BATMAN Vs. SUPERMAN : L’AUBE DE LA JUSTICE, de Zack Snyder
L’Humanité connaît désormais l’existence de Superman, alias Kal-El (Henry Cavill), dernier survivant de la planète Krypton, recueilli et élevé sur Terre sous le nom de Clark Kent. Superman a sauvé la Terre de l’anéantissement prévu par le Général Zod (Michael Shannon), un guerrier kryptonien renégat. Si Zod est mort, l’affrontement dans Metropolis a fait de graves dégâts. Aux yeux de Bruce Wayne (Ben Affleck), l’industriel homme d’affaires qui a vu jadis mourir ses parents, l’Homme d’Acier est responsable de ces destructions qui ont coûté des vies humaines.
18 mois après la bataille, Superman continue de diviser l’opinion publique. S’il sauve la vie de la journaliste Lois Lane (Amy Adams) de mercenaires en Afrique, il ne réalise pas que certains d’entre eux se sont ensuite vengés sur les populations locales. Une commission d’enquête, menée par la sénatrice Finch (Holly Hunter), se prépare à le questionner sur ses actes. La même sénatrice a maille à partir avec l’ambitieux Lex Luthor (Jesse Eisenberg), richissime PDG d’un empire industriel qui cherche, en accord avec l’Armée, à s’approprier la technologie kryptonienne pour en faire une arme de dissuasion contre Superman. Pour ce faire, Luthor est prêt à tout pour s’emparer des restes du vaisseau de Zod, du corps de ce dernier, et des fragments de kryptonite issue de la planète natale de Superman. Pendant ce temps, sous son identité civile de Clark Kent, journaliste, collègue et compagnon de Lois, Superman s’intéresse de près aux agissements du mystérieux justicier vigilante de Gotham City : Batman. Lequel n’est autre que Bruce Wayne, ayant voué sa vie à combattre le crime, aidé par son fidèle Alfred (Jeremy Irons). Poussé par la colère, Batman commet des actions de plus en plus violentes contre des truands, le menant sur la piste du « White Portuguese », qui serait lié à Luthor. Hanté par des cauchemars des plus intenses, Bruce se persuade que Superman, libre de tout contrôle, est une menace inéluctable pour toute la planète. La suspicion entre lui et Clark va les mener à l’affrontement, les deux justiciers étant manipulés par Luthor. La situation va encore se compliquer avec l’entrée en jeu d’une mystérieuse antiquaire, Diana Prince (Gal Gadot), à la recherche d’un dossier détenu par Luthor. Un dossier qui la concerne, ainsi que d’autres êtres incroyables…
Impressions :
Dans le ring, à ma gauche, le père de tous les super-héros, avec (sauf erreur de ma part) six longs-métrages, trois séries télévisées, deux serials, des séries animées à la pelle : le Man of Steel, le Dernier Fils de Krypton… Supermaaaaan !! Et son challenger, à ma droite, avec (là encore, sauf erreur de ma part), huit longs-métrages, une série télévisée, deux serials, et un paquet de séries animées : le Dark Knight, le Plus Grand Détective du Monde… Batmaaaan !! Ah, mais attendez, on me signale qu’un troisième concurrent va faire son apparition, l’Amazone Invincible… Wonder Womaaaan !!! (C’est la justicière / interplanétaaaire… oups, retour d’acide des seventies…)
Bon, un peu de sérieux. Cela devait finir par arriver, en ces temps où les super-héros règnent en maîtres sur le box-office (jusqu’à la saturation et l’overdose imminente), le choc entre les deux poids lourds de l’univers de DC Comics était annoncé depuis longtemps. Petit rappel des faits : après le désastre de Batman & Robin en 1997, ayant entraîné l’arrêt de la production du Superman Lives de Tim Burton l’année suivante, les cadres de la Warner Bros. (studio détenteur des droits d’adaptation des comics Batman et Superman) hésitèrent à relancer les superproductions des super-héros maison. Avant que Christopher Nolan ne décrasse le monde du Dark Knight en 2005 avec Batman Begins, l’idée d’un choc au sommet Batman Vs. Superman fut longtemps envisagée, au point que l’allemand Wolfgang Petersen plancha sur le film au début des années 2000. Le studio hésita, jugeant le projet trop cher, trop aléatoire (Avengers n’est pas encore passé par là pour convaincre les chefs de studio de la crédibilité d’un univers partagé), et laissa tomber l’affaire, se concentrant sur le succès de la trilogie de Nolan. Les spectateurs de Je suis une Légende, une production Warner de 2007, remarquèrent bien pourtant la présence d’une affiche familière sur un cinéma désert, dans le film avec Will Smith. L’idée de l’univers partagé titillait certes les équipes en place chez Warner/DC, sans aboutir. Plutôt tatillons, les cadres de Warner mirent fin prématurément à l’idée d’un film Justice League réalisé par George Miller rassemblant Batman, Superman et leurs petits camarades. Explication probable : le coût prohibitif là encore, plus le fait que les héros maison soient incarnés par des acteurs différents (pas de Christian Bale en Batou, par exemple). Dommage pour Miller. Monsieur Mad Max aux commandes d’un projet pareil aurait sans doute livré un des meilleurs films du genre (il en resta des traces dans Fury Road, l’espace de quelques scènes ou Megan Gale, la Wonder Woman pressentie par Miller, incarnait une guerrière proche de celle-ci). L’inflation du genre a finalement eu raison tardivement des réticences du studio. Les recettes faramineuses des films Avengers ont enfin décidé la Distinguée Concurrence à rattraper son retard. Outre l’affrontement longtemps fantasmé entre les deux figures de proue du genre, ce Batman Vs. Superman : L’Aube de la Justice orchestré par Zack Snyder ferait le lien entre le Man of Steel de ce dernier, et les futurs films estampillés Justice League que le studio produira dans les quatre ans à venir. Un pari difficile à tenir pour le réalisateur de 300, compte tenu de l’accueil mitigé réservé à Man of Steel – un succès, certes, mais pas le carton annoncé. L’imagerie positive liée à Superman, héros solaire par excellence, était contredite par un ton tourmenté et des destructions massives assez répétitives.
Quoi qu’il en soit, le grand cross-over réalisé par Snyder entre les deux mastodontes prend un sacré risque, à sa façon. Le réalisateur ne change pas son approche « dark » et sérieuse, un pari contredisant les productions Disney/Marvel, qui se complaisent ces derniers temps dans les vannes faciles et le popcorn ; complexe, tortueux dans sa première partie (perdant même les spectateurs dans des expositions et des complots interminables), le film de Snyder sait aussi se faire généreux et tendu quand les principaux protagonistes viennent enfin à s’opposer. Trop généreux, même… Snyder aurait sans doute du revoir son script, fourmillant d’idées et de concepts intéressants, mais déséquilibrés. Le film questionne enfin la question de la responsabilité des actions des super-héros (la scène d’ouverture, s’inspirant parfois au plan près des images chocs de La Guerre des Mondes de Spielberg, prend compte cette fois du coût humain des destructions vues dans Man of Steel, en les traitant du point de vue de Bruce Wayne). Entre un Superman qui, certes, a une notion aiguë du Bien mais ne rend de comptes à personne (et a donc la tentation de devenir un Dieu omnipotent et arbitraire), et un Batman qui se salit les mains en se confrontant brutalement à ce qui se fait de pire parmi l’espèce humaine (au risque de sombrer dans la violence et la psychopathie), il y a deux notions opposées de la Justice qui s’affrontent. Ceci menant à des explications forcément musclées, avant l’inévitable rabibochage des deux héros - figure imposée, ou poncif, du genre où les deux adversaires se rendent compte qu’ils feront face à la même menace et feront équipe pour le bien de l’Humanité. Ici, par la magie d’une astuce scénaristique assez simple, le prénom de la maman des deux surhommes étant le même…
Difficile d’être totalement emballé par ce film qui est déséquilibré par une durée bâtarde de deux heures et demie, et revendique un esprit de sérieux parfois pesant. Pourtant, reconnaissons aussi à Snyder d’oser prendre des risques dans un genre bien trop formaté par le système des studios ; là où la concurrence se complaît ces derniers temps dans le second degré agaçant, Snyder assume la noirceur du récit, souvent très proche de sa version de Watchmen (Batman punissant les criminels est à peine moins violent que Rorschach, et Superman, déphasé du reste de l’Humanité, évoque ici le Docteur Manhattan) ; il compose des plans superbes, revendique l’inspiration chez des modèles souvent disparates (La Guerre des Mondes de Spielberg, donc, mais aussi Mad Max, via une séquence de rêve post-apocalyptique, ou des références cachées à Excalibur de John Boorman et aux Sept Samouraïs de Kurosawa) et, quand vient l’heure des affrontements surhumains, ne mégote pas sur les images épiques. A ce titre, l’apparition d’une Wonder Woman en mode « fureur spartiate » reste le grand moment badass du film. Côté casting, c’est à l’image du film : bien, mais inégal. Henry Cavill reste dans le stoïcisme de Man of Steel ; Ben Affleck, critiqué au moment du casting par des fanboys traumatisés par son incarnation ratée de Daredevil est ici un Batman crédible, bon successeur de Christian Bale ; Gal Gadot assure en Wonder Woman. Par contre, de grands acteurs sont un peu sacrifiés (Jeremy Irons en Alfred, notamment), et Jesse Eisenberg en Lex Luthor juvénile sociopathe caricature son rôle dans The Social Network. Côté direction artistique, rien à redire, c’est du bon travail, et à la musique, Hans Zimmer et son comparse Junkie XL (Mad Max Fury Road !!) délivrent un score déchaîné à souhait.
Verdict final : ce Batman Vs. Superman divise, à juste titre. Zack Snyder sait offrir des instants fulgurants propres à emballer les amoureux du genre, mais c’est au détriment d’un scénario mal équilibré, incroyablement confus dans son premier acte. Dommage ? Le film paie sans doute aussi pour la lassitude d’un genre devenant envahissant et répétitif. Tandis que la concurrence fourbit ses armes (Captain America : Civil War et X-Men Apocalypse sont dans les starting-blocks), la team DC/Warner pourrait provoquer une surprise de taille avec un Suicide Squad que l’on espère audacieux et subversif. Reste donc à voir si l’évolution du genre vers un mode plus adulte entrepris par Snyder (qui va rempiler avec les films Justice League) va réellement faire sortir le genre des ornières qui le guettent.
Ludovic Fauchier.
Ci-dessus : entre 300 et Mad Max Fury Road, la musique démente conçue par les duettistes Hans Zimmer – Junkie XL justifie à elle seule l’achat du billet !
La fiche technique :
Réalisé par Zack Snyder ; scénario de Chris Terrio & David S.Goyer, d’après les personnages créés par Bob Kane & Bill Finger (Batman), Joe Shuster & Jerry Siegel (Superman), William Moulton Marston (Wonder Woman) pour DC Comics ; produit par Charles Roven, Deborah Snyder, Curt Kanemoto, Jim Rowe, Gregor Wilson et Bruce Moriarty (Warner Bros. / DC Comics / DC Entertainment / Atlas Entertainment / Ratpac Entertainment)
Musique : Hans Zimmer et Junkie XL ; photo : Larry Fong ; montage : David Brenner
Direction artistique : Troy Sizemore ; décors : Patrick Tatopoulos ; costumes : Michael Wilkinson
Effets spéciaux de plateau : Joel Whist ; effets spéciaux visuels : John « D.J. » Des Jardin, Bryan Godwin, Dinesh K. Bishnoi, Harimander Singh Khalsa, Joe Letteri, Keith Miller, Harry Mukhopadyay, Guillaume Rocheron (Weta Digital / 4D MAX / Double Negative / Gener8 3D / MPC / Perception / Scanline VFX / Shade VFX / Tyrell FX & Rentals) ; cascades : Damon Caro et Isaac Harmon
Caméras : Arri Alexa, Arriflex 416 et 435, Canon EOS 5D, GoPro HD Hero 4, IMAX MKIII et MSM 9802, Panavision Panaflex Millennium XL2 et System 65 Studio
Distribution : Warner Bros.
Durée : 2 heures 31
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