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Archives pour septembre 2015

En bref… – THE PROGRAM

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THE PROGRAM, de Stephen Frears

L’histoire :

Cycliste ordinaire, miraculé du cancer, champion absolu du Tour de France… et tricheur absolu. Lance Armstrong (Ben Foster), recordman du Tour de France cycliste qu’il a remporté à sept reprises de 1999 à 2005, fut au centre d’un énorme scandale sportif lié au dopage intensif. Après avoir longtemps nié les accusations et les rumeurs, il avoua la tricherie et fut destitué de tous ses titres. Le film s’inspire du travail et du livre écrit par le journaliste sportif David Walsh (Chris O’Dowd), du Sunday Times, l’un des rares professionnels à émettre des doutes sur « l’intouchable » héros du Tour.

En 1993, Walsh rencontre Lance Armstrong, à la Flèche Wallonne. Aux yeux de Walsh, le jeune cycliste texan est capable de gagner quelques étapes et courses de pur rouleur, mais doute que sa morphologie lui permette de tenir le rythme dans les grandes compétitions. Les premiers résultats professionnels d’Armstrong donnent raison à Walsh. Mais Armstrong veut gagner, à tout prix… Il convainc ses coéquipiers de l’équipe Motorola d’acheter de l’EPO, produit dopant légal en Suisse bien qu’interdit par les instances officielles du cyclisme professionnel. En 1996, la santé d’Armstrong se dégrade. Le diagnostic tombe, sans appel : il est atteint d’un très grave cancer des testicules, avec métastases se développant dans son cerveau. Il doit arrêter le cyclisme, et subit des mois de traitements et d’opérations très lourdes, qui le vident de ses forces. Rétabli, Armstrong ne s’avoue pas vaincu pour le cyclisme. Il prend contact avec un curieux médecin italien, Michele Ferrari (Guillaume Canet), soupçonné de diverses affaires liées au dopage à l’EPO. Ferrari, grâce à un programme de dopage élaboré sous contrôle scientifique permanent, fera de lui le champion qu’il voudrait être. Passé grâce à son agent Bill Stapleton (Lee Pace) de l’équipe Motorola à celle de Cofidis, il rejoint la modeste équipe US Postal dirigée par son ami Johann Bruyneel (Denis Ménochet). Transformé par le programme de Ferrari, Armstrong écrase le Tour de France 1999 qu’il remporte haut la main, et va truster les Maillots Jaunes et les premières places. Walsh, soupçonneux de la trop belle histoire du miraculé champion, recueille des témoignages de plus en plus accablants ; mais il est dangereux d’oser écorner la légende du champion miraculé, devenu une star et un homme d’affaires richissime. Le ver est pourtant dans le fruit. Un nouveau venu va rejoindre l’équipe US Postal : Floyd Landis (Jesse Plemons)…

 

The Program

Impressions :

Grandeur et déchéance d’un champion qui a fait de la tricherie sportive une success story et un business à l’américaine, avant de tomber… Lance Armstrong va rester pendant longtemps sans doute LA figure emblématique des dérives du sport moderne. Pour raconter l’histoire de cette incroyable fraude sportive, et gratter sous la surface des jugements trop faciles, il fallait bien un réalisateur intelligent, psychologue et expert de la comédie humaine. Bonne pioche : Stephen Frears, le vétéran britannique a du métier et de l’expérience en matière de récits de faux semblants (Les Liaisons Dangereuses, Les Arnaqueurs, Héros malgré lui ou The Queen sont là pour en témoigner), et The Program s’inscrit parfaitement dans son univers. Bonne idée, aussi, d’avoir débauché John Hodge, scénariste du cultissime Trainspotting, parfaitement à son aise donc quand il s’agit de raconter une histoire d’addiction sévère et de paranoïa généralisée. La rencontre entre Frears et Hodge fait un mixe intéressant pour suivre la trajectoire de Lance Armstrong, et de tous ceux qui ont été entraînés dans le sillage du « train bleu » US Postal sur le Tour de France cycliste.

Le récit s’intéresse évidemment moins aux courses qu’à ce qui s’est passé en coulisses. Hodge et Frears refusent de jouer les pourfendeurs outragés, et suivent à hauteur du regard de leur principal protagoniste les excès de sa course à la victoire. Le dopage n’avait pas attendu Armstrong pour faire parler de lui dans le sport cycliste ; entre les décès tragiques (de Tom Simpson à Marco Pantani), les rumeurs certifiées (Jacques Anquetil), les victoires suspectes (Pedro Delgado, 1988), ou la fameuse affaire Festina de 1998, évoquée dans le film, avec Richard Virenque contrôlé positif « à l’insu de son plein gré » (merci les Guignols), il y avait depuis longtemps anguille sous roche. L’ère Armstrong a révélé les proportions effarantes de la pratique du dopage « médicalisé » effectué avec la complaisance des uns et le silence gêné des autres… Armstrong n’était pas seul en cause, d’ailleurs, ses rivaux (Jan Ullrich, Ivan Basso, Alexander Vinokourov, etc.) ayant tous reconnu avoir pris des mêmes produits miracles. Et depuis, les organisateurs du Tour ont beau clamer le retour à une course propre, la suspicion règne toujours (le cas d’Alberto Contador, évoqué à mots couverts dans le film…). Le fameux « programme » du titre nous montre comment le champion texan et son médecin ont sciemment modifié les règles du jeu. Plus question d’aller bêtement dans une pharmacie suisse acheter les produits interdits (ce que nous montre Frears dans une savoureuse scène) ; la tricherie s’est ici effectuée sous strict contrôle médical impliquant toute l’équipe (aux ordres de son « boss », et interdiction de refuser le traitement !), et le principal intéressé a transformé le Tour en franchise commerciale internationale. Bien malin celui qui oserait alors critiquer l’ancien malade du cancer devenu un modèle de combativité et de réussite financière… Le plus stupéfiant dans l’affaire restant que tout le monde ou presque ait dit amen à la victoire du champion improbable. Le Tour de France est sans pitié pour les coureurs, qu’ils soient « clairs » ou « chargés ». Les statistiques étaient révélatrices : avant sa maladie, Armstrong avait abandonné trois fois, remporté seulement deux étapes de rouleurs, et fini une seule fois à la 36ème place. Une fois remis sur pied selon la méthode du docteur Ferrari : sept victoires consécutives, toutes ressemblant à l’édition précédente ! Les quelques voix dissidentes, comme celle de David Walsh (excellent Chris O’Dowd), ou des coureurs osant rompre l’omerta, seront vite étouffées.

On peut faire confiance au grand directeur d’acteurs qu’est Frears pour observer et décortiquer les travers de ses protagonistes, et dresser des portraits plus vrais que nature de ceux-ci. Peu connu du grand public, Ben Foster est impressionnant dans le rôle d’Armstrong, ayant poussé la préparation au rôle à l’extrême puisqu’il a reconnu avoir pris lui-même des produits dopants pour avoir la masse physique de l’ancien cycliste ! Au-delà de ce risque très « Actor’s Studio », Foster a bien cerné et traduit la complexité de son personnage, un conquérant doublé d’un grand paranoïaque. C’en est presque inquiétant, tant Foster a su s’approprier l’allure très « cyborg » de l’ancien champion dans ses apparitions publiques. Ce masque inquiétant, cependant, tombe parfois, brièvement : une très belle scène, par exemple, face à un enfant cancéreux et condamné, ou Armstrong décide de se taire ; il arrête son « show » et fait enfin preuve de compassion. Il est humain, pendant quelques instants, et affiche un visage bien différent de son comportement habituel, notamment dans la curieuse relation qu’il entretient avec son successeur désigné, Floyd Landis. Une drôle d’histoire : Landis, Maillot Jaune 2006 destitué, est un Mennonite pratiquant convaincu – élevé dans l’application stricte du culte Protestant, qui garantit l’Enfer éternel pour les menteurs et les criminels… On imagine sans peine le dilemme du nouveau venu dans l’équipe US Postal, partagé entre son admiration pour le champion texan, sa complicité dans la pratique du dopage, et la foi de ses pères. Vu la façon dont le film montre sa prise de conscience qui va faire éclater le scandale, on peut se demander si Armstrong n’a pas inconsciemment choisi d’intégrer Landis pour l’aider à arrêter son cirque infernal et expier ses fautes. La supercherie révélée, il ne restera au final qu’au champion tricheur qu’à plonger dans un plan d’eau au nom très symbolique, « Dead Man’s Hole » (« le Trou de l’Homme Mort »), avant de renaître, peut-être. La route pour la rédemption est cependant encore bien longue.

On appréciera aussi, au passage, l’humour et l’ironie dont est toujours capable Frears, dès qu’il s’agit de décortiquer les aléas de la célébrité et de la médiatisation. Pas étonnant dans ce cas de voir réapparaître ce bon vieux Dustin Hoffman, le Héros malgré lui du cinéaste britannique, le temps de quelques scènes. Il est toujours là pour rappeler que l’Amérique (et le reste du monde) croit facilement aux histoires trop belles pour être vraies… et que les médias adorent fabriquer les héros de ce type. Il y a, dans The Program, une morale impitoyable et universelle à ce sujet : on n’a sans doute pas les héros que l’on souhaite avoir, mais bien ceux qui nous ressemblent… 

 

Ludovic Fauchier.

 

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ci-dessus : le documentaire que la chaîne National Geographic a consacré au cas Lance Armstrong.

 

La Fiche Technique :

Réalisé par Stephen Frears ; scénario de John Hodge, d’après le livre de David Walsh, « Seven Deadly Sins : My Pursuit of Lance Armstrong » ; produit par Tim Bevan, Eric Fellner, Tracey Seaward, Kate Solomon et Mathieu Rubin (ACE / StudioCanal / Working Title Films)

Musique : Alex Heffes ; photographie : Danny Cohen ; montage : Valerio Bonelli 

Direction artistique : Andrew Rothschild ; décors : Alan MacDonald ; costumes : Jane Petrie

Distribution : StudioCanal

Caméras : 1 heure 43

Durée : Red Epic

Aux disparus de l’été 2015…

Bonjour, chers amis neurotypiques ! Avec la fin de l’été 2015, la traditionnelle rubrique « hommage » de ce blog s’enrichit hélas des noms de quelques personnalités du 7ème Art qui ont forgé la mémoire des cinéphiles. Le temps m’a hélas manqué au passage pour signaler la disparition de Wes Craven, le père des Griffes de la Nuit (et donc géniteur du tristement célèbre Freddy Krueger) et de Scream, et l’un des plus éminents représentants du cinéma d’horreur US ayant émergé dans les années 1970-1980. On va s’attarder ici sur deux autres noms bien familiers de nos mémoires, et qui nous ont hélas quittés cet été.

 

Aux héros oubliés 2015... James Horner

Le compositeur James Horner s’est tué dans un accident aux commandes de son hélicoptère, le 22 juin dernier. Coup dur pour une génération de « BOFophiles » compulsifs qui ont reconnu son style symphonique au détour de nombreux films, depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Véritable stakhanoviste et continuateur de la grande tradition symphonique hollywoodienne, Horner a laissé derrière lui une filmographie conséquente, dont les titres titilleront la fibre nostalgique des spectateurs. Associé aux génériques des films de réalisateurs tels que Ron Howard, James Cameron, Mel Gibson ou Jean-Jacques Annaud, Horner a en effet signé les musiques originales de : Star Trek 2 : La Colère de Khan, Brainstorm, Wolfen, Aliens le Retour, Cocoon, Le Nom de la Rose, Fievel et le Nouveau Monde (An American Tail), Willow, Glory, Rocketeer, Jeux de Guerre (Patriot Games), Cœur de Tonnerre, Les Experts (Sneakers), Légendes d’Automne, Braveheart, Apollo 13, Titanic, Le Masque de Zorro, Deep Impact, En Pleine Tempête (The Perfect Storm), Un Homme d’Exception (A Beautiful Mind), Stalingrad (Enemy at the Gates), Troie, Le Nouveau Monde, Apocalypto, Avatar, The Amazing Spider-man et bien d’autres encore…

Fils d’immigrés juifs venus, du côté paternel, de l’ancien empire austro-hongrois, Horner avait vite trouvé sa voie en apprenant le piano dès l’âge de 5 ans. Après de fructueuses études musicales au Royal College of Music de Londres, puis en Californie, aux universités USC et UCLA, Horner travailla très jeune pour l’American Film Institute, avant de signer sa première musique de film en 1979, pour The Lady in Red, une adaptation des derniers mois de la vie du gangster John Dillinger. Le pape de la série B Roger Corman remarqua bien vite le talent du jeune compositeur. En pleine période de science-fiction Star Wars et Alien, Corman cherchait un compositeur capable, pour un faible coût et avec un petit orchestre, de donner des musiques dignes des John Williams et Jerry Goldsmith. Horner fit l’affaire, et signa des scores très influencés par les deux maestros pour ses premiers films, des séries B aux doux noms de Battle Beyond the Stars ou Humanoids from the Deep. Très vite, Horner fut remarqué et engagé sur des productions plus importantes. Très à l’aise dans le style orchestral symphonique, capable d’écrire très vite et souvent à la dernière minute des scores mémorables, Horner développa son style. Très marqué à ses débuts par Williams et Goldsmith, ainsi que par les compositeurs classiques (Prokofiev, Stravinski, Carl Orff, Wagner, Robert Schumann, Gustav Holst ou Aram Khatachturian…), Horner développera au fil des ans son propre style. Le « son Horner » se reconnaît aisément : des mélodies très fluides, élégantes, accompagnées par des chœurs féminins d’une efficacité imparable, parfois renforcées par la voix d’une soliste « angélique » (Sissel dans Titanic, Charlotte Church dans A Beautiful Mind) ; l’utilisation régulière du piano, son instrument de prédilection ; des cuivres et des percussions fracassantes, renforcées par l’utilisation d’instruments métalliques, reconnaissables dans les scènes d’action ; par la suite, de nombreux instruments de musique « folkloriques » (la cornemuse dans Braveheart, par exemple) donneront une couleur émotionnelle particulière à chaque film ; Horner, dans des films tardifs (Le Nouveau Monde ou Apocalypto) osera même rompre avec ses habitudes symphoniques hollywoodiennes pour des compositions plus audacieuses, moins mélodiques et plus imprégnées d’environnementalisme (des chants d’oiseaux samplés, par exemple, ou des incantations en langue amérindienne). 

D’une écoute très agréable (ses thèmes romantiques sont imparables à ce niveau-là), Horner eut autant d’admirateurs que de critiques dans son milieu. Pour ces derniers, le compositeur avait quelques habitudes difficiles à rompre… Qu’il ait pastiché les grands compositeurs classiques, passe encore (tous les grands musiciens du cinéma américain ont fait de même) ; on lui a par contre reproché à plus juste titre certaines facilités, notamment le « recyclage » permanent d’un thème musical à quatre notes, emprunté à Wagner, pour illustrer le Mal / la Mort / le Destin dans des dizaines de films. Horner répondait à ces critiques que, la plupart du temps, il était tributaire des contraintes de production des films ; parfois engagé en catastrophe à la dernière minute (ce fut le cas pour Troie, à la place de Gabriel Yared qui avait pourtant signé une musique épique magnifique), il ne pouvait pas vraiment faire de miracles dans une discipline qui demande un grand temps de préparation, et qui est souvent malmenée par les contraintes permanentes des studios. On pourra aussi lui reprocher d’avoir souvent utilisé les idées des autres à ses débuts (il eut une brouille sévère avec le grand Jerry Goldsmith à ce sujet), ou de conclure certaines de ses compositions par des chansons pop pas toujours du meilleur goût - écouter Céline Dion roucouler à la fin de Titanic gâche sérieusement le plaisir du film…

Ces critiques faites, reconnaissons quand même à Horner un talent indéniable pour créer des atmosphères et des thèmes inoubliables. La nostalgie marche à fond, quand on écoute les partitions de Star Trek II, Krull, Willow, Jeux de Guerre ou Le Masque de Zorro ! Oscars et Golden Globes viendront saluer le talent de Horner, mérité pour son travail sur le mastodonte Titanic de James Cameron. Regrettons toutefois que l’Académie n’ait fait que citer Horner pour son travail monumental sur Braveheart. Un travail de longue haleine, pour ce qui est (à mes yeux) la plus belle œuvre d’Horner au cinéma : une partition épique, généreuse, brutale dans les séquences de bataille, et se fendant d’un bel hommage au Spartacus d’Alex North… le tout baignant dans une ambiance celtique à souhait, magnifiant la bravoure de William Wallace (Mel Gibson) et ses écossais face aux vils britanniques ! Après un break de trois années, Horner venait de finir la très jolie musique du Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud, et de deux films non encore sortis, The 33 et Southpaw. Outre les deux Oscars (meilleure musique et meilleure chanson) remportés pour Titanic, Horner fut nommé à 8 reprises : pour Aliens le Retour, Fievel et le Nouveau Monde, Field of Dreams (Jusqu’au bout du rêve), Braveheart, Apollo 13, Un Homme d’Exception, House of Sand and Fog et Avatar.

 

Voici pour finir ma petite « playlist » de mes morceaux favoris d’Horner :

 

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The Sneakers theme, tiré du film Sneakers (Les Experts), sympathique thriller avec Robert Redford et un groupe de joyeux hackers. L’écoute de ce titre très agréable est agrémenté par les mélodies d’un piano jazzy et le saxophone de Branford Marsalis.

 

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« Freedom » The Execution / Bannockburn, de Braveheart. A chef-d’œuvre épique médiéval, BO adaptée ! Difficile de préférer un morceau à un autre dans cette musique, où triomphent cornemuse, flûte celtique, tambours de guerre et chorales célestes… Par défaut, j’ai sélectionné la musique des toutes dernières scènes du film. On met un genou à terre et on remercie Mr. Horner. « Ils peuvent prendre nos vies, mais jamais ils n’auront NOTRE LIBERTE !« 

 

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« Take Her to Sea, Mr. Murdoch », de Titanic. O.K., c’était un peu facile, et sans doute, à force de l’avoir entendu mille fois, la musique du film de James Cameron n’a plus son impact initial. Reste que cette partition respire l’optimisme conquérant, la grande aventure de la jeunesse « king of the world » de Leonardo, et l’air du grand large. Une certaine innocence bienheureuse, avant l’approche de l’iceberg fatal.

 

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The Fencing Lesson, du Masque de Zorro. Du très sympathique film d’aventures old school avec Antonio Banderas, James Horner, très en forme à la fin des années 1990, a tiré une musique au même niveau. Encore une partition généreuse, baignant dans l’esprit flamenco ! Cette musique, en particulier, respire la malice et la complicité pour les amoureux du plus cool des héros de cape et d’épée.

 

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A Kaleidoscope of Mathematics, d’A Beautiful Mind (Un Homme d’Exception). Plus feutrée, plus émotionnelle sans faire dans le sentimentalisme, cette musique d’Horner nous plonge directement dans l’esprit du génie autiste et schizophrène campé par Russell Crowe. La voix de Charlotte Church nous guide, et Horner fait une belle démonstration de sa capacité à créer des plages mélodiques obsédantes.

 

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The Games and Escape, d’Apocalypto. Difficile de choisir un titre spécifique dans une musique très « atmosphérique », prouvant que, dans ses dernières années, Horner savait mêler l’orchestral et l’expérimental. Au programme : percussions et incantations tribales mayas, imparables et déroutantes, pour une des scènes les plus barbares du film de Mel Gibson.

 

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War, d’Avatar. Que l’on aime ou pas le dernier opus de James Cameron, la musique d’Horner constitue une sacrée expérience à l’écoute. C’est comme si le compositeur, qui a eu largement le temps de se préparer, avait rassemblé le meilleur des différentes époques de son style. Une claque magistrale de douze minutes !

 

Aux héros oubliés 2015... Omar Sharif

Un gros pincement au cœur, avec l’annonce du décès d’Omar Sharif le 10 juillet dernier au Caire, à l’âge de 83 ans. Citer son nom évoque bien évidemment le souvenir ému des deux rôles qu’il joua pour David Lean, et qui le rendirent immortel dans la mémoire collective : Cherif Ali Ibn El Kharish, fier prince bédouin et fidèle ami de Lawrence d’Arabie, et Youri, l’éternel Docteur Jivago rêveur et contemplatif, amoureux éperdu de la belle Lara… Lean était connu pour ne pas apprécier la compagnie des acteurs, mais considérait Sharif différemment. Un privilège que l’acteur sut saisir, s’imposant en une scène mythique de Lawrence. Difficile de ne pas se sentir aussi intimidé qu’O'Toole face à ce seigneur du désert qui pourrait l’abattre en un instant, après avoir tué son guide. La silhouette de Sharif n’est d’abord qu’un simple point à l’horizon, les trots de sa monture se répercutant à l’infini. Les deux hommes se jugent et se toisent, bien avant de s’apprécier. Et Sharif de réussir ainsi une des plus belles entrées en scène de cinéma. Un vrai fauve. Le comédien, avec son regard perçant, sa stature de gentleman et son allure raffinée (sans oublier cette superbe moustache !), venait de se faire connaître immédiatement du grand public occidental, pour qui il semblait toujours être une sorte de grand prince affable et courtois.

 

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Ci-dessus : la fameuse entrée en scène d’Omar Sharif, dans Lawrence d’Arabie. Lawrence (Peter O’Toole) rencontre Cherif Ali (Sharif) devant un puits objet de toutes les convoitises…

 

Son vrai nom était Michel Demitri Chalhoub, né le 10 avril 1932, à Alexandrie, dans une famille d’immigrés libanais catholiques grecs. Egyptien d’adoption et d’éducation, cet ancien diplômé de l’Université du Caire, et ancien élève de la RADA de Londres (comme Peter O’Toole !) commença sa carrière dans le cinéma égyptien, alors florissant, sous l’égide de Youssef Chahine. Le grand cinéaste égyptien l’engagea pour des petits rôles dans les films Ciel d’Enfer et Le Démon du Désert. Michel Chalhoub se convertit à l’Islam pour épouser sa partenaire à l’écran, Faten Hamama, et devint Omar El Sharif, « l’Homme Noble » , un titre qui lui conviendrait fort bien ! Ils eurent un fils, Tarek (qui jouait Youri enfant dans Docteur Jivago) avant de divorcer des années plus tard.

Omar Sharif n’était donc pas un débutant quand Lean l’engagea dans Lawrence d’Arabie. Il était déjà une superstar en Egypte depuis la sortie du film de Youssef Chahine, Les Eaux Noires, en 1956. En Europe, on le connaissait grâce à Goha (1958) de Jacques Barratier, où il croisait une débutante nommée Claudia Cardinale. Quoi qu’il en soit, Lean eut du flair en le recrutant. Dire que Chérif Ali faillit être joué par Alain Delon, puis Maurice Ronet… Le cinéaste anglais se dit, finalement, qu’un acteur musulman serait peut-être une bonne idée pour jouer le rôle du fier seigneur bédouin. Bonne intuition, Sharif devint une star mondiale, débordant de charisme et formant une amitié attachante avec O’Toole, sur l’écran comme dans la vie. Il obtint deux Golden Globes fort mérités pour Lawrence, et Lean l’apprécia tellement qu’il décida vite d’en  faire le Docteur Jivago. Un choix parfois discuté à l’époque, mais qui s’avèrera payant. Sharif donna au poète médecin traversant les horreurs de la Révolution russe une dignité mélancolique bienvenue, formant un des plus beaux couples romantiques avec Julie Christie. Une prestation difficile cependant, Youri Jivago restant un personnage passif au fil du récit, autour duquel gravitent les autres personnages, mais le comédien fit un sans faute, tirant le meilleur de son regard tantôt rêveur, tantôt triste, et fut récompensé d’un Golden Globe du Meilleur Acteur.

Sans doute le reste de la filmographie d’Omar Sharif souffrira parfois d’être éclipsé par les deux chefs-d’œuvre de Lean, et l’acteur sembla souvent avoir été cantonné aux rôles « exotiques », au point de voir sa carrière décliner. Célèbre amateur de courses hippiques et joueur de bridge de classe mondiale, Omar Sharif apparut dans des films de qualité diverse, mais dans lesquels il restera irréprochable. Voici quelques-uns de ses autres films les plus célèbres :

La Chute de l’Empire Romain, d’Anthony Mann, où il campe, une fois n’est pas coutume, un méchant, le Prince Soamès, promis à la belle Sophia Loren.

La Nuit des Généraux, d’Anatole Litvak, où il rase sa moustache pour incarner un officier de la Wehrmacht enquêtant sur des meurtres en série commis par un supérieur psychopathe… joué par son vieil ami Peter O’Toole !

Funny Girl, la comédie musicale de William Wyler, où il jouait Nick Arnstein, mari de l’actrice-chanteuse Fanny Brice (Barbra Streisand)… un rôle de gangster juif qui lui valut des ennuis dans le monde arabe. Sharif et Streisand jouèrent dans la suite, Funny Lady, sept ans plus tard.

Le Casse, d’Henri Verneuil, où il incarnait un policier grec tenace face à « Bébel », avec en prime une fameuse course-poursuite dans les rues d’Athènes. Verneuil lui confiera le rôle de son père dans ses films autobiographiques Mayrig et 588 Rue Paradis

La Vallée Perdue, de James Clavell, où il campe un intellectuel affrontant Michael Caine, et sa bande de mercenaires ravageant l’Allemagne durant la Guerre de Trente Ans, au 17ème Siècle.

Juggernaut (Terreur sur le Britannic) de Richard Lester, face à Richard Harris et Anthony Hopkins, où il commande un navire de ligne menacé en haute mer.

The Tamarind Seed de Blake Edwards, avec Julie Andrews, un film d’espionnage et de romance où il campait un séduisant attaché militaire soviétique. Le titre français du film est Top Secret… à ne pas confondre avec Top Secret ! des Zucker-Abrahams-Zucker… dans lequel il fait une apparition parodique de son propre rôle du film d’Edwards. Sharif s’est aussi autoparodié dans Quand la Panthère Rose s’emmêle du même Edwards – il  y jouait avec malice un James Bond égyptien… confondu avec l’Inspecteur Clouseau (Peter Sellers) !

 

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Ci-dessus : Omar Sharif, dans Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran.

Plus discret au cinéma après des rôles moins marquants, Omar Sharif ne pouvait manquer, avec l’âgé, d’évoquer sur l’écran le souvenir de David Lean et de Lawrence d’Arabie… on le revit avec plaisir incarner des cheikhs vieillissants ou de sages arabes : comme dans Mountains of the Moon (Aux sources du Nil) de Bob Rafelson, Le 13e Guerrier de John McTiernan, ou Hidalgo de Joe Johnston. Mais on se souvint surtout du rôle-titre de Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, de François Dupeyron. Une émouvante histoire où Sharif jouait un épicier turc prenant sous son aile un jeune garçon juif déboussolé par la perte de ses parents. Très touchante prestation d’Omar Sharif, qui obtint le César du Meilleur Acteur et le Prix du Meilleur Acteur au Festival de Venise. La toute dernière apparition au cinéma d’Omar Sharif se fit en 2013, dans Rock the Casbah de Leila Marrakchi. Ce ne sont que quelques-uns des titres les plus connus de la filmographie de ce très grand monsieur, malheureusement atteint de la maladie d’Alzheimer et emporté par un arrêt cardiaque cet été.

Adieu, Chérif Ali, adieu Youri… et Monsieur Ibrahim.

 

Ludovic Fauchier.

En bref… DHEEPAN

 

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DHEEPAN, de Jacques Audiard

L’histoire :

Sivadhasan (Antonythasan Jesuthasan), soldat membre des Tigres Tamouls insurgés contre le gouvernement, tente de fuir le Sri Lanka. Les passeurs clandestins lui donnent une nouvelle identité :  »Dheepan », le nom d’un autre homme qui a été tué avec sa femme et sa fille des mois auparavant. Il fuit le pays en compagnie d’une jeune femme, Yalini (Kalieaswari Srinivasan), et d’une fillette de neuf ans, Illayaal (Claudine Vinasithamby), et se retrouve en France où il survit dans un premier temps comme vendeur à la sauvette.

Sivadhasan / Dheepan trouve bientôt un nouvel emploi et un toit, au Pré-Saint-Gervais. Le voilà concierge d’un petit bloc d’immeubles décrépits. L’ancien combattant, sa fausse épouse et leur « fille » partagent un minuscule logement, et tentent de s’adapter à leur nouveau monde. Les premiers mois sont difficiles : la petite fille ne trouve pas d’amis à l’école, et subit même l’ostracisme de ses petites camarades. Yalini trouve un emploi de femme de ménage chez un vieil homme, père de Brahim (Vincent Rottiers), un petit caïd libéré de prison, avec qui elle sympathise. Dheepan, lui, assiste aux petites violences quotidiennes du bloc en face du sien, là où Brahim, assigné à résidence, effectue ses trafics louches…

 

Dheepan

Impressions :

On casse certaines habitudes prises ici dans ce blog, et nous allons (brièvement) parler d’un film français (chose incroyable : plus d’un mois après Microbe et Gasoil de Gondry, l’auteur de ces lignes vient de doubler sa moyenne de films hexagonaux sur l’année !). Un film dû à Jacques Audiard, devenu l’un des rares cinéastes, d’Un Héros Très Discret à De Rouille et d’Os en passant par Un Prophète, à oser sortir du cloisonnement habituel comédie/drame qui condamne notre cinéma à une mort lente et programmée. Récompensé de la Palme d’Or à Cannes par les frères Coen, Dheepan complète l’excellente filmographie d’Audiard, suivant une famille de réfugiés sri lankais dans la morne banlieue parisienne. Banlieue qui se transforme en zone de combat et fait ressurgir les vieux démons du « père » de cette fausse famille, où il faut préserver l’illusion pour ne pas être rapatrié dans un pays ravagé par la guerre civile. Les conflits et les moments de tendresse alternent, judicieusement traités par le sens de l’écriture et de la mise en scène d’Audiard, qui suit les unions et dissensions des personnages, impeccablement interprétés par des comédiens non professionnels. Tout cela est maîtrisé sans défauts de bout en bout, le film évoluant vers un climax inexorable, d’une violence sèche digne d’un vigilante movie des seventies, le personnage principal, déterminé à sauver celle qu’il considère comme sa femme, retrouvant ses réflexes programmés de guerrier Tamoul. Un grand final tétanisant, menant à une rédemption dont on ne sait si elle est réelle ou fantasmée, et qui fait de Dheepan un excellent film.

Ludovic Fauchier.

 

 

 

 

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La Fiche Technique :

Réalisé par Jacques Audiard ; scénario de Jacques Audiard, Thomas Bidegain et Noé Debré ; produit par  Pascal Caucheteux (Why Not Productions / Page 114)

Musique : Nicolas Jaar ; photo : Eponine Momenceau ; montage : Juliette Welfling

Direction artistique : Héléna Klotz ; décors : Michel Barthélémy ; costumes : Chattoune

Distribution France : UGC Distribution

Caméras : Sony F55

Durée : 1 heure 49



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