont Trop Loin, d’après Cornelius Ryan, relatant l’échec stratégique de l’Opération Market Garden qui devait libérer la Hollande du joug nazi en septembre 1944. Le film se situait dans la tradition instaurée par Le Jour le Plus Long : les Alliés, simples soldats ou prestigieux officiers, étaient tous joués par les stars de l’époque. Dirk Bogarde, Gene Hackman, James Caan, Robert Redford, Michael Caine, Elliott Gould, Ryan O’Neal, etc. venaient donc jouer devant les caméras d’Attenborough. La reconstitution était soignée, mais le film, assez académique (un reproche souvent fait au réalisateur) ne convainquit qu’à moitié. Reste que les scènes d’action étaient réussies, notamment les combats sur le pont d’Arnhem mettant en valeur les commandos de Sa Majesté, menés par Sean Connery et Anthony Hopkins. En 1977, Attenborough se fit remarquer en tant qu’acteur, jouant l’impitoyable Général Outram dans le film de Satyajit Ray, Les Joueurs d’Echecs. Peu après, il remplaça au pied levé Norman Jewison pour réaliser Magic, écrit par William Goldman. Un excellent film fantastique, de pure angoisse psychologique, où Corky Withers (Anthony Hopkins), un illusionniste timide, invente un numéro de ventriloque qui remporte un grand succès. Terrifié à l’idée de devenir une star, Corky se réfugiait auprès de son amour de jeunesse (adorable Ann-Margret) pour trouver un peu de sérénité… malheureusement, Fats, sa marionnette, à la personnalité cinglante et grossière, le dominait peu à peu. Histoire à la fois inquiétante et touchante, aidé par la prestation d’Hopkins (qui manipule et prête sa voix à Fats, basé sur son propre visage), est devenu un petit classique méconnu du genre. Richard Attenborough jouera ensuite dans le dernier film d’Otto Preminger, The Human Factor (La Guerre des Otages), qui sera (temporairement) son dernier rôle au cinéma, en 1979.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : Gandhi, ou le couronnement de Richard Attenborough en tant que cinéaste. Pour mettre fin aux massacres entre groupes religieux qui ont marqué la séparation de l’Inde et du Pakistan, Mohandas Gandhi (Ben Kinglsey) entame une nouvelle grève de la fin qui peut lui être fatale. Un hindou (Om Puri) vient à lui pour le faire changer d’avis…

En 1980, Richard Attenborough put enfin rassembler les fonds nécessaires à la réalisation de son projet : Gandhi, après presque vingt ans de recherches et de démarches, fut enfin tourné. Un tournage marathon qui aboutit à la sortie du film, deux ans après. Un beau succès personnel pour le réalisateur-acteur, le film ayant été récompensé de huit Oscars, dont celui du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur. Sans oublier cinq Golden Globes (dont, là encore, ceux du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur) et autant de BAFTA Awards, parmi une flopée d’autres prix internationaux et un déluge de louanges pour cette biopic remarquablement documentée, sur la longue vie et les combats politiques de Mohandas Karamchand Gandhi (Ben Kingsley), timide petit avocat de seconde zone devenu le père spirituel de la Nation Hindoue, et le défenseur acharné de la non-violence, face à la répression coloniale britannique comme face aux troubles religieux enflammant son pays indépendant en 1947. Le film reste bien évidemment un tour de force de la part de Ben Kingsley, transformé et justement récompensé pour son interprétation de Gandhi. La mise en scène d’Attenborough, alternant grandes scènes épiques et moments intimistes, s’inscrivait quant à elle dans la tradition du cinéma de David Lean, qui avait failli d’ailleurs tourner son propre film sur Gandhi ; il fut même question, à la fin des années 1960, qu’Attenborough jouât le rôle pour lui… Après ce triomphe, Sir Richard Attenborough, signa en 1985 la comédie musicale Chorus Line, avec Michael Douglas entamant une relation avec une de ses danseuses (instincts basiques…). Attenborough fut une nouvelle fois nominé aux Golden Globes. Puis, en 1987, il réalisa Cry Freedom. Ecrit par John Briley, son scénariste de Gandhi, le film relatait le combat de Steve Biko (Denzel Washington) contre la ségrégation raciale violente en Afrique du Sud, face au gouvernement de Pretoria. Le film racontait aussi la prise de conscience d’un journaliste blanc, Donald Woods (Kevin Kline), réalisant à ses risques et périls la violence de ce gouvernement honni (et toujours actif lorsque le film fut tourné). Un grand et noble projet, solidement mis en scène, Attenborough obtenant de remarquables performances de Kline et de Washington, débordant de charisme et de chaleur humaine dans le rôle du défunt jeune leader sud-africain. Si le film obtint de nouvelles récompenses (nominations pour Attenborough aux Golden Globes), il s’attira quelques critiques en route, lorsque le film s’intéressait à la fuite de Woods et sa famille hors de son pays, plus qu’au combat de Biko. Malgré cette réserve, Cry Freedom n’en demeure pas moins un très beau film. Plus réussi, en tout cas, que Chaplin, sorti en 1992. Jugée trop longue, trop respectueuse et recouvrant une trop grande partie de la vie de Charles Chaplin (Robert Downey Jr.), de son enfance malheureuse jusqu’à ses démêlés avec le FBI l’accusant de sympathies communistes, cette biopic n’obtint qu’un accueil mitigé. Saluons toutefois le sens du casting de Richard Attenborough, véritable découvreur de talents : après avoir lancé les carrières de Ben Kingsley et Denzel Washington, il fit de même ici avec un jeune Robert Downey Jr. très convaincant, entouré d’une pléiade de têtes familières : Dan Aykroyd, James Woods, Diane Lane, l’indispensable Anthony Hopkins et la propre fille de Charlie Chaplin, Géraldine Chaplin, incarnant ici sa propre grand-mère, Hannah.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : un moment de calme dans Jurassic Park, où John Hammond (Richard Attenborough) tombe le masque et repart dans ses rêves enfantins, à la consternation d’Ellie Sattler (Laura Dern), morte d’inquiétude…

Et ensuite, Sir Richard Attenborough fit son come-back comme acteur, à soixante-dix ans, parmi les dinosaures ! Il accepta volontiers la proposition de Steven Spielberg de rejoindre le casting de Jurassic Park, sorti en 1993. Le cinéaste d’E.T. remercia ainsi son aimable confrère, oscarisé à sa place pour Gandhi, qui avait pourtant parlé en sa faveur. Il lui donna le rôle de John Hammond, l’homme d’affaires milliardaire excentrique, propriétaire d’un parc naturel où s’ébattent en liberté surveillée des dinosaures bien vivants, ressuscités par l’ingénierie génétique. Au grand dam des trois scientifiques invités pour expertiser son parc (Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum), la visite merveilleuse tournera comme on le sait au désastre, un sabotage permettant aux plus dangereux pensionnaires du zoo de faire leur grande évasion… Certes, ce furent les dinosaures plus vrais que nature qui attirèrent en masse le public, mais, parmi les acteurs, Attenborough s’amusa comme un petit fou à donner un caractère très coloré à son personnage, beaucoup plus antipathique dans le roman original de Michael Crichton. Le Hammond d’Attenborough restait un grand enfant, jovial, charmeur, un brin manipulateur et mégalomane ; à l’instar de nombreux autres personnages de l’acteur-cinéaste, il restait mélancolique, ressassant ses souvenirs de jeunesse de son cirque de puces à Pettycoat Lane… et se montrait carrément irresponsable en envoyant, en totale bonne conscience, ses chers petits-enfants vers une mort certaine ! Ce personnage sympathique mais ambigu, entre Frankenstein et Walt Disney, reviendra quatre ans plus tard, défait et malade, dans Le Monde Perdu, le temps de deux scènes. Là encore, beaucoup d’accidents et de frayeurs avant qu’Hammond, racheté de ses erreurs passées, aie le dernier mot.

Cette même année 1993, Richard Attenborough signera aussi comme réalisateur un joli mélodrame très « cup of tea« , Shadowlands (Les Ombres du Cœur). Son vieil ami Anthony Hopkins y jouait le rôle de C.S. Lewis, respecté universitaire d’Oxford, auteur à succès des livres des Chroniques de Narnia, et célibataire endurci touché par l’amour pour la poétesse mariée Joy Gresham (Debra Winger). Une jolie romance dans laquelle Attenborough offrait à son acteur favori un de ses plus beaux rôles. Le triomphe planétaire de Jurassic Park aura permis à Sir Richard Attenborough de redevenir, temporairement, une star aux yeux du jeune public, et il avait l’allure idéale pour être en 1994 Kris Kringle, le vieux héros de Miracle sur la 34e Rue, remake d’un classique de 1947, où une petite fille se persuadait que ce gentil vieux bonhomme mythomane était bien le seul et unique Père Noël. Sir Richard Attenborough retourna à la mise en scène, mais avec moins de bonheur qu’auparavant ; il signa en 1996 le drame romantique In Love and War / Le Temps d’aimer, où le jeune Ernest Hemingway (Chris O’donnell), ambulancier durant la 1ère Guerre Mondiale, tombait amoureux d’Agnès, une infirmière polonaise jouée par Sandra Bullock. Peu convaincant, le film fut un échec. On revit Attenborough dans ses derniers rôles d’acteur : l’ambassadeur anglais invité à la cour du Hamlet de Kenneth Branagh ; et après son retour en Hammond dans Le Monde Perdu, Sir Richard Attenborough tint son dernier rôle au cinéma en 1998 en étant Sir William Cecil, le conseiller politique, Secrétaire d’Etat et Grand Trésorier, de la jeune Reine Elizabeth (Cate Blanchett), héroïne du film homonyme de Shekhar Khapur. Ralentissant ses activités au cinéma en raison de son grand âge et de ses nombreuses actions humanitaires, il signa ses deux derniers films, malheureusement moins notables : Grey Owl, un curieux film d’aventures de 1999, avec Pierce Brosnan en trappeur anglais devenant environnementaliste pro-indien ; et il signa son dernier film en 2007, Closing the Ring, ou War and Destiny, un mélodrame plein de nostalgie avec Shirley MacLaine et Christopher Plummer. Entré à la Chambre des Lords, très affaibli après diverses épreuves ces dernières années – il perdit sa fille, Jane, et une de ses petites-filles, tuées dans le tsunami du 26 décembre 2004 ; une attaque cardiaque en 2008 qui le diminua gravement -, Lord Richard Attenborough ne quittait plus la maison de repos où lui et son épouse Sheila passèrent ensemble leurs derniers jours. Le grand homme mourut finalement le 24 août 2014, à quelques jours de son 91ème anniversaire.

A l’annonce de son décès, tout ses proches, familles, amis et professionnels, saluèrent sa mémoire comme il se doit. Les nostalgiques des dinosaures d’Isla Nublar, dont votre serviteur fait partie, se joindront à eux ; le jeune réalisateur Colin Trevorrow, réalisateur de Jurassic World, chargé par Steven Spielberg de relancer la saga, a tweeté une photo d’une statue d’Attenborough dans son personnage d’Hammond, utilisée pour le décor du film qui sortira l’an prochain.

Respect, Sir Richard Attenborough, pour votre parcours.

 

Aux héros oubliés 2014... James Garner

James Garner (1928-2014)

Dur été pour les derniers héros de La Grande Evasion. Un moins avant Lord Richard Attenborough, James Garner, le « Chapardeur » de la bande, s’en était allé le 19 juillet dernier… James Garner était une figure familière du petit et du grand écran américains, où sa belle gueule et son sens de l’humour lui valaient la sympathie immédiate du public. S’il ne fut pas à proprement parler une superstar, Garner eut quand même droit à des premiers rôles mémorables dans des classiques, particulièrement durant les années 1960 où il fut une tête d’affiche des plus appréciées.

Né James Baumgarner (ou Bumgarner, selon les biographies) dans une famille méthodiste de Norman, petite ville de l’Oklahoma, le 7 avril 1928, il eut une enfance difficile. Lui et ses frères perdirent leur mère, morte quand il n’avait que cinq ans, et leur père Weldon, un poseur de tapis, se remaria quelques temps plus tard. La belle-mère Baumgarner était une femme violente et détestable, qui battait les trois garçons pour un oui ou un non, et s’en prenait surtout à James, le plus jeune des trois frères. Le père divorça après un incident gravissime où elle faillit tuer James, et emménagea à Los Angeles. A 16 ans, James Baumgarner, après des petits boulots, s’engagea dans la marine marchande à la fin de la 2ème Guerre Mondiale, mais souffrait du mal de mer. Après quoi, il rejoignit son père à Los Angeles, alla à la Hollywood High School puis revint à Norman pour ses études, qu’il ne finit jamais… Populaire, bon sportif, il y était le « mec sympa » par excellence, et de son propre aveu un très mauvais élève. Engagé dans la Garde Nationale, James Baumgarner alla ensuite servir en Corée durant 7 mois, en tant que soldat durant le conflit. Il fut un bon soldat, blessé à deux reprises (dont une blessure au genou qui le fera souffrir jusqu’à la fin de sa vie), récompensé à deux reprises de la Purple Heart. Il déclara de cette époque qu’elle fut « ses années de lycée », où il développa une personnalité de joyeux combinard et « parasite », le préparant en quelque sorte à ses futurs rôles à succès… Revenu à la vie civile, il décida de devenir acteur, rejoignant la troupe de la pièce The Caine Mutiny Court Martial avec Henry Fonda en tête d’affiche. James Baumgarner fit des apparitions dans des publicités avant d’être remarqué par les directeurs de casting de Warner Bros. : une solide carrure, le sens de la répartie et de l’humour, le voilà qui fit donc ses premières apparitions au cinéma, dans des seconds rôles, en 1956, dans The Girl He Left Behind avec Natalie Wood et Toward the Unknown avec William Holden. Tout naturellement, il apparaîtrait aussi dans des productions télévisées estampillées Warner Bros., où il avait signé un contrat. Le studio ne prit pas la peine de le prévenir que son nom fut changé en « James Garner », à sa grande colère, mais il s’y fit… Et la télévision fut son tremplin, dans une ambiance de western.

La télévision américaine fit une consommation massive de séries westerns à la fin des années 1950. C’est ainsi que James Garner put créer le personnage qui le rendit célèbre : le joueur de poker professionnel Bret Maverick, charmeur, truqueur et baratineur, plus malicieux que violent, et se servant davantage de sa cervelle que d’un revolver, à l’opposé des conventions du genre. Le personnage apparut dans un épisode de la série Sugarfoot, et plut tellement que le producteur Roy Huggins, avec Garner, créa la série Maverick autour de ce sympathique anti-héros. De 1957 à 1960, Garner battit des records d’audience, et croisa un grand nombre de « gueules » familières du western (Slim Pickens, Lee Van Cleef…), ainsi que quelques débutants à l’aube de leur carrière, comme Robert Redford ou Clint Eastwood. Ce dernier apparut en méchant desperado dans l’épisode Duel at Sundown, tourné avant qu’il ne devienne lui-même une star grâce à Rawhide ! Quarante ans plus tard, Eastwood retrouvera avec plaisir Garner pour un autre type de western…

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : un moment classique de La Grande Evasion. Pour Hendley (James Garner) et son copain myope Blythe (Donald Pleasance), la chance de faire la nique aux nazis se joue à peu de choses…

Une brouille avec les responsables du studio poussera finalement Garner à tenter sa chance au cinéma, dans les premiers rôles. L’acteur aura ainsi une bonne côte de popularité au box-office durant les années 1960. On le vit notamment avec Shirley MacLaine et Audrey Hepburn dans le drame de William Wyler The Children’s Hour (La Rumeur, 1961), dans les comédies à succès avec Doris Day The Thrill of it all (Le Piment de la Vie) de Norman Jewison, et Pousse-toi, Chérie, tous deux sortis en 1963. On se souvient surtout de son rôle de Hendley, le pickpocket truqueur de La Grande Evasion de John Sturges, triomphe au box-office de cette même année 1963. Toujours décontracté, Garner y fut quelque peu éclipsé par un Steve McQueen alors en pleine ascension, mais il s’en sortait très bien, notamment dans ses scènes où il fait équipe avec l’ornithologue faussaire atteint de cécité campé par Donald Pleasance. Citons aussi The Americanization of Emily (Les Jeux de l’Amour et du Hasard, 1964), comédie dramatique d’Arthur Hiller avec Julie Andrews, et qui resta son film préféré ; la comédie The Art of Love (1965) toujours de Norman Jewison, avec Angie Dickinson ; Grand Prix (1966), le film de John Frankenheimer qui lui permit de mettre en avant sa passion des courses automobiles, aux côtés de Toshirô Mifune, Eva Marie Saint et Yves Montand ; Duel at Diablo (La Bataille de la Vallée du Diable, 1966) de Ralph Nelson avec Sidney Poitier, et l’intéressant Year of the Gun (Sept Secondes en Enfer, 1967) de John Sturges avec Jason Robards, sont deux solides westerns, le second faisant suite au classique Règlement de Comptes à OK Corral, en racontant ce qui arriva après la fameuse fusillade. Garner y tenait le rôle de Wyatt Earp, le Marshal de Tombstone, succédant à Henry Fonda et Burt Lancaster. Cependant, le manque de succès de certains de ces films (Grand Prix notamment) et le registre limité des rôles offerts au comédien l’amenèrent à jouer dans des films de moindre importance. Citons par exemple Marlowe (La Valse des Truands), où il campe le fameux détective privé affrontant un tueur à gages joué par Bruce Lee, ou Support your local Sheriff !, un western comique, tous deux sortis en 1969.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : une belle scène de Victor/Victoria, où King (James Garner) et Victoria (Julie Andrews) réalisent qu’ils ont bien du mal à accorder leurs violons. Un avocat gangster persuadé, de ne pas en être un, peut-il vivre avec une femme jouant à être un homme se faisant passer pour une femme, sans craindre pour sa réputation ?

Sa carrière au cinéma battant de l’aile, James Garner, à 46 ans, revint à la télévision pour jouer dans sa seconde série à succès, créée par Roy Huggins et Stephen J. Cannell : ce sera The Rockford Files (200 Dollars, plus les frais), qui, entre 1974 et 1980, captiva les spectateurs de la chaîne NBC. Garner y jouait Jim Rockford, un ex-détenu condamné à tort, devenu détective privé pour aider d’autres personnes victimes d’erreurs judiciaires. Un beau succès pour l’acteur, qui y retrouva une certaine popularité, en jouant toujours de son humour décontracté. Dans les années 1980, après un bref come-back télévisé dans la peau de son personnage fétiche (Bret Maverick, 1981-82), James Garner apparut dans quelques films notables. Il fut excellent dans la comédie de Blake Edwards, Victor/Victoria (1982), où il jouait un avocat véreux, homme à femmes subitement troublé par l’étrange « Comte Victor Grazinski », alias Victoria Grant (Julie Andrews), chanteuse se faisant passer pour un homme travesti en femme ! Le film reste un modèle d’écriture et de mise en scène, et le timing comique de Garner, dont le personnage voyait ses préjugés sexuels remis en cause par l’amour dans le Gay Paris des années 1930, fait mouche. En 1985, Garner fut salué par la critique pour son rôle dans Murphy’s Romance (1985), une comédie romantique de Martin Ritt, où il jouait un pharmacien veuf amoureux d’une femme divorcée plus jeune que lui, jouée par Sally Field. Garner obtint sa seule nomination à l’Oscar, pour son second rôle. Il retrouva Blake Edwards dans le polar humoristique Sunset (Meurtre à Hollywood, 1988), où il incarna à nouveau Wyatt Earp. Le héros légendaire du Vieil Ouest finissait ici ses jours comme consultant technique à Hollywood dans les années 1920, faisant équipe avec le cow-boy de l’écran Tom Mix (Bruce Willis) pour résoudre une sombre affaire criminelle.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : le Révérend Tank Sullivan (James Garner), retraité de l’US Air Force, va retrouver une seconde jeunesse grâce à son vieux copain Frank Corvin (Clint Eastwood), dans ce passage savoureux de Space Cowboys !

James Garner continuera, tout au long des années 1990 et 2000, de faire des apparitions à la télévision. Il décrocha notamment des nominations au Golden Globe du Meilleur Acteur pour les téléfilms Decoration Day (1990) et Barbarians at the Gates (1993). Il reprit le rôle de Jim Rockford pour une nouvelle série de The Rockford Files, sera également présent dans le casting de la série Chicago Hope (1994-2000) et rejoindra celui de la sitcom 8 Simple Rules… (Touche pas à mes filles !), de 2003 à 2005, après le décès de l’acteur principal, John Ritter. Au cinéma, James Garner retrouva l’univers western de Bret Maverick dans l’adaptation signée Richard Donner en 1994, aux côtés de Mel Gibson, Jodie Foster et James Coburn. Garner y jouait Zane Cooper, un marshal filou, et qui n’était autre que Bret Maverick surveillant son fils homonyme joué par Gibson. La bonne humeur régnait sur ce film très cabotin, bien plus proche de l’esprit des Lucky Luke que des westerns d’antan. Et, près de quarante ans après s’être croisés sur le plateau de Maverick, Clint Eastwood et James Garner partageront l’affiche d’un même film. A la demande de Clint, Garner accepte de jouer avec ce dernier, Tommy Lee Jones et Donald Sutherland une bande de papys astronautes toujours verts dans le savoureux Space Cowboys, sorti en 2000. Garner y était toujours à l’aise dans les scènes de comédie – voir les hilarantes scènes d’entraînement à la NASA, ou lorsqu’il s’embrouille dans le sermon qu’il doit prononcer… Grand fumeur, l’acteur, affaibli par les problèmes de santé (des opérations du genou durant les années 1970, un quintuple pontage en 1988), dut réduire ses activités. Il obtint cependant les félicitations des critiques pour son dernier rôle notable dans le drame romantique de Nick Cassavetes, The Notebook (N’oublie jamais, 2004). James Garner apparut pour la dernière fois au cinéma en 2007 dans le film The Ultimate Gift, et prit sa retraite, se contentant de quelques doublages, avant qu’une crise cardiaque ne l’emporte dans sa villa de Beverly Hills, le 19 juillet dernier.

Aux héros oubliés 2014... Dick Smith

Dick Smith (1922-2014)

Cet homme très tranquille, méconnu du grand public, fut sans doute responsable d’un grand nombre de cauchemars faits par les spectateurs de la planète entière en 1973, lorsque L’Exorciste sortit dans les salles obscures… Toutefois, le nom de Dick Smith ne se limite pas à la création de ses remarquables maquillages pour le film terrifiant de William Friedkin. Ce grand chef maquilleur a su, en même temps que John Chambers (La Planète des Singes) ou Stuart Freeborn (Docteur Folamour, 2001 : L’Odyssée de l’Espace, Star Wars), faire entrer le maquillage de cinéma dans une nouvelle ère, grâce à des techniques originales qui continuent d’être appliquées par les meilleurs experts de ce domaine. Dick Smith fut un pionnier et le mentor d’une génération de génies du latex et des prothèses, qui ont depuis littéralement fait le cinéma fantastique moderne, à commencer par son plus célèbre disciple : Rick Baker (Le Loup-garou de Londres, Greystoke la Légende de Tarzan, Men In Black, etc.) qui lui a rendu un hommage sincère dès l’annonce du décès de son mentor. La filmographie de Dick Smith suffit à elle seule à prouver le talent de cet artisan très spécial : il a ainsi travaillé non seulement avec William Friedkin, mais aussi avec John Schlesinger, Arthur Penn, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Michael Cimino, David Cronenberg, Ken Russell, John Carpenter, Milos Forman ou Robert Zemeckis. Smith (que l’on voit ci-dessus poser parmi ses créations, se tenant juste au-dessus de la tête de Regan dans L’Exorciste) créa aussi bien des effets mémorables pour quelques films fantastiques bien traumatisants, mais aussi une gamme de maquillages plus discrets, quasiment invisibles, dans des productions de très grand prestige.

Né Richard Emerson Smith à Larchmont, New York, le 26 juin 1922, Dick Smith voulait devenir dentiste dans sa jeunesse, et il suivit des cours préparatoires à l’école Wooster puis à l’Université de Yale. En créant des maquillages pour le groupe d’art dramatique de Yale, Smith trouva sa véritable voie. Son tout premier travail de maquilleur au cinéma fut pour un western de série B, The Cowboy and the Blonde, en 1941. Après le service militaire durant la 2ème Guerre Mondiale, Smith reprit son travail de maquilleur ; au cinéma, il sera crédité pour la première fois au générique sur un film d’aventures dû à Henry Hathaway, Down to Sea in Ships (Les Marins de l’Orgueilleux) en 1949. Ce fut toutefois à la télévision que Dick Smith travailla le plus souvent ; nommé directeur du département maquillage de la chaîne NBC, il y officiera durant 14 années, sur des séries et des téléfilms. Il se démarquera des effets de maquillage ordinaires par la création de prothèses en mousse de latex, appliquées sur le visage des comédiens ; un procédé très différent à une époque où les maquilleurs professionnels préféraient « tartiner » les pauvres acteurs dans des masques rigides, étouffant leurs interprètes. Avec la méthode imaginée par Smith, les comédiens étaient nettement plus libres, gardant leurs expressions naturelles, même s’ils devaient jouer un monstre ou un vieillard. Smith expérimenta des trucages astucieux, comme le visage à demi effacé de Barry Morse dans la série fantastique de Roald Dahl, Way Out, ou le vieillissement accéléré du vampire Barnabas Collins (Jonathan Frid) dans la série Dark Shadows.

Le talent de Smith ne passerait pas inaperçu des cinéastes, à la toute fin des années 1960. Une période idéale pour le maquilleur, auteur en 1965 d’un livre culte pour les jeunes apprentis maquilleurs : Dick Smith’s Do-It-Yourself Monster Make-up Handbook, plein de conseils astucieux… tellement célèbre qu’il reste cité comme source d’inspiration par de nombreux maquilleurs professionnels et futurs cinéastes américains – voir le gamin du film Super 8, qui citait ce livre ! Le réalisateur britannique John Schlesinger engagea Dick Smith pour créer le maquillage de Ratso Rizzo (Dustin Hoffman), le petit escroc souffreteux de Macadam Cowboy en 1969. Dustin Hoffman, 33 ans à l’époque, repassera l’année suivante entre les mains de Dick Smith pour devenir Jack Crabb, un vieillard de 120 ans racontant sa jeunesse au temps du Far West dans le prologue de Little Big Man, d’Arthur Penn. Un coup de maître de la part de Smith : beaucoup de spectateurs se demandaient alors qui était ce vieillard chevrotant engagé ouvrant et concluant le film… avant de réaliser que c’était bien Dustin Hoffman, vieilli de 90 ans par Smith et totalement crédible !

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : dans les archives de tournage de L’Exorciste… Dick Smith au travail sur les effets de maquillage qui ont fait sa renommée – y compris le maquillage de Max Von Sydöw !

Avec ce coup de maître, Dick Smith rendit sa profession reconnaissable et honorable, même s’il faudra attendre 1981 avant que l’Académie des Oscars se décide enfin à créer une catégorie spéciale pour les génies du maquillage. Ironie du sort, si Smith fit sortir son métier de l’anonymat, il ne fut jamais récompensé d’un Oscar pour ses meilleurs travaux dans les années 1970. Et pourtant, quel parcours impressionnant… Après Little Big Man, et après avoir de nouveau transformé Dustin Hoffman dans Qui est Harry Kellerman ?, Smith va être engagé par Francis Ford Coppola pour travailler sur Le Parrain. Il se chargera de vieillir Marlon Brando et de le transformer en mafioso vieillissant, tout en élaborant, avec l’équipe des effets spéciaux, des trucages ingénieux pour les exécutions emblématiques du film. Le mot d’ordre est « réalisme », qu’il s’agisse du mitraillage en règle de James Caan, façon Bonnie and Clyde, ou du « Moe Green Special« , pour la scène où le truand joué par Alex Rocco se fait crever l’œil d’un coup de feu à travers ses lunettes. Le travail de Smith lui vaudra de reprendre du service sur le second film, où il se chargera de nouvelles exécutions brutales. Ses connaissances médicales seront précieuses pour montrer au public les effets réels et variés des exécutions montrées dans la saga de Coppola : notamment le saisissant « nuage rouge » qui jaillit de la tête de Don Fannucci (Gastone Moschine), assassiné d’une balle dans la bouche par le jeune Vito Corleone (Robert De Niro). Le rôle de Smith sur le troisième film, en 1990, se limitera au dessin du maquillage vieillissant sur Al Pacino, le maquilleur déléguant les effets sanglants à ses assistants. L’expérience du Parrain convainquit sans doute Dick Smith que les effets les plus impressionnants seront dûs à l’alliance de différents domaines (maquillages + effets spéciaux pratiques), ainsi qu’à des choix de mise en scène faits par des réalisateurs compétents. En 1973, ce fut L’Exorciste de William Friedkin qui mit en valeur son travail. Un tournage difficile pour la jeune Linda Blair, 12 ans, qui jouait la fillette possédée et atrocement transformée par le démon Pazuzu ; la fillette supporta à la fois les maquillages de Smith et les effets physiques créés par Marcel Vercoutere, dont un douloureux harnais mécanique simulant les convulsions de son personnage. Smith créa notamment l’un des premiers systèmes de bladders (vessies gonflables, simulant les déformations de la peau), et l’une des premières marionnettes animatroniques (réplique de l’actrice utilisée pour la scène où sa tête pivote à 360 degrés), ainsi que des maquillages plus classiques, mais toujours impressionnants. Le sommet étant le faux vomi projeté par la bouche de l’actrice (surtout sa doublure, Eileen Dietz) : des tubes maquillés glissés dans la bouche ouverte de la comédienne, et pompant une abondante soupe de pois sur les autres acteurs. Ces moments horrifiques, L’Exorciste n’en manquait pas… éclipsant pourtant le travail plus discret, et tout aussi remarquable, de Smith sur l’acteur Max Von Sydöw. Le grand comédien suédois avait 44 ans à l’époque du tournage. Personne ne s’étonnait alors qu’il jouait un prêtre de 80 ans, malade et épuisé… Von Sydöw, maintenant octogénaire, toujours présent au générique de nombreux films, semble maintenant sortir tout droit de l’atelier de maquillage de Dick Smith ! Celui-ci sera hélas oublié lors des remises de prix, continuant à travailler sur d’autres films mémorables : il malmènera une nouvelle fois Dustin Hoffman, sa victime préférée, portant de fausses dents ravagées après les épouvantables tortures qu’il subit de la part de l’ex-nazi joué par Laurence Olivier dans Marathon Man (1976). Curieux retour aux sources pour Smith, qui voulait être dentiste dans sa jeunesse… La même année, il créera les moments choc du Taxi Driver de Martin Scorsese : les impacts sanglants du massacre final (dont la main du souteneur éclatant en miettes), ce sera de nouveau son travail. Pour ce même film, Smith dotera Robert De Niro de sa célèbre coupe de cheveux iroquois, en réalité un postiche posé sur les vrais cheveux du comédien. Encore un remarquable maquillage invisible ! Dans le même registre, Smith travaillera aussi sur les bras de Christopher Walken ravagés par les piqûres d’héroïne et les effets de la roulette russe dans The Deer Hunter (Voyage au bout de l’enfer, 1978), de Michael Cimino.

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : la scène finale d’Altered States (Au-delà du Réel) démontre l’extraordinaire réussite des maquillages conçus par Dick Smith. Edward et Emily Jessup (William Hurt et Blair Brown) subissent de plein fouet les effets d’un « retour d’acide » particulièrement violent…

Le maquilleur croulait sous les propositions des studios, toujours désireux de terroriser les spectateurs avec des scènes chocs ; les talents de Smith furent mis à contribution sur The Sentinel (La Sentinelle des Maudits, 1977), un film d’horreur culte de Michael Winner avec des vieilles gloires comme Ava Gardner, John Carradine ou Burgess Meredith en têtes d’affiche, ou encore, plus discrètement, pour les maquillages de L’Hérétique, la suite bâclée de L’Exorciste due à John Boorman. Le travail de Smith fut nettement plus intéressant sur Altered States (Au-delà du Réel), un classique du genre, signé en 1980 par le cinéaste britannique Ken Russell, succédant à Arthur Penn initialement engagé à la réalisation. Riche en scènes hallucinogènes (la spécialité de Russell), Altered States suivait un docteur Jekyll moderne, Edward Jessup (William Hurt), obnubilé par la découverte du Soi Originel ; par le biais d’expériences de privation sensorielle, et une absorption massive de drogues chamaniques, Jessup « régressait » jusqu’à une forme de vie primale, au risque de mettre sa santé mentale, sa vie et celle de ses proches en très grand danger. Pour l’occasion, Smith se surpassa en créant des métamorphoses traumatisantes : le corps de Hurt, filmé en nu full frontal, se déformait sous des angles impossibles, l’acteur simulant la douleur causée par sa mutation. Utilisant judicieusement sa technique des bladders, Smith créa aussi une réplique animatronique complète de l’acteur transformé en une masse de protoplasme hurlant, ainsi qu’un très réaliste maquillage intégral d’homme primitif pour une scène où le héros régressait à l’âge préhistorique. Smith ne fit pas mieux depuis, dans le même genre, même si ses créations ultérieures étaient toujours de très grande qualité : citons rapidement quelques scènes tout aussi traumatisantes pour le film Ghost Story (Le Fantôme de Milburn), en 1981, où quatre gentlemen (dont Fred Astaire) sont terrorisés par le fantôme d’une jeune femme noyée (Alice Krige), soigneusement « décomposée » par l’artiste maquilleur. On évoquera aussi sa contribution, comme consultant au projet, sur les mutations imaginées par le maître en la matière, David Cronenberg, sur son film fantastique Scanners, où des mutants aux dons psychiques déchaînaient des pouvoirs mortels : les tempes pulsaient violemment, la peau se couvrait de cloques, les yeux se révulsaient, et les têtes éclataient… Smith maquilla aussi, en 1983, David Bowie et Catherine Deneuve pour le tout premier film de Tony Scott, The Hunger (Les Prédateurs), film de vampires très stylisés où, malheureusement, ses créations furent quelque peu noyées dans les effets de lumière très « clipés » du réalisateur. La dégradation de Bowie en vieillard restait néanmoins très réussie. En 1984, Dick Smith fut appelé à travailler avec un autre grand nom du Fantastique, John Carpenter ; pour les besoins de Starman, où une jeune veuve (Karen Allen) venait en aide à un extra-terrestre naufragé ayant pris les traits de son défunt mari (Jeff Bridges), il travailla à une séquence de transformation, avec son ancien élève Rick Baker et leur collègue Stan Winston. La transformation du Starman, lueur d’énergie prenant l’apparence humaine, fut l’occasion pour Smith de créer un bébé animatronique lumineux de toute beauté. Enfin, cette même année, le travail de Dick Smith fut enfin reconnu par ses pairs à sa juste valeur : le grand cinéaste tchèque Milos Forman l’engagea pour maquiller F. Murray Abraham, inoubliable Salieri dans Amadeus. Le comédien de 45 ans fut transformé en vieillard malade de 80 ans, plus vrai que nature. Smith améliora encore ses techniques de vieillissement utilisées pour Little Big Man ou L’Exorciste ; Abraham sut faire vivre le maquillage qui ne le gênait pas, et Smith fut récompensé de son premier Oscar !

Après ce succès enfin bien mérité, Dick Smith continua encore à travailler quelques années, se retirant cependant progressivement d’un milieu où ses héritiers devenaient enfin reconnus à leur juste valeur. Les projets sur lesquels il travailla furent de moindre importance, à quelques exceptions près. Citons Mon Père (1989), une comédie dramatique produite par Steven Spielberg, où il vieillit Jack Lemmon, et obtint sa seconde nomination à l’Oscar ; Forever Young (1992), où, cette fois, il s’occupa de Mel Gibson et Jamie Lee Curtis ; il fut consultant technique sur les maquillages de La Mort vous va si bien (1992) de Robert Zemeckis, où son ancien assistant Kevin Haney transforma la filiforme Goldie Hawn en femme obèse ; et, après conçu les maquillages spéciaux de House on Haunted Hill (La Maison de l’Horreur) en 1999, Smith prit sa retraite définitive, continuant cependant de répondre de bonne grâce aux interviews des documentaires consacrés aux classiques sur lesquels il exerça ses talents. Il obtint finalement, des mains de son ami Rick Baker, un Oscar honoraire mérité pour sa carrière bien remplie, en 2012. Les amateurs de Fantastique et les passionnés d’effets spéciaux en tout genre se joindront à ce dernier, apprenant le départ de cet artiste discret et talentueux, le 30 juillet dernier, à l’âge de 92 ans.

Aux héros oubliés 2014... Eli Wallach

Eli Wallach (1915 – 2014)

On ne peut pas aimer les westerns et ne pas citer la réplique qui tue (littéralement) : « When you have to shoot, shoot, don’t talk ! »  Ou, si vous préférez la VF : « Quand on tire, on raconte pas sa vie ! ». Vous avez reconnu bien sûr cette maxime pleine de sagesse prononcée dans Le Bon, la Brute et le Truand par Tuco Beneficio Pacifico Juan Maria Ramirez (dit : « le Porc »), le truand mexicain absolu, qui fut le personnage le plus célèbre joué par Eli Wallach. Certes, la carrière de ce grand acteur de théâtre, qui s’est éteint le 24 juin 2014 à l’âge de 98 ans, ne s’est pas limitée au seul personnage de Tuco, mais, pour bon nombre de cinéphiles qui ont grandi avec le film de Sergio Leone, il est impossible de ne pas associer le nom de l’acteur à son personnage. Ou à celui, tout aussi « truand », du bandido Calvera dans un autre western légendaire, Les Sept Mercenaires… Eli Wallach n’avait pourtant pas une seule goutte de sang mexicain dans les veines, et il était le premier à en rire  !

 

Né le 7 décembre 1915 de parents confiseurs, immigrés polonais, Eli Herschel Wallach grandit dans le quartier italo-américain de Red Hook, dans la seule famille juive de tout le quartier. Le jeune Wallach fit des études à Austin, au Texas, où il fut diplômé en Histoire. Un séjour qui lui ouvrit les yeux, et lui fit gagner l’amour des planches, travaillant sur des pièces en amateur avec des étudiants nommés Ann Sheridan (future star hollywoodienne des années 1940) et Walter Cronkite (futur légende des informations télévisées US). C’est aussi au Texas qu’il apprit l’équitation, discipline idéale pour jouer, plus tard, dans les westerns ! Diplômé en 1940 d’une maîtrise des arts en éducation au City College de New York, il rejoignit la Neighborhood Playhouse School of Theatre pour devenir acteur professionnel, suivant les leçons de Sandford Meisner. Enrôlé sous les drapeaux en janvier 1941, Wallach dût mettre ses ambitions entre parenthèses durant la 2ème Guerre Mondiale, travaillant dans les hôpitaux militaires. Il participa à des spectacles pour les patients. Pour l’anecdote, durant son service, on lui apprit une astuce pour guérir immédiatement d’une gueule de bois : enfoncer les pouces sous l’arcade sourcilière, méthode indolore et efficace… un « truc » dont il se servira pour la scène de torture du Bon, la Brute et le Truand. Impressionnant à l’image, mais absolument indolore en réalité ! Démobilisé, Wallach revint à New York, étudiant l’art du jeu d’acteur sous la direction des plus grands maîtres : Erwin Piscator, immense figure du théâtre allemand, à la Dramatic Workshop of the New School, et Lee Strasberg à l’Actor’s Studio, où Wallach eut pour camarades de classe Marlon Brando, Montgomery Clift, Sidney Lumet et (plus tard) Marilyn Monroe. Ce fut à l’Actor’s Studio qu’il rencontra aussi sa future femme, l’actrice Anne Jackson. Wallach fit ses débuts à Broadway dès 1945. Il joua des pièces de Tennessee Williams, George Bernard Shaw, Eugène Ionesco… et en 1951, Eli Wallach obtint un Tony Award pour son interprétation dans La Rose Tatouée, la pièce de Tennessee Williams. Acteur de théâtre avant tout, il continuera à fréquenter les planches new-yorkaises jusque dans les années 2000.

 

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : dans Baby Doll, Silva Vaccaro (Eli Wallach) aime profiter d’un peu de bon temps avec la jeune et jolie Baby Doll (Carroll Baker), sur la balançoire…

 

Le cinéma américain « recrutant » de plus en plus les élèves surdoués de l’Actor’s Studio dans les années 1950, Eli Wallach fut évidemment repéré par les directeurs de casting. Il y eut un faux départ – Wallach aurait dû jouer le rôle de Maggio, le soldat « rital » forte tête de From Here to Eternity / Tant qu’il y aura des Hommes ; le grand réalisateur Fred Zinnemann était enthousiasmé par ses essais, mais Wallach dût décliner l’offre en raison de ses engagements au théâtre. Ce fut Frank Sinatra qui décrocha le rôle, « soutenu » non officiellement par ses protecteurs ; des hommes du genre à faire aux producteurs du film une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser (anecdote qui inspirerait à Coppola l’histoire de Johnny Fontane, du producteur et de la tête du cheval dans le lit, dans Le Parrain !). Wallach fit ses débuts au cinéma sous l’égide d’Elia Kazan, toujours dans l’univers de Tennessee Williams, avec Baby Doll, sorti en 1956 et qui fit l’objet d’un beau scandale en son temps. Wallach s’y fit remarquer dans le rôle de l’ambitieux Silva Vaccaro, qui séduit la femme-enfant Baby Doll (Carroll Baker) sous les yeux impuissants de son mari Archie Lee (Karl Malden). Wallach remporta pour ce rôle le BAFTA Award et sa seule nomination aux Golden Globes.

 

Image de prévisualisation YouTube

ci-dessus : entrée en scène mémorable de Calvera, le bad guy joué par Eli Wallach dans Les Sept Mercenaires ! L’art de piller et rançonner, à la mexicaine…

 

Alternant ensuite le théâtre, les rôles à la télévision (Mister Freeze dans le Batman kitsch des années 60 !), et le cinéma, Wallach, immédiatement reconnaissable à son physique trapu et moustachu, le prédestinant aussi bien à jouer les méchants, les types louches et les personnages comiques, sera une « gueule » inoubliable dans bon nombre de classiques. On se souviendra d’abord de Calvera, le grand méchant des Sept Mercenaires, où il tenait tête à merveille à Yul Brynner, Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn et les autres. Un méchant très élégant et intelligent, qui se permettait même d’offrir un pardon royal aux pistoleros venus défendre les villageois qu’il rançonnait. On se souviendra aussi de son rôle de Guido dans The Misfits (Les Désaxés, 1961), le film de John Huston où il capturait des chevaux sauvages avec Clark Gable, pour en faire de la colle, et dansait un rock endiablé avec son amie Marilyn Monroe. Il fut un autre bad guy mémorable dans le western à grand spectacle La Conquête de l’Ouest d’Henry Hathaway (aidé par John Ford et George Marshall) : Charlie Gant, qu’affronte George Peppard durant une spectaculaire attaque de train, filmée en Cinérama. Parmi les autres personnages d’affreux mémorables que Wallach créa au cinéma, il y eut le Général dans Lord Jim (1965), de Richard Brooks, un seigneur de guerre d’Extrême-Orient qui faisait passer un sale quart d’heure à Peter O’Toole. Dans le registre comique, Eli Wallach fut aussi remarqué dans Comment voler un million de dollars (1966), caper movie de William Wyler, où il jouait un homme d’affaires américain charmé par Audrey Hepburn, et grugé par Peter O’Toole, encore lui ! Ou encore Frankie Scanapieco, dindon de la farce du Cerveau (1969), le film de Gérard Oury, avec Jean-Paul Belmondo, Bourvil et David Niven.

 

Image de prévisualisation YouTube

Ci-dessus : LA scène du Bon, la Brute et le Truand, où l’art d’interrompre les monologues des méchants, par Tuco / Eli Wallach. Avec commentaire optionnel de l’inamovible Blondin (Clint Eastwood)…

 

Mais bien sûr, le rôle pour lequel on continuera de se souvenir d’Eli Wallach reste Tuco, le crasseux mexicain du Bon, la Brute et le Truand… Tout compte fait, Tuco, aussi bête, grande gueule, grossier et sadique soit-il, reste le personnage le plus sympathique du trio qu’il formait avec le cynique Blondin (Clint Eastwood) et le cruel Sentenza (Lee Van Cleef). Tuco, grâce à la performance de Wallach et à un scénario aux petits oignons (dont ces dialogues entrés dans la légende), sort de la caricature le temps d’une scène émouvante où il retrouve son frère prêtre, pour une confrontation houleuse. Et heureusement, il provoque souvent les rires du spectateur, bien aidé en cela par la gestuelle et les mimiques clownesques de Wallach. Le film regorge de scènes cultes, comme ce moment extraordinaire où Wallach court à perdre haleine à la recherche de la tombe du cimetière de Sad Hill, sur une sublime musique d’Ennio Morricone. Le tournage fut un sacré souvenir pour l’acteur. S’il y gagna l’amitié de Clint Eastwood, il faillit aussi y perdre la vie, par deux fois ! La sécurité n’était pas à l’époque le souci majeur des productions italiennes, et Wallach n’avait pas de doublure quand il s’évadait du train de prisonniers. Les marchepieds en métal passèrent à quelques centimètres de sa tête, à pleine vitesse. Un autre jour, les techniciens posèrent par mégarde une bouteille remplie d’acide, prévue pour les effets spéciaux, près de la bouteille d’eau de l’acteur. Wallach se trompa et faillit boire l’acide… Quoiqu’il en soit, sa prestation, truculente à souhait, le « typa » pour des rôles similaires dans d’autres westerns, essentiellement transalpins, comme Les 4 de l’Ave Maria avec Terence Hill et Bud Spencer, ou Et Viva la Révolution ! avec Franco Nero. Il ne retravailla jamais avec Sergio Leone, bien qu’il aurait pu tourner dans ses films suivants. Leone voulait reformer le trio du Bon, la Brute et le Truand le temps de la scène d’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest et voulait lui donner le rôle de Juan dans Giu la Testa (Il était une fois la Révolution), mais après une brouille définitive, le rôle revint à Rod Steiger.

En dehors de ces rôles de coyote, Wallach continua à jouer des seconds rôles dans des productions des années 1970 (le film fantastique La Sentinelle des Maudits, La Théorie des Dominos avec Gene Hackman, ou Le Chasseur, dernier film de Steve McQueen, etc.), avant de se faire plus discret et de revenir vers les planches et la télévision (d’Arabesque à Urgences jusqu’à Nurse Jackie). Jusqu’à un âge avancé, Wallach ne cessa jamais de jouer. Il fit de fréquentes apparitions dans des rôles prestigieux, comme dans Le Parrain III (1990), où il jouait Don Altobello, faux ami de Michael Corleone (Al Pacino), planifiant dans l’ombre sa chute. Ce serait sans compter sans la sœur de Michael, Connie (Talia Shire), et ses dangereux cannolis… On le vit aussi en vieux rabbin traditionnaliste dans la comédie d’Edward Norton, Keeping the Faith (Au Nom d’Anna), où il faisait la leçon à Ben Stiller. Eli Wallach retrouva aussi son vieil ami Clint Eastwood sur le tournage de Mystic River : non crédité au générique, il jouait Mr. Loonie, le vieux marchand de liqueurs qui mettait les policiers Kevin Bacon et Laurence Fishburne sur la bonne piste. Parmi ses dernières apparitions, notons « le Fantôme », mystérieux vieil homme que rencontrait Ewan McGregor dans The Ghost Writer de Roman Polanski. Eli Wallach fit sa dernière apparition sur grand écran en 2010, dans le film d’Oliver Stone, Wall Street : L’Argent ne dort jamais. Il reçut en 2011 un Oscar honoraire pour sa longue et riche carrière, remis par un Clint Eastwood très ému.

Un dernier rappel, Mr. Wallach ? Bon, allez, pour la peine…Un autre moment culte du Bon, la Brute et le Truand : Tuco faisant ses courses…

 

Image de prévisualisation YouTube

 

Ce pauvre marchand d’armes !

 

Ludovic Fauchier.

Just whistle – Lauren Bacall (1924-2014)

Lauren Bacall

« Quelqu’un a une cigarette ? ».

 

Par cette seule réplique, une jeune femme de 19 ans chavira les cœurs des spectateurs de 1944… et celui de son partenaire à l’écran. Quand Lauren Bacall apparut pour la première fois dans To have and have not (Le Port de l’Angoisse), Humphrey Bogart, le dur des durs à cuire par excellence, fut conquis. On peut le comprendre : la demoiselle aux grands yeux clairs félins et à la douce voix rauque, entra par la grande porte dans la légende du Cinéma… Un terme dont elle se moquait allègrement, car Lauren Bacall était du genre à garder la tête froide, et faisait preuve d’un humour cinglant envers la réputation de star de l’écran qu’on lui colla dès ses débuts. Et si ses films les plus célèbres restent indissociables du mythique couple qu’elle forma avec Bogart, sa carrière, elle, s’étendit sur sept décennies, ses années « star » n’occupant qu’une relative partie de sa longue vie.

 

Il n’en reste pas moins que, ce 12 août 2014, une des dernières figures témoins de l’Âge d’Or du grand cinéma hollywoodien s’en est allée. Lauren Bacall restera pour toujours une présence associée à l’imagerie fantasmé d’un film de la fin des années 1940. Un film qui commencerait par un bureau de détective privé, aux stores rabaissés, une bouteille de whisky posée négligemment sur le bureau. Le privé émergerait de ses réflexions, pieds posés sur la table, par l’arrivée de Miss Bacall, dans l’embrasure de la porte. Une apparition d’une beauté angélique mais malicieuse, qui dirait « Mr. Marlowe ? J’ai besoin de votre aide… ». Et ce film, qui n’a jamais sans doute existé ailleurs que dans l’imagination collective des cinéphiles, entraînerait le privé dans une enquête l’emmenant sur les traces de Lauren Bacall, dans un night-club luxueux de Los Angeles embrumé de la fumée des cigarettes. Et tandis que viendrait l’inévitable scène de séduction, les vils truands campés par Peter Lorre, Edward G. Robinson ou Sidney Greenstreet seraient prêts à en découdre, en coulisses… Toute une époque que nous allons évoquer ici, par le biais des grandes étapes de la vie de Lauren Bacall. A lire avec ou sans verre de whisky à la main, et un bon disque de jazz d’époque en fond sonore ! Bien entendu, vous êtes libres de me signaler toute erreur dans le texte qui suit.

Lauren Bacall - la une de Harper's Bazaar

Lauren Bacall fut le nom de scène Betty Joan Perske, née à New York, dans le Bronx, le 16 septembre 1924. Betty était la fille unique de William, un employé de ventes, et de Natalie (née Weinstein-Bacal), une secrétaire. Comme bien des américains de l’époque, elle était une enfant d’immigrés juifs européens, venus en Amérique pour bâtir une nouvelle vie ; ses grands-parents paternels avaient émigré, quittant leur Vistule natale, territoire de la Pologne annexé par l’Empire Russe, et son père était né dans le New Jersey. Natalie, elle, était arrivée de Roumanie après le pénible passage par Ellis Island. Les parents de la petite fille divorcèrent quand elle avait cinq ans ; Betty resterait toujours avec sa mère et ne vit plus son père. En grandissant, Betty décida qu’elle voulait devenir danseuse, mais fut bientôt conquise par l’univers du théâtre. Très jolie jeune fille, elle fit du mannequinat, travaillant en parallèle comme souffleuse au théâtre, et elle étudia à l’American Academy of Arts, dans la même classe qu’un autre enfant d’immigrés, future superstar et partenaire à l’écran : Kirk Douglas (Yissur Danielovitch Demsky de son vrai nom). Elle croisa aussi sur les planches, à cette époque, un tout jeune Gregory Peck, resté un de ses plus fidèles amis. En 1940, elle eut aussi la chance de rencontrer la grande Bette Davis, de passage à New York. Betty Joan Perske fit ses débuts au théâtre en 1942 à Broadway, une simple silhouette dans une pièce intitulée Johnny 2 X 4.

 

Image de prévisualisation YouTube

Une photo faite pour le prestigieux Harper’s Bazaar, pour un numéro paru en 1943, changea tout. La jolie demoiselle attira l’attention de Nancy Hawks, une femme de caractère, et l’épouse du cinéaste Howard Hawks. Le réalisateur de Sergent York préparait une adaptation du roman d’Ernest Hemingway, To have and have not, avec Humphrey Bogart en vedette. Celui-ci tiendrait le rôle de Harry « Steve » Morgan, un capitaine de bateau de pêche entraîné malgré lui dans la Résistance française aux Antilles, face à la police de Vichy. Il croiserait le beau regard de Marie « Slim » Browning, une jeune voleuse au caractère bien trempé, écumant les bars et les hôtels pour survivre. Nancy Hawks insista pour que Betty fit un essai filmé ; la secrétaire du cinéaste envoya par erreur un ticket direct pour Hollywood. A seulement 19 ans, la toute jeune femme, actrice inexpérimentée, auditionna devant la caméra d’un des plus redoutables réalisateurs de l’époque. Hawks, qui cherchait à lancer une nouvelle star, ne fut pas convaincu, mais sa femme prit Betty sous son aile : deux semaines plus tard, une Betty Perske plus élégante et affirmée passa une seconde audition. Suivant les conseils de Nancy Hawks, elle s’était entraînée à baisser le ton de sa voix, naturellement nasillarde, en hurlant des vers de Shakespeare pendant plusieurs heures. Celle-ci devint plus rauque, plus profonde, féline. Howard Hawks l’engagea, lui faisant signer un contrat de sept ans avec le studio Warner Bros., et devint son manager officieux. Il changea son prénom en Lauren, un choix qu’elle détesta (elle se fera toujours appeler « Betty » par ses amis proches), et elle choisit le second nom de famille de sa mère, allongé d’un « l ». Pour ses premiers jours de tournage, Lauren Bacall, en proie à un trac incontrôlable, tremblait dès qu’elle devait jouer ses scènes. Elle trouva la parade en regardant son partenaire par en-dessous, lançant du même coup ce langoureux regard qui fit vite craquer Bogie, comme les spectateurs. Et voilà comment Lauren Bacall hérita de son célèbre surnom, « The Look ». Très inspiré à la fois par Marlene Dietrich (comme cette dernière, elle chante joliment aux côtés du pianiste Hoagy Carmichael) et par Nancy Hawks (« Slim » était le surnom que lui donnait son mari), Lauren Bacall entra dans la légende, grâce notamment à une scène de séduction conclue par cette réplique langoureuse : « Avec moi, tu n’as pas besoin d’agir, Steve. Oh ! Peut-être simplement siffler. Tu sais siffler, Steve ? Tu rapproches tes lèvres et tu souffles. ». Succès immédiat. La jeune femme devint une star en quelques secondes !

 

Image de prévisualisation YouTube

Humphrey Bogart et Lauren Bacall avaient entamé une liaison amoureuse sur le tournage, au grand dam du pygmalion Hawks, et de l’épouse de Bogart, Mayo Methot. Bogart divorça de celle-ci, et, peu de temps après, il épousa Lauren Bacall. Le couple aura deux enfants, un fils, Stephen Humphrey Bogart, né en 1949, et une fille, Leslie Howard Bogart, née en 1952. La jeune actrice tourna ensuite en 1945 le film Confidential Agent (Agent Secret) avec Charles Boyer et Peter Lorre, un mauvais souvenir pour elle en raison des critiques négatives à son encontre. Souvenir vite oublié, puisque Howard Hawks l’associa de nouveau à son mari, immédiatement après, pour le second des quatre grands films noirs qu’ils tourneront. Le Grand Sommeil, dès le générique, iconisa le couple Bogart-Bacall : il les présentait, en contrejour, allumant leurs cigarettes. Toute l’image d’une époque où les stars, à l’écran, se permettaient de fumer comme des pompiers et de partager un whisky sans que l’on ne crie au scandale. Du moment qu’ils le faisaient avec classe, humour et prestance !… Cette adaptation du roman de Raymond Chandler plongeait le détective privé Philip Marlowe (Bogart) dans une intrigue tortueuse, le menant à affronter un réseau de maîtres chanteurs crapuleux, faisant pression sur les filles d’un général paralytique. Bacall jouait Vivian Rutledge, l’aînée des deux sœurs, une joueuse invétérée, mentant pour protéger sa sœur dévergondée. Le Grand Sommeil fut une adaptation difficile : le code Hays sévissait à l’époque, et le scénario du film dut être largement modifié en conséquence. Hawks dut retourner le film en modifiant plusieurs scènes, au point que le film demeurera délibérément incompréhensible. Hawks et ses scénaristes, tout comme Raymond Chandler, ne savaient même plus qui avait fait quoi dans cette sombre affaire… Mais peu importait ; Bogart était à son meilleur niveau, et l’alchimie de son couple formé avec Lauren Bacall était évidente. Celle-ci dut pourtant endurer de nouvelles critiques lui reprochant toujours son inexpérience. On pouvait deviner que l’actrice n’était pas très à l’aise à l’intérieur d’un système qui fit d’elle « la femme de Bogart », mais elle s’en sortit avec les honneurs. Elle avait une présence unique, renforcée par la malice et l’ironie cinglante des échanges auxquels elle se livrait avec Bogart ; ici, cela culminerait avec un dialogue mémorable dans un night-club, où Vivian et Marlowe échangent des dialogues aux sous-entendus très explicites sur les « courses de chevaux« . Le code Hays laissa passer, et le film fut un nouveau succès.

 

Image de prévisualisation YouTube

Bogart et Bacall reprirent du service l’année suivante pour leur troisième film ensemble, Dark Passage (Les Passagers de la Nuit), dont la réalisation fut signée par Delmer Daves. Cette adaptation d’un autre maître du polar, David Goodis, restera peut-être le meilleur film du couple. Un thriller, où Vincent Parry (Humphrey Bogart), un évadé de la prison de San Quentin, trouvait refuge chez Irene Jansen (Lauren Bacall), une artiste peintre sûre de son innocence, et qui l’aiderait à découvrir qui l’a fait accuser du meurtre de sa femme. L’originalité du film tenait à ce que, pendant une heure (soit environ les deux tiers du récit), Bogie ne montrait pas son visage. Daves filmait le récit en caméra subjective, ou bien laissait Parry dans les ténèbres, avant de révéler son visage, modifié par une opération de chirurgie esthétique nécessaire pour berner la police. Le résultat fut un petit chef-d’oeuvre de film noir, baignant dans une atmosphère cauchemardesque, clairement inspirée par les peintures d’Edward Hopper. Quand à Lauren Bacall, elle fut excellente de bout en bout ; bénéficiant du temps de présence plus réduit de son mari à l’écran, l’actrice jouait un personnage plus proche d’elle que ne l’étaient sans doute Slim Browning et Vivian Rutledge. Tout en jouant sur les conventions du genre (et les inévitables scènes de séduction avec cigarettes, avec en fond musical la superbe chanson de Johnny Mercer, Too Marvelous for Words), le film offrait à l’actrice l’occasion de jouer un personnage plus affirmé, prenant l’initiative de défendre l’ex-taulard en cavale, en usant de ruse et de charme. Lauren Bacall sut montrer qu’elle n’était pas juste la sublime « pépée » de night-club que Bogie devait protéger à tout bout de champ, mais qu’elle avait aussi du répondant, tenant aussi bien tête avec astuce à la police qu’à une « amie » suspicieuse, jouée par Agnes Moorehead.

1947 fut aussi une année difficile pour le couple, hors des plateaux de tournage. Avec le début de la Guerre Froide, les sympathisants américains du communisme ou du socialisme furent vite regardés avec méfiance. Hollywood fut la cible du Congrès, notamment les « Hollywood Ten« , un groupe de personnalités (essentiellement des cinéastes et des scénaristes, comme Edward Dmytryk et Dalton Trumbo) vite accusés par l’HUAC (House committee of Un-American Activities) d’être des agents de l’Union Soviétique. Les « Ten » se retrouveront mis au chômage forcé, leur réputation salie pour de longues années. Dans ce contexte houleux, Bogart et Bacall rejoignirent le Committee for the First Amendment ; ils firent ainsi partie d’un groupe d’acteurs et de cinéastes célèbres (rassemblant entre autres John Huston, William Wyler, Billy Wilder, Katharine Hepburn, Gene Kelly, Judy Garland, Bette Davis, Groucho Marx…) qui allèrent, en octobre 1947, plaider la cause des « Ten » à Washington, au nom de la démocratie. Peine perdue, car ces derniers furent condamnés, et la démarche des stars attira sur eux la suspicion. Tant et si bien que Bogart dut rédiger un article en 1948, dans le magazine « Photoplay », pour mettre les choses au clair, rappeler que ni lui ni Lauren Bacall n’avaient la moindre sympathie pour le régime soviétique, et qu’ils avaient soutenu les artistes blacklistés uniquement au nom de la liberté d’expression supposée garantie par le droit américain. Dans les années suivantes, empoisonnées par la Chasse aux Sorcières, Lauren Bacall campera fermement, d’ailleurs, sur ses opinions démocrates, et critiquera ouvertement le sinistre Sénateur Joseph McCarthy. 

 

Lauren Bacall - Key Largo

Le couple reprit le chemin des studios pour leur quatrième et dernier film tourné ensemble : Key Largo, réalisé par John Huston, concluait cette exceptionnelle série de grands films noirs. Librement adapté d’une pièce à succès de Maxwell Anderson, le film confrontait Bogart et Bacall à une bande de truands cruels, menés par un adversaire de premier ordre : Edward G. Robinson. Le casting de choix comprenait aussi Lionel Barrymore et Claire Trevor, mémorable en « poule » de gangster vieillissante et malheureuse. Bacall jouait le rôle de Nora Temple, une jeune veuve de guerre, gérant un petit hôtel en Floride avec son beau-père (Barrymore). Frank McCloud (Bogart) venait saluer la mémoire du défunt soldat tombé à Cassino auprès de ses proches, mais se retrouvait, comme ces derniers, pris en otage par la bande de Johnny Rocco (Robinson), gangster déclinant prêt à revenir sur le territoire américain. Bacall fit une prestation correcte, mais son rôle était quelque peu effacé, laissant le champ libre à l’affrontement des monstres sacrés Bogart et Robinson. Bien entendu, ce dernier se montrait si cruel et visqueux (séquence mémorable où il murmure à l’oreille de la belle pour la faire sortir de ses gonds…) qu’elle finirait par soutenir Bogart, comme il se devait !

A l’entrée des années 1950, Lauren Bacall eut du mal à prouver au système de production hollywoodien qu’elle était une actrice avant tout. Difficile, pour cette jeune femme bombardée « star » du jour au lendemain, de trouver un bon équilibre de vie, entre les obligations professionnelles, son mariage avec une superstar du grand écran (il est à noter quand même qu’elle et « Bogie » furent l’un des rares exemples de couple stable et heureux dans ce milieu de fous…), la maternité, et l’envie de trouver des rôles solides. L’actrice n’aimait pas, de toute évidence, l’univers d’Hollywood, où un certain sexisme fut (et reste) de vigueur quant à la place des femmes à l’écran… Elle refusa beaucoup de scénarii qu’elle jugeait médiocres, et gagna en retour une réputation d’actrice « difficile ».

Lauren Bacall - Young man with a horn

En 1950, elle tourna deux films pour le cinéaste Michael Curtiz. Deux films de qualité variable, le meilleur des deux étant Young man with a horn (devenu en VF La Femme aux chimères), le premier grand film américain sur l’univers du jazz. Kirk Douglas y incarnait Rick Martin, un jeune trompettiste talentueux mais sans le sou, très inspiré de Bix Beiderbecke, partagé dans sa vie amoureuse entre sa femme Amy, jouée par Bacall, et une chanteuse jouée par Doris Day. Lauren Bacall fit une très bonne prestation nuancée pour un personnage antipathique au premier abord, une étudiante en psychiatrie hautaine et distante, perturbée par le suicide de sa mère, et dont le mariage se détériorait rapidement. Le film montrait même que l’épouse du trompettiste se consolait avec une femme « artiste » (horreur pour l’époque !…). Le film suivant fut Bright Leaf (Le Roi du Tabac), où elle partageait l’affiche avec une autre légende, Gary Cooper. Malheureusement, le film fut un drame assez ennuyeux sur fond de guerre du commerce du tabac au 19ème Siècle. Le personnage de Cooper, adepte d’une technique de production et de vente industrielle moderne, affrontait des barons locaux représentant la vieille école sudiste ; Bacall y jouait Sonia Kovac, une tenancière de bordel rejoignant évidemment le camp de « Coop ». Le film fut assez vite oublié.

Image de prévisualisation YouTube

L’actrice, elle, fit une pause de deux ans loin des écrans. Sa cinquième collaboration avec son époux fut pour la radio, avec le feuilleton à succès Bold Venture qui réunissait le couple entraîné dans un univers d’aventures, d’intrigues et de mystères aux Caraïbes, en 1951 et 1952. Lauren Bacall reprit le chemin des studios, libérée de son contrat exclusif avec Warner, pour rejoindre la 20th Century Fox en 1953, comme tête d’affiche de la comédie Comment épouser un Millionnaire, de Jean Negulesco. Changement de registre et surtout de visuel pour la comédienne, maintenant filmée en CinémaScope et Technicolor flamboyant ! L’occasion pour les spectateurs de découvrir « en vrai » les ravissants yeux verts-bleus de Miss Bacall. Cette comédie sans prétention fit un triomphe au box-office américain. Trois amies modistes, sans le sou, y cherchaient un mari riche pour se sortir des tracas financiers… Bacall y jouait le rôle de Schatze, le cerveau de la bande, hésitant entre un faux pompiste et un riche texan veuf (William Powell). Ses amies étaient jouées quant à elles par deux fantasmes ambulants : Betty Grable, la pinup attitrée des soldats américains de la 2ème Guerre Mondiale, et l’étoile montante Marilyn Monroe, portant ici des lunettes. Dans cette comédie plaisante, un brin cynique (le mariage de raison et d’argent, avant l’amour !), Lauren Bacall s’amusait bien, plaisantant au passage sur Bogart, « ce type dans African Queen« , qui fait craquer son personnage…

Forte de ce succès, l’actrice jouera , dans les années 1950, des rôles plus dramatiques, le plus souvent des épouses malheureuses ou incomprises. Sa beauté un peu froide, mise en valeur par les meilleurs chefs opérateurs de l’époque, son intelligence et un certain underplay tout en réserves lui vaudront souvent les louanges des critiques, et elle conserva adroitement son aura de star devenue mature. Elle retrouva Jean Negulesco pour son film suivant en 1954, Woman’s World (Les Femmes mènent le monde), un drame regroupant June Allyson, Van Heflin, Cornel Wilde, Arlene Dahl et Fred MacMurray, qui jouait ici son mari épuisé par le travail. En 1955, le couple Bogart-Bacall fit son ultime apparition sur les écrans, à la télévision, pour une reprise de La Forêt Pétrifiée, où Humphrey Bogart reprit le rôle qui l’avait fait connaître en 1936. Au cinéma, Lauren Bacall joua avec John Wayne dans L’Allée Sanglante, un film d’aventures plutôt raté, en raison d’une production pour le moins chaotique (Wayne, producteur, remplaça officieusement le réalisateur William A. Wellman durant le tournage). La rencontre du « Look » et du « Duke » ne fit pas d’étincelles.

 

Lauren Bacall - La Toile d'Araignée

On préfèrera se souvenir, en cette année 1955, du premier film que Bacall tourna pour Vincente Minnelli, le drame psychologique La Toile d’Araignée. Elle y jouait Meg Rhinehart, membre de l’équipe du psychiatre Stewart McIver (Richard Widmark), brillant médecin gérant un hôpital psychiatrique moderne, où les médecins laissent à leurs malades le soin de s’organiser et de se responsabiliser. Meg, jeune veuve cherchant un nouveau sens à sa vie, y aidait les patients volontaires dans leurs activités artistiques. Un beau projet hélas contrecarré par les tensions et les intrigues au sein du personnel… Un beau casting rassemblant aussi Charles Boyer, Lillian Gish, Gloria Grahame et l’irrésistible Oscar Levant en malade grincheux, pour ce film sauvé du mélodrame pesant par l’habile mise en scène de Minnelli. La prestation de Bacall était réussie, jouant de façon subtile sur le rapprochement affectif entre son personnage et le docteur joué par un excellent Widmark.

 

Image de prévisualisation YouTube

On apprécia aussi le jeu de Lauren Bacall dans son film suivant, dû à l’autre grand maître du mélodrame flamboyant, Douglas Sirk. Ecrit sur du Vent, tourné et sorti en 1956, décrivait un quatuor amoureux malheureux. Bacall y jouait le rôle de Lucy Moore, dessinatrice publicitaire, partagée entre Kyle Hadley (Robert Stack), héritier d’une grande fortune pétrolière, et le meilleur ami de celui-ci, Mitch Wayne (Rock Hudson). Lucy épousait Kyle, au grand dam du loyal Mitch, avant que sa belle-soeur, l’aguicheuse Marylee (Dorothy Malone), ne jetât de l’huile sur le feu. Malgré tout dévouée à son mari, Lucy ne pouvait l’empêcher de s’abîmer dans l’alcool, se croyant stérile… Racontée telle quelle, l’intrigue ressemble à n’importe quel épisode de soap opéra, mais ce serait oublier un peu trop vite que les Dallas et autres ont allègrement plagié ce beau classique, sans jamais avoir le talent narratif et visuel de Sirk. Bacall y était impeccable de retenue, parfaitement à son aise dans l’univers « sirkien ».

 

Image de prévisualisation YouTube

Lauren Bacall retrouva Vincente Minnelli pour son film suivant, Designing Woman (La Femme Modèle), sorti en 1957. Elle en partageait la vedette avec un vieil ami, Gregory Peck, remplaçant au pied levé Grace Kelly. Ce film fut l’un des rares à mettre en valeur son talent comique, visible dans Comment épouser un millionnaire, et déjà présent dans la scène du téléphone du Grand Sommeil (« Vous demandez le commissariat ? Vous faites erreur, ce n’est pas un commissariat ici… attendez, je vous passe mon père. »). Dans La Femme Modèle, elle jouait Marilla Brown, dessinatrice de mode et couturière sophistiquée, mariée sur un coup de foudre au journaliste sportif Mike Hagen (Peck), qui lui cachait sa liaison de longue date avec une chanteuse (Dolores Gray). Quiproquos et gags bien vus sur les différences sociales indéniables entre les deux jeunes mariés s’ensuivaient, dans l’esprit des comédies de Spencer Tracy et Katharine Hepburn, cette dernière étant certainement ici le modèle du personnage joué par Bacall. La comédie était bien enlevée, mais l’actrice n’avait guère le cœur à rire pendant le tournage. Humphrey Bogart, atteint d’un cancer de l’œsophage, s’affaiblissait et décéda le 14 janvier 1957. Elle vécut mal le veuvage, et eut une brève liaison, abruptement finie, avec Frank Sinatra. Elle reprit le chemin des plateaux de tournage pour deux autres films à la fin des années 1950 : The Gift of Love (1958), son troisième film pour Jean Negulesco, où elle jouait de nouveau l’épouse de Robert Stack, une femme cardiaque décidant d’adopter une petite fille ; et le film d’aventures britannique de J. Lee Thompson, Northwest Frontier (Aux frontières des Indes), en 1959, où elle jouait une gouvernante protégeant un enfant maharadjah dans une Inde en proie à la guerre. Un gros succès, mais l’actrice, à 35 ans, décida qu’il était temps pour elle de se retirer des feux du star-system.

Lauren Bacall ne se mit par pour autant à la retraite. Elle retourna à ses premières amours, le théâtre, en jouant à Broadway le premier rôle de la pièce à succès Au revoir, Charlie. Un succès, qui en appela d’autres sur les planches, durant les décennies suivantes. Elle épousa en secondes noces l’acteur Jason Robards, le 16 juin 1961, et elle donna naissance six mois plus tard à leur fils, Sam Robards, futur comédien. Lauren Bacall fit de rares apparitions à la télévision (dans les séries Dr. Kildare, Mr. Broadway ou chez Bob Hope) et fit de discrets come-backs au cinéma : le drame psychologique Shock Treatment (1964), la comédie Sex and the Single Girl (Une Vierge sur canapé, 1964) avec Tony Curtis, Natalie Wood et Henry Fonda, et, ramenant avec elle le souvenir des classiques de Bogart, le film policier Harper (Détective Privé, 1966) face à Paul Newman. Son bonheur, Lauren Bacall le trouva finalement au théâtre, devenant une comédienne de premier plan, saluée par le public et la critique pour ses rôles dans Fleur de Cactus (1965), Applause (1970), Wonderful Town (1977), Woman of the Year (1981), Doux Oiseau de Jeunesse (1985) ou La Visite de la Vieille Dame (1999). Elle obtint deux Tony Awards, la plus haute distinction pour une actrice de théâtre, pour Applause et Woman of the Year, et deux Sarah Siddons Awards de l’Actrice de l’Année en 1972 et 1984.

 

Image de prévisualisation YouTube

Divorcée de Jason Robards en 1969 (le mariage ne put survivre à l’alcoolisme de l’acteur), Lauren Bacall fit des apparitions plus épisodiques au cinéma. Trois rôles seulement dans les années 1970, mais deux restèrent assez notables. Dans un casting de superstars (Sean Connery, Ingrid Bergman, Jacqueline Bisset, etc.), elle fut en 1974 Mrs. Harriet Belinda Hubbard, amusant personnage de veuve nouveau riche, l’une des suspectes du Crime de l’Orient Express sur lequel enquête Hercule Poirot (Albert Finney), dans cette excellente adaptation d’Agatha Christie par Sidney Lumet. Et en 1976, elle retrouva John Wayne pour son dernier film, le très bon western The Shootist (Le Dernier des Géants), dans lequel jouaient aussi James Stewart, Ron Howard et John Carradine. Lauren Bacall jouait le rôle de Bond Rodgers, veuve et logeuse de J.B. Books (Wayne), légende de l’Ouest se mourant d’un cancer. Bien qu’elle et le « Duke » étaient connus pour leurs opinions politiques totalement opposées, ils devinrent bons amis jusqu’à la mort de Wayne en 1979, lui aussi emporté par la maladie. Sur une note plus souriante, The Shootist fut, pour Bacall, l’occasion d’être nominée, pour la toute première fois, à 52 ans ! Elle fut citée aux BAFTA Awards de la Meilleure Actrice.

 

Image de prévisualisation YouTube

Les dernières décennies de carrière de Lauren Bacall furent bien évidemment plus discrètes que ses débuts. Devenue, par la force des choses, la dernière survivante des grands films noirs de l’Âge d’Or d’Hollywood, elle se prêtait volontiers au jeu des documentaires et des interviews sur cette glorieuse époque, tout en continuant à alterner apparitions au cinéma, à la télévision, et poursuivant sa carrière théâtrale jusqu’en 1999. Après une pause de sept ans suite à l’échec du film Fanatique (1981) avec James Garner, Lauren Bacall fut le plus souvent une guest star de choc, cantonnée à des rôles secondaires (l’éditrice de James Caan dans Misery, de Rob Reiner, une participation dans Prêt-à-Porter de Robert Altman, pour qui elle avait tourné la comédie Health en 1980…), et le plus souvent, des personnages de mères autoritaires. On citera surtout son rôle dans The Mirror Has Two Faces (en VF, Leçons de Séduction), remake du film d’André Cayatte Le Miroir à deux faces, réalisé et joué par Barbra Streisand, avec également Jeff Bridges. Une comédie dramatique où elle était Hannah Morgan, la mère égocentrique de Rose (Streisand), professeur de littérature effacée, disgracieuse et malheureuse, qui craquait pour le beau mathématicien joué par Bridges. Accueil critique et public mitigé, comme à chaque sortie d’un film de « la » Streisand, mais la performance de Bacall fut largement appréciée : c’était bien celle d’une véritable actrice, respectée et confirmée. A 72 ans, elle remporta le Golden Globe de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle, ainsi que le Screen Actors Guild Award de la même catégorie. Et elle décrocha sa seule et unique nomination à l’Oscar de toute sa carrière. Favorite, elle se le fit souffler in extremis par Juliette Binoche pour Le Patient Anglais

 

Image de prévisualisation YouTube

Parmi les dernières apparitions au cinéma de Lauren Bacall, il faudra notamment citer ses collaborations avec Nicole Kidman, continuatrice de la grande tradition glamour à l’écran : elle joua avec elle dans Dogville (2003), le drame de Lars von Trier, et la retrouva l’année suivante dans le film de Jonathan Glazer, Birth, où elle jouait sa mère. On la revit également dans la suite de Dogville, Manderlay, Nicole Kidman étant remplacée par Bryce Dallas Howard. Ignorant vaillamment le mot « retraite », Lauren Bacall continua à apparaître régulièrement sur les grands et petits écrans (Chicago Hope, Les Sopranos). Elle l’employa aussi son inimitable voix rauque dans divers films et séries animées, comme les doublages américains du Château Ambulant de Miyazaki, Ernest et Célestine, ou dans la série Family Guy (Les Griffins). Saluée et récompensée comme il se devait dans les festivals et les cérémonies officielles, Lauren Bacall fut enfin reconnue à sa juste valeur par l’Académie des Oscars, qui lui remit une statuette honorifique en 2009, « en reconnaissance de son rôle central dans l’âge d’or du cinéma« . Mieux valait tard que jamais ! La comédienne apparut pour la dernière fois au cinéma en 2012 dans la comédie dramatique The Forger, jouant le rôle d’Annemarie Cole, une aimable vieille voisine du jeune couple formé par Josh Hutcherson et Hayden Panettiere. Elle succomba à une attaque cardiaque le 12 août dernier, dans sa résidence du Dakota Hotel de New York.

Il reste maintenant les souvenirs liés au nom de Lauren « Betty » Bacall… ceux d’une époque depuis longtemps révolue, où le star system n’était pas encore réduit à du simple matériel de tabloïds médiocres voués à l’ignoble culture people actuelle… Promue star avant d’être célébrée comme actrice, Lauren Bacall ne fit pas que marquer de sa présence une belle série de grands films avec son cher Bogie ; elle sut, lentement mais sûrement, gagner le respect de ses pairs en menant une vie bien remplie, et un parcours professionnel irréprochable. On saluera donc sa mémoire comme il se doit.

 

Lauren Bacall - avec Bugs Bunny !

Et, pour finir par un sourire, joignons-nous à ce bon vieux Bugs Bunny en adoration devant la belle dans le cartoon Slick Hare (1946). Lauren Bacall ne devrait pas nous en tenir rigueur : joignons nos lèvres, et sifflons !

 

That’s all, Folks !

Ludovic Fauchier.

 

 

Le lien vers la fiche ImdB et la filmographie complète de Lauren Bacall :

http://www.imdb.com/name/nm0000002/



Winx club le film |
La vie est un long film tra... |
Cinéma et science-fiction |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Festival 8-9,5-16
| pieces of one piece
| Site déménage