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En bref… ELLE

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ELLE, de Paul Verhoeven

Michèle Leblanc (Isabelle Huppert) vient d’être agressée et violée par un inconnu masqué, à son domicile parisien. Au lieu d’appeler la police, de se rendre à l’hôpital, cette femme à poigne, ancienne éditrice reconvertie PDG d’une société de jeu vidéo, fait comme si de rien n’était… La routine de son quotidien semble primer sur le reste. Michèle aide son grand fils Vincent (Jonas Bloquet) à trouver son premier logement, pour lui et sa petite amie Josie (Alice Isaaz) qui est enceinte. Le travail est une série de conflits professionnels sans fin avec des développeurs qui la détestent, à commencer par Kurt (Lucas Prisor). Michèle peut toujours compter sur le soutien de sa meilleure amie, Anna (Anne Consigny), bien qu’elle ait une morne liaison avec le mari de cette dernière, Robert (Christian Berkel). A ces tracas s’ajoutent sa relation avec son ex-mari Richard (Charles Berling), écrivain fauché, et les disputes incessantes avec sa mère Irène (Judith Magre), qui fait la « cougar » avec un homme plus jeune qu’elle. Un quotidien morose, étouffant, qui peu à peu dérape. Ses voisins Patrick et Rebecca (Laurent Laffitte et Virginie Efira) lui signalent la présence d’un rôdeur dans le quartier. Michèle reçoit des messages obscènes. Marquée par un drame qui a détruit son enfance, Michèle mène une enquête personnelle risquée, et développe une relation trouble avec son agresseur…

 

Elle

Impressions :

     Ouf ! Dix ans déjà qu’on n’avait (presque) plus de ses nouvelles, qu’on le croyait effacé du petit monde du Cinéma, et le voilà de retour, toujours en forme ! Paul Verhoeven, le cinéaste hollandais de toutes les controverses (et, accessoirement, meilleur cinéaste européen en activité), bientôt 78 ans au compteur, signe avec Elle son premier long-métrage français, ceci après une absence de dix ans, suivant le succès de son remarquable thriller Black Book en 2006. Rappelons qu’il était revenu tourner dans sa Hollande natale après avoir mis un terme à sa carrière américaine, marquée par les RoboCop, Basic Instinct, Total Recall ou Starship Troopers qui lui avaient valu autant de louanges que d’attaques aux USA – sans oublier le fabuleux, l’inénarrable Showgirls qui avait pris des allures de suicide artistique en règle. Durant une décennie, Paulo-le-dingue avait annoncé une pile de projets excitants qu’il n’avait pas pu mener à bout, tels un film réaliste sur Jésus ou Beast of Bataan, un film de guerre qui avait rejoint dans sa liste de scripts non tournés d’autres projets morts-nés qui avaient fait fantasmer ses défenseurs, les Mistress of the Sea sur la vie des femmes pirates Mary Reade et Anne Bonny, ou le mythique Crusades avec Arnold Schwarzenegger. En tout et pour tout, on dut se contenter de Tricked, un film tourné pour l’institut EYE du cinéma néerlandais, tourné et produit simultanément par Verhoeven et des participants non professionnels - film, qui, à ma connaissance, a échoué directement en vidéo chez nous en 2012 et n’a jamais été exploité en salles. Autant dire qu’on craignait de voir l’énergique cinéaste disparu corps et biens. Soyons francs : l’annonce de son arrivée en France, pour tourner ce Elle adapté de Philippe Djian, avec Isabelle Huppert en vedette, laissait sceptique. Le fait que Verhoeven ait accepté l’offre de Saïd Ben Saïd, qui avait déjà produit les derniers films de grands provocateurs jugés en fin de course (Map to the Stars de Cronenberg, Passion de Brian De Palma), ne rassurait pas plus qu’une bande-annonce pas très bien montée, laissant croire que le réalisateur de La Chair et le Sang avait été « avalé » par la sinistrose d’une production française télévisuelle. Qu’on se rassure tout de suite : l’arrivée de Verhoeven, l’expatrié hollandais qui travaille à Los Angeles, est peut-être l’une des meilleures choses arrivées au cinéma hexagonal depuis des lustres. Il n’a rien perdu de son goût de la provocation, de son art du thriller, et de son sens de la satire rentre-dans-le-lard !

    Avec Elle, Verhoeven rappelle à qui veut l’entendre que le cinéma français aurait bien besoin d’être secoué, pour retrouver une force d’expression et de transgression qui lui manque tellement depuis longtemps. Laissant de côté les techniques ultra-contrôlées de mise en scène de ses films américains, le cinéaste retrouve d’emblée ses méthodes de tournage de sa période hollandaise (un maximum de scènes brutes, tournées caméras à la main), pour les adapter à des images « à la française » (repas familiaux, café-restaurant, appartements bourgeois lambrissés, etc.) évoquant indubitablement l’atmosphère lourde des meilleurs Chabrol ; impression évidemment renforcée par la présence de l’actrice « chabrolienne » par excellence, Isabelle Huppert. La comédienne est excellente, maltraitant une nouvelle fois son allure quelque peu « pète-sec » pour se mettre au diapason des personnages féminins verhoeveniens. Subversif mais en aucun cas misogyne, Verhoeven aime filmer des femmes qui, aussi violentées soient-elles, sont des battantes et dominent des pauvres spécimens d’hommes. Michèle, transformée et « reconstruite » progressivement par une expérience traumatique, ne va pas se comporter en victime et démolira joyeusement son entourage étouffant à souhait, au mépris des conventions. Elle est, somme toute, dans la continuité des femmes de Cathy Tippel et de La Chair & Le Sang. La performance d’Huppert, sur le fil du rasoir en permanence, est à saluer. Tout comme les contre-emplois délibérément voulus par Verhoeven, notamment dans ce si  »gentil » couple formé par Laurent Laffite et Virginie Efira, qui jouent à fond le jeu de la transgression. Toute occasion de gratter sous la surface des conventions est bonne à prendre, et les comédiens ne s’en privent pas, jouant à fond l’ambiguïté – voir le personnage d’Efira, une bigote apparemment effacée qui en sait plus qu’elle n’en dit, et dont la révélation finale est sacrément sulfureuse (Verhoeven en profitant par ricochet pour adresser, à travers elle, un nouveau coup de griffe à la religion catholique). Outre Chabrol, on reconnaîtra dans Elle l’influence d’autres maîtres à filmer de Verhoeven : Bunuel et son Belle de Jour (là encore, un gros doigt d’honneur adressé aux bourgeois par un grand cinéaste européen venu en France à la fin de sa vie), Hitchcock et Fenêtre sur Cour (une scène de voyeurisme à la fenêtre, où cette fois, c’est une femme qui prend son pied à observer son voisin !)… sans oublier les propres films de Verhoeven, qui place des signes évidents à ses connaisseurs : le jeu vidéo hardcore produit par Michèle, avec son héroïne médiévale violée et transformée en prédatrice, évoque La Chair & Le Sang ; une vidéo d’Internet qui rappelle les films de propagande de Starship Troopers (un bon insecte est un insecte mort !) ; ou l’ambiance générale, cinglante à souhait, évoquant certains des films hollandais du maître – mention particulière à la scène du bébé noir !

En ne cherchant jamais à caresser le spectateur dans le sens du poil, et en jouant avec les codes attendus du thriller, Paul Verhoeven ne se renie jamais, et entame une troisième partie de carrière aussi prometteuse que ses périodes hollandaise et américaine. On espère qu’il pourra mener à bien ses futurs projets, le bonhomme ayant l’intention de rester en France pour son prochain film annoncé : un film sur l’Occupation et la Résistance. Diable, quand on sait que le cinéaste a livré deux chefs-d’oeuvre sur cette époque en Hollande (si vous n’avez pas vu Soldier of Orange et Black Book, procurez-vous d’urgence les DVD), on attend le résultat avec impatience, satisfaits par l’expérience de ce Elle si peu conventionnel…

 

Ludovic Fauchier.

 

 

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La Fiche Technique :

Réalisé par Paul Verhoeven ; scénario de David Birke, d’après le roman « Oh… » de Philippe Djian ; produit par Saïd Ben Saïd, Michel Merkt, Sébastien Delloye, Diana Elbaum, Sébastian Schelenz et François Touwaide (SBS Productions / Pallas Films)

Musique : Anne Dudley ; photo : Stéphane Fontaine ; montage : Job Ter Burg

Décors : Laurent Ott ; costumes : Nathalie Raoul

Distribution : SBS Films

Caméras : Arri Alexa

Durée : 2 heures 10

En bref… X-MEN : APOCALYPSE

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X-MEN : APOCALYPSE, de Bryan Singer

Plus de trois mille ans avant notre ère, le pharaon En Sabah Nur (Oscar Isaac) était vénéré comme un dieu vivant. Il était le premier Mutant, détenteur de pouvoirs défiant l’imagination. Mais il régnait en tyran absolu sur les simples mortels de l’Egypte antique. En Sabah Nur fut trahi et attaqué par des soldats qui détruisirent sa pyramide. Plongé en animation suspendue, le corps du pharaon reposa désormais sous les ruines pendant des millénaires… 

1983. L’existence des Mutants n’est plus un secret depuis les incidents relatés dans X-Men : Days of Future Past. Désormais tolérés, les Mutants sont aussi persécutés ; mais ils peuvent cependant trouver un foyer à l’Institut fondé par Charles Xavier (James McAvoy). Si elle se montre distante envers son ancien ami, la métamorphe Mystique (Jennifer Lawrence) aide néanmoins de jeunes Mutants à rejoindre son école - comme Kurt Wagner (Kodi Smith-McPhee), téléporteur à l’apparence démoniaque. Parmi les autres nouveaux venus : un lycéen, Scott Summers (Tye Sheridan), qui ne peut ouvrir les yeux sans causer des destructions massives, et Jean Grey (Sophie Turner), télépathe et télékinésiste surdouée. Avec l’aide d’Hank McCoy « Le Fauve » (Nicholas Hoult), Xavier aide ces nouveaux venus à maîtriser leurs dons et à s’intégrer. Erik Lehnsherr (Michael Fassbender), lui, est revenu sur la terre de ses ancêtres, en Pologne, où il vit en paix, marié et père d’une fillette. Son bonheur est de courte durée…

Quand l’agent de la CIA Moira McTaggert (Rose Byrne) découvre au Caire l’existence d’une secte adoratrice d’En Sabah Nur, le pharaon endormi revient à la vie, déclenchant un séisme à l’échelle mondiale. Séisme qui pousse Erik, en Pologne, à se démasquer. Une nouvelle tragédie personnelle va le refaire basculer dans la violence. Pendant ce temps, Charles reprend contact avec Moira, au sujet de sa récente découverte. Ils ignorent qu’En Sabah Nur, découvrant l’état du monde actuel, recrute quatre Mutants à qui il offre une puissance dévastatrice, pour refaire le monde à son image - sa dernière recrue n’étant autre qu’Erik qui reprend son identité de Magnéto. Seuls Charles Xavier et ses jeunes X-Men, rejoints par Mystique et par le bolide humain Peter Maximov (Evan Peters), peuvent empêcher l’Apocalypse qui se prépare…

 

X-Men Apocalypse

Impressions :

     Vu le contexte actuel (bien morose) des actuels films de super-héros, soyons honnêtes : les films X-Men estampillés Bryan Singer sortent du lot, étant l’un des rares bons exemples d’adaptations réussies dans ce genre devenu fourre-tout, ces dernières années. En reprenant en mains une franchise dont le studio 20th Century Fox l’avait un temps dépossédé (ce qui nous avait donné deux ratages, en règle, X-Men : L’Affrontement Final et X-Men Origines : Wolverine), le réalisateur-producteur d’Usual Suspects, avec les excellents  »reboots » de X-Men First Class (produit pour Matthew Vaughn) et X-Men : Days of Future Past (qu’on retitrera ici, pour plus de commodité : DOFP), a dépassé sans difficulté le tout venant des productions rivales Marvel-Disney, tellement hégémoniques qu’elles en deviennent étouffantes.

    Certes, cette franchise nécessite de la part de Singer quelques compromis inévitables avec le studio qui cherche à marquer des points dans la guerre des sagas super-héroïques entre Marvel/Disney et Warner/DC, mais reconnaissons au cinéaste un amour sincère de ses personnages, et une approche « auteuriste » que l’on ne trouve guère ailleurs. La psychologie des personnages, l’écriture dramaturgique jouent ici un rôle plus important que les prouesses des effets visuels, et c’est donc toujours un plaisir de voir un réalisateur concerné s’approprier personnellement cet univers pour lui donner une assise sérieuse. X-Men : Apocalypse est donc du même tonneau que ses prédécesseurs, et poursuit l’histoire du trio Xavier-Magnéto-Mystique, toujours servi par des comédiens de premier ordre. Pourtant, on sent pointer une légère baisse de régime après les audaces de DOFP. Singer et le scénariste Simon Kinberg, en faisant entrer les personnages dans les années 1980, achèvent de « réécrire » pour de bon la franchise en ramenant les personnages malmenés dans les films nommés plus haut : Jean Grey, Cyclope, Diablo (inexplicablement porté disparu depuis X-Men 2), et Tornade, campés par de jeunes acteurs, sont ainsi plus développés, et devraient porter les futurs films. Les amoureux du comics ne sont pas oubliés, le réalisateur cédant au fan service de rigueur avec l’apparition, durant quelques minutes sanglantes, d’un canadien griffu tout droit sorti des cases de la b.d. L’Arme X.

     Au milieu de ces remaniements obligatoires, le film de Singer reste très agréable, même s’il ne surclassera pas First Class et DOFP. Peut-être parce que le très impressionnant méchant de service, Apocalypse (convaincant Oscar Isaac), est un peu sacrifié par rapport au potentiel du personnage (qui est dans la b.d. le bad guy absolu) ? que les nécessités de la « réécriture » de la saga après les dérapages de la Fox pousse Singer à quelques facilités scénaristiques (l’évasion de la base de Stryker, mini-remake de X-Men 2) ? Ou encore, que les trois personnages principaux ont perdu leur effet de surprise par rapport aux deux précédents opus ? Tout cela en même temps, sans doute…. Cela n’empêche pas pour autant Singer de mêler un certain esprit ludique très influencé par les films de l’époque, et un sérieux implacable par ailleurs. Le cinéaste glisse quelques citations et private jokes plaisantes sur le cinéma des années 1980 : quelques images héritées des Aventuriers de l’Arche Perdue (l’éveil d’En Sabah Nur, le châtiment final), des références à John Hughes (la virée des ados en décapotable, la présence fugace d’Ally Sheedy, l’une des teen stars de Breakfast Club, ici en professeur de lycée du jeune Cyclope !), au Retour du Jedi (avec un taquet bien senti pour X-Men III), à l’esthétique dominante de l’époque (couleurs vives et pop, vestes en cuir à épaulettes à la Michael Jackson de rigueur !). Singer fait une nouvelle fois plaisir aux fans en ramenant l’hyperactif Vif-Argent joué par Evan Peters, dont les pouvoirs d’hypervitesse, déchaînés sur fond d’Eurythmics, permettent une scène de sauvetage surréaliste. Apocalypse semble sorti quant à lui d’un film fantastique un peu oublié de nos jours, qui a fait sans doute forte impression sur Singer : La Forteresse Noire (The Keep) de Michael Mann. Comme le monstrueux Molasar dans le film de Mann, Apocalypse se pose en Dieu de l’Ancien Testament, vengeur et dévastateur, punissant ses ennemis en les fusionnant dans la pierre – notons d’ailleurs qu’un certain Ian McKellen, vingt ans avant d’être le vieux Magnéto des X-Men de Singer, y jouait déjà un rescapé des camps de concentration… Parmi les bons points garantissant du film, on constatera que Singer soigne toujours les séquences liées justement à Magnéto incarné par Fassbender : une confrontation tragique en forêt, sans contestation la scène la plus touchante du film, et un passage démentiel où, guidé par Apocalypse, le mutant magnétique rase symboliquement le camp d’Auschwitz. Ceci avant qu’Apocalypse ne prive l’Humanité de ses armes de dissuasion, sur fond de Beethoven. Impressionnant, intense, et classe. 

    Ne boudons pas notre plaisir : s’il souffre peut-être d’un manque de surprise et de la lassitude ressentie vis-à-vis d’un genre surexploité, X-Men : Apocalypse s’avère un film de super-héros plus intéressant que les récentes « guerres civiles » orchestrées chez les concurrents. Et c’est de bon augure pour Singer qui va mettre ses Mutants en légère pause, le temps de s’attaquer à une nouvelle version de 20 000 Lieues sous les Mers, très prometteuse sur le papier.

 

Ludovic Fauchier.

 

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La fiche technique :

Réalisé par Bryan Singer ; scénario de Simon Kinberg, d’après la b.d. et les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby (Marvel Comics) ; produit par Simon Kinberg, Lauren Shuler Donner, Bryan Singer, Kathleen McGill et John Ottman (20th Century Fox Film / Marvel Entertainment / TSG Entertainment / Bad Hat Harry Productions / Donner’s Company / Kinberg Genre)

Musique : John Ottman ; photo : Newton Thomas Sigel ; montage : Michael Louis Hill et John Ottman

Direction artistique : Michele Laliberte ; décors : Grant Major ; costumes : Louise Mingenbach

Effets spéciaux de plateau : Steve Hamilton et Cameron Waldbauer ; effets spéciaux visuels : John Dykstra, Colin Strause, Greg Strause, Nicolas Chevallier , Nikos Kalaitzidis, Anders Langlands, Michael Maloney, Jonathan Piche-Delorme (Cinesite / Digital Domain /DDI / HydraulX / Legacy Effects /  MPC / MELS Studios / Prime Focus World / Rising Sun Pictures / Solid FX) ; cascades : James M. Churchman et Walter Garcia

Distribution : 20th Century Fox Film Corporation

Caméras : Red Epic Dragon

Durée : 2 heures 24

En bref… THE NICE GUYS

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THE NICE GUYS, de Shane Black

Los Angeles, 1977. Le suicide apparent d’une star du porno, Misty Mountains, est un fait divers comme un autre - pas de quoi émouvoir Jackson Healy (Russell Crowe). Gros bras de son métier, Jackson est celui que l’on engage - pour une somme ridicule - pour décourager les voyous, escrocs et autres minables reluqueurs de collégiennes ; Jackson débarque toujours chez eux pour les « persuader » de se tenir à carreau après un passage à l’hôpital. C’est ainsi que la jeune Amelia Kuttner (Margaret Qualley) l’engage pour terroriser un détective privé particulièrement incompétent, Holland March (Ryan Gosling). Celui-ci la suivait pour raisons professionnelles : Holland a été engagé par la tante de Misty, persuadée d’avoir vu sa défunte nièce bien vivante, deux jours après sa mort, et en cherchant des pistes, Holland a trouvé le nom de la jeune fille parmi les relations de la suicidée mystérieuse.

Jackson débarque donc chez Holland et lui casse le bras… Mais quand il réalise qu’Amelia a ensuite disparu, sans explications, Jackson demande à Holland de l’aider à retrouver sa commanditaire. Misty et Amelia, la fille de Judy Kuttner (Kim Basinger), influente figure politique locale, sont liées à une conspiration de très grande ampleur. La brute bourrue et le calamiteux détective vont mettre les pieds dans un sacré sac de nœuds, et les cadavres ne tarderont pas à pleuvoir… Enfin, pour se tirer d’affaire, ils pourront toujours compter sur le cerveau de leur fine équipe : la petite Holly (Angourie Rice), la fille ado de Holland !

 

The Nice Guys

Impressions :

     Ironie du sort… l’association Shane Black – Joel Silver, pour The Nice Guys, sonne aujourd’hui comme le retour aux affaires de deux vieux briscards old school qui ont fait les grandes heures du cinéma d’action des années 1980-90. Le premier, scénariste avant tout, avait offert au second, producteur qu’on ne présente plus, le pitch en or du plus emblématique des buddy moviesL’Arme Fatale, en 1987. Près de trente ans après des fortunes diverses, les deux hommes, forcément éclipsés dans la jungle hollywoodiennes par des rivaux et les effets de mode du moment (des productions Jerry Bruckheimer aux super-héros Marvel-Disney), signent un retour en force qui est aussi un retour en grâce pour le scénariste-réalisateur.

     On ne devrait pas oublier qu’avant d’être dépassé par Quentin Tarantino, Shane Black, influencé par les polars des seventies, avait imposé sa patte immédiatement sur des polars immédiatement reconnaissables : généralement, un duo de personnages mal assortis, losers-nés attendrissants et dépressifs tombant dans des sacs de nœuds bien saignants, s’en sortant passablement déglingués mais toujours prêts à sortir la punchline qui tue au bon moment. Avant que la franchise Arme Fatale soit détournée et ridiculisée par les exécutifs de Warner (un polar hard boiled qui céda la place à des séquelles de plus en plus parodiques), rappelons que Black aura aussi signé les scénarii de deux échecs devenus cultes : Le Dernier Samaritain de Tony Scott avec Bruce Willis, et Au Revoir à Jamais avec Samuel L. Jackson, et fait le script doctor chez John McTiernan (Predator et Last Action Hero), avant de disparaître des écrans radar. Jusqu’à la sortie de Kiss Kiss Bang Bang en 2005, filmé par ses soins, offrant un rôle en or à Robert Downey Jr. Black aura repris du service pour son ami en réalisateur à louer auteur d’un très estimable Iron Man 3, commande de Marvel traversée d’éclairs purement « shaneblackiens » (le faux Mandarin amateur de foot joué par Ben Kingsley, c’était une idée à lui !). Bonne nouvelle, avec The Nice Guys, Shane Black a retrouvé la patate, et renoue avec la verve de Kiss Kiss Bang Bang.

La formule ne change pas, mais elle est diablement efficace, servi par le maître du polar décalé, toujours prompt à balancer dans une intrigue de film noir seventies des gags et des dialogues aux petits oignons (« Enfin bon, personne n’a souffert. – Qu’est-ce que tu racontes ?! Plein de gens sont morts !! – Oui, bon… mais ils sont morts très vite. »). Pour que la balade fonctionne, il faut un duo de grand talent, et Black a trouvé deux vrais pros. Russell Crowe, plus ours mal léché que jamais, empâté dans une veste en cuir bleu, est le clown blanc de service, le cogneur au grand cœur complètement désarmé devant la candeur de la gamine de son nouveau copain, joué par Ryan Gosling. On a eu tendance à sous-estimer le talent de ce dernier suite à la hype de ses films chez Nicolas Winding Refn, mais il faut bien l’admettre : Gosling est ici parfait à contre-emploi, hilarant dans la défroque d’un privé de troisième zone, un gros pleutre irrésistible par sa naïveté bien peu compatible avec son métier. Les deux lascars, déboulant comme des chiens dans un jeu de quille à travers la faune du LA de l’époque, brillent par leur incompétence à mener une enquête (voir la scène de la party…) et forcent sans problème la sympathie du spectateur. La plume de Black, derrière les francs moments de rigolade, n’oublie pas de les rendre terriblement humains et faillibles, ces deux bozos au cœur d’artichaut qui tentent de retrouver leur dignité dans un univers corrompu à souhait. Servi par un duo idéal, The Nice Guys va vous réconcilier avec vos zygomatiques et vous servir un bon polar, on the rocks. Un grand merci à Shane Black, dont on attend désormais de voir comment il va relancer la franchise Predator, comme annoncé. Osera-t-il balancer de nouveau des vannes de cul, comme il le faisait dans le premier film ?

 

Ludovic Fauchier.

 

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La fiche technique :

Réalisé par Shane Black ; scénario de Shane Black et Anthony Bagarozzi ; produit par Joel Silver, Aaron Auch et Ethan Erwin (Silver Pictures / Misty Mountains / RatPac-Dune Entertainment / Waypoint Entertainment)

Musique : David Buckley et John Ottman ; photo : Philippe Rousselot ; montage : Joel Negron

Direction artistique : David Utley ; décors : Richard Bridgland ; costumes : Kym Barrett

Distribution USA : Warner Bros. Pictures / Distribution France : EuropaCorp. Distribution

Caméras : Arri Alexa XT

Durée : 1 heure 56

En bref… CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR

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CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR, d’Anthony & Joe Russo

Les évènements de Captain America : Le Soldat de l’Hiver ont confronté Steve Rogers (Chris Evans) à un ennemi inattendu : James « Bucky » Barnes (Sébastian Stan), son ami qu’il croyait mort durant la 2ème Guerre Mondiale. Bucky a survécu ; mais, prisonnier de l’organisation criminelle HYDRA, il a subi des lavages de cerveau incessants durant des décennies, qui ont fait de lui le Soldat de l’Hiver, le plus dangereux tueur au monde. Privé de tout libre arbitre, Bucky a commis des meurtres innombrables, pour ses maîtres. Mais le combat contre Steve a partiellement réveillé ses anciens souvenirs.

Depuis l’affrontement, Captain America mène ses collègues Avengers à la poursuite de Brock Rumlow « Crossbones » (Frank Grillo), ancien agent de l’HYDRA devenu mercenaire terroriste. Retrouvé à Lagos, au Nigeria, Rumlow affronte l’équipe de Cap ; vaincu, il tente de se suicider en se faisant sauter parmi la population. En utilisant ses pouvoirs télékinétiques pour protéger les civils, Wanda Maximoff, la Sorcière Rouge (Elizabeth Olsen), ne peut empêcher le pire. Des citoyens bénévoles du Wakanda, un petit Etat africain, sont tués. C’est une crise politique sans précédent qui s’abat sur les Avengers, obligés de rendre des comptes devant les Nations Unies pour leurs actions. Sur l’insistance du Secrétaire d’Etat à la Défense Thaddeus Ross (William Hurt), les héros devront signer les Accords de Sokovie, restreignant leur liberté d’action au bon vouloir des dirigeants américains et de l’ONU. L’équipe a des opinions divisées à ce sujet : si Tony Stark / Iron Man (Robert Downey Jr.) soutient le projet, ralliant Natacha Romanov / Black Widow (Scarlett Johansson), James Rhodes / War Machine (Don Cheadle) et l’androïde Vision (Paul Bettany) à son point de vue, Steve et Sam Wilson / Faucon (Anthony Mackie) s’y opposent, voyant là une atteinte aux libertés individuelles et refusent donc de signer les Accords. La situation empire quand, le jour de la signature, le Roi du Wakanda T’Chaka (John Kani) est tué dans un attentat apparemment déclenché par Bucky. Le fils de T’Chaka, le Prince T’Challa (Chadwick Boseman), jure de tuer l’assassin de son père. Steve et Sam, eux, tentent de retrouver Bucky pour le ramener à la raison. Dans l’ombre, un certain Colonel Zemo (Daniel Brühl) manipule les héros pour les monter les uns contre les autres, pour sa propre vengeance. Entre Tony Stark et Steve Rogers, la dispute va atteindre un point de non-retour…

 

Captain America Civil War

Impressions :

Comme une impression de déjà vu chez les super-héros… Alors que les concurrents D.C. et Warner viennent juste de lancer un Batman V. Superman estampillé Zack Snyder qui divise plus qu’autre chose, Marvel et Disney répliquent avec ce troisième volet de Captain America opposant le Super-Soldat à la star de l’univers partagé des Avengers, son compagnon d’armes Iron Man. Pas vraiment de coïncidence, mais on voit que les super-héros « démocratiques » ont du souci à se faire en invitant dans leurs films un confrère milliardaire plus « vendeur » au box-office… La franchise Captain America n’est pourtant pas dénuée de qualités en elle-même ; un premier volet hypersympathique avec son ambiance « pulp/serial/2ème Guerre Mondiale » à la Indiana Jones, et un second volet situé quelque part entre Les 3 Jours du Condor, Un Crime dans la Tête et la saga Jason Bourne, qui voyait la Légende Vivante critiquer la dérive totalitaire-sécuritaire de l’Amérique. Les frères Russo, auteurs de ce Captain America : Le Soldat de l’Hiver, rempilent donc ici pour un Civil War continuant la saga du héros, tout en se pliant aux impératifs de l’univers partagé Marvel. Une mission pas si simple que cela à remplir, Civil War version comics ayant été l’un des crossovers les plus audacieux jamais sortis chez Marvel ces dernières années. Ses auteurs, Mark Millar et Steve McNiven, avaient osé et réussi un ouvrage politique ; opposant des super-héros par dizaines entre les camps d’Iron Man et de Captain America (ils sont presque tous là, une bonne centaine, diversement impliqués : Wolverine, les 4 Fantastiques, Luke Cage, Daredevil, le Punisher, les X-Men, Deadpool, etc. plus quelques super-vilains recrutés de force), divisés sur des questions faisant écho aux excès sécuritaires de l’ère Bush (le Patriot Act, Guantanamo…), Civil War proposait un peu plus que des affrontements dantesques entre surhommes bigarrés. Chacun des deux camps avait des arguments à faire valoir sur un point crucial : faut-il sacrifier sa liberté personnelle au profit de la sécurité collective, au risque de laisser les mains libres à un Etat totalitaire, ou lutter pour préserver celle-ci au détriment des vies civiles (je ramasse les copies dans une heure) ? Malheureusement, le film des frères Russo, s’inspirant très librement du comics, reste limité par ses obligations de divertissement familial, botte en touche et préfère l’option « fan service » aux confrontations plus éthiques.

Une belle occasion manquée, encore que le film soit par ailleurs assez plaisant, mais toujours victime de la surenchère propre au genre. Cap cherche toujours à sauver/racheter son vieux copain Bucky, mais dans le même temps, une demi-douzaine d’arcs narratifs s’accumulent, pour le bonheur des fans et la perplexité des spectateurs moins impliqués : Tony Stark gère mal le deuil de ses parents (sa mère s’appellerait-elle Martha ?), la Vision et la Sorcière Rouge entament une romance, Cap a une liaison avec l’Agent 13 Sharon Carter (descendante de son défunt grand amour), un certain Zemo réclame vengeance, la Panthère Noire fait son apparition (plutôt réussie ma foi), Spider-Man est recruté (il a désormais le visage du jeunot Tom Holland, vivant avec une Tante May terriblement MILF, la toujours charmante Marisa Tomei !), Ant-Man vient dérider le public avec quelques vannes sur Pinocchio, d’autres Super-Soldats existent, Black Widow a un dilemme, Hawkeye sort de sa retraite, War Machine paie les pots cassés, Martin « Bilbo » Freeman vient jouer les guest stars… Ouf, cela fait quand même beaucoup pour un film assez long (Thor et Hulk ont un mot d’excuse, partis faire la tournée des tavernes en Asgard), plaisant mais déséquilibré (et trop LONG !!). Et qui, après des prémices prometteurs (la question de la responsabilité des super-héros dans les destructions massives est tout de même abordée), n’ose pas aller trop loin dans l’opposition Iron Man / Captain America. La conclusion de leur affrontement, qui cherche visiblement à ménager le grand public en attendant les suites d’Avengers déjà en préparation, déçoit. Reste toutefois quelques bons points, dus essentiellement au charisme tranquille de Chris Evans, et au numéro familier de Robert Downey Jr., ainsi que de jolies trouvailles dans les scènes d’action qui viennent pimenter le style visuel assez lisse du film. Notamment une homérique fuite de Bucky et Cap, qui démarre d’une cage d’escalier grouillant de SWATS armés jusqu’aux dents jusqu’à une poursuite routière à laquelle se mêlent la Panthère Noire et le Faucon ; et cet affrontement final des héros dans l’aéroport, offrant quelques grands moments dignes des meilleures b.d. Marvel (Ant-Man passant en mode Giant-Man !!). Reste que ces acrobaties sont bien sages par rapport à la charge politique féroce dont le film prétendait s’inspirer.

Un constat, au fait, avec l’inévitable comparaison avec le dernier opus de la Distinguée Concurrence : vaut-il mieux une adaptation « sérieuse », premier degré, adulte, aux partis pris qui risquent de ne pas plaire à tous, ou un film « disneyien » diluant son propos dans l’humour et la neutralité du style ? Les chiffres du box-office ont donné raison à la seconde option, ce qui est assez inquiétant pour l’évolution du genre super-héroïque à l’écran. Aussi plaisant et distrayant soit-il, Captain America : Civil War témoigne de la routine décidée par la maison Disney. En attendant des adaptations imminentes et, on l’espère, plus ambitieuses des studios concurrents (prochain sur la liste : X-Men Apocalypse du généralement très bon Bryan Singer), on jugera sur pièces les futurs films de l’univers partagé Marvel : Docteur Strange, Thor : Ragnarok, Captain Marvel, Black Panther, Avengers : Infinity War, les futurs Spider-Man et encore d’autres… jusqu’à ce que la coupe soit pleine ?

Ludovic Fauchier.

 

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La fiche technique :

Réalisé par Anthony & Joe Russo ; scénario de Christopher Markus & Stephen McFeely, d’après les personnages créés par Stan Lee, Joe Simon, Jack Kirby, Steve Ditko, Roy Thomas, etc. et la b.d. « Civil War » créée par Mark Millar & Steve McNiven (Marvel Comics) ; produit par Kevin Feige, Mitchell Bell, Ari Costa, Christoph Fisser, Henning Molfenter, Trinh Tran, Lars P. Winther et Charlie Woebcken (Marvel Entertainment / Marvel Studios / Studios Babelsberg)

Musique : Henry Jackman ; photo : Trent Opaloch ; montage : Jeffrey Ford et Matthew Schmidt

Direction artistique : Greg Berry ; décors : Owen Paterson ; costumes : Judianna Makovsky

Effets spéciaux de plateau : Carlo Perez et Daniel Sudick ; effets spéciaux visuels : Alexandro Cioffi, Vincent Cirelli,  Trent Claus, Dan Deleeuw, Russell Earl, Florian Gellinger, Ray Giarratana, Jamie Hallett, Tim LeDoux, Greg Steele (ILM / Animal Logic / Base FX / Cantina Creative / Capital T / Cinesite / DDI / Double Negative / Exceptional Minds / Image Engine Design / Legacy Effects / Lola Pictures / Luma Pictures / Method Studios / Plowman Craven & Associates / Prime Focus World / RISE Visual Effects Studios / Sarofsky /  Stereo D / The Third Floor / Trixter Films / Virtuos) ; cascades : Doug Coleman, Mickey Giacomazzi, Florian Hotz et Spiro Razatos

Distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures

Caméras : Red Epic Dragon, Arri Alexa 65 et XT Plus

Durée : 2 heures 27

En bref… KUNG FU PANDA 3

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KUNG FU PANDA 3, de Jennifer Yuh Nelson et Alessandro Carloni

Po, le bon gros Panda (la voix de Jack Black), coule de nouveau des jours heureux après avoir appris le secret de ses origines. Mais ces jours de paix ne vont pas durer. Au Royaume des Esprits, le vénérable Maître Oogway (Randall Duk Kim) est vaincu par le Général Kai (J.K. Simmons). Ancien ami d’Oogway, Kai, banni du monde des vivants par ce dernier, a passé cinq siècles à mûrir sa vengeance, et absorbe le Chi, l’énergie psychique et vitale de la géniale tortue, gagnant suffisamment de puissance pour revenir parmi les vivants.

Po se voit confronté de son côté à un nouveau défi : son mentor, Shifu (Dustin Hoffman), décide de prendre sa retraite, et le désigne comme son successeur auprès de ses amis, les Cinq Cyclones. Po est si mauvais professeur que Tigresse (Angelina Jolie), Singe (Jackie Chan), Vipère (Lucy Liu), Mante (Seth Rogen) et Grue (David Cross) finissent couverts de plaies et bosses… Po ne sait pas maîtriser le Chi, condition indispensable pour devenir un vrai maître du kung fu. De retour chez son père adoptif, l’oie Ping (James Hong), Po a la surprise de rencontrer un vieux panda : Li Shan (Bryan Cranston), son vrai père ! L’occasion est trop belle pour Po de se réconcilier avec ce dernier, aussi gaffeur et glouton que lui, mais le temps presse. Kai vainc un à un les maîtres du kung fu, vole leur Chi, en fait des zombies de jade (ou « jombies ») soumis à sa volonté, et se rapproche de la vallée, prêt à vaincre le Guerrier Dragon. Précisément au moment où Po s’en va pour suivre son père dans le village caché des pandas, qui jadis maîtrisèrent les secrets du Chi…

 

Kung Fu Panda 3

Impressions :

On avait un peu perdu de vue Po et ses petits camarades, depuis un Kung Fu Panda 2 de très haute tenue sorti en 2011. Les récents déboires financiers du studio DreamWorks Animation, ayant conduit à une vague massive de licenciements, expliquent probablement la raison du retard à la conception de ce troisième volet, qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les deux précédents films. Rien de bien surprenant à cela, puisque c’est pratiquement la même équipe qui reste en poste d’un film à l’autre, suivant l’évolution héroïque du panda glouton. Le production design est toujours sublime (les concepteurs se permettent d’ajouter de petits détails bienvenus, comme la nouvelle tunique de Tigresse, assez sexy ma foi), la qualité de l’animation permet de créer des scènes d’arts martiaux burlesques complètement déchaînées, et l’humour toujours présent. Aucune raison, donc, de bouder son plaisir d’aller voir le film en famille pour voir le plantigrade joufflu faire un nouvel apprentissage sur la voie du Guerrier Dragon… même s’il faut bien reconnaître que la série joue sur des acquis gagnés d’avance, ce troisième opus ne pouvant quand même surpasser les scènes d’action démentielles du film précédent. Kung Fu Panda 3 complète tranquillement la continuité de la série, osant quand même quelques séquences dans le Monde des Esprits joliment barrées. Le reste utilise les recettes sagement éprouvées de la série, reposant sur le potentiel sympathie intact de ses personnages détournant les clichés du film d’arts martiaux. 

Ludovic Fauchier.

 

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Ci-dessus : Hans Zimmer remanie le fameux « Kung Fu Fighting » emblématique de la série. Et en chinois, s’il vous plaît !

 

La fiche technique :

Réalisé par Jennifer Yuh Nelson et Alessandro Carloni ; scénario de Jonathan Aibel et Glenn Berger ; produit par Melissa Cobb, Jonathan Aibel, Glenn Berger et Jeff Hermann ; producteurs exécutifs : Guillermo Del Toro et Mike Mitchell (DreamWorks Animation / China Film Co. / Oriental DreamWorks)

Musique : Hans Zimmer ; montage : Clare De Chenu

Direction artistique : Max Boas ; décors : Raymond Zibach

Supervision de l’animation : Willy Harber

Distribution : 20th Century Fox

Durée : 1 heure 35

En bref… TRIPLE 9

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TRIPLE 9, de John Hillcoat

Atlanta, capitale de l’Etat de Géorgie. Dans le quartier des affaires de la ville, un gang de braqueurs lourdement armé et masqué dévalise une banque, pour s’emparer d’un butin particulier : des preuves concernant un mafioso russe emprisonné. Le braquage manque de tourner au désastre quand l’un des assaillants, Gabe Welch (Aaron Paul), s’empare de billets marqués ; cependant, les braqueurs réussissent in extremis à s’échapper. Michael Atwood (Chiwetel Ejiofor) est le cerveau du groupe, chargé de récupérer l’argent promis par leur commanditaire. Les autres hommes, outre Gabe, sont son frère Russell (Norman Reedus), Marcus Belmont (Anthony Mackie) et Franco Rodriguez (Clifton Collins Jr.). Marcus et Franco sont policiers, de la Brigade des Homicides d’Atlanta… Lorsque Michael remet le butin à sa commanditaire et belle-soeur, Irina Vlaslov (Kate Winslet), celle-ci retarde le paiement et lui propose un nouveau coup, encore plus dangereux, pour récupérer des données qui libèreraient son mari, mafieux emprisonné en Sibérie. Michael refuse ; mais quand Russell est enlevé, torturé et rendu mourant à ses complices, il n’a plus le choix.

Au commissariat, Marcus fait équipe avec un nouveau collègue, Chris Allen (Casey Affleck). Respectueux des règles et déterminé, Chris arrête Luis Pinto (Luis Da Silva), un « lieutenant » de la Mara Salvatrucha, organisation criminelle mexicaine aux méthodes ultra-violentes. Chris, au courant du braquage, s’intéresse à l’identité des braqueurs, et, conseillé par son oncle Jeffrey (Woody Harrelson), un ancien du Grand Banditisme, commence à avoir des soupçons sur ce gang si bien organisé. Si Marcus et Chris deviennent amis, le premier doit faire face à un cas de conscience : pour couvrir leur nouveau braquage imminent, les officiers ripoux envisagent de créer un « Triple 9″ – le code d’urgence pour signaler un officier abattu…

 

Triple 9

Impressions :

On commence à connaître l’univers de John Hillcoat. Cet ancien artiste du vidéoclip, australien de naissance, a fourni une filmographie brève mais conséquente. Au vu de ses principaux titres – The Proposition, La Route et Lawless (Des Hommes sans loi) – et des sujets abordés, on voit que le bonhomme n’est pas du genre à brosser le public dans le sens du poil. Ses films baignent dans la culture western, s’articulent autour de thèmes classiques (les liens de la famille, les codes d’honneur « virils ») et montrent la violence pour ce qu’elle est : une chose sale et abjecte. Triple 9, qui s’aventure du côté du polar à la Michael Mann (impossible de ne pas penser à Heat, la référence absolue), ne déroge pas à ces principes de mise en scène qui font du cinéaste australien un héritier lointain d’un Sam Peckinpah. Rien à redire à cela, Triple 9 respecte la filiation et nous offre un polar rentre-dans-le-lard à souhait. Les personnages sont croqués en quelques scènes, carrés, entiers, les conflits gérés sans temps morts.

Le cinéaste transpose à l’écran sans difficultés les aspects les moins glamour de la ville d’Atlanta, et ses quartiers abandonnés à la criminalité galopante. Quand John Hillcoat montre la violence, il ne la glorifie jamais. Les horreurs commises par la mafia russe et la Mara Salvatrucha sont traitées sur le même pied d’égalité, montrées crûment et frontalement au spectateur, tout comme les dégâts collatéraux des braquages de banque (voir ce pauvre vigile qui finit avec un pied en charpie…). Vous êtes prévenus : ce film n’est pas pour les buveurs de lait tiède. Côté casting, rien à redire ; les acteurs se sont impliqués en professionnels dans leurs rôles. Peut-être que certains dilemmes auraient mérité d’être un peu plus fouillés pour que le film devienne un vrai classique. Néanmoins, les comédiens assurent. Mention spéciale aux rôles secondaires de choc : Woody Harrelson, qui ne se débarrasse jamais de son accent sudiste traînant, en vétéran témoin désabusé du chaos ambiant, toujours une bière ou un pétard à la main, et surtout une Kate Winslet qu’on imaginait pas voir en mafieuse russe. L’actrice anglaise a pris un malin plaisir à incarner une garce absolue. Choucroutée, péroxydée, trimballant une garde-robe bling qui la fait ressembler à une voiture volée, elle écrase en quelques répliques cinglantes ses partenaires masculins. Rien que pour la voir déambuler en Reine Rouge au milieu de ce cauchemar urbain, le film vaut le coup d’œil.

Ludovic Fauchier.

 

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Ci-dessus : rien à voir avec le film, mais ce machinima du jeu vidéo Red Dead Redemption intitulé The Man from Blackwater a été réalisé par John Hillcoat. La preuve par l’image que cet homme-là aime les westerns !

 

La fiche technique :

Réalisé par John Hillcoat ; scénario de Matt Cook ; produit par Marc Butan, Bard Dorros, John Hillcoat, Anthony Katagas, Keith Redmon, Christopher Woodrow, Matt Cook, Meryl Emmerton, Jonathan Pavesi et Adriana Randall (Anonymous Content / MadRiver Pictures / Worldview Entertainment)

Musique : Atticus Ross, Bobby Krlic, Leopold Ross et Claudia Sarne ; photo : Nicolas Karakatsanis ; montage : Dylan Tichenor

Décors : Tim Grimes ; costumes : Margot Wilson

Distribution USA : Open Road Films / Distribution France : Mars Films

Caméras : Arri Alexa XT

Durée : 1 heure 55

En bref… BATMAN Vs. SUPERMAN : L’AUBE DE LA JUSTICE

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BATMAN Vs. SUPERMAN : L’AUBE DE LA JUSTICE, de Zack Snyder

L’Humanité connaît désormais l’existence de Superman, alias Kal-El (Henry Cavill), dernier survivant de la planète Krypton, recueilli et élevé sur Terre sous le nom de Clark Kent. Superman a sauvé la Terre de l’anéantissement prévu par le Général Zod (Michael Shannon), un guerrier kryptonien renégat. Si Zod est mort, l’affrontement dans Metropolis a fait de graves dégâts. Aux yeux de Bruce Wayne (Ben Affleck), l’industriel homme d’affaires qui a vu jadis mourir ses parents, l’Homme d’Acier est responsable de ces destructions qui ont coûté des vies humaines.

18 mois après la bataille, Superman continue de diviser l’opinion publique. S’il sauve la vie de la journaliste Lois Lane (Amy Adams) de mercenaires en Afrique, il ne réalise pas que certains d’entre eux se sont ensuite vengés sur les populations locales. Une commission d’enquête, menée par la sénatrice Finch (Holly Hunter), se prépare à le questionner sur ses actes. La même sénatrice a maille à partir avec l’ambitieux Lex Luthor (Jesse Eisenberg), richissime PDG d’un empire industriel qui cherche, en accord avec l’Armée, à s’approprier la technologie kryptonienne pour en faire une arme de dissuasion contre Superman. Pour ce faire, Luthor est prêt à tout pour s’emparer des restes du vaisseau de Zod, du corps de ce dernier, et des fragments de kryptonite issue de la planète natale de Superman. Pendant ce temps, sous son identité civile de Clark Kent, journaliste, collègue et compagnon de Lois, Superman s’intéresse de près aux agissements du mystérieux justicier vigilante de Gotham City : Batman. Lequel n’est autre que Bruce Wayne, ayant voué sa vie à combattre le crime, aidé par son fidèle Alfred (Jeremy Irons). Poussé par la colère, Batman commet des actions de plus en plus violentes contre des truands, le menant sur la piste du « White Portuguese », qui serait lié à Luthor. Hanté par des cauchemars des plus intenses, Bruce se persuade que Superman, libre de tout contrôle, est une menace inéluctable pour toute la planète. La suspicion entre lui et Clark va les mener à l’affrontement, les deux justiciers étant manipulés par Luthor. La situation va encore se compliquer avec l’entrée en jeu d’une mystérieuse antiquaire, Diana Prince (Gal Gadot), à la recherche d’un dossier détenu par Luthor. Un dossier qui la concerne, ainsi que d’autres êtres incroyables…

 

Batman V. Superman - L'Aube de la Justice

Impressions :

Dans le ring, à ma gauche, le père de tous les super-héros, avec (sauf erreur de ma part) six longs-métrages, trois séries télévisées, deux serials, des séries animées à la pelle : le Man of Steel, le Dernier Fils de Krypton… Supermaaaaan !! Et son challenger, à ma droite, avec (là encore, sauf erreur de ma part), huit longs-métrages, une série télévisée, deux serials, et un paquet de séries animées : le Dark Knight, le Plus Grand Détective du Monde… Batmaaaan !! Ah, mais attendez, on me signale qu’un troisième concurrent va faire son apparition, l’Amazone Invincible… Wonder Womaaaan !!! (C’est la justicière / interplanétaaaire… oups, retour d’acide des seventies…)

Bon, un peu de sérieux. Cela devait finir par arriver, en ces temps où les super-héros règnent en maîtres sur le box-office (jusqu’à la saturation et l’overdose imminente), le choc entre les deux poids lourds de l’univers de DC Comics était annoncé depuis longtemps. Petit rappel des faits : après le désastre de Batman & Robin en 1997, ayant entraîné l’arrêt de la production du Superman Lives de Tim Burton l’année suivante, les cadres de la Warner Bros. (studio détenteur des droits d’adaptation des comics Batman et Superman) hésitèrent à relancer les superproductions des super-héros maison. Avant que Christopher Nolan ne décrasse le monde du Dark Knight en 2005 avec Batman Begins, l’idée d’un choc au sommet Batman Vs. Superman fut longtemps envisagée, au point que l’allemand Wolfgang Petersen plancha sur le film au début des années 2000. Le studio hésita, jugeant le projet trop cher, trop aléatoire (Avengers n’est pas encore passé par là pour convaincre les chefs de studio de la crédibilité d’un univers partagé), et laissa tomber l’affaire, se concentrant sur le succès de la trilogie de Nolan. Les spectateurs de Je suis une Légende, une production Warner de 2007, remarquèrent bien pourtant la présence d’une affiche familière sur un cinéma désert, dans le film avec Will Smith. L’idée de l’univers partagé titillait certes les équipes en place chez Warner/DC, sans aboutir. Plutôt tatillons, les cadres de Warner mirent fin prématurément à l’idée d’un film Justice League réalisé par George Miller rassemblant Batman, Superman et leurs petits camarades. Explication probable : le coût prohibitif là encore, plus le fait que les héros maison soient incarnés par des acteurs différents (pas de Christian Bale en Batou, par exemple). Dommage pour Miller. Monsieur Mad Max aux commandes d’un projet pareil aurait sans doute livré un des meilleurs films du genre (il en resta des traces dans Fury Road, l’espace de quelques scènes ou Megan Gale, la Wonder Woman pressentie par Miller, incarnait une guerrière proche de celle-ci). L’inflation du genre a finalement eu raison tardivement des réticences du studio. Les recettes faramineuses des films Avengers ont enfin décidé la Distinguée Concurrence à rattraper son retard. Outre l’affrontement longtemps fantasmé entre les deux figures de proue du genre, ce Batman Vs. Superman : L’Aube de la Justice orchestré par Zack Snyder ferait le lien entre le Man of Steel de ce dernier, et les futurs films estampillés Justice League que le studio produira dans les quatre ans à venir. Un pari difficile à tenir pour le réalisateur de 300, compte tenu de l’accueil mitigé réservé à Man of Steel – un succès, certes, mais pas le carton annoncé. L’imagerie positive liée à Superman, héros solaire par excellence, était contredite par un ton tourmenté et des destructions massives assez répétitives. 

Quoi qu’il en soit, le grand cross-over réalisé par Snyder entre les deux mastodontes prend un sacré risque, à sa façon. Le réalisateur ne change pas son approche « dark » et sérieuse, un pari contredisant les productions Disney/Marvel, qui se complaisent ces derniers temps dans les vannes faciles et le popcorn ; complexe, tortueux dans sa première partie (perdant même les spectateurs dans des expositions et des complots interminables), le film de Snyder sait aussi se faire généreux et tendu quand les principaux protagonistes viennent enfin à s’opposer. Trop généreux, même… Snyder aurait sans doute du revoir son script, fourmillant d’idées et de concepts intéressants, mais déséquilibrés. Le film questionne enfin la question de la responsabilité des actions des super-héros (la scène d’ouverture, s’inspirant parfois au plan près des images chocs de La Guerre des Mondes de Spielberg, prend compte cette fois du coût humain des destructions vues dans Man of Steel, en les traitant du point de vue de Bruce Wayne). Entre un Superman qui, certes, a une notion aiguë du Bien mais ne rend de comptes à personne (et a donc la tentation de devenir un Dieu omnipotent et arbitraire), et un Batman qui se salit les mains en se confrontant brutalement à ce qui se fait de pire parmi l’espèce humaine (au risque de sombrer dans la violence et la psychopathie), il y a deux notions opposées de la Justice qui s’affrontent. Ceci menant à des explications forcément musclées, avant l’inévitable rabibochage des deux héros - figure imposée, ou poncif, du genre où les deux adversaires se rendent compte qu’ils feront face à la même menace et feront équipe pour le bien de l’Humanité. Ici, par la magie d’une astuce scénaristique assez simple, le prénom de la maman des deux surhommes étant le même…

Difficile d’être totalement emballé par ce film qui est déséquilibré par une durée bâtarde de deux heures et demie, et revendique un esprit de sérieux parfois pesant. Pourtant, reconnaissons aussi à Snyder d’oser prendre des risques dans un genre bien trop formaté par le système des studios ; là où la concurrence se complaît ces derniers temps dans le second degré agaçant, Snyder assume la noirceur du récit, souvent très proche de sa version de Watchmen (Batman punissant les criminels est à peine moins violent que Rorschach, et Superman, déphasé du reste de l’Humanité, évoque ici le Docteur Manhattan) ; il compose des plans superbes, revendique l’inspiration chez des modèles souvent disparates (La Guerre des Mondes de Spielberg, donc, mais aussi Mad Max, via une séquence de rêve post-apocalyptique, ou des références cachées à Excalibur de John Boorman et aux Sept Samouraïs de Kurosawa) et, quand vient l’heure des affrontements surhumains, ne mégote pas sur les images épiques. A ce titre, l’apparition d’une Wonder Woman en mode « fureur spartiate » reste le grand moment badass du film. Côté casting, c’est à l’image du film : bien, mais inégal. Henry Cavill reste dans le stoïcisme de Man of Steel ; Ben Affleck, critiqué au moment du casting par des fanboys traumatisés par son incarnation ratée de Daredevil est ici un Batman crédible, bon successeur de Christian Bale ; Gal Gadot assure en Wonder Woman. Par contre, de grands acteurs sont un peu sacrifiés (Jeremy Irons en Alfred, notamment), et Jesse Eisenberg en Lex Luthor juvénile sociopathe caricature son rôle dans The Social Network. Côté direction artistique, rien à redire, c’est du bon travail, et à la musique, Hans Zimmer et son comparse Junkie XL (Mad Max Fury Road !!) délivrent un score déchaîné à souhait.

Verdict final : ce Batman Vs. Superman divise, à juste titre. Zack Snyder sait offrir des instants fulgurants propres à emballer les amoureux du genre, mais c’est au détriment d’un scénario mal équilibré, incroyablement confus dans son premier acte. Dommage ? Le film paie sans doute aussi pour la lassitude d’un genre devenant envahissant et répétitif. Tandis que la concurrence fourbit ses armes (Captain America : Civil War et X-Men Apocalypse sont dans les starting-blocks), la team DC/Warner pourrait provoquer une surprise de taille avec un Suicide Squad que l’on espère audacieux et subversif. Reste donc à voir si l’évolution du genre vers un mode plus adulte entrepris par Snyder (qui va rempiler avec les films Justice League) va réellement faire sortir le genre des ornières qui le guettent.

 

Ludovic Fauchier.

 

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Ci-dessus : entre 300 et Mad Max Fury Road, la musique démente conçue par les duettistes Hans Zimmer – Junkie XL justifie à elle seule l’achat du billet !

 

La fiche technique :

Réalisé par Zack Snyder ; scénario de Chris Terrio & David S.Goyer, d’après les personnages créés par Bob Kane & Bill Finger (Batman), Joe Shuster & Jerry Siegel (Superman), William Moulton Marston (Wonder Woman) pour DC Comics ; produit par Charles Roven, Deborah Snyder, Curt Kanemoto, Jim Rowe, Gregor Wilson et Bruce Moriarty (Warner Bros. / DC Comics / DC Entertainment / Atlas Entertainment / Ratpac Entertainment) 

Musique : Hans Zimmer et Junkie XL ; photo : Larry Fong ; montage : David Brenner

Direction artistique : Troy Sizemore ; décors : Patrick Tatopoulos ; costumes : Michael Wilkinson

Effets spéciaux de plateau : Joel Whist ; effets spéciaux visuels : John « D.J. » Des Jardin, Bryan Godwin, Dinesh K. Bishnoi, Harimander Singh Khalsa, Joe Letteri, Keith Miller, Harry Mukhopadyay, Guillaume Rocheron (Weta Digital / 4D MAX / Double Negative / Gener8 3D / MPC / Perception / Scanline VFX / Shade VFX / Tyrell FX & Rentals) ; cascades : Damon Caro et Isaac Harmon

Caméras : Arri Alexa, Arriflex 416 et 435, Canon EOS 5D, GoPro HD Hero 4, IMAX MKIII et MSM 9802, Panavision Panaflex Millennium XL2 et System 65 Studio

Distribution : Warner Bros.

Durée : 2 heures 31

En bref… DEADPOOL

* AVERTISSEMENT : un justicier masqué à l’hygiène aussi douteuse que l’humour a tenté de s’introduire dans ce blog. Sauras-tu le reconnaître ? *

 

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DEADPOOL, de Tim Miller

La justice a un nouveau visage, complètement ravagé : Deadpool (Ryan Reynolds), le mercenaire avec une grande gueule. Increvable mais pas invulnérable, virtuose des armes à feu et des sabres, amateur de bouffe mexicaine, de prostituées, de pognon et ennemi juré du 4ème Mur, il affronte ce matin-là les membres du gang de Francis Freeman, alias Ajax (Ed Skrein), son ennemi juré. L’affrontement sur l’autoroute attire l’attention du X-Man Colossus (André Tricoteux, T.J. Storm, Matt LaSalle et la voix de Stefan Kapicic) (sérieux, ils s’y sont mis à combien pour jouer UN type ?!) et de sa petite protégée, Negasonic Teenage Warhead (également connue sous le nom de « pseudo qui déchire ») (Brianna Hildebrand), qui décident de ramener de ramener un peu de justice et de bonté dans ce merdier sanglant.

Mais derrière le masque de tueur de Deadpool, se cache un homme, un vrai, sensible, cultivé et délicat (hey, on a dit « un homme » !!!) : Wade Wilson… Deux ans plus tôt : Wade, ex-membre des Forces Spéciales devenu mercenaire à la petite semaine, qui passe le plus clair de son temps libre à picoler au bar de son seul ami Weasel (T.J. Miller). Il y rencontre la belle Vanessa (Morena Baccarin), escort girl qui devient en un rien de temps la femme de sa vie. Après quelques mois de bonheur et de pratiques sexuelles intenses, Wade déchante : il se découvre atteint d’un cancer généralisé incurable. Un recruteur vient un jour lui proposer une offre trop tentante : se faire injecter un sérum qui activera ses cellules mutantes dormantes, faisant de lui un super-héros sain et bien portant. Wade accepte, et réalise trop tard qu’il s’est fait piéger par deux trafiquants dotés de super-pouvoirs : Francis Freeman, le fameux Ajax (il lave sa vaisselle à fond), et sa complice Angel Dust (Gina Carano). Laissé pour mort après une tentative d’évasion ratée, Wade se retrouve pourvu d’un pouvoir d’autoguérison qui lui a laissé un faciès semblable à une part de pizza avariée. Sa vie avec Vanessa est ruinée. Wade devient Deadpool, ne vivant que pour la VENGEAAANCE !!… (laisse tomber Ludo, tu es ridicule, ils ont déjà vu le film !)

 

 Deadpool

Impressions :

Impressions très rapides aujourd’huii, vu que le film est déjà sorti depuis un mois… donc :

1) soit vous êtes un fan absolu du comics, vous avez vu le film 200 fois et lui avez mis la note maximum sur ImdB, et donc vous n’avez pas besoin de mon avis…

2) soit les films de super-héros (parodiques ou pas) vous sortent par les yeux, et vous n’êtes donc pas allé voir le film, vous n’avez pas envie de le voir et n’avez pas besoin de lire mon avis !

Faisons court. De tout le catalogue des super-héros Marvel, Deadpool est le plus infréquentable. Personnage secondaire apparu dans la série de comics X-Force, liée à l’univers des X-Men, ce lascar a pris du galon au fil des ans, au fil de la fantaisie des auteurs lui ayant donné une hygiène douteuse, un goût immodéré pour les vannes scatos, une résistance infinie aux pires blessures et mutilations, et le don unique de briser le 4ème Mur en permanence. Deadpool est le seul personnage des comics Marvel à avoir conscience d’être un personnage de comics, et il ne se prive donc pas de s’adresser au lecteur, de se moquer des clichés du genre ou de débattre en permanence avec ses « bulles de pensée », ceci causant chez ses congénères plus sérieux perplexité et/ou exaspération. Devenu culte en quelques années, le mercenaire bavard est donc situé quelque part entre le délire des films de Robert Rodriguez (pour l’ultra-violence cinglée, le mauvais goût revendiqué, les bombasses et la nourriture mexicaine corsée) et les personnages de cartoon tendance Ecureuil Fou de Tex Avery (pour la maltraitance permanente dudit 4ème Mur).

Le film de Tim Miller ici évoqué découle d’une énorme déception, liée à la première apparition du personnage, déjà incarné par Ryan Reynolds, dans X-Men Origines : Wolverine. Un titre qui provoque unanimement la fureur des fans, entre autres par le traitement abracabrantesque du personnage, finissant en simili-monstre de Frankenstein ninja/téléporteur/tirant des rafales de laser par les yeux… et surtout réduit au silence. Une énorme erreur ambulante, que Ryan Reynolds dut assumer au même titre que ses autres rôles dans des comic books movies foireux (Blade Trinity et Green Lantern), avant de participer à un film test réalisé par un ancien des effets spéciaux et des jeux vidéo, Tim Miller. Le réalisateur voulait démontrer aux cadres de la Fox, studio détenteur du personnage, qu’un film respectueux sur ce drôle de gugusse pouvait être tourné, à moindres frais. Diffusé sur le Net, le court-métrage fit un tel carton que le studio céda. Résultat des courses : un carton particulièrement rentable, prouvant par A + B qu’une adaptation de comics n’a pas forcément besoin d’un budget monstrueux pour être réussie : budget de 58 millions de dollars (une somme riquiqui par rapport à la tendance actuelle), pour 708 millions de dollars de bénéfice !

De beaux chiffres, certes, mais est-ce qu’au final, Deadpool est un bon film ? Euh… autant dire la vérité : ce film est très con, mais il est bon, à sa façon… ce qui, ici, est finalement une qualité ! C’est une sorte d’énorme fan fiction réalisée par des professionnels qui assument parfaitement le crétinisme du postulat de départ. Les scénaristes, déjà responsables du cultissime Bienvenue à Zombieland, se sont amusés à servir un one-man show sur mesure à Ryan Reynolds, jamais avare de blagues cradingues, de dixième degré permanent et de grosses allusions à la culture pop. Mention spéciale à l’affrontement avec Colossus, qui rappelle délibérément la scène du Chevalier Noir de Monty Python Sacré Graal ! Ainsi qu’à la scène post-générique de fin à la Ferris Bueller… Voilà, il n’y a guère plus à dire. Il est totalement recommandé de débrancher son cerveau avant de voir le film, à ranger dans le rayon « plaisirs coupables et idiots » au côté de, disons, Dumb & Dumber ou Zoolander.

Ludovic Fauchier (et Deadpool. Tu pourris mon film, je pourris ton blog !!)

 

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Ci-dessus : le film test de Deadpool, qui a tout déclenché.

La fiche technique :

Réalisé par Tim Miller ; scénario de Rhett Reese et Paul Wernick, d’après le personnage créé par Fabian Nicieza & Rob Liefeld (Marvel Comics) ; produit par des culs… par Lauren Shuler Donner, Simon Kinberg et Ryan Reynolds (20th Century Fox Film Corporation / Marvel Entertainment / Kinberg Genre / The Donners’ Company / TSG Entertainment)

Musique : Tom Holkenborg (Junkie XL de Mad Max Fury Road, le meilleur film de l’univers. Respect !!) ;  photo : Ken Seng ; montage : Julian Clarke

Direction artistique : Greg Berry, Nigel Evans et Craig Humphries ; décors : Sean Hawort ; costumes : Angus Strathie

Effets spéciaux visuels : Wayne Brinton, Vincent Cirelli , Pauline Duvall, Charlie Iturriaga, Blaine Lougheed, Paul George Palop, Charles Tait et Ryan Tudhope (Weta Digital / Atomic Fiction / Blur Studios / Digital Domain / Luma Pictures / Ollin VFX Studio / Rodeo FX) ; effets spéciaux de plateau : Alex Burdett ; effets spéciaux de maquillages : Bill Corso ; cascades : Robert Alonzo, combats réglés par D. Pool et Philip J. Silvera

Distribution : 20th Century Fox Film Corporation

Durée : 1 heure 48 

Caméras : Arri Alexa XT Plus (sérieux, mec !? qui s’intéresse aux caméras Arri Alexa XT Plus en lisant ce blog ?! … Toi, fidèle lecteur de l’Ariège ?)

En bref… THE REVENANT

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THE REVENANT, d’Alejandro Gonzalez Inarritu

Les plaines du Grand Nord américain, en 1823. Un groupe de trappeurs, commandés par le capitaine Andrew Henry (Domnhall Gleeson), termine sa saison de chasse dans un territoire sauvage. Un groupe d’Arikaras lance une attaque surprise, qui tourne au massacre. Seuls dix hommes parviennent à s’échapper par bateau. Pourchassés par les Arikaras, les hommes doivent retourner au plus vite au Fort Kiowa. Le guide du groupe, Hugh Glass (Leonardo DiCaprio), recommande de fuir à pied, une décision contestée par plusieurs trappeurs, dont John Fitzgerald (Tom Hardy). Deux hommes tentent malgré tout la fuite en bateau. Ils seront rattrapés et tués par les Arikaras.

Pendant ce temps, la tension monte entre Glass et Fitzgerald, qui lui reproche ses mauvaises décisions les ayant forcé à abandonner leurs précieuses peaux. Parti repérer une piste en amont, Glass est attaqué par une ourse grizzly, qu’il parvient à tuer. Lorsque ses camarades le découvrent inanimé, ravagé par les morsures et les griffures, ils ne donnent pas cher de sa peau. Henry décide de le faire transporter sur un brancard improvisé à travers la montagne, mais les hommes sont vite épuisés. Le transport de Glass étant impossible, Henry se résout à l’abandonner, laissant deux hommes veiller sur lui jusqu’à ce qu’il rende l’âme. Hawk, le fils métis indien Pawnee de Glass (Forrest Goodluck), et le jeune Jim Bridger (Will Poulter) se portent volontaires. Fitzgerald se joint à eux, pour pouvoir toucher une prime de risque qui rattrapera la perte des peaux. Mais, de plus en plus effrayé par la proximité des Arikaras, Fitzgerald va prendre une décision dramatique pour la vie de Glass, la sienne et celles de leurs jeunes compagnons…

 

The Revenant

Impressions :

Le verdict est tombé, sans grande surprise. The Revenant a fait la une de la soirée des derniers Oscars, où l’on ne parlait que du prix enfin décerné à Leonardo DiCaprio. Les médias ont tenu sensiblement tous le même discours sur le même air :  »Il était temps !« . Toujours nominé, jamais récompensé, l’acteur, dont le professionnalisme et l’investissement sont indiscutables, avait mis fin à la prétendue « malédiction » (on conviendra qu’il y a pire malédiction, dans ce métier…). On devrait saluer comme il se doit la performance de DiCaprio dans le nouveau film d’Alejandro Gonzalez Inarritu, et pourtant, un malaise demeure. Le déluge de louanges critiques et de couverture médiatique saluant ce film certes laissera au final plus de perplexité qu’autre chose… Mais reprenons par le commencement. 

A l’origine de The Revenant, il y a une histoire vraie survenue au début du 19ème Siècle, dans un Grand Nord lieu de tous les dangers pour quelques misérables trappeurs et chasseurs. Des gens comme Hugh Glass. Rescapé d’une attaque de grizzly, laissé pour mort par ses camarades et ayant bravé tous les dangers sur 300 kilomètres avant de retrouver ceux qui l’avaient laissé crever, le périple de Glass était devenu une légende américaine. Son histoire avait déjà inspiré un très beau film : Man in the Wilderness (Le Convoi Sauvage) de Richard C. Sarafian, avec Richard Harris et John Huston. Un petit bijou de « survival western » sorti en 1971, et contemporain d’un classique de la même eau, le Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, écrit par John Milius et incarné par Robert Redford. La nature sauvage, la présence des Indiens, les immenses espaces glacés, la lutte pour la survie de quelques pauvres âmes égarées, voilà de quoi fournir une belle balade sauvage, a dû se dire Alejandro Gonzalez Inarritu. A priori, cela semblait excitant ; le réalisateur de Biutiful, un des trois caballeros mexicains (avec Alfonso Cuaron et Guillermo Del Toro) qui ont su imposé leur vision originale ces dernières années, ici associé à Leonardo DiCaprio et Tom Hardy pour un survival promettant d’être teigneux et intense, cela avait de quoi faire saliver. Pourtant, au final, The Revenant fait surtout soulever quelques sourcils circonspects. Par moments, le film touche droit au but. Et à d’autres, il s’étiole à n’en plus finir, le réalisateur semblant se perdre dans la contemplation, le mysticisme facile et les effets qui plombaient déjà son précédent – et surfait – Birdman. De quoi s’inquiéter sur la carrière d’un auteur jusqu’ici irréprochable.

The Revenant ne manque pourtant pas de qualités, mais il tend sans cesse le bâton pour se faire battre. Oui, le film est splendide, aidé en cela par le travail sublime du chef opérateur Emmanuel Lubezki, récompensé à juste titre d’un Oscar pour son utilisation des lumières naturelles ; et Lubezki fait preuve une fois de plus de sa sidérante maîtrise du plan-séquence (revoir ses travaux précédents sur Les Fils de l’Homme, Gravity et Birdman) sur les morceaux de bravoure attendus. L’assaut des Arikaras qui ouvre le film est d’une intensité et d’une brutalité équivalant Le Soldat Ryan de Spielberg, l’attaque du grizzly (impossible de déceler le remarquable travail fourni par ILM sur un animal totalement numérique) et l’affrontement final sont d’une brutalité absolue. Problème : ces démonstrations de virtuosité supplantent un récit très schématique (gentil trappeur-qui-veut-se-venger-de-méchant-trappeur-tout-en-cherchant-l’inévitable-rédemption… voilà, c’est tout !), qui commet de plus l’erreur de multiplier les scènes contemplatives interminables, surlignées et pas vraiment subtiles, héritées de Terrence Malick (pour qui Lubezki signa la très belle photo, très similaire, du longuet Nouveau Monde). Quant à la performance de Leonardo DiCaprio… reconnaissons que l’acteur ne ménage pas ses efforts pour nous faire ressentir les souffrances de son personnage, pourchassé, griffé, perforé, ligoté, noyé, bouffant de la viande crue, constamment épuisé et hagard… Sauf que son Hugh Glass s’avère finalement assez peu intéressant à suivre, limité par ce satané script qui se contente d’enfoncer des portes ouvertes et invente un passé politiquement correct au personnage. Un rapide coup d’œil sur Wikipédia révèlera d’ailleurs que le vrai Glass n’a jamais eu de femme indienne et encore moins d’enfant métis ; le syndrome angélique à la Danse avec les Loups a encore frappé. Cette prise de position bienveillante en faveur des Amérindiens serait touchante, si elle ne semblait pas aussi calculée.

Dommage pour DiCaprio, qui semble avoir hérité d’un Oscar de compensation, l’Académie s’excuseant du coup de ne pas avoir salué plus tôt le talent de l’acteur dans de meilleurs rôles (de Gilbert Grape au Loup de Wall Street, en passant par Arrête-moi si tu peux ou Aviator, le choix ne manquait pas) et commet d’autres injustices – en négligeant par exemple la brillante interprétation de Michael Fassbender dans Steve Jobs, ou en accordant l’Oscar de la mise en scène à Inarritu (bon sang, et George Miller sur Mad Max Fury Road, c’était de la gnognotte, peut-être ?!). D’ailleurs, en parlant de Mad Max… Leo se fait littéralement éclipser dans le film par Tom Hardy. Le nouveau Road Warrior écrase littéralement son collègue : il investit un personnage antipathique à 200 %, jouant à merveille de son charisme brut et animal, et, l’espace de quelques scènes, le rend bien plus intéressant que le héros martyr. Terrible frustration, au final : Inarritu et son scénariste ont choisi la facilité et avaient un bien meilleur film à développer, s’ils s’étaient reposés sur Hardy. En l’état actuel, The Revenant, handicapé par des erreurs pourtant évidentes à résoudre, déçoit plus qu’il n’enthousiasme. Allez comprendre pourquoi tout le monde s’emballe pour ce film certes très beau, mais terriblement survendu…

 

Ludovic Fauchier.

 

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Ci-dessus : la bande annonce du Convoi Sauvage (Man in the Wilderness) avec Richard Harris. Cela vous semble familier ?

 

La fiche technique :

Réalisé par Alejandro Gonzalez Inarritu ; scénario d’Alejandro Gonzalez Inarritu et Mark L. Smith, partiellement basé sur le roman de Michael Punke ; produit par Steve Golin, Alejandro Gonzalez Inarritu, Arnon Milchan, Mary Parent, Keith Redmon, James W. Skotchdopole, Alexander Dinelaris, Nicolas Giacobone, Douglas Jones, Scott Robertson et Alex G. Scott (Anonymous Content / Appian Way / Catchplay / Hong Kong Alpha Motion Pictures Co. / M Productions / Monarchy Enterprises S.a.r.l. / New Regency Pictures / RatPac Entertainment)

Musique : Carsten Nicolai (Alva Noto) et Ryuichi Sakamoto ; photo : Emmanuel Lubezki ; montage : Stephen Mirrione

Direction artistique : Michael Diner et Isabelle Guay ; décors : Jack Fisk ; costumes : Jacqueline West

Distribution : 20th Century Fox

Caméras : Arri Alexa 65, XT, XT M et Red Epic Dragon

Durée : 2 heures 36

En bref… AVE CESAR !

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AVE CESAR !, d’Ethan & Joel Coen

Hollywood, début des années 1950. A la tête du studio Capitol Pictures, Eddie Mannix (Josh Brolin) est non seulement celui qui s’assure que les films soient tournés et distribués sans problèmes, il est aussi le « fixer » de service du studio - celui qui tire les stars sous contrat des scandales qui les guettent au moindre faux pas, et qui pourraient nuire à l’image de marque de Capitol. Et il a du pain sur la planche…

Simultanément, Eddie doit régler divers problèmes. La grossesse hors mariage de DeAnna Moran (Scarlett Johansson), la star des comédies musicales aquatiques, à qui Eddie doit donc trouver en urgence un troisième mari valable. Mari qui devra se faire passer officiellement pour le père de l’enfant à naître, et ainsi permettre à DeAnna d’adopter son propre bébé ! Autre problème : la défection de l’acteur principal du mélodrame « Merrily We Dance » filmé par le grand Laurence Laurentz (Ralph Fiennes). Sur ordre de son patron, Eddie désigne Hobie Doyle (Alden Ehrenreich) comme nouvelle star du film. Et tant pis si le gentil Hobie, cowboy chantant de série B, est un acteur calamiteux. Plus ennuyeux encore pour Eddie, le tournage du péplum « Avé, César ! » connaît un problème encore plus grave. Baird Whitlock (George Clooney), l’acteur superstar, vient d’être enlevé par des scénaristes sous-payés, tous sympathisants communistes… Eddie devra leur payer 100 000 dollars pour revoir sa star vivante, à déposer sur le tournage de la dernière comédie musicale de Burt Gurney (Channing Tatum). Eddie doit régler tous ces problèmes en même temps, tout en déjouant les menaces des jumelles commères Thora et Thessaly Thacker (Tilda Swinton). Et il se voit de plus poser un cas de conscience quand un émissaire de la respectable Lockheed Corporation lui offre un poste idéal à la direction de la firme aéronautique, loin d’Hollywood et de ses vedettes ingérables…

 

Avé, César !

Impressions :

Après leur remarquable Inside Llewyn Davies, les frangins Coen s’offrent ici une petite récréation sur un univers qu’ils affectionnent : le Hollywood de l’Âge d’Or, dont les meilleures œuvres ont largement inspiré l’ambiance de leurs propres films, de Frank Capra aux maîtres du Film Noir. Un univers qu’on a quelque peu tendance aujourd’hui à idéaliser en se référant aux seuls films classiques, et en oubliant que, pour ceux qui vivaient dans l’Usine à Rêves, ce n’était pas une sinécure… Patrons despotiques, stars névrosées enfermés par contrat dans une cage dorée, scandales à foison, voilà largement de quoi inspirer les deux frères – avec en plus le contexte d’une période politique troublée par la suspicion anticommuniste. Et les Coen s’amusent aussi à titiller la mémoire cinéphile en se référant moins aux indiscutables classiques qu’aux « produits » les plus absurdes de l’époque ; pour retenir les spectateurs dans les salles, les grands studios créaient aussi des effets de mode et des stars vraiment improbables. Qui, aujourd’hui, oserait regarder les comédies musicales aquatiques d’Esther Williams, les numéros de Carmen Miranda, les films de cowboys chantants et autres joyeusetés à succès de l’époque (lorsque certains s’enthousiasmaient pour le dernier Hitchcock ou Minnelli, d’autres se précipitaient pour aller voir Francis, la Mule qui parle !). Sans oublier les premiers péplums au look très rococo, comme Quo Vadis ?, Salomé ou La Tunique, pourvoyeurs de grandes leçons évangéliques.

Les frères Coen préfèrent en rire, et jeter sur cette époque bariolée un regard décalé typique de leur humour. Ils choisissent pour cela de traiter l’époque à travers le personnage d’Eddie Mannix, librement inspiré d’un personnage homonyme ayant réellement existé : le directeur exécutif de la MGM, ayant sauvé des acteurs prestigieux du scandale (Spencer Tracy et Clark Gable, notamment), et soupçonné d’avoir été impliqué dans le mystérieux « suicide » de George Reeves (l’interprète de la série télévisée Superman des années 1950). Il faut bien connaître cette époque, aussi, pour saisir les références glissées à la période : les scénaristes kidnappeurs du film sont la version Coen des « Hollywood Ten », ces scénaristes mis à l’index et empêchés de travailler par l’HUAC en raison de leurs sympathies communistes. Scénaristes dont le nom le plus connu reste sans doute Dalton Trumbo, réhabilité après plus d’une décennie par Kirk Douglas, qui l’engagea pour écrire Spartacus, le grand péplum épique de Stanley Kubrick (où l’on peut facilement repérer les discours socialistes sans équivoque !). Rappelons que nombre de personnalités hollywoodiennes furent conviées à dénoncer devant l’HUAC leurs petits camarades soi-disant agents du communisme. Si certains s’y refusèrent (Gene Kelly, qui inspire le personnage de Channing Tatum, défendit sa femme Betsy Blair), d’autres collaborèrent – notamment Robert Taylor, la star de Quo Vadis ?, parodié ici avec délices par George Clooney. Clooney, d’ailleurs, n’est jamais aussi bon dans la comédie que quand il fait l’idiot chez les frères Coen ; le voir reprendre les tics de jeu typiques des acteurs de l’époque en étant coincé dans sa cuirasse de centurion justifie l’achat du ticket à lui seul. Avé, César ! dispense aussi de savoureux moments de comédie, notamment cette discussion de théologiens consultants scénaristes, ou les tentatives du très distingué réalisateur joué par Ralph Fiennes (tout droit échappé du Grand Budapest Hotel) pour transformer un cowboy de rodéo en acteur distingué.

Pour autant, il manque à Avé, César ! un petit quelque chose qui en ferait une comédie de premier plan. Pas aussi définitif que The Big Lebowski ou O’Brother, le film a tendance à « patiner » dans sa seconde partie, comme si les frères Coen survolaient plus leur sujet au lieu d’exploiter à fond tous les ressorts comiques qui s’offraient à eux. Mineur, mais agréable, Avé, César ! est destiné avant tout aux connaisseurs du cinéma de l’époque, avant de prochaines œuvres plus ambitieuses.

Ludovic Fauchier.

 

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Ci-dessus : Channing Tatum pousse la chansonnette sur la BO du film composée par Carter Burwell. Faites chauffer les claquettes !

 

La fiche technique :

Réalisé et écrit par Ethan & Joel Coen ; produit par Tim Bevan, Ethan & Joel Coen, Eric Fellner et Catherine Farrell (Mike Zoss Productions / Working Title Films)

Musique : Carter Burwell ; photo : Roger Deakins ; montage : « Roderick Jaynes » (alias les frères Coen)

Direction artistique : Dawn Swiderski ; décors : Jess Gonchor ; costumes : Mary Zophres

Distribution : Universal Pictures / UIP

Caméras : Arricam LT et Arriflex 535B

Durée : 1 heure 46

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