Like a walk in the park – JURASSIC WORLD

 

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JURASSIC WORLD, de Colin Trevorrow

(ALERTE SPOILERS ! SI VOUS N’AVEZ PAS ENCORE VU LE FILM, NE LISEZ PAS CE TEXTE !)

L’histoire :

22 ans ont passé depuis les évènements liés à la création avortée du Jurassic Park à Isla Nublar, au large du Costa Rica. Le rêve de feu John Hammond, PDG de la firme InGen, s’est cependant réalisé : un nouveau parc se dresse dans l’île, accueillant des milliers de visiteurs en toute sécurité. Bienvenue à Jurassic World… Son PDG, Simon Masrani (Irrfan Khan), a racheté InGen, et dépensé sans compter pour que les visiteurs profitent du spectacle des dinosaures ressuscités par la génétique. Le petit Gray Mitchell (Ty Simkins), gamin fan des dinos, va ainsi passer une semaine de rêve dans les attractions du parc, avec son grand frère Zach (Nick Robinson) ; leurs parents vont les confier à leur tante, Claire Dearing (Bryce Dallas Howard), la directrice des opérations de Jurassic World.

Mais Claire les néglige, trop occupée à recevoir le Comité Administratif d’InGen, alarmé par la baisse de fréquentation du parc. Il faut proposer de la nouveauté aux visiteurs : des dinosaures inédits et plus effrayants. Claire rend compte de la réunion à Masrani. Celui-ci lui révèle que les généticiens du parc ont déjà résolu le problème : en secret, ils ont créé l’Indominus Rex, un dinosaure carnivore hybride, à partir d’un embryon de Tyrannosaure. Pour d’évidentes raisons, le monstre transgénique est maintenu à l’écart, dans la zone interdite au nord de l’île, dans un enclos sur mesure. Avant de présenter l’Indominus au public, Masrani insiste pour que Claire sollicite l’avis d’Owen Grady (Chris Pratt) ; il a réussi à dresser les féroces Vélociraptors, qu’il essaie de protéger de la convoitise de son chef de la sécurité, Vic Hoskins (Vincent D’Onofrio). Owen accepte bon gré mal gré de suivre Claire, pour s’assurer que l’Indominus Rex sera inoffensif pour les visiteurs. Mais le dinosaure hybride possède une intelligence adaptée à sa nature de prédateur. Une catastrophe imminente se prépare, juste au moment où Zach et Gray s’aventurent hors des limites permises du parc, aux commandes d’une gyrosphère…

 

Jurassic World 02

La critique :

Comme le temps passe… Il y a 22 ans, Steven Spielberg adaptait le roman Jurassic Park de Michael Crichton, ravivait l’intérêt du public pour les dinosaures et créait une révolution technologique sans précédent : grâce à l’utilisation judicieuse et inédite des images de synthèse, la représentation ultraréaliste des « terribles lézards » ayant régné sur la Terre amorça la transition du Cinéma vers le tout-numérique. Pourtant, il y eut un contrecoup ; si le plus sombre et effrayant Le Monde Perdu, suite du film toujours signée Spielberg en 1997, eut encore du succès, Jurassic Park III, sorti en 2001, réalisé par Joe Johnston (et produit par Spielberg occupé à d’autres projets), marqua un coup d’arrêt. Le film semblait avoir été écrit en pilotage automatique, rassemblant des scènes éparses du roman de Crichton autour d’un vague script similaire à celui du Monde Perdu, en limitant l’aspect horrifique de ce dernier. Résultat, ce troisième opus eut des scores très décevants au box-office 2001, et depuis lors, la saga des dinosaures semblait perdue dans les limbes. Il fallait un nouveau départ… Après des rumeurs concernant un script complètement fou, co-écrit par John Sayles (ancien complice iconoclaste de Joe Dante), mettant en vedette des hybrides humains-dinosaures utilisés à des fins militaires (on peut trouver sur le Net le design conceptuel de ces monstres), l’annonce officielle d’une nouvelle aventure tournée en 2014 avait de quoi intriguer. Steven Spielberg s’implique toujours comme producteur exécutif, sous la bannière de son studio Amblin, s’associant à Universal et au studio Legendary Pictures, familier des grands monstres puisqu’on doit à cette même société Pacific Rim de Guillermo Del Toro et le nouveau Godzilla, sorti l’an dernier. Officiellement titrée Jurassic World, cette suite relançant la saga initiée par le défunt Michael Crichton suscitait des interrogations. Un nouveau réalisateur de 38 ans, Colin Trevorrow, totalement inconnu dans nos contrées, héritait donc de la mise en scène de ce blockbuster attendu au tournant. Auteur d’une comédie de science-fiction primée à Sundance, Safety Not Guaranteed, Trevorrow (véritable sosie de David Fincher) avait retenu l’attention de Spielberg. Le « boss » barbu n’ayant pas généralement pour habitude de choisir n’importe qui pour ses productions maison, on était curieux de savoir comment Trevorrow allait « dompter » le monstre Jurassic World.

Bonne pioche : sans être d’une originalité confondante, Jurassic World s’avère un bon blockbuster estival bien troussé, retrouvant le souffle du premier film, tout en ajoutant ça et là quelques éléments originaux à de multiples « œufs de Pâques », à l’égard des fans. De quoi faire plaisir à ceux qui craignaient une simple redite des recettes ayant fonctionné. Soyons sincères : le film assume sans complexe son statut de grosse série B, propre à la série, et joue sans cesse sur des images familières. Les Vélociraptors, le T-Rex, les systèmes de sécurité qui lâchent, les généticiens irresponsables, les enfants en danger coincés dans un véhicule… Tout ceci est familier pour le public qui garde sans doute à l’esprit les répliques du Docteur Malcolm dans Le Monde Perdu : « C’est toujours pareil au début : « ooh ! aaaah ! c’est merveilleux ! » Et après, bien sûr, il y a les cris, la panique et le sauve-qui-peut général… ». Les nombreux clins d’œil aux fans de la saga jouent sur des images familières, glissées au détour d’une scène : la statue de John Hammond, la porte « King Kong », Mr. ADN, le dilophosaure cracheur, la chèvre offerte au T-Rex, ou les Jeeps rouge et blanc sont autant d’éléments venant titiller la fibre nostalgique, sans pour autant envahir le récit. Le facteur sympathie du film vient en fait d’ailleurs : les scénaristes (dont le binôme Rick Jaffa – Amanda Silver, qui avaient su de la même façon moderniser une autre saga, La Planète des Singes, en 2011) ont ramené un élément narratif important du film original, curieusement oublié dans les suites : une mise en garde sur les dangers de la génétique soumise au capitalisme effréné, autant qu’une réflexion sur le processus de mise en scène permettant une mise en abyme sur la création des films estampillés « Jurassic« .

 

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Dans Jurassic Park, le cinéma de Spielberg évoluait aussi, proposant pour la première fois de sa carrière un véritable débat éthique entre les personnages, à l’attention du spectateur ; le cinéaste établissait un parallèle entre la recherche génétique et les nouvelles technologies exploitées pour les effets visuels de ce même film. Jurassic Park avait ainsi marqué un changement chez Spielberg, n’hésitant plus, dans chacun de ses films suivants jusqu’à aujourd’hui, à aborder frontalement des questionnements éthiques et moraux auparavant absents de sa filmographie. Mais ces questionnements avaient été succinctement évoqués, ou évacués, dans les suites. Trevorrow, avec le soutien du maestro, les ramène frontalement dans Jurassic World, à raison, à une époque où des sociétés privées surpuissantes (Monsanto, pour ne citer que celle-ci) ne cessent de « bidouiller » le vivant pour le profit, et s’approprient les richesses naturelles sans discernement, avec des conséquences catastrophiques (relire un autre roman de Crichton, moins connu, sur ce sujet : Next). Et Jurassic World suit le modèle de Jurassic Park. Le procédé de la mise en scène du parc d’attractions était décortiqué, chaque personnage devenant l’alter ego des intervenants du film : John Hammond devenait un double de Steven Spielberg, Ian Malcolm était celui de Michael Crichton, les paléontologues représentaient le point de vue des experts des effets spéciaux « à l’ancienne » (comme le grand Ray Harryhausen et son héritier spirituel, Phil Tippett), les généticiens d’InGen étaient les petits génies informatiques du studio ILM… et les enfants représentaient le public ciblé par le film ! Jurassic Park, le parc d’attraction de la fiction, et Jurassic Park, le film bien réel, ne faisaient plus qu’un. Jurassic World prolonge l’idée : ce parc faisant suite au parc original ne fait qu’un avec ce film plongeant directement ses racines dans celui de Spielberg… et questionne du même coup la légitimité de cette suite. A une époque où le public est saturé de blockbusters envahis par les monstres réalisés en numérique, quel intérêt peut-il encore trouver à voir des dinosaures qu’il connaît par cœur, le moindre documentaire (Sur la Terre des Dinosaures, par exemple) ayant exploité à outrance l’imagerie de Jurassic Park ? Le public est vite blasé par ce « toujours plus » propre à toutes les suites de films américains, et il est assez logique de voir, dans le film, les repreneurs d’InGen se creuser les méninges pour attirer leur public avec de nouvelles « attractions » plus terrifiantes… Ce côté « mise en abyme » du film est d’autant plus pertinent qu’on sait que Spielberg, comme ses confrères du cinéma américain, est obligé de chercher des fonds à l’étranger (effet de la crise financière et de la mondialisation oblige) pour financer ses films ; le studio DreamWorks, qu’il a fondé, est maintenu à flots par un partenariat financier avec un studio hindou, par exemple… et ici, Amblin, le studio historique du réalisateur-producteur, partage le financement du film avec des investisseurs chinois. S’il n’est pas étonnant que le film établisse un parallèle entre la situation du studio de Spielberg, et la situation du parc géré par un financier moyen-oriental pratiquant une surenchère aux effets désastreux, en revanche, le sous-texte « autocritique » carrément masochiste qu’entretiennent Jurassic Park et Jurassic World, à plus de vingt ans d’écart, reste assez audacieux pour des films soi-disant conçus pour la distraction et le popcorn…

 

Jurassic World 01

Rien à redire sur les nombreux morceaux de bravoure qui parcourent Jurassic World. Nous sommes en terrain familier, et les dinosaures retrouvent le pouvoir de fascination et de terreur qu’ils n’ont, à vrai dire, jamais perdu. Certes, le choc n’est plus aussi grand qu’à l’époque de Jurassic Park, et Trevorrow n’est pas Steven Spielberg. Le film n’est pas exempt de défauts : le déroulement des évènements est parfois assez prévisible, et certaines incrustations numériques des dinos pas toujours réussies (les remarquables effets animatroniques du studio de feu Stan Winston semblent avoir été hélas oubliés, malgré le succès de cette technique dans les trois premiers films). Reste que le spectacle est garanti, le réalisateur trouvant quand même de bonnes idées rendant crédibles cet univers techno-préhistorique. Les personnages humains ne sont pas négligés, et Chris Pratt confirme le capital sympathie remporté l’année précédente avec Les Gardiens de la Galaxie ; à l’aise dans les cascades, et doté d’une présence tranquille, le jeune acteur se place en héritier légitime d’Harrison Ford. Pas étonnant que les rumeurs en font le successeur favori de Spielberg pour un éventuel reboot d’Indiana Jones… La relation entre les deux gamins, le grand frère et le petit frère, est aussi bien décrite. Les vraies stars restant quand même les dinosaures, ceux-ci sont à la fête ! L’Indominus est une belle saleté dotée d’un pouvoir de caméléonisme digne du Predator de John McTiernan, référence explicite quand le monstre démolit des pelotons entiers de soldats dans la jungle du parc – en moins gore, tout de même. Le réalisateur signe aussi une impressionnante attaque de ptérosaures, digne des Oiseaux d’Hitchcock, sur les milliers de touristes. Une séquence assez violente pour un film familial, et très impressionnante… surtout quand une pauvre assistante connaît une mort aussi violente qu’ironique entre un Ptéranodon et le monstrueux Mosasaure, sorte de crocodile marin géant des plus gloutons ! Un gag suggéré par Spielberg se permet même de célébrer les 40 ans des Dents de la Mer d’une façon caustique : le requin blanc qui fit cauchemarder les spectateurs servi n’est plus qu’un petit amuse-gueule pour le monstre marin… Les dinosaures les plus emblématiques de la saga sont, quant à eux, réutilisés de façon judicieuse : les Raptors, dressés par le héros, n’en sont pas moins dangereux. Voir cette séquence où ils massacrent des mercenaires, scène rappelant le carnage dans les hautes herbes du Monde Perdu, mais ici filmée à la façon d’un found footage : scène brève, crue et très efficace. Il est aussi très amusant de les voir agir en véritable commando, tiraillés entre leur nature et leur conditionnement. Et que les fans du Tyrannosaure se rassurent : Colin Trevorrow ne l’a pas oublié. Le T-Rex sait se faire attendre pour sauver la situation, dans un homérique combat final où les « vrais » dinosaures se liguent contre le monstre transgénique qui croit faire la loi chez eux !

Voilà de quoi garantir un spectacle hautement sympathique, et la remise à zéro des compteurs d’une saga qui retrouve une seconde jeunesse bienvenue. Tout le monde étant satisfait (le film est parti pour damer le pion aux super-héros, au box-office mondial), on attend de voir la suite des opérations. Ne reste à espérer que Colin Trevorrow, ou son successeur, saura trouver l’approche originale qui permettra à la saga dinosaurienne lancée par Steven Spielberg de ne pas se répéter. En attendant, profitez du spectacle !

 

Ludovicosaurus Fauchirex Giganticus.

 

 

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La fiche technique :

Réalisé par Colin Trevorrow ; scénario de Rick Jaffa & Amanda Silver, et Colin Trevorrow & Derek Connolly, d’après les personnages créés par Michael Crichton ; produit par Patrick Crowley, Frank Marshall et Christopher Raimo ; producteurs exécutifs : Jon Jashni, Steven Spielberg et Thomas Tull (Amblin Entertainment / China Film Co. / Legendary Pictures / Universal Pictures)

Musique : Michael Giacchino, thème de Jurassic Park écrit par John Williams ; photo : John Schwartzman ; montage : Kevin Stitt

Décors : Ed Verreaux ; costumes : April Ferry et Daniel Orlandi

Effets spéciaux de plateau : Michael Meinardus ; effets spéciaux visuels : Tim Alexander, Martyn « Moose » Culpitt et Philippe Theroux (ILM / Hybride Technologies / Image Engine Design / Legacy Effects / Pixel Liberation Front / Scroggins Aviation / Skywalker Sound) ; cascades : Chris O’Hara

Distribution : Universal Pictures

Durée : 2 heures 04

Caméras : Arriflex 435, Panavision 65 HR, Panavision Panaflex Millennium XL2, Platinum et Panaflex System 65, et Red Epic Dragon

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