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Retour vers le Futur (dans le passé) ! – 1925 : Chaplin, Keaton et Lloyd

Retour vers le Futur

Bonjour, chers amis neurotypiques ! Voici une nouvelle rubrique qui paraîtra de temps à autre, entre deux critiques de films… Le principe est simple : on va remonter le Temps, et redécouvrir le cinéma d’une autre époque, de la plus ancienne à la plus récente. Bonne lecture ! Nom de Zeus, Marty ! Comme j’aime bien suivre une certaine logique, je programme le convecteur temporel de la DeLorean sur les années se finissant en « 5″. En plus, ce sera parfaitement raccord avec nos propres aventures, qui ont débuté il y a trente ans ! Aujourd’hui, cap sur l’année 1925.

Le monde a considérablement changé… Nous sommes en pleines Années Folles, succédant aux privations et au traumatisme de la Grande Guerre – celle dont on croit qu’elle fut la dernière… Quelques repères de cette année-là : Benito Mussolini a prononcé en janvier un discours décisif en Italie, en faveur des violences commises par les squadristes, qu’il libère. En Allemagne, Paul von Hindenburg est élu président de la République de Weimar, dans un pays gagné lui aussi par le nationalisme et l’antisémitisme ; sorti de prison, un certain Hitler a vu son parti, le NSDAP, de nouveau autorisé ; il crée cette année-là les SS, et son (minable) petit livre, Mein Kampf, vient d’être publié… En juillet, l’armée française vient de quitter la Ruhr en Allemagne, et subit de plein fouet l’insurrection nationaliste de la Révolution Syrienne. Aux Etats-Unis, l’opinion publique se passionne pour le « Procès du Singe », opposant l’Etat du Tennessee à l’enseignant John Scopes qui a osé enseigner les théories évolutionnistes de Darwin à l’école. Les membres du Ku Klux Klan, de leur côté, ont défilé en masse à Washington. Les mathématiciens Werner Heisenberg et Max Born élaborent la mécanique quantique. En France, on découvre Joséphine Baker et on fredonne Valentine, de Maurice Chevalier. Le dirigeant nationaliste chinois Sun Yat-Sen décède le 12 mars, le compositeur Erik Satie meurt le 1er juillet. Les amateurs de mystères, quant à eux, s’intéresseront à la disparition en Amazonie de l’explorateur anglais Percy Fawcett, parti à la recherche de la mythique cité perdue de « Z » ; et le steamer Cotopaxi (familier aux fans de Rencontres du Troisième Type…) disparaît dans le Triangle des Bermudes. 

Au cinéma, on va voir, entre autres, Ben Hur de Fred Niblo, Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein, la version scandaleuse de La Veuve Joyeuse d’Erich Von Stroheim, on frissonne devant Le Fantôme de l’Opéra avec Lon Chaney et les dinosaures animés par Willis O’Brien dans Le Monde Perdu. On pleure aussi la mort de Max Linder, génie précurseur du cinéma comique, suicidé à Paris avec son épouse le 31 octobre 1925. Linder, on l’oublie souvent, a influencé les plus grands noms du cinéma burlesque, principalement Charles Chaplin. Transition toute trouvée pour parler des films des trois champions du rire de l’ère du muet, qui, cette année-là, donnent le sourire aux spectateurs.

 

Seven Chances

Le 11 mars 1925, Buster Keaton offre au public américain Seven Chances (Fiancées en Folie), qui narre en 56 minutes les mésaventures de Jimmie Shannon (Keaton). Soupirant de Mary (Ruth Dwyer), Jimmie reçoit un héritage de son oncle particulièrement bienvenu : 7 millions de dollars… à condition qu’il se marie avant 7 heures du soir, et avant son 27ème anniversaire. Ledit anniversaire tombant le jour même de la réception du télégramme, Jimmie paniqué enchaîne les gaffes en demandant sa main à Mary. Le voilà obligé de chercher une « solution de rechange », qui le verra pourchassé par des milliers de prétendantes…

 

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ci-dessus : plus fort que Super Mario et Indiana Jones réunis, Buster Keaton ose les acrobaties les plus folles durant le grand finale des Fiancées en Folie. Quitte à se prendre de vraies gamelles et à sauter au-dessus d’un ravin !


Pas le meilleur film de Buster Keaton (mieux vaut apprécier Le Mécano de la Général, La Croisière du Navigator ou Steamboat Bill Jr. / Cadet d’Eau Douce), Seven Chances n’en reste pas moins un bel exemple du talent comique de l’artiste. L’histoire est somme toute bien simple, prétexte à une série de gags… mais quels gags ! Se servant de sa petite taille et de son visage impassible, Keaton utilise sans problèmes son physique atypique, enfantin, pour confronter son personnage à une obligation sociale des plus intimidantes : la demande en mariage. Le récit est alors une suite ininterrompue de gaffes et bévues (notamment un passage, assez cruel pour Keaton, au country club – même l’employée du vestiaire le rejette !) ; le clou du spectacle étant la grande poursuite finale où Keaton réalise une nouvelle fois les cascades les plus risquées. Le voilà s’agrippant à une voiture en course, pour en être aussitôt éjecté dans une collision, et se faire pourchasser par des centaines de roches dégringolants… scène truquée, certes, mais tout de même risquée, les plus gros rocs en papier mâché et armature de métal pesant quand même leur poids… Toute la construction du film tend vers cette apothéose burlesque, qui nous prépare aux futures poursuites du Mécano de la Général, qui ne cessera d’inspirer encore aujourd’hui les blockbusters modernes puisant allègrement dans le répertoire de Keaton ; celui-ci enchaînera aussitôt avec Go West (Ma Vache et moi), cette même année, avant ses ultimes chefs-d’oeuvre.

 

La Ruée vers l'Or

26 juin 1925 : c’est la date de sortie officielle de La Ruée vers l’Or, le film emblématique de Charles Chaplin. « Charlot » nous entraîne en Alaska, durant la Ruée vers l’Or de 1896-1899 ; son personnage, ici nommé le Prospecteur Solitaire, s’aventure dans le Grand Nord en quête de fortune. Partageant le sort de milliers d’aventuriers cherchant le précieux filon d’or qui les rendra riches, le Prospecteur connaît les affres du froid, de la faim et de la violence. Enfermé dans une cabane maigrelette, il a fort à faire avec une crapule, Black Larsen (Tom Murray), et le bon gros Big Jim (Mack Swain), qui a découvert un filon. Larsen les trahit, laissant notre héros seul avec Big Jim tenaillé par la faim…

 

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ci-dessus : Charles Chaplin vous invite, avec Big Jim (Mack Swain), à rester dîner dans La Ruée vers l’Or. Au menu : chaussure de cuir bouilli (en réalité, de la réglisse que les acteurs durent ingurgiter durant 63 prises !). Bon appétit, mangez tant que c’est chaud !

 

Après la tiède réception de L’Opinion Publique en 1923, alors son seul film dramatique, dans lequel il ne jouait pas, Chaplin revint à son personnage de Charlot. Le triomphe fut garanti, et La Ruée vers l’Or est généralement considéré comme l’un de ses meilleurs films, si ce n’est le meilleur selon Chaplin lui-même. Ce retour au burlesque est toutefois nuancé d’un ton plus dramatique ; après les courts-métrages innombrables où le Petit Vagabond laissait souvent éclater une joyeuse hargne contre les représentants de l’Ordre et de la Morale, les choses avaient changé avec Le Kid. Un Chaplin plus mature, plus émouvant, apparaissait ; quitte, parfois, à verser dans le pathos et le sentimentalisme excessifs. Quoi qu’il en soit, La Ruée vers l’Or n’a rien perdu de son charme, 90 ans après, dès que les gags pointent… cependant, il faut bien avouer que la partie sentimentale du film, où le héros rencontre la belle Gloria (Georgia Hale), perd de son intérêt. Le sentimentalisme de Chaplin commence à pointer le nez, dans des saynètes moins convaincantes. Que cela ne gâche pas cependant le plaisir des grands moments chapliniens ; impossible de ne pas sourire dès les premières minutes du film, quand Charlot déambule le long d’une falaise, sans se rendre compte qu’il est suivi par un grizzly affamé… D’ailleurs, de nourriture, il est souvent question dans les gags de Chaplin, et La Ruée vers l’Or contient sans doute les meilleurs morceaux du maître, en la matière. On pense bien sûr à la danse des petits pains (« empruntée » semble-t-il à un court-métrage de Buster Keaton et Fatty Arbuckle de 1917, The Rough House (Fatty chez lui). Les meilleures scènes du film restent cependant celles où Chaplin a un partenaire de poids, Mack Swain dans le rôle de Big Jim… Leurs mésaventures dans la cabane sont des moments de bravoure. En revoyant ces scènes, il n’est pas interdit de penser que l’œuvre de Chaplin influença une fameuse bande dessinée ; Georges Rémi, dit Hergé, allait souvent au cinéma dans ses jeunes années, et garda sans doute le souvenir de Big Jim affamé, quand il imagina le Capitaine Haddock, prenant Tintin pour une bouteille de whisky dans Le Crabe aux Pinces d’Or !

 

The Freshman

Concluant ce tiercé gagnant du grand cinéma burlesque, Harold Lloyd présenta le 20 septembre 1925 son  nouveau film, The Freshman (Vive le Sport). Il y jouait Harold « Speedy » Lamb, un étudiant enthousiaste mais très naïf. Entrant à l’Université Tate, Harold est persuadé qu’il lui suffit d’imiter le héros de son film préféré pour devenir populaire… Les héros du campus ont vite fait de se payer sa tête, sans qu’il s’en rende compte. Harold se met même en tête de rejoindre leur équipe de football américain, mais il n’est bon qu’à être remplacer le mannequin d’entraînement ! Par pitié, le coach lui fait croire qu’il peut disputer un match. Si Harold ne se doute de rien, sa dulcinée, la douce Peggy (Jobyna Ralston), fille de sa logeuse, n’ose lui révéler la vérité, de peur de briser ses rêves…

 

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ci-dessus : quand Harold Lloyd fait du football américain… il remplace le mannequin d’entraînement ! Dans The Freshman (Vive le Sport), le sympathique binoclard en voit de toutes les couleurs. Une certaine idée du traitement réservé aux « nerds » durant les heures de sport…

 

Souvent éclipsé par ses deux collègues et rivaux du cinéma burlesque, Harold Lloyd n’avait pourtant rien à envier à Chaplin et Keaton. La preuve avec The Freshman qui est un excellent modèle de comédie de l’époque. Un héros à l’optimisme contagieux, mais qui ne voit pas le mal qu’on lui fait, et qui cherche à s’affirmer tout en vivant une histoire d’amour légère et touchante… il n’en fallait pas plus pour que le film de Lloyd soit l’un de ses tout meilleurs. Le film permet d’ailleurs de comparer les différences de style comique entre les rivaux de l’époque : Keaton exploitait jusqu’à l’absurde une idée de gag, utilisant à merveille son impassibilité et ses prouesses acrobatiques ; Chaplin se reposait sur une série de scènes centrées sur son personnage ; Lloyd, lui, utilise ici des ressorts scénaristiques plus classiques, d’une efficacité comique indéniable. Par rapport aux films de ses concurrents, on peut même dire que The Freshman tient mieux la route, grâce à ce solide travail scénaristique, reposant sur un message positif adressé au spectateur, qui serait : « n’essayez pas d’imiter les autres pour vous faire aimer, soyez vous-même« . Les quiproquos (la scène des mots croisés qui amorce la romance entre Harold et Peggy) sont savoureux, et les enchaînements de gags permettent à Lloyd de livrer quelques-unes des meilleures scènes de son répertoire. La drôlerie du film, jamais cruelle, fait aussi que la romance sert l’histoire au lieu de lui être imposée. Exemple, avec ce passage touchant où Peggy raccorde le pull de son amoureux ; l’élue de son cœur ayant fini de recoudre les boutons, Harold en détache discrètement d’autres. Simple, et irrésistible ! Tout le film fonctionne de la même façon, du discours de bienvenue perturbé par des matous farceurs à une homérique séance d’entraînement (qui frise le masochisme de la part de Lloyd), en passant par un bal estudiantin (avec le costume raccordé à la va-vite par un tailleur ivre qui suit partout notre héros !). L’homme aux lunettes d’écailles fait ainsi feu de tout bois jusqu’au grand match attendu, et obtint lui aussi un succès mérité.

Verdict final pour les opus des trois géants de la comédie en 1925 ? Léger avantage à Harold Lloyd !

 

Ludovic Fauchier.

Aspie, vous avez dit Aspie ?

Bonjour, chers amis neurotypiques !

Un petit message, juste pour vous prévenir de la parution imminente de mon premier livre : Aspie, vous avez dit Aspie ?, un essai qui est « l’adaptation » des textes parus sur mon blog sous le titre Aspie, or not Aspie ? entre octobre 2012 et juin 2013. 

Il est édité par les Editions Amalthée et sera distribué en librairies le 10 février 2015, et sera aussi disponible sur les sites de vente Fnac, Amazon, Chapitre.com, Decitre… et sur le catalogue en ligne des Editions Amalthée.

Je vous tiens au courant pour d’éventuelles précisions ultérieures.

 

Ludovic Fauchier.

En bref… MORTDECAI / Charlie Mortdecai

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MORTDECAI / Charlie Mortdecai, de David Koepp

L’histoire :

Lord Charlie Mortdecai (Johnny Depp), marchand d’art excentrique, parcourt le monde à la recherche d’œuvres rares à acquérir et revendre, au prix fort, à des clients peu recommandables ; il s’en sort toujours grâce à son fidèle valet et homme de main, Jock (Paul Bettany). Mais le grand train de vie de Charlie lui vaut de sérieux ennuis financiers, au grand dam de sa chère épouse Johanna (Gwyneth Paltrow), rebutée par ailleurs par la moustache toute neuve de son mari… 

L’assassinat d’une restauratrice de tableaux, et le vol d’une rarissime peinture de Goya, met Charlie dans une situation délicate. L’inspecteur Alistair Martland (Ewan McGregor), amoureux malheureux de Johanna, mène l’enquête et réalise que la toile a sans doute été dérobée par Spinoza, un associé de Charlie, après que la restauratrice ait été assassinée par un certain Strago (Jonny Pasvolsky). Et tandis que Martland se rapproche de sa femme, Charlie, flanqué de Jock, met un point d’honneur à récupérer le Goya volé - quitte à se mettre dans de beaux draps…

 

Mortdecai

La critique :

Fais-nous mal, Johnny, Johnny… On a beau aimer Johnny Depp pour le suivre depuis pratiquement ses débuts (Edward aux mains d’argent, 25 ans déjà !?), il faut bien admettre que l’acteur est entré dans une phase critique. A l’instar de nombre de confrères entrés dans leurs cinquante ans, il semble être en pente descendante depuis quelques années. A l’exception de quelques films sympathiques (Rango et Lone Ranger, entre autres), Depp a bien mal choisi ses projets, entre un Pirates des Caraïbes 4 patachon, un Dark Shadows en relatif pilotage automatique ou une prestation embrumée dans Transcendance. Le jeune homme rêveur, charmeur et mélancolique des débuts s’est même mué au fil du temps en un énorme cabotin… Ce serait pardonnable (reconnaissons que le voir faire ses numéros à la Buster Keaton est toujours amusant), si les films étaient bons, mais malheureusement, depuis Public Enemies (six ans déjà), ce cher Johnny semble brader son talent. Malheureusement, Charlie Mortdecai ne changera pas la donne. 

Tout le film est un beau gâchis, un ego trip de premier ordre, Depp surjouant son propre personnage sous son aspect le plus irritant : un dandy richissime, imbu de lui-même, déconnecté de la réalité, mais dénué de tout ce qui rendait ses personnages précédents sympathiques. Une forme de démission qui touche aussi ses partenaires, contraints à faire du surplace avec des personnages creux, et le réalisateur David Koepp, bien plus inspiré quand il faisait de bons petits films fantastiques sans prétention (Stir of Echoes / Hypnose, et Fenêtre Secrète, avec le même Johnny Depp). Plus lassant qu’amusant, Charlie Mortdecai tente mal de raccorder les comédies sophistiquées à la Blake Edwards aux poses trash des films de gangsters de Guy Ritchie. Très mauvais mélange… Les running gags sont interminables (la moustache…) quand ils devraient être légers, Johnny continue de faire du Jack Sparrow mais ne fait pas rire ; quant au « sommet » du burlesque attendu dans le film, il est atteint dans une scène de gastro collective durant une party sans intérêt. Les autres acteurs font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles, sans être convaincus. Gwyneth Paltrow a toujours son charme habituel, Ewan McGregor se demande pourquoi il joue les utilités, et Paul Bettany sauve les meubles en faisant sourire le spectateur via son personnage de valet souffre-douleur. Mais franchement, c’est trop peu pour rendre le film sympathique. Depp, producteur du film, a logiquement attiré les foudres des critiques, le film a plongé dans l’indifférence générale au box-office, et, cette fois, on peut considérer que c’était justice…

On espère que cette nouvelle contre-performance réveillera enfin l’ami Johnny, et l’incitera à prendre de nouveau des risques sur ses prochains films. Peut-être Black Mass, qui le fera revenir dans les films de gangsters purs et durs, nous ramènera l’acteur intense de Donnie Brasco et Public Enemies. Croisons les doigts, et coupons vite cette triste moustache…

 

Ludovic Fauchier.

 

La fiche technique :

Réalisé par David Koepp ; scénario d’Eric Aronson, d’après le roman « Dont’t point that thing at me » de Kyril Bonfiglioli ; produit par Christi Dembrowski, Johnny Depp, Andrew Lazar, Patrick McCormick, Gigi Pritzker, Monique Feig et Kenneth Kokin (Huayi Brothers Media / Infinitum Nihil / Mad Chance Productions / OddLot Entertainment)

Musique : Mark Ronson et Geoff Zanelli ; photo : Florian Hoffmeister ; montage : Derek Ambrosi et Jill Savitt

Direction artistique : Patrick Rolfe ; décors : James Merifield ; costumes : Ruth Myers

Distribution USA : Lionsgate / Distribution France : Metropolitan Filmexport

Caméras : Arri Alexa et Red Epic

Durée : 1 heure 46

En bref… UNBROKEN / Invincible

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UNBROKEN / Invincible, d’Angelina Jolie

L’histoire :

Avril 1943. L’équipage du Liberator B-24 « Super Man » participe à une dangereuse mission de bombardement sur l’île de Nauru, dans le Pacifique. Parmi les membres de l’équipage, se trouve Louis « Louie » Zamperini (Jack O’Connell). Champion d’athlétisme avant la 2ème Guerre Mondiale, Louie se préparait aux Jeux Olympiques de 1940, avant que la 2ème Guerre Mondiale n’éclate. Cet enfant d’immigrés italiens installés à Torrance, en Californie, eut une enfance difficile, entre les petits larcins qu’il commettait et les menaces des petites brutes de son quartier. Mais son frère aîné Pete, remarquant le don du gamin pour la course, devint son entraîneur. Grâce à lui, Louie devint un brillant athlète, finissant même par se qualifier pour les JO de Berlin, en 1936. Sans finir sur le podium, Louie établit cependant le record de vitesse dans le dernier tour de la finale des 5000 mètres, effectué en 56 secondes.

Quelques jours après la mission sur Nauru, Louie, ses amis et les remplaçants des blessés sont chargés d’une mission de secours à bord du « Green Hornet », un B-24 endommagé. Leurs pires craintes se réalisent quand l’avion tombe en panne et se crashe dans l’Océan Pacifique. Seuls Louie, Phil (Domnhall Gleeson) et Mac (Finn Wittrock) en réchappent. Pratiquement sans nourriture, et cernés par les requins, les trois hommes dérivent sur l’Océan Pacifique sur deux canots pneumatiques…

 

Unbroken 01

La critique :

On le sait, Angelina Jolie est une battante. Il suffit, si on en doute, de jeter non seulement un œil à sa filmographie, mais aussi à ses combats pour l’aide humanitaire. Utilisant sa position de superstar pour ses actions dans ce domaine, elle a tout naturellement orienté sa carrière en passant à la mise en scène, pour aborder des sujets à portée humaniste. Cela n’a pas été sans mal, vu la mauvaise réception accordée à son premier essai comme cinéaste : Au pays du Sang et du Miel, une romance située durant la guerre civile en Yougoslavie, qui n’avait pas convaincu à sa sortie en 2011. Pas découragée, elle s’est attelée à la mise en scène et à la production d’Unbroken (Invincible, donc, en français), relatant la lutte pour la survie de Louis Zamperini, champion d’athlétisme et rescapé des camps de prisonniers japonais durant la 2ème Guerre Mondiale. Force est de constater qu’Angelina Jolie s’en tire avec les honneurs, révélant peut-être bien au passage un talent naissant de femme cinéaste dans un sujet généralement considéré comme chasse gardée de ses confrères masculins.

 

Unbroken 02

C’est à la fois un solide film de guerre, un bon drame dans la solide tradition américaine, et une histoire de survie et de courage souvent touchante. Grâce à un script sans grande surprise mais solidement charpenté, signé de quelques pointures dont, surprise, les frères Coen (leur talent de scénaristes est d’ailleurs de plus en plus sollicité par d’illustres confrères, puisqu’ils sont aussi les co-auteurs de St. James Park, le prochain film de Steven Spielberg), Unbroken défend de belles valeurs universelles sur la capacité de résilience d’un être humain traversant les pires épreuves. Sans être didactique ou moralisatrice, Angelina Jolie nous attache à suivre les drames traversés par Louis Zamperini (Jack O’Connell, solide), qui réussit, chose rare, à trouver le courage de pardonner à ses geôliers. Il reviendra, plus de cinquante années après la guerre, au Japon pour porter la flamme olympique, sans aucune rancune pour ses anciens ennemis. Vu ce qui nous est montré de leur part dans le film, on ne peut que saluer la force morale de l’ancien champion disparu l’an dernier.

 

Unbroken 03

Unbroken permet aussi d’apprécier les qualités de réalisatrice d’Angelina Jolie. Elle s’avère tout à fait à l’aise dans la gestion de séquences à la logistique complexe, comme cette scène d’introduction qui nous plonge au beau milieu d’un combat aérien impeccablement géré (aucune confusion sur les personnages et leur position dans le bombardier assailli par les Zéros). L’ensemble du film est toujours géré avec clarté, sans effets de style redondants. On aura quand même une petite préférence pour la partie du film consacrée au naufrage des rescapés dans le Pacifique ; notamment quand ceux-ci se retrouvent dans une situation à faire cauchemarder les nostalgiques des Dents de la Mer, les naufragés mitraillés par un avion japonais devant plonger sous leurs canots, parmi les squales… Peut-être plus prévisible par la suite quand on suit Zamperini dans les camps militaires japonais (le souvenir du Pont de la Rivière Kwaï, de Furyo ou d’Empire du Soleil y est sûrement pour quelque chose), Unbroken reste intéressant pour la confrontation violente entre le héros et Watanabe, un caporal tortionnaire. De son propre aveu, la réalisatrice avoue s’être inspirée d’un très bon film de Sidney Lumet, The Hill (La Colline des Hommes Perdus) où Sean Connery était le prisonnier rebelle d’un camp disciplinaire. On y retrouve en effet une âpreté similaire… sans aller toutefois aussi loin dans la noirceur. Si Unbroken compte un défaut, ce serait qu’il évite, au contraire du film de Lumet, de remettre vraiment en question l’obstination de son personnage principal à subir les pires coups tordus du caporal en question. Autre petit bémol : la musique du film, signée Alexandre Desplat, compositeur pourtant généralement inspiré, force parfois un peu trop l’émotion à coups de violons.

Ces réserves mises à part, ne boudons pas notre plaisir, et saluons les efforts d’Angelina Jolie réalisatrice comme il se doit. Angie-la-lionne prouve qu’elle peut se battre sur tous les fronts, et s’atteler avec une rigueur de cinéaste vétérane à des sujets difficiles.

Ludovic Fauchier.

 

 

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Ci-dessus : le documentaire de la chaîne CBS The Great Zamperini relate les évènements vécus par Louis Zamperini, le héros d’Unbroken.

 

La fiche technique :

Réalisé par Angelina Jolie ; scénario de Joel & Ethan Coen, Richard LaGravense et William Nicholson, d’après le livre de Laura Hillenbrand ; produit par Matthew Baer, Angelina Jolie, Erwin Stoff, Clayton Townsend et Joseph P. Reidy (3 Arts Entertainment / Jolie Pas / Legendary Pictures) 

Musique : Alexandre Desplat ; photo : Roger Deakins ; montage : William Goldenberg et Tim Squyres

Direction artistique : Charlie Revai ; décors : Jon Hutman ; costumes : Louise Frogley

Distribution : Universal Pictures

Caméras : Arri Alexa XT

Durée : 2 heures 17

En bref… EXODUS : GODS AND KINGS

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EXODUS : GODS AND KINGS, de Ridley Scott

L’histoire :

1300 ans avant notre ère. Sous le règne du Pharaon Séti (John Turturro), l’Egypte assoit son hégémonie face aux royaumes rivaux. Le Pharaon vieillissant prépare sa succession pour son fils Ramsès (Joel Edgerton), mais favorise un autre membre de la famille royale : Moïse (Christian Bale), le général de ses armées, qu’il a traité comme son autre fils depuis l’enfance. Durant une bataille contre les envahisseurs Hittites, Moïse sauve la vie de Ramsès ; un geste d’éclat annoncé par des prophéties, et qui ferait de Moïse un grand chef. Peu après, Moïse se rend, à la place de Ramsès, à Pithom, où les esclaves Hébreux fabriquent statues et idoles. Il est horrifié de voir les esclaves brutalisés par le Vice-Roi Hegep (Ben Mendelsohn) et ses hommes de main. Lorsque Moïse rencontre le vieux Noun (Ben Kingsley), il est stupéfait d’apprendre par celui-ci qu’il est un Hébreu. Sa naissance correspondait à la venue annoncée d’un libérateur pour le peuple Hébreu, réduit en esclavage depuis quatre siècles ; alors qu’il n’était qu’un nourrisson, Moïse fut confié à la fille de Pharaon qui l’éleva comme son fils. Informé, Hegep dénonce les origines de Moïse à Ramsès. Forcé d’admettre qu’il est Hébreu, Moïse est condamné à l’exil dans le désert… 

 

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La critique :

Il est difficile de revenir en arrière… Dans ces pages, on apprécie et on défend le travail de Ridley Scott, mais il faut bien admettre que, depuis quelques films, le cinéaste anglais est en panne d’inspiration. Après un Prometheus inégal (la faute à des réécritures de script cherchant à raccorder artificiellement le film à l’univers d’Alien), et un Counselor (Cartel) épouvantablement bavard et figé, Scott revient ici à un genre qui lui est familier, la grande épopée historique, un domaine qui lui a permis d’aborder l’Antiquité romaine, le Moyen Âge, la conquête des Amériques et les guerres napoléoniennes. Le voir traiter sous un angle réaliste (ou disons, semi-réaliste) l’histoire la plus célèbre de l’Ancien Testament avec Exodus : Gods and Kings semblait prometteur… Cependant, le résultat laisse pointer la déception, derrière les images épiques en diable. Si Gladiator, en son temps, avait su dépoussiérer le péplum en « remakant » largement un grand classique (La Chute de l’Empire Romain, d’Anthony Mann), Exodus : Gods and Kings, revisitant l’histoire de Moïse, souffre de ne pouvoir supplanter le souvenir des Dix Commandements de Cecil B. DeMille… et aussi de Gladiator, une pâle campagne publicitaire rappelant au spectateur que le même Scott a déjà fait mieux. Scott, réalisateur ouvertement agnostique (l’exact opposé d’un DeMille n’hésitant jamais à en faire trop pour « convertir » le spectateur des années 50 à sa vision), tente ici de garder une approche plus pragmatique du parcours du héros campé par Christian Bale, et des miracles auxquels il assiste et participe. Malheureusement, faute d’un script inspiré, Exodus peine à convaincre. Mieux vaut revoir le classique de DeMille avec Charlton Heston et Yul Brynner ; malgré son côté souvent kitsch, sentencieux et démodé, le spectacle biblique des Dix Commandements emportait l’adhésion par sa splendeur visuelle. Pas étonnant que des cinéastes de la trempe de Martin Scorsese ou Steven Spielberg (un temps intéressé d’ailleurs par Exodus) le citent comme un de leurs films favoris. Et dommage pour Scott d’avoir un script cherchant, de façon assez répétitive, à reprendre le récit de Gladiator dans ses grandes lignes, lui empruntant même ses dialogues (« S’il dort aussi bien, c’est qu’il est aimé » est ainsi servi à deux reprises…).

 

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Parti sur des bases assez mal ajustées, Exodus s’est logiquement pris une volée de bois vert au box office. La qualité du spectacle n’est pas forcément la cause (il y a suffisamment d’idées visuelles pour faire passer la pilule), mais on sent que le public s’est lassé de ce type d’épopée. A moins que le traitement sceptique, distant, du sujet religieux du film soit la vraie cause de son échec. Cette approche n’a pas plu à tout le monde. Il est assez inquiétant, d’ailleurs, de voir le torrent de critiques adressées au film par divers pays, journaux et groupes religieux, pour des motifs moins artistiques que religieux et raciaux. Dur pour Ridley Scott, qui a dû essuyer des accusations de racisme à cause de son casting blanc (argument médiocre régulièrement utilisé par les tenants de la « véracité » historique… qui ne se sont jamais plaints pourtant, à la sortie de Gladiator, en voyant un Romain espagnol joué par un acteur australien !), d’erreurs historiques ou d’interprétation gênant l’explication théologique officielle (les Plaies d’Egypte et la traversée de la Mer Rouge), quand ce n’est pas le film lui-même qui se retrouve purement et simplement interdit d’être distribué dans les pays musulmans. Moïse, étant vu comme un prophète d’Allah, ne peut du coup être représenté en image… Donc : interdiction pure et simple du film au Maroc, en Egypte ou dans les Emirats.

Etant personnellement agnostique, m’intéressant aux religions uniquement pour leur valeur mythique et symbolique, mais ne comprenant fichtrement RIEN aux questions de doctrine et rhétorique religieuse, je ne peux juger le film sur ces motifs. Je m’inquiète par contre de voir autant d’anathèmes et d’interdits dressés de la sorte (voir aussi l’hostilité à l’intéressant Noé de Darren Aronofsky, sorti l’an dernier), contre une œuvre artistique, même si celle-ci est passable. Les déclarations franches de Ridley Scott voyant la religion comme  »la source de tous les maux » n’ont certainement pas calmé les esprits… A la rigueur, je comprendrais mieux, en tant que cinéphile, les critiques portant sur les faiblesses d’écriture du film, ou sur des choix de casting assez hasardeux ; le très new-yorkais John Turturro, qu’on a plus l’habitude de voir faire le dingo chez les frères Coen, est un curieux choix en Pharaon ; et on regrette que Sigourney Weaver, cette chère Ripley, soit trop peu présente en épouse de ce dernier. Sans doute a-t-elle été « sacrifiée » au montage, laissant supposer que des scènes inédites seront réintégrées dans une éventuelle sortie DVD. On est donc très loin des questions religieuses, ou du respect de la véracité historique, qui ne sauraient expliquer les faiblesses du film de Scott… 

 

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Faute de mieux, on se contentera dans Exodus de rares moments marquants. Ridley Scott retrouve une partie de son inspiration dans la création visuelle de l’histoire de Moïse, faisant toujours preuve d’un sens du détail cruel. A ce titre, la recréation des Dix Plaies d’Egypte garantit les meilleures scènes du film. Voir ce moment particulièrement brutal, digne des Dents de la Mer, où les crocodiles assaillent un bateau. Le sang des infortunés pêcheurs se mêle aux eaux du Nil, qui peu à peu se transforme en fleuve de sang… Une scène graphique au possible, dénuée de dialogue et donc purement cinématographique. Les autres Plaies sont du même acabit. Dommage cependant que la traversée de la Mer Rouge, avec son traitement final très « blockbuster » contemporain n’ait pas la même force. Au passage, la logique agnostique du film offre une explication très plausible des phénomènes constatés ; avec beaucoup d’ironie mordante, Scott montre même un scientifique de la cour de Pharaon oser expliquer les miracles survenus, sans être écouté. Il finit même exécuté pour avoir ainsi osé suggérer que Pharaon et son entourage de prêtres n’ont ainsi aucun contrôle sur le monde ! Difficile, dans une théocratie où l’on écoute les prêtres et leurs prophéties floues, de faire valoir un point de vue rationnel.

La même attitude caractérise aussi le traitement de Moïse et Ramsès, au centre du récit. Impossible de ne pas penser que l’histoire de ces deux « frères » rivaux, a certainement touché une corde sensible chez Ridley Scott, qui dédie le film à son frère et collègue disparu il y a deux ans, Tony Scott. On saura gré au cinéaste de vouloir sortir des archétypes des Dix Commandements ; ici, Moïse doute, refuse de suivre aveuglément les ordres divins et fomente une révolte armée, tout en donnant les signes évidents d’une sévère schizophrénie le faisant parler dans le vide à un « enfant » imaginaire. La scène où, enseveli par un glissement de terrain, il rencontre l’envoyé divin pour la première fois, est aussi l’une des rares bonnes scènes du film. Ramsès, vu par Ridley Scott, est aussi un personnage moins monolithique que prévu. Dommage cependant que ces tentatives n’aboutissent qu’à un film bien décevant. A charge pour le réalisateur, âgé de 77 ans, de redorer son blason avec The Martian, un survival de science-fiction qu’il prépare avec Matt Damon.

 

Ludovic Fauchier.

 

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ci-dessus : « I need a general », extrait de la belle musique d’Exodus composée par Alberto Iglesias, avec le support d’Harry Gregson-Williams. L’influence évidente de Richard Wagner !

 

La fiche technique :

Réalisé par Ridley Scott ; scénario d’Adam Cooper & Bill Collage, Jeffrey Caine et Steven Zaillian ; produit par Peter Chernin, Mohamed El Raie, Mark Huffam, Teresa Kelly, Michael Schaefer, Ridley Scott, Mirel Soliman, Adam Somner et Jenno Topping (Chernin Entertainment / Scott Free Productions / Babieka / Volcano Films)

Musique : Alberto Iglesias ; photo : Dariusz Wolski ; montage : Billy Rich

Direction artistique : Benjamin Fernandez et Marc Homes ; décors : Arthur Max ; costumes : Janty Yates

Effets spéciaux : Neil Corbould ; effets spéciaux visuels : Asregardoo Arundi, James D. Fleming et Jessica Norman (Double Negative / 4DMax / FBFX / Method Studios / MPC / One Of Us / Peerless Camera Company) ; cascades : Rob Inch

Distribution : 20th Century Fox

Caméras : Red Epic

Durée : 2 heures 30

L’Or du Nain – LE HOBBIT : LA BATAILLE DES CINQ ARMEES

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Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées, de Peter Jackson

 

L’histoire : Thorïn Oakenshield (Richard Armitage), l’héritier du royaume Nain d’Erebor, a accompli sa quête. Lui et ses compagnons, avec le Hobbit Bilbo Baggins (Martin Freeman), ont pu chasser de la montagne le Dragon Smaug (Benedict Cumberbatch). Malheureusement, Smaug furieux s’est envolé pour se venger sur ceux qui ont osé aidé ses ennemis : les Humains d’Esgaroth, la Cité sur le Lac. En quelques instants, la ville est ravagée par le monstre. Il faut tout le courage d’un seul homme, l’archer Bard (Luke Evans), pour que Smaug soit finalement abattu. Bard devient le héros et le nouveau chef des rescapés, épuisés et affamés. Il décide de les guider vers la cité en ruines de Dale, au pied de la montagne, espérant obtenir l’aide des Nains ayant repris possession de leurs fabuleuses richesses.

Tout le monde ignore cependant ce qu’a vu Gandalf (Ian McKellen) : prisonnier dans la citadelle maudite de Dol Guldur, le vieux magicien a été vaincu par le Nécromancien, qui n’est autre que Sauron, le Seigneur Ténébreux retrouvant sa puissance passée. Sauron prépare un assaut massif sur la montagne Erebor, envoyant les troupes du redoutable Orc pâle, Azog le Profanateur (Manu Bennett), ennemi mortel de Thorïn. Obnubilé par la pierre sacrée Arkenstone subtilisée par un Bilbo inquiet, Thorïn devient de plus en plus soupçonneux et agressif. Et l’arrivée des Elfes du Roi Thranduil (Lee Pace), venu négocier avec Thorïn la restitution d’un objet précieux, risque de mettre le feu aux poudres…

 

la critique :

 

Le Hobbit - La Bataille des Cinq Armées 03

Adieu, Terre du Milieu ?… L’aventure entamée par Peter Jackson et ses collaborateurs, il y a près de 17 ans, connaît sa fin probable avec le dernier volet du Hobbit, complétant ainsi cette « pré-saga » et celle du Seigneur des Anneaux qui lui fait suite. Qu’on mesure le parcours accompli par le cinéaste néo-zélandais entre la réalisation de ses deux trilogies… Considéré à l’époque par ceux qui n’avaient pas vu Créatures Célestes comme un « rigolo » adepte de l’humour gore, Jackson avait réussi un pari jugé impossible en adaptant l’épopée de Tolkien, que l’on croyait inadaptable ; non seulement il avait livré coup sur coup une trilogie complète et épique à souhait, mais il avait su « maltraiter » délibérément la structure des livres pour mieux en garder la portée émotionnelle, un exploit rare. Et, accessoirement, il s’était mis au niveau d’un George Lucas, d’un Steven Spielberg ou d’un James Cameron de la grande époque, en se servant de ses films pour créer une véritable grande entreprise cinématographique (au grand bénéfice médiatique de sa Nouvelle-Zélande natale) amenant avec elle de nouvelles révolutions technologiques. Voir par exemple le développement du logiciel Massive qui a littéralement dynamité la mise en scène des scènes de batailles ou les bases de la Performance Capture, entamée avec l’inoubliable transformation d’Andy Serkis en Gollum. Replongé non sans mal (ni reproches de certains « fans », un peu ingrats devant le festin offert…) dans l’univers de Tolkien avec la trilogie Le Hobbit, Peter Jackson, avec La Bataille des Cinq Armées, est cependant sorti victorieux de la bataille… Quelque peu épuisé, aussi, et on peut comprendre qu’un (léger) désenchantement pointe derrière la réussite de l’entreprise.

 

Le Hobbit - La Bataille des Cinq Armées 02

Ce désenchantement doit cependant plus à l’ambiance mélancolique qui plane sur ce chapitre final qu’à autre chose. La Bataille des Cinq Armées rappelle évidemment quelques questionnements qui ont divisé les « Jacksonophiles » et les « tolkienophiles » sur la transformation d’un roman pour enfants en trilogie très dense, développée par l’équipe du film. On pourra toujours débattre à l’infini sur l’intérêt de rajouter des personnages, des sous-intrigues et des péripéties supplémentaires : la présence de Legolas, l’histoire d’amour malheureuse Tauriel-Kili, etc. Reste que ces ajouts demeurent cohérents dans l’ensemble (même si le « fan service » pointe parfois son nez) et équilibrent le récit du Hobbit, par rapport au Seigneur des Anneaux. On peut aimer les livres de Tolkien et les juger supérieurs aux films de Jackson, on remerciera quand même ce dernier de nous avoir livré une trilogie aussi généreuse que la précédente, en éliminant les aspects les plus « enfantins » du conte originel. Qu’auraient dit les fans mécontents si Jackson avait respecté à la lettre le livre de Tolkien : personnages (Bard) qui apparaissent de nulle part comme des deus ex machina, Elfes chantants, oiseaux parlants, etc. ? Il ne s’agit pas de mépriser l’œuvre de Tolkien, bien au contraire, mais de rappeler qu’une adaptation cinématographique a ses propres spécificités narratives, et qu’elle ne peut respecter à la lettre le livre dont elle s’inspire. Pour mettre les choses au clair, la trilogie filmique du Hobbit ne sera vraiment appréciable à sa pleine mesure que lorsque les Versions Longues (qui sont les « vrais » films, à l’instar des Versions Longues des trois Seigneur des Anneaux) seront enfin toutes disponibles. Les raccourcis narratifs trop évidents (exemple : Beorn, vite éjecté du montage cinéma de La Désolation de Smaug), qui freinaient l’intérêt de cette nouvelle saga, disparaîtront dans la vision complète de cette trilogie faisant un vrai jeu de miroir avec celle du Seigneur… : départ optimiste de l’aventure (Un Voyage Inattendu et La Communauté de l’Anneau) – aggravation des conflits et dispersion des personnages mis en échec (La Désolation de Smaug et Les Deux Tours) – confrontation finale apocalyptique, et accomplissement des personnages transformés par leur quête (La Bataille des Cinq Armées et Le Retour du Roi). Ces choix narratifs suivent assez fidèlement les modèles étudiés par des mythologues comme Joseph Campbell, rappelant que ces quêtes suivent symboliquement l’évolution de leurs héros vers la maturité psychologique. Peter Jackson, Philippa Boyens et Fran Walsh se sont montré en la matière bien plus cohérents que par exemple George Lucas sur ses « préquelles » confuses de Star Wars.

 

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Aussi riche en batailles et scènes d’action soit-elle, cette Bataille des Cinq Armées (l’épisode le plus court de toute la saga : « seulement » 2 heures 20 !) s’avère aussi le film le plus « psychologique » de cette trilogie. Un an après avoir laissé le spectateur pantelant à la fin « cliff-hanger » de La Désolation de Smaug, Jackson nous replonge directement au milieu de l’action : la victoire morale de Thorïn sur Smaug n’a pas suffi. Une parole malencontreuse de Bilbo, et le vieux Dragon a décidé, en grand psychopathe qu’il est, d’exercer ses représailles sur la population civile de la Ville du Lac. Cette scène de destruction à très grande échelle ne déçoit pas ; elle conclut l’affrontement du film précédent, et permet de poser les bases de ce chapitre final. Ce n’était pas tout, pour nos héros, de s’emparer d’un trésor légendaire et de vaincre son abominable gardien, encore fallait-il affronter les conséquences de leur exploit… Et l’ambiance ne prête plus à la joie : des contentieux ne sont toujours pas résolus (entre Thorïn et Thranduil), les humains exigent l’aide promise, et la méfiance s’installe, au sein même de la troupe de héros. Ces conflits  »communautaires » (qui, d’une certaine façon, sont bien les reflets de notre époque) sont les signes d’un retour d’un Mal encore plus grand, qui prendra forme comme on le sait sous la forme d’un grand Œil enflammé… Le personnage central de ce troisième film, celui qui gagne définitivement ses galons de héros tragique, n’est finalement ni Bilbo ni même Gandalf ; Thorïn Oakenshield (excellent Richard Armitage) sombre, comme promis, dans les affres du Mal du Dragon. Peter Jackson donne les meilleures scènes au Roi Nain tourmenté par la paranoïa. L’une des meilleures séquences du film le voit d’ailleurs faire face à sa propre folie, un cadeau empoisonné posthume de Smaug : une scène d’hubris qui finit par un symbolique engloutissement du héros dans une mare d’or liquide, représentant son inconscient envahi par la corruption. Une de ces idées purement visuelles, démentielles, telles que les affectionne Jackson. Sans doute s’est-il souvenu, lors de l’écriture du scénario, de l’influence majeure des légendes nordiques sur le texte de J.R.R. Tolkien. Légendes qui ont nourri les grandes œuvres majeures de Richard Wagner, notamment L’Or du Rhin. On peut voir en Thorïn un reflet positif du Nain Alberich décrit par Wagner. Un être assoiffé de pouvoir, qui fait fondre l’Or du fleuve pour en faire un Anneau de toute-puissance, réduit en esclavage son propre peuple, et hérite de pouvoirs magiques le rendant invisible ou le changeant en dragon… Tout ceci sonne très familier aux yeux des lecteurs/spectateurs de Tolkien et Jackson, non ? L’idée d’un « lien » possible entre Thorïn, les autres rois-héritiers du récit (Thranduil, Bard), Smaug, le trésor maudit et la menace latente de Sauron renvoie évidemment à la geste wagnérienne (et elle provient des propres notes de Tolkien, concernant le lien entre les maléfiques Smaug et Sauron). Heureusement, Thorïn fera in extremis preuve d’un sursaut moral dans l’épreuve, réaction qui aura des répercussions décisives dans l’histoire. Saluons le travail des scénaristes qui ont su lier toutes les intrigues au dilemme de Thorïn ; un remarquable tour de passe-passe où chaque conflit (rivalité Thorïn-Thranduil-Bard, méfiance entre Bilbo et Thorïn, love story malheureuse Legolas-Tauriel-Kili, affrontement Thorïn-Azog, opposition filiale entre Legolas et Thranduil…) se nourrit du même objectif, la revendication du trésor des Nains, et influence le suivant.

 

Le Hobbit - La Bataille des Cinq Armées 05

Quant à notre cher Hobbit, il n’est pas oublié, même si son rôle est plus discret. Dans tout ce tumulte, un petit être apparemment insignifiant a aussi un grand rôle à jouer… et quelque chose à se pardonner. N’oublions pas qu’il a commis une terrible gaffe en révélant un indice fatal au dragon (« Monteur de Tonneaux… »), et se sait directement responsable de l’anéantissement de la Ville du Lac par le monstre. Un peu truqueur dans l’âme, l’ami Bilbo avait déjà caché une précieuse information à Gandalf, concernant son préssssieux anneau magique acquis par tricherie (ce n’est pas Gollum qui dira le contraire, n’est-ce pas ?). Il lui faut grandir et recevoir quelques vérités amères dans l’épreuve ; à travers « l’affaire » de l’Arkenstone, le Hobbit « pépère », qui s’inquiétait pour l’état de ses assiettes, devient donc ici un habile négociateur politique, cherchant à régler pacifiquement un grave conflit politique. Il lui faut pour cela sacrifier l’amitié de Thorïn (rétribution pour les risques que ce dernier lui avait quand même fait prendre en l’envoyant seul dans l’antre de Smaug ?…), et subir la méfiance des autres chefs. Avec l’aide de Gandalf, s’il n’empêche pas l’inévitable guerre, Bilbo intègre enfin l’âge adulte, et en ressort transformé, comme le lui avait prédit le vieux magicien.

 

Le Hobbit - La Bataille des Cinq Armées 01

Passer en revue les personnages de La Bataille des Cinq Armées prendrait hélas un temps fou… Qu’on se rassure, les grandes figures du récit tolkienien bénéficient tous d’un traitement de faveur de la part de Peter Jackson, qui tient une nouvelle fois ses promesses en matière de grand spectacle mythique. Sans surpasser les ahurissantes batailles apocalyptiques du Retour du Roi, La Bataille… regorge d’images mémorables. L’alliance père-fils entre Bard (le charisme tranquille de Luke Evans, possible successeur spirituel « celtique » à Sean Connery et Liam Neeson) et Baïn face au dragon qui fond sur eux. Le déchaînement des pouvoirs de Dame Galadriel (annonciateurs de l’épreuve du miroir dans La Communauté de l’Anneau…) passant ici à l’action durant le sauvetage de Gandalf à Dol Guldur. Le dialogue de sourds entre Thorïn et Bard, isolés de part et d’autre d’une muraille de pierre. L’intronisation sur le champ de bataille d’un ultime personnage bien badass, le coriace Daïn Ironfoot (Billy Connolly) et son sanglier de guerre. Ces assauts déments de l’armée Orc lançant des vers fouisseurs géants tout droit sortis de Dune sur les combattants. Les exploits guerriers de Legolas (Orlando Bloom), définitivement ennemi de la gravité. Le duel final entre Thorïn et Azog le Profanateur, sur un lac gelé évoquant le glorieux souvenir d’Alexandre Nevski, le film d’Eisenstein  »grand ancêtre » de toutes les épopées médiévales au cinéma… Reste qu’au milieu de tous ces grands moments de bruit et de fureur, Peter Jackson n’a pas oublié les simples enjeux émotionnels. Et la scène la plus touchante est d’une simplicité absolue : c’est ce moment où, après la bataille, Bilbo et Gandalf fument en silence, scellant leur amitié dans une scène d’une retenue muette, digne des meilleurs films de John Ford.

Désolé pour les puristes grincheux, mais cette saga, malgré ses défauts inhérents, a toujours du cœur. Peter Jackson a visé juste. Le cinéaste va maintenant pouvoir revenir à des projets plus intimistes, comme il l’avait annoncé (qu’il n’oublie quand même pas sa promesse de faire le second Tintin avec Spielberg !), et laisser derrière lui sa chère Terre du Milieu. Espérer voir un jour une adaptation filmée du Silmarillion est donc, pour l’instant, très improbable ; Christopher Tolkien, le fils de J.R.R. Tolkien refuse obstinément toute adaptation de cette œuvre bien plus difficile encore que ne l’était Le Seigneur des Anneaux… On verra dans dix ans, Mr. Jackson ?

 

Ludovic Fauchier (le Nain schizophrène).

 

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La fiche technique :

Réalisé par Peter Jackson ; scénario de Philippa Boyens, Peter Jackson, Fran Walsh et Guillermo Del Toro, d’après le roman « Le Hobbit » de J.R.R. Tolkien ; produit par Philippa Boyens, Carolynne Cunningham, Peter Jackson, Fran Walsh et Zane Weiner (MGM / New Line Cinema / 3 Foot 7 / WingNut Films)

Musique : Howard Shore ; photo : Andrew Lesnie ; montage : Jabez Olssen

Direction artistique : Simon Bright et Andy McLaren ; décors : Dan Hennah ; costumes : Bob Burk et Ann Maskrey ; dessins conceptuels : John Howe et Alan Lee

Effets spéciaux visuels : Matt Aitken, Joe Letteri et Eric Saindon (Weta Digital / Weta Workshop)

Distribution : Warner Bros.

Caméras : Red Epic, Red One MX et Sony DVW-790

Durée : 2 heures 24

« And here’s to you… » – Mike Nichols (1931-2014), 2ème partie

Retiré des tournages mais pas inactif pour autant, Mike Nichols reprit son travail de metteur en scène à Broadway à la fin des années 1970 ; en 1977, il obtint notamment un nouveau Tony Award pour sa direction de la comédie musicale Annie. Il fut aussi le producteur exécutif de la série télévisée Family, pour la chaîne ABC. Il filma aussi en 1980 le one-man-show de l’humoriste Gilda Radner, qui fut distribué avec succès aux USA sous le titre Gilda Live.

 

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Ci-dessus : Silkwood, ou une journée de travail ordinaire à l’usine nucléaire Kerr-McGhee… Prévenue par Dolly (Cher), Karen Silkwood (Meryl Streep) voit son amie Thelma (Sudie Bond) victime des effets d’une sévère irradiation.  


Nichols, huit ans après The Fortune, reprit le chemin des studios. Ce fut un scénario d’Alice Arlen et Nora Ephron, ancienne journaliste et future scénariste-réalisatrice à succès (Quand Harry rencontre Sally, Nuits blanches à Seattle), qui retint son attention. Silkwood (Le Mystère Silkwood) racontait une histoire vraie ; Karen Silkwood, une ouvrière du secteur nucléaire, était morte à 28 ans en 1974 dans un accident de la route suspect. La jeune femme, syndiquée, enquêtait sur les conditions de sécurité suspectes de l’usine Kerr-McGhee, et avait subi de nombreuses pressions peu avant son accident fatal. Le scénario, basé sur des articles du New York Times, retraçait les derniers mois de sa vie. Pour le rôle-titre, Nichols engagea Meryl Streep, entamant ainsi une solide amitié et une grande collaboration professionnelle avec celle qui devint son actrice favorite. L’ancienne élève de Vassar et de Yale, devenue l’actrice la plus respectée du cinéma américain, sut se fondre totalement dans la peau de Karen Silkwood. Un personnage attachant et complexe : mère divorcée (mais jamais mariée !) de trois enfants, Karen Silkwood est une ouvrière compétente mais fantasque, vulnérable mais combattive, et passe d’un comportement d’ado attardée à celui d’une adulte déterminée, pendant ce beau film où Nichols, sans excès de style particulier, montrait le quotidien des ouvriers du Middle West. Le cinéaste offrit aussi des rôles inattendus à Kurt Russell et Cher, jouant respectivement les rôles de Drew, le compagnon de Karen, et Dolly, sa meilleure amie lesbienne. L’acteur favori des films de SF de John Carpenter et l’ancienne chanteuse du duo Sonny & Cher étaient aussi crédibles que Streep, formant avec elle un drôle de ménage à trois. Ils étaient parfaitement dirigés par Nichols, tout comme la solide galerie de seconds rôles, joués par des gueules familières du cinéma américain de l’époque : Craig T. Nelson, Fred Ward, Diana Scarwid, Ron Silver… Silkwood sut alerter le public sur l’emprise de l’industrie nucléaire et les sales petites combines de ses dirigeants, plus préoccupés par les profits que par la sécurité de leurs employés. Le film sut aussi très bien décrire l’isolement et la paranoïa progressive de sa protagoniste, prenant conscience des risques encourus sans être soutenue en retour. Le film marqua le retour en grâce de Nichols aux yeux de la critique, et obtint un solide succès. Nichols fut cité comme Meilleur Réalisateur, aux Oscars et aux Golden Globes.

 

Mike Nichols - Heartburn

Fidèle à ses habitudes de travail, Mike Nichols, sitôt le tournage de Silkwood terminé, revint à Broadway. Durant les deux années suivantes, il mit en scène plusieurs pièces et spectacles, toujours de grande qualité, notamment une adaptation de The Real Thing de Tom Stoppard, qui lui valut un nouveau Tony Award ; il découvrit aussi une artiste de rue nommée Whoopi Goldberg, dont il réalisa le spectacle The Spook Show, lançant ainsi la carrière de la comédienne et humoriste révélée juste après au cinéma par La Couleur Pourpre de Steven Spielberg. En 1985, Nichols retrouva Nora Ephron et Meryl Streep pour travailler à son film suivant, Heartburn (La Brûlure). Une comédie aigre-douce basée sur le roman de la scénariste, en fait une autobiographie à peine voilée de son second mariage avec Carl Bernstein, le journaliste du Washington Post qui, avec son collègue Bob Woodward, révéla l’affaire du Watergate (revoir Les Hommes du Président). L’histoire de Heartburn retraçait la rupture du couple, rebaptisé Rachel Samstat et Mark Forman, mis à mal par les infidélités permanentes du mari, qui avait une liaison avec la fille d’un Premier Ministre Britannique tandis que son épouse était enceinte de leur deuxième enfant. Pour Nichols, grand dépressif qui lui-même allait divorcer pour la troisième fois, le sujet semblait être tombé au bon moment, malheureusement Heartburn fut une déception. Jack Nicholson remplaça le moins « bankable » Mandy Patinkin (au grand dam du réalisateur), et malgré un face-à-face de qualité entre les deux superstars, le film sorti en 1986 fut vite oublié. Il faut dire que les avocats de Carl Bernstein firent planer un risque de poursuites judiciaires pour diffamation, obligeant Ephron et Nichols à arrondir les angles de leur script. Résultat, malgré de bonnes scènes de comédie, et un casting de qualité (on y trouvait Stockard Channing, Jeff Daniels, Milos Forman, Maureen Stapleton, et, dans un tout petit rôle, Kevin Spacey), Heartburn fut bien trop mou pour convaincre qui que ce soit.

 

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ci-dessus : les joies du service militaire dans Biloxi Blues. Eugene (Matthew Broderick) et ses camarades à la peine aux patrouilles, sous la férule du Sergent Toomey (Christopher Walken) !

 

Mike Nichols ne se laissait pas abattre, et, après une mauvaise année 1986, les choses s’améliorèrent. 1988 fut une année heureuse, sur le plan personnel et professionnel. Il épousa sa quatrième femme, la journaliste vedette Diane Sawyer, dont il dira qu’elle fut son seul vrai grand amour (le couple restera marié jusqu’au décès de Nichols) ; laissant de côté les mises en scène à Broadway, Nichols cofonda le New Actors Workshop à New York, dont il sera un des enseignants avec ses anciens compères de Chicago, Paul Morrison et George Sills. Au cinéma, Nichols signera deux films à la suite, cette même année. Pour le défunt studio Rastar, il adapta la pièce de Neil Simon, Biloxi Blues, une comédie basée sur les souvenirs du service militaire du futur auteur de Drôle de Couple. Eugene Morris Jérôme (Matthew Broderick), un jeune Juif de Brooklyn, aspirant écrivain, fait ses classes au fin fond du Mississipi, au camp de Biloxi. Alors que la 2ème Guerre Mondiale touche à sa fin, Eugene rencontre des camarades venus de milieux divers, devient un homme dans les charmants bras de Daisy (Penelope Ann Miller) et doit suivre les ordres du sergent instructeur Toomey (le grand Christopher Walken), le tout dans des conditions plus rocambolesques que romantiques… Du classique pour le réalisateur du Lauréat et de Catch-22, qui « emballa » professionnellement ce sympathique petit film. On notera que Nichols y abordait un thème qui va devenir récurrent dans ses futurs films : l’acceptation – difficile – de l’homosexualité au cœur de la société américaine. Un jeune bidasse, Hennessey (Michael Dolan), est ici persécuté pour ses préférences sexuelles, inconcevables pour le règlement au cœur de la Grande Muette américaine. Après le portrait attachant de Dolly, la lesbienne platoniquement amoureuse de Silkwood, Nichols aura l’occasion de développer d’autres personnages crédibles, qui le mèneront à Angels in America.

 

Mike Nichols - Working Girl

Nichols enchaîna immédiatement avec son film suivant, Working Girl. Le scénario de Kevin Wade était du pain béni pour Nichols, se plaçant ici dans la continuité des grandes comédies à la Lubitsch, Mankiewicz ou Billy Wilder ; humour, charme et élégance, servant à glisser en sous-main un commentaire très acide sur la société des années 1980. Avec l’arrivée au pouvoir de Reagan, on assista au triomphe d’un libéralisme économique effréné dont on mesure les ravages avec les années. C’était l’époque des golden boys arrogants, superficiels, cupides et machistes, ayant pris à tort le personnage de Michael Douglas dans Wall Street pour un héros (« Greed is good », souvenez-vous). Wall Street et le monde des affaires, justement, sont au centre de l’intrigue de Working Girl, une foire d’empoigne où les femmes sont encore reléguées au second rang. Tess McGill (Melanie Griffith), une ravissante secrétaire financière, refuse une « promotion canapé » et travaille pour Katharine Parker (Sigourney Weaver), une directrice administrative qui, sous ses abords amicaux, vole sans le moindre scrupule les idées que lui suggère Tess. A la suite d’un accident de ski de Katharine, Tess découvre que celle-ci s’est ainsi servie de son travail pour préparer un investissement avec un client de la première importance. La jeune femme profite de la situation pour prendre les commandes du deal et se montre bien plus compétente que sa patronne ; d’autres ennuis commencent quand elle rencontre la perle rare, Jack Trainer (Harrison Ford), un homme d’affaires séduisant, qui la respecte… et est aussi l’amant occasionnel de Katharine. Un brin perfide sous ses allures romantiques, le film suggérait que son héroïne évoluait dans le bon sens, devenait une vraie « working girl » récompensée de ses efforts… en évinçant sans pitié sa rivale. On retrouvait l’esprit d’Eve, le film de Mankiewicz avec Bette Davis. Quoi qu’il en soit, Nichols réalisa une très plaisante comédie, qui fut appréciée aussi bien de la critique que du public, celui-ci réservant à Working Girl un très beau succès au box-office. Il le doit avant tout à un casting impeccable, Nichols ayant une nouvelle fois trouvé les bonnes personnes pour les bons rôles. Le cinéaste avait de nouveau du flair, faisant ici décoller les carrières de débutants nommés Kevin Spacey (en yuppie goujat), Alec Baldwin (jouant le petit ami macho de Tess), et Joan Cusack, nominée à l’Oscar du Meilleur Second Rôle pour son personnage de bonne copine fofolle. Le trio vedette n’était pas en reste : Harrison Ford, impeccable dans un registre pince-sans-rire maladroit faisant de lui l’héritier de Gary Cooper, s’entendit très bien avec Nichols ; celui-ci offrit l’opportunité à Melanie Griffith, cantonnée alors aux rôles de bombe sexuelle (Body Double, Dangereuse sous tous rapports) de prouver qu’elle était aussi une excellente actrice de comédie, à la fois vulnérable et amusante ; et Sigourney Weaver fut irrésistible, s’amusant à jouer un mémorable personnage de méchante « boss » hypocrite et tyrannique. Les deux comédiennes furent nominées, toutes les deux, à l’Oscar de la Meilleure Actrice (1er et 2ème Rôle), et remportèrent dans ces mêmes catégories le Golden Globe. Working Girl obtint également le Golden Globe du Meilleur Film (catégorie Comédie), Nichols étant également cité au Globe du Meilleur Réalisateur.

 

Mike Nichols - Postcards from the edge

Mike Nichols et la « Star Wars connection »… après avoir dirigé Harrison Ford en héros romantique dans Working Girl, le cinéaste travailla pour son film suivant avec la Princesse Leia en personne, Carrie Fisher, passée du métier d’actrice à celui d’écrivaine et scénariste. Fille d’un chrooner volage, Eddie Fisher, et de la star des comédies musicales des années 1950-1960 Debbie Reynolds (Chantons sous la pluie), Carrie Fisher avait développé une relation compliquée avec sa célèbre maman. En dépit du triomphe de la première trilogie Star Wars qui fit d’elle une jeune star, Carrie Fisher avait vu sa carrière d’actrice stagner. Difficile de sortir de l’ombre d’une maman star, et, à l’instar de nombreux jeunes talents, Carrie Fisher avait connu de sérieux problèmes avec la drogue, dont elle fut heureusement guérie. Heureusement pour elle, étant dotée d’un sérieux sens de l’humour et d’une forte personnalité, Carrie Fisher avait su s’inspirer de ses tracas hollywoodiens en écrivant ; son roman Postcards from the Edge s’inspirait très librement de ses mésaventures et intéressa Mike Nichols, qui travailla avec elle sur le script du film, titré chez nous Bons Baisers d’Hollywood. Ce fut la troisième collaboration entre Nichols et son actrice fétiche Meryl Streep, héritant ici du rôle de Suzanne Vale, actrice « à problèmes » guérie d’une overdose, forcée de vivre sous la tutelle de sa mère Doris Mann (Shirley MacLaine), ancienne superstar des comédies musicales. Narcissique, envahissante, souvent très imbibée, Doris n’est pas un cadeau pour sa fille qui tente vaille que vaille de reprendre le travail. Du tout cuit pour la verve satirique de Nichols, qui s’en donna à cœur joie vis-à-vis de l’industrie du cinéma américain, et offrit à Meryl Streep l’occasion de révéler un sacré talent comique insoupçonné (confirmé deux ans plus tard par son rôle dans La Mort vous va si bien). Autour d’elle et de Shirley MacLaine (préférée à Debbie Reynolds, qui insistait pour jouer le rôle… Nichols tint bon et refusa poliment), le cinéaste rassemblait un solide casting regroupant Dennis Quaid en producteur infidèle, Gene Hackman en réalisateur ronchon, Richard Dreyfuss (retrouvant Nichols 23 ans après ses touts débuts dans un rôle minuscule dans Le Lauréat) en médecin compréhensif et Annette Bening, remarquée pour son personnage de jeune actrice ambitieuse. De l’avis général, le film valait surtout pour la performance comique de Meryl Streep (qui poussait joliment la chansonnette country – suivant une tradition tacite entre elle et Nichols, l’actrice chantait d’ailleurs dans chacun de leurs films !), mais perdait son intérêt à décrire la relation mère-fille, jugée un peu convenue. Le public bouda d’ailleurs Postcards from the Edge.

 

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ci-dessus : A propos d’Henry, ou un grand enfant dans une bibliothèque… Henry Turner (Harrison Ford) s’amuse aux dépens de sa fille Rachel (Mikki Allen) !

 

Peu après, Nichols retrouva Harrison Ford pour leur film suivant. L’acteur et le réalisateur s’étant particulièrement bien entendu sur le tournage de Working Girl, ils travaillèrent ensemble sur Regarding Henry (A propos d’Henry), un drame écrit par un jeune scénariste de 25 ans, complètement inconnu alors : Jeffrey Abrams (tel qu’il est cité au générique), qui n’est autre que J.J. Abrams, devenu depuis le producteur-réalisateur le plus « über-geek » d’Hollywood. Futur réalisateur de Mission : Impossible III, Super 8, des reboots de Star Trek et de l’Episode VII de Star Wars (où il a retrouvé Harrison Ford), Abrams signa alors ce scénario très éloigné de ses futurs blockbusters. A propos d’Henry racontait le retour à la vie d’Henry Turner (Ford), un avocat new-yorkais cynique et égoïste, dont la vie bascule suite à une agression. Blessé au lobe frontal, réveillé d’un coma, Henry, atteint d’amnésie rétrograde, n’est plus le même homme. Décontenancé par son entourage, il a le comportement d’un enfant ; épreuve difficile qui lui permet cependant de se rapprocher de sa femme Sarah (Annette Bening) et de leur fille Rachel (Mikki Allen). A propos d’Henry se situait quelque peu dans cette veine alors récente de films sur des « hommes enfants », initiée par le succès de films comme Big ou Rain Man. A priori, le film de Nichols aurait dû se situer dans cette même veine, d’autant plus qu’il revenait sur un autre thème favori du cinéaste : la transformation psychologique de son personnage principal, quittant sa superficialité upper class pour devenir sincère et lucide. Mais, de l’avis général, le film souffrait d’un excès de gentillesse auquel le réalisateur de Qui a peur de Virginia Woolf ? ne nous avait pas habitué. Cependant, la prestation d’Harrison Ford est impeccable, l’acteur jouant à merveille de sa gaucherie charmeuse.

 

wolf wolf 1993 real : Mike Nichols Jack Nicholson

Nichols retrouva, après une coupure de six ans, le chemin de Broadway pour mettre en scène La Jeune Fille et la Mort en 1992. Peu de temps après, son vieil ami Jack Nicholson lui proposa de réaliser Wolf, qui serait leur quatrième et dernier film. Le Dracula de Francis Ford Coppola avait subitement ravivé l’intérêt du public pour les récits classiques d’épouvante, et, durant une assez courte période des années 1990, furent mises en chantier des adaptations fidèles, ou plus libérales, des mythes du genre, par des cinéastes et des acteurs de la « A-List ». Notamment durant cette année 1994 ou furent mis en scène Entretien avec un Vampire avec Tom Cruise et Brad Pitt, ou le Frankenstein de et avec Kenneth Branagh et Robert De Niro. Wolf était un récit de loup-garou imaginé par un ami de Nicholson, le grand écrivain Jim Harrison, qui en avait écrit un premier traitement, remanié ensuite par Wesley Strick (Cape Fear / Les Nerfs à Vif, version Scorsese) et la fidèle Elaine May. Du tout cuit pour la méga-star Nicholson, revenant en terrain familier après Shining, Les Sorcières d’Eastwick ou Batman. Nicholson jouait le rôle de Will Randall, un éditeur new-yorkais vieillissant ; menacé de perdre son job par la faute d’un patron méprisant (Christopher Plummer), il se voit aussi supplanté par son jeune disciple aux dents longues (James Spader), qui va jusqu’à lui ravir sa femme délaissée (Kate Nelligan). Seul rayon de soleil dans cette déprime : Will se rapproche de Laura, la fille rebelle de son patron (la sublime Michelle Pfeiffer)… à ses côtés, Will reprend du poil de la bête. Littéralement, car, mordu par un loup durant une nuit de pleine lune, il se transforme en lycanthrope ! Curieuse idée a priori de voir Mike Nichols s’emparer d’un genre qu’il ne maîtrisait pas… encore qu’à y regarder de plus près, on peut faire des rapprochements entre Wolf et Qui a peur de Virginia Woolf, ne serait-ce que par le titre et les règlements de comptes pendant une nuit de pleine lune… Wolf laissa la critique mitigée, mais le public répondit présent, faisant un succès au film (130 millions de dollars), dépassant les recettes du Lauréat et Working Girl. Bien meilleur que son accueil initial le laissait supposer (Nichols dut retourner en catastrophe une scène finale peu convaincante), Wolf est plus intéressant quand il montre la transformation psychologique de son personnage principal (l’occasion pour le cinéaste de faire preuve de son excellent sens de la satire sociale)… et moins réussi quand il donne dans l’imagerie cliché du film de loup-garou. Difficile de prendre au sérieux l’affrontement final, où Nicholson et James Spader, grimés façon Lon Chaney Jr. se sautent dessus au ralenti. Malgré ce côté bancal, Wolf reste intéressant à regarder, bénéficiant de la belle photo nocturne de Giuseppe Rotunno, et de bons comédiens. Nicholson ne cabotine pas trop (encore qu’on ne peut pas s’empêcher de penser à Shining, auquel Nichols rend un hommage évident dès le début), Spader est excellent en jeune rival onctueux à souhait, et Michelle Pfeiffer illumine le film de son charme habituel. Son personnage, porte-parole de la pensée libre du réalisateur, permit d’ailleurs à ce dernier de filmer sa plus grande passion, les chevaux.

 

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ci-dessus : petit doigt, John Wayne et biscottes… la scène classique de La Cage aux Folles, devenu Birdcage aux USA. Armand Goldman (Robin Williams) a du travail pour convaincre Albert (Nathan Lane) d’être  »un vrai mec » ! Il y a urgence, le sénateur Keeley (Gene Hackman) approche…

 

Nichols retrouva Elaine May pour leur film suivant, qui nous est très familier puisqu’il s’agit du remake de La Cage aux Folles. La pièce de Jean Poiret, transposée à Broadway, était depuis longtemps un grand succès. Nichols acquit les droits d’adaptation pour un remake intitulé Birdcage, dont le scénario fut signé par son ancienne complice. Transposée aux Etats-Unis, l’intrigue de Birdcage ne change pas d’un iota de la pièce et du film original d’Edouard Molinaro, avec Michel Serrault et Ugo Tognazzi. Albin « Zaza Napoli » et Renato Baldi deviennent, de ce côté de l’Atlantique, Albert et Armand Goldman (Nathan Lane et Robin Williams), vieux couple installé à South Beach, quartier prisé de la communauté gay de Miami, où Armand dirige la revue travestie de la boîte de nuit The Birdcage. Armand a un fils, Val, qui va se marier avec la fille du Sénateur républicain Keeley (Gene Hackman). Ce dernier, ultraconservateur, homophobe et antisémite, tient à ce que les belles-familles se rencontrent dans les règles, avant de donner son accord pour le mariage. Pour son fils, Armand accepte de se faire passer pour un respectable attaché culturel strictement hétérosexuel, au grand dam de l’hypersensible Albert, bien incapable de jouer l’oncle « normal »… Sans doute pas le plus grand film de Nichols, Birdcage ne démérite pas ; c’est même l’une des rares fois où un remake américain d’une comédie française trouve son propre ton sans « tuer » l’esprit de son modèle. Ce fut donc une comédie sans prétention, menée avec un tempo comique indéniable, aidé en cela par Robin Williams, laissant le champ libre à Nathan Lane. Le film fut aussi une nouvelle fois l’occasion pour Nichols de se moquer allègrement de l’étroitesse d’esprit de la « majorité morale » et de l’establishment républicain américain, à travers le couple de vieux réactionnaires formé par Gene Hackman et Dianne Wiest. Et de présenter des personnages homosexuels sous un angle plus léger, et plus touchant, après ceux de Silkwood et Biloxi Blues. Les critiques rirent de bon cœur, le public américain aussi, réservant à Nichols son plus grand succès au cinéma (185 millions de dollars pour un modeste budget de 31 millions) ; le public français, connaissant par cœur la version originale, préféra évidemment bouder Birdcage.

 

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Ci-dessus : ambiance festive dans le q.g. de campagne du staff de Jack Stanton, dans Primary Colors… Sous les yeux d’Henry Burton (Adrian Lester) et Howard (Paul Guilfoyle), l’analyste politique Richard Jemmons (Billy Bob Thornton) montre ses « compétences » à Jennifer (Stacy Edwards) !

 

Nichols et May continuèrent sur leur lancée en signant le film suivant, Primary Colors. Fervent Démocrate, Mike Nichols suivait depuis longtemps l’évolution politique de son pays avec un regard incisif ; l’arrivée au pouvoir de Bill et Hillary Clinton en 1992 avait changé la donne, après les douze années de néolibéralisme de l’époque Reagan-Bush. Toujours prompt à « sentir » l’air d’une époque, Nichols avait vu dans le roman anonyme Primary Colors le potentiel pour aborder frontalement la cuisine politique de son pays d’adoption. Adapté du livre (écrit en réalité par le journaliste de Newsweek Joe Klein, qui avait suivi le futur couple présidentiel durant sa campagne de 1992), Primary Colors suivait le parcours d’Henry Burton (Adrian Lester), petit-fils d’une grande figure du Mouvement des Droits Civiques pour les Noirs américains, rejoignant le staff de campagne du Gouverneur Jack Stanton (John Travolta), en course pour les élections primaires qui désigneront le candidat du Parti Démocrate, dernière étape avant les élections présidentielles américaines. Henry est entraîné par ce charismatique outsider dans le tourbillon de sa campagne jalonnée d’embûches ; aux côtés notamment de Richard Jemmons (Billy Bob Thornton), un analyste politique redneck, et de Libby Holden (Kathy Bates), lesbienne grande gueule chargée de déjouer les pièges semés par les adversaires politiques de Jack, Henry apprend vite à perdre ses illusions idéalistes pour mettre les mains dans le cambouis. Tâche d’autant plus délicate que Jack, homme à femmes notoire, ne peut s’empêcher de courir les jupons, au su de sa femme Susan (Emma Thompson) qui doit soutenir son époux contre vents et marées.  Primary Colors n’était pas une biopic sur le couple présidentiel alors en fonction, et Nichols, avec ses acteurs, prit bien soin de prendre ses distances avec les Clinton. Il n’en reste pas moins que le film, excellente reconstitution d’une campagne électorale, impeccablement joué et dirigé, mit dans le mille en certaines occasions… L’action politique de la présidence de Bill Clinton fut entachée par sa réputation d’invétéré coureur de jupons. Le film, tourné en 1997, sortit l’année suivante, au moment même où le scandale sexuel de l’affaire Monica Lewinsky allait pousser Clinton au parjure ! Primary Colors ne se limitait pas cependant à ces seules histoires de frasques sexuelles, et s’intéressait plutôt à la prise de conscience d’un jeune idéaliste lancé dans une carrière politique. Grâce à la plume incisive d’Elaine May et au sens de la mise en scène de Nichols, le film fut une description solide de la vie d’un petit groupe de personnes embarquées dans un métier épuisant. D’abord caustique puis plus sombre, Primary Colors offrit de beaux rôles à ses comédiens : Travolta, comédien d’habitude limité, fut assez crédible ; Emma Thompson commença une intéressante association créative avec Nichols. Les mieux lotis furent les seconds rôles, surtout Billy Bob Thornton en analyste lubrique, limite clochard, mais lucide, et Kathy Bates (nominée à l’Oscar du Meilleur Second Rôle) pour son personnage haut en couleurs, porte-parole de la pensée de Nichols et May. A travers le personnage de Libby, ancienne militante hippie dégoûtée par le « cirque » politique dans lequel elle s’était engagée par conviction, il n’est pas interdit de voir Nichols dresser un bilan de sa carrière, de ses hauts et de ses bas. Le film fut très bien accueilli, mais n’intéressa guère le public, peu friand de films sur la politique. 

 

Mike Nichols - De quelle planète viens-tu

On passera rapidement, par contre, sur le film suivant de Nichols, De quelle planète viens-tu ?, sorti en 2000. Sans doute le vilain petit canard de sa filmographie, De quelle planète viens-tu ?était une comédie satirique écrite et interprétée par Garry Shandling, humoriste superstar de la télévision américaine. Il jouait le rôle d’Harold, un extra-terrestre venu sur Terre pour féconder une femme et ramener leur enfant sur son monde natal. Etant pourvu d’un pénis artificiel, Harold se faisait repérer et poursuivre avant de pouvoir rentrer chez lui… Pas grand-chose à dire sur ce film qui fut un bide monstrueux, et dans lequel Annette Bening, Ben Kingsley et John Goodman semblaient s’être égarés. Nichols sut heureusement rebondir grâce à une exemplaire dernière décennie. 

 

Mike Nichols - Wit

Les dernières années d’un cinéaste sont souvent aussi révélatrices que ses débuts, même s’il arrive souvent qu’on se focalise plus sur ses premières œuvres. Le cas de Mike Nichols est très intéressant ; celui qu’on avait hâtivement comparé à Orson Welles à ses débuts, malgré la qualité évidente de ses films, semblait être traité avec une certaine condescendance au vu de certains de ses films. Mais la dernière partie de son œuvre prouva qu’il fallait encore compter sur lui ; le metteur en scène et cinéaste alterna judicieusement théâtre, télévision et cinéma, rassemblant dans ces différents supports l’essentiel de ses sujets de prédilection : les relations hommes-femmes, la transformation psychologique de ses personnages, les conflits de classes sociales, la lutte personnelle entre Nature et Culture, la politique américaine… et la Mort, omniprésente désormais. A plus de 70 ans, Nichols, revenu au théâtre (une adaptation de La Mouette de Tchekhov), signa deux téléfilms de très grande qualité, sous la bannière de la chaîne HBO. Deux téléfilms adaptés de pièces de théâtre, osant aborder un sujet généralement considéré comme tabou et « repoussoir » : la maladie incurable, et la Mort. Et, dans les deux cas, ce fut une réussite. Diffusé en 2001, Wit (Mon combat) était adapté de la pièce de Margaret Edson, une enseignante lauréate du Prix Pulitzer pour sa pièce. Nichols retrouva Emma Thompson, et l’actrice britannique, qui avait apprécié leur travail commun sur Primary Colors, cosigna le scénario. Elle y jouait le rôle de Vivian Bearing, brillante académicienne, experte en littérature et poésie métaphysique, qui apprenait qu’elle était atteinte d’un cancer des ovaires. Affaiblie par les traitements expérimentaux et la maladie, Vivian faisait le bilan de sa vie, réalisant que ses hautes exigences intellectuelles l’ont coupé des simples relations humaines. Confrontée à sa mort inéluctable, elle finira par comprendre la valeur de la compassion, grâce à son ancienne mentor et une infirmière. Un concert de louanges pour l’actrice et pour Nichols, signant là un beau film méconnu. Wit fut récompensé de nombreux prix, essentiellement pour la performance d’Emma Thompson. Mike Nichols ne fut pas oublié, et obtint l’Emmy Award du Meilleur Réalisateur et un Prix Spécial au Festival de Berlin.

 

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ci-dessus : une des grandes scènes d’Angels in America. Roy Cohn, à l’agonie, est veillé par le spectre d’Ethel Rosenberg, qu’il fit jadis exécuter. La vengeance, la compassion et un pied de nez final… Al Pacino face à Meryl Streep. Respect total pour les meilleurs !

 

Toujours sous l’égide d’HBO, Mike Nichols signa l’une de ses meilleures œuvres en 2003 : Angels in America, l’adaptation de la pièce de Tony Kushner, signée par celui-ci, un des tous meilleurs dramaturges new-yorkais en activité, également scénariste de renom (une collaboration remarquable avec Steven Spielberg sur les scripts de Munich et Lincoln, les œuvres les moins « faciles » du cinéaste). Kushner avait écrit Angels in America en connaissance de cause : ouvertement gay, l’auteur avait vu les ravages du SIDA dans la communauté homosexuelle new-yorkaise dans les années 1980. Angels in America aborde frontalement cette triste période, mais d’une manière complètement inattendue : mêlant le drame, la comédie, le fantastique et la chronique politique sans jamais appartenir à un seul de ces genres. L’histoire tourne autour de plusieurs personnages, en 1985, durant les années Reagan. Difficile à résumer, elle tourne autour de plusieurs personnages dont les vies s’entrecroisent à cause du SIDA, dont est atteint Prior Walter (Justin Kirk), un jeune homosexuel. Son compagnon, Louis Ironson (Ben Shenkman), horrifié par la dégradation de son état, se sent incapable de l’aider et le quitte. Prior souffre le martyre, mais voit bientôt d’étranges hallucinations prendre forme chez nuit, jusqu’à l’arrivée de l’Ange de l’Amérique (Emma Thompson), qui le désigne comme le Prophète de l’époque à venir. Louis rencontre Joe Pitt (Patrick Wilson) ; Mormon, reaganien enthousiaste, et homosexuel « dans le placard », Joe vit un mariage sinistre avec Harper (Mary-Louise Parker), son épouse planant sous Valium, préférant ainsi fuir leur triste quotidien. Joe est aussi le protégé de Roy Cohn (Al Pacino), sinistre personnage de l’Histoire judiciaire américaine ; durant la Chasse aux Sorcières, Cohn envoya sans le moindre scrupule (et tout à fait illégalement) les époux Rosenberg à la chaise électrique. Gay ayant tout fait pour ne jamais révéler ses penchants au public (le pouvoir primant sur la vérité…), Cohn, atteint lui aussi du SIDA, est soigné par Belize (Jeffrey Wright), l’ex-compagnon de Louis. Et il reçoit la visite de la défunte Ethel Rosenberg (Meryl Streep), tandis qu’Hannah (également Meryl Streep), la mère de Joe, arrive à New York pour ramener son fils « sur le droit chemin », et rencontre Prior… Deux grands épisodes (eux-mêmes fragmentés en trois segments) de plus de 2 heures 30, un casting royal (rien que pour les face-à-face entre le volcanique Mr. Pacino et la grande Meryl Streep, cela vaut le détour), et une écriture rigoureuse firent d’Angels in America un chef-d’oeuvre télévisuel. A travers ce véritable film inclassable, capable de vous faire passer du rire aux larmes en un instant, Nichols se surpassa. Sans être sentencieux un seul instant, il réussit à dépeindre les contradictions d’une Amérique où l’épidémie pousse chacun à faire face à ses préjugés. C’était magnifiquement mis en scène, Nichols glissant au passage un hommage délibéré à l’œuvre filmique de Jean Cocteau (Orphée et La Belle et la Bête), et d’autres, plus discrets, à Billy Wilder et Stanley Kubrick. Angels in America lui permit aussi, par l’entremise d’une magnifique scène d’ouverture, d’évoquer sans doute pour la première et seule fois de sa carrière ses origines. Un vieux rabbin (Meryl Streep !), durant des funérailles, s’adresse à la famille d’une défunte, et aussi sans doute au spectateur. Il évoque, avec humour, nostalgie et un brin d’amertume, le souvenir des stettels d’Europe centrale et orientale, foyers de la grande culture juive balayée par les pires dictatures qui soient. Cet esprit unique en son genre a trouvé dans une autre Terre Promise un nouveau terreau pour s’épanouir. Solitude, détresse, résilience et réconciliation sont les maîtres mots d’Angels in America, une véritable leçon d’espoir en dépit de la noirceur annoncée du sujet. Il va sans dire que cette mini-série fit un triomphe. 5 Golden Globes et 11 Emmy Awards (record absolu à ce moment-là). Mike Nichols fut récompensé du DGA Award, et obtint l’Emmy Award de la Meilleure Mise en Scène. Les acteurs furent aussi à la fête : Emmys et Golden Globes pour Mary-Louise Parker (la star de Weeds), le discret Jeffrey Wright (excellent dans un double rôle, dont celui de Belize), et des monstres sacrés, Meryl Streep et Al Pacino. Monstrueux, pathétique et drôle en même temps, on ne l’avait pas vu autant à la fête dans un rôle de salaud depuis Scarface !

 

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ci-dessus : une partie de la fameuse scène de pole-dancing de Closer, où Larry (Clive Owen), ivre, retrouve Alice (Natalie Portman). Du calme, messieurs, du calme…

 

A 73 ans, Mike Nichols ne se reposa pas sur ses lauriers. Mêlant toujours ses deux activités principales, il produisit la pièce The Play that I wrote et le one-woman show Whoopi (retrouvailles avec Whoopi Goldberg, évidemment), qui lui valurent deux nouvelles nominations aux Tony Awards ; ceci, tout en préparant et tournant son film suivant, Closer, qui fut sa dernière pièce de théâtre adaptée au cinéma par ses soins. L’œuvre du dramaturge britannique Patrick Marber (également auteur au cinéma de l’intéressant Chronique d’un scandale avec Cate Blanchett et Judi Dench) lui permit de revenir aux thèmes abordés dans Carnal Knowledge. Sorti en 2004, Closer suivait le chassé-croisé amoureux de deux couples qui s’aiment, se trompent et se vengent, sur quelques années. A Londres, Dan Woolf (Jude Law) et Alice Ayres (Natalie Portman) se croisent et tombent immédiatement amoureux. Un an plus tard, Dan, devenu un écrivain à succès, ne peut s’empêcher de se rapprocher d’Anna Cameron (Julia Roberts), une photographe, cultivée et sophistiquée. Mais elle repousse ses avances, et Dan, par farce, la fait rencontrer Larry Gray (Clive Owen), un dermatologue macho. Surprise : Anna et Larry finissent par se marier, mais celle-ci et Dan ont une liaison… qui pousse Larry et Alice à se rapprocher. Simple comme tout en apparence, mais impeccablement géré par le cinéaste, Closer est un quatuor à fleurets mouchetés entre des comédiens qui donne là encore le meilleur d’eux-mêmes. Nichols conservait volontairement l’aspect « théâtral » du projet, centré autour de quatre personnages inspirés de l’opéra de Mozart, Cosi fan tutte, et son histoire grivoise d’échange d’épouses. Remis au goût du jour, le récit montrait aussi (une constante chez Nichols) l’évolution des relations hommes-femmes, toujours aussi chaotiques en ce début de 21ème Siècle… Les dialogues et les situations sont souvent très crues, l’ambiance plutôt triste, en dépit de quelques rares scènes de comédie : une séance de web-chat sexuel très grinçante, où Dan se fait passer pour Anna et berne Larry qui ne se doute de rien, jusqu’à la rencontre avec la vraie Anna. On ne refera pas Mike Nichols, toujours caustique à l’heure du cyber-sexe ! Les comédiens furent à la fête : Jude Law, entre désinvolture apparente et mélancolie, était irréprochable ; Julia Roberts avait enfin un personnage consistant à défendre (nul doute que sa collaboration avec Nichols, qui se poursuivit avec le film suivant, lui fut bénéfique) derrière son glamour habituel. Mais ce furent surtout Clive Owen (parfait dans son rôle de macho cynique cachant sa vulnérabilité rentrée) et Natalie Portman qui impressionnèrent. La jeune comédienne sortait pour de bon de l’enfance, des rôles d’ado fragilisée et de princesse galactique au grand cœur, et incendiait littéralement la pellicule. On lui découvrait ici une séduction, voire une dureté qu’on ne lui connaissait pas. Et, sans complexes, elle volait la scène à Clive Owen dans une brûlante scène de joute amoureuse sur fond de pole dancing. Les comédiens de Closer furent unanimement salués et cités à de nombreuses récompenses ; Owen décrocha le BAFTA Award du Meilleur Second Rôle, ainsi que le Golden Globe dans cette même catégorie, Natalie Portman obtenant quand à elle celui de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle (qui aurait pu être aussi bien celui du Premier Rôle, mais qu’importe…). Malgré un sujet a priori difficile, Closer obtint aussi un joli succès, aidé en cela, entre autres, par l’utilisation d’une superbe chanson, The Blower’s Daughter de Damien Rice, qui ouvrait le film sur une des plus belles scènes de coup de foudre jamais tournées à ce jour.

 

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ci-dessus : une des grandes scènes de La Guerre selon Charlie Wilson. Charlie (Tom Hanks) reçoit Gust Avrakotos (Philip Seymour Hoffman),  pour l’informer sur l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques. Tandis que Bonnie Bach (Amy Adams) et les « Angels » se démènent pour sortir le député d’une affaire de mœurs embarrassante, Gust se mêle de ce qui ne le regarde pas. N’acceptez jamais de cadeau de la part d’un agent de la CIA !

 

Sitôt Closer achevé, Nichols, fidèle à ses habitudes, revint vers les planches, comme metteur en scène de la comédie musicale Spamalot, adaptée du film cultissime Sacré Graal ! des Monty Python, ce qui lui valut le 8ème Tony Award de sa carrière. Son projet suivant au cinéma serait son dernier, une ahurissante histoire vraie découverte et écrite par un maître de l’écriture, Aaron Sorkin, le scénariste des Hommes d’Honneur et du futur Social Network, également créateur de la caustique série A la Maison Blanche. Sorkin signa l’adaptation du livre de l’ancien journaliste de CBS George Crile, Charlie Wilson’s War, qui devint chez nous le film connu sous le titre La Guerre selon Charlie Wilson. Une histoire vraie, donnant un éclairage particulièrement décapant sur le rôle joué par un obscur député Texan démocrate, Charlie Wilson (Tom Hanks), durant la guerre d’Afghanistan opposant les Soviétiques aux rebelles Moudjahidines. Bon vivant, buveur et amateur de jolies filles, « Good Time » Charlie, jusque-là tout juste doué pour se faire réélire grâce à son sens de la clientèle, se lança dans une improbable campagne en faveur des Afghans écrasés par l’armée Soviétique, sur les conseils de son ex-maîtresse Joanne Herring (Julia Roberts), une héritière texane ultraconservatrice. Pour ce faire, Charlie Wilson sera conseillé et aidé par le plus improbable agent de la CIA : Gust Avrakotos (Philip Seymour Hoffman), fils d’un limonadier grec, une grande gueule qui ignore les règles de la bienséance. Grâce à lui, Charlie, avec le soutien réticent du Congrès, établira un montage financier hasardeux pour financer les rebelles et leur donner des armes – avec la complicité du gouvernement pakistanais de Muhammad Zia Ul-haq, des services secrets égyptiens et saoudiens, et même du Mossad ! Le résultat sera une victoire pour les Moudjahidines, chassant les Soviétiques de leur pays en 1988. Evènement qui influencera la chute du bloc communiste l’année suivante… mais aussi sur l’embrasement du Moyen Orient au début du 21ème Siècle. Malgré les efforts de Charlie Wilson, en effet, ses collègues refuseront de l’aider à reconstruire l’Afghanistan en ruines, et de désarmer les rebelles. En l’espace d’une décennie, l’Afghanistan deviendra le terreau du fondamentalisme religieux islamiste, des Talibans et du terrorisme prenant pour cible l’Amérique qui les avait financés… Un sujet explosif, donc, pour Mike Nichols, qui s’en sortit magistralement, trouvant dans La Guerre selon Charlie Wilson un sujet idéal pour une comédie grinçante, décortiquant avec acuité (et un humour ravageur) la conception très américaine de la politique internationale sous l’ère Reagan, à la fin de la Guerre Froide. Le scénario de Sorkin reste un modèle d’écriture, maniant des dialogues et des situations cocasses avec un esprit digne du Un, Deux, Trois de Billy Wilder. Nichols n’avait rien perdu de sa verve pour tourner en dérision l’establishment de son pays d’accueil et sa sidérante naïveté. Le film regorge de personnages impeccablement croqués, et de scènes irrésistibles. Voir par exemple Charlie régler ses affaires en cours avec son bataillon de secrétaires, les « Angels », aux décolletés ravageurs (les hommes resteront toujours des hommes, non ?) ; le même Charlie qui débauche sans honte la très prude fille (Emily Blunt) d’un client très bigot ; Joanne qui conclut son hommage au notoirement corrompu Muhammad Zia Ul-haq d’un ahurissant « Et il n’a pas fait assassiner son prédécesseur, le président Butto ! » ; ou la rencontre entre Charlie et Gust Avrakotos (géniale performance du regretté Philip Seymour Hoffman), rompant la glace autour d’une bouteille de scotch préalablement mise sur écoute par ce dernier ! Les comédiens étaient tous parfaits, comme toujours mis en confiance par Mike Nichols (plusieurs nominations aux Golden Globes et une aux Oscars pour Hoffman). Le film fut bien reçu, même s’il fit grincer les dents d’anciens officiels reaganiens (bien embarrassés par le portrait au vitriol qui est fait d’eux dans le film), et il devait conclure en beauté la carrière de Mike Nichols. Le réalisateur tirait en effet sa révérence au cinéma à 75 ans, mais ignora le sens du mot « retraite ». Il préféra revenir à son cher Broadway, signant la mise en scène de The Country Girl de Clifford Odets en 2008, Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller (qui lui valut en 2012 son neuvième et ultime Tony Award), et Trahisons d’Harold Pinter en 2013. Tout ceci, tout en contribuant aussi comme bloggeur sur le Huffington Post, en enseignant au New Actors Workshop et en oeuvrant au sein de la Directors Guild of America, avant son décès survenu le 19 novembre 2014.

 

En pareilles circonstances, il faut toujours laisser le mot de la fin aux disparus. La carrière cinématographique de Mike Nichols nous a donc offert plusieurs films mémorables, essentiellement liés à de grandes performances d’acteurs et d’actrices qui lui doivent beaucoup. Il est aussi intéressant de regarder son œuvre, du seul point de vue de spectateur, et de constater à quelle point celle-ci était cohérente. D’un point de vue plus cinéphilique, on remarquera aussi à quel point, comme tant de ses confrères et prédécesseurs, Nichols a su soigner son « entrée » et sa « sortie » sur le grand écran. Nombre de grands cinéastes ont débuté leur carrière par une image ou une séquence mémorable, et certains l’ont clos sur une ultime scène ou un dialogue tout aussi marquant (cf. Kubrick qui nous quittait, au bout d’Eyes Wide Shut, sur un « let’s fuck » sans ambages). Mike Nichols boucla sa propre boucle : l’introduction de …Virginia Woolf ?, avec son vieux couple marchant sous la pleine lune, fatigué par les mondanités, et qui entamait les hostilités par la réplique  »what a dump ! » (« quel foutoir !« ). Plus de quarante ans après, Mike Nichols nous tirait sa révérence en trois mouvements, à la fin de Charlie Wilson. Un happy end trompeur, où Charlie réussissait à devenir un vrai politicien engagé, et parvint à faire chuter l’ogre Soviétique par son action pour l’Afghanistan. Mais cette victoire avait un goût amer, Charlie ne parvenant pas à convaincre ses collègues obtus de désarmer les rebelles Moudjahidines, pas plus que de reconstruire ce pays en ruines (dernière réplique marquante : « Charlie, personne n’en a rien à foutre, des écoles du Pakistan ! – D’Afghanistan.« ) ; et cet anti-héros typiquement « nicholsien » se retrouvait seul et malheureux, n’ayant pu reconquérir sa chère Joanne, mariée à un autre. C’est donc un homme bien triste qui, dans la dernière scène du film, serre les dents en acceptant les récompenses patriotiques… Et le film de se conclure sur une citation du vrai Charlie Wilson :  

« Ces choses eurent vraiment lieu. Elles furent glorieuses, et changèrent le monde… puis on a foiré le dernier match. »

Une chute qui conclura la filmographie de Mike Nichols, pleine de malice et de fatalisme, à l’instar de ce dernier.

 

Ludovic Fauchier.

 

le lien vers la fiche ImdB de Mike Nichols :

http://www.imdb.com/name/nm0001566/?ref_=fn_nm_nm_1

Bandes-annonces… « J’ai 10 ans ! »

Bonjour, chers amis neurotypiques !

Cette semaine, petite variation sur les paroles d’une célèbre chanson d’Alain Souchon : 

« J’ai dix ans
Je vis dans des sphères ou les grands
N’ont rien à faire, je vois souvent
Dans une île d’enfer des dinosaures géants
Et des sabre-lasers
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré… »

Et donc, j’ai dix ans, je sais que c’est pas vrai, mais j’ai dix ans, laissez-moi rêver que j’ai dix ans, ça fait 31 ans que j’ai dix ans… La raison de ce gros coup de nostalgie ? La diffusion la même semaine de deux bandes-annonces qui me renvoient simultanément à mes premiers chocs cinéphiliques d’inspiration lucas-spielbergienne !

 

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21 ans après Jurassic Park… mon Dieu, tant que ça ?!… 17 ans après Le Monde Perdu, 13 ans après un passable troisième opus, la première bande-annonce de Jurassic World titille à fond la fibre dino-nostalgique des fans du film original de Steven Spielberg. Le « boss » pris par d’autres projets (St. James Park avec Tom Hanks, écrit par les frères Coen et The BFG, d’après Le Bon Gros Géant de Roald Dahl) délègue la mise en scène à un petit nouveau, Colin Trevorrow, qui a donc la lourde tâche de relancer la saga des dinosaures ressuscités par la génétique. Trevorrow a plusieurs fois répété une note d’intention intéressante, établissant un parallèle entre ce nouveau film et l’évolution des goûts du public à l’ère numérique. Construit à partir des ruines des installations d’Isla Nublar (voir le film original), le Jurassic World, après avoir attiré un vaste public, souffre d’une désaffection de ce dernier, vite blasé par les dinosaures « traditionnels ». Les ingénieurs génétiques pensent avoir la bonne idée en « fabriquant » un nouveau mastodonte, bien plus dangereux et intelligent que le Tyrannosaure Rex. Mauvaise idée, évidemment (personne ne tiendra jamais compte des mises en garde du professeur Malcolm…). La bande annonce joue astucieusement à la fois sur des images familières (galopades de gallimimus, la porte du parc, les raptors en patrouille, les gamins terrorisés…) et inédites. Dont ce magnifique mosasaure gobant un requin blanc servi en breakfast… une idée de Spielberg lui-même, se vengeant du gros poisson quarante ans après Les Dents de la Mer ! Sortie du film aux USA en juin prochain.

 

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Et, deux jours plus tard, les premières images de la future grande aventure dans une galaxie lointaine, très lointaine… Plus un teaser qu’une bande annonce officielle, ces premières images nous préparent à la future sortie de Star Wars Episode VII : The Force Awakens. George Lucas s’étant mis à la retraite (tout en gardant un œil de conseiller sur les suites à venir de sa saga galactique), Lucasfilm et la franchise Star Wars étant passés sous le giron des studios Disney, c’est à J.J. Abrams de relancer une nouvelle trilogie située bien après Le Retour du Jedi. On retrouvera l’ambiance familière de la trilogie originelle, et quelques images iconiques servies ici par Abrams vont ravir les fans de la première heure : les sables de Tatooine, les chasseurs X-Wing et TIE, les Stormtroopers… et le Millenium Falcon, LE MILLENIUM FALCON !!! OH YEAAAHHH !!!!

Mystère total sur l’intrigue (on sait que l’on retrouvera Luke, Leia et Han Solo, bien âgés maintenant… Chewbacca sera là, lui aussi ! Yeah !!) et le teaser nous présente les nouveaux comédiens : John Boyega, Daisy Ridley (sosie officiel de sa « grand-mère » Natalie Portman !) et Oscar Isaac, en pleine action. Et la venue d’un nouveau Seigneur Sith qui s’annonce furieusement épique. En décembre 2015, on devrait donc éviter une autre Menace Fantôme et se réconcilier avec la saga.

 

Touchons du bois, et que la Force (et les dinosaures) soit avec vous !

 

Ludovic Fauchier

« And here’s to you… » – Mike Nichols (1931-2014), 1ère partie

Bonjour chers amis neurotypiques ! Une longue, longue coupure entre les textes de ce blog, ce qui nécessite quelques explications… La fatigue, bête et méchante, a fait en sorte que je n’avais plus de temps (j’ai aussi une vie réelle, avec cette chose terrible qui s’appelle le travail) ni l’énergie pour remplir ce blog. Le manque de temps m’obligera sans doute aussi à réduire les textes, et ce sera difficile d’écrire des « romans » sur chaque nouveau film, comme auparavant. Dommage, car avec la sortie des derniers films de deux cinéastes qu’on aime bien dans ces pages (Gone Girl de David Fincher et Interstellar de Christopher Nolan), il y avait de quoi faire… Enfin bref, me voilà de retour pour rendre hommage à un grand cinéaste. Bonne lecture !

L.F.

 

Mike Nichols

Inévitablement, les réalisateurs américains ayant changé les règles du jeu au cours des années 1960 s’en vont les uns après les autres. Les Arthur Penn, Robert Mulligan ou Sidney Lumet, défenseurs d’un cinéma audacieux et premiers enfants terribles narguant la mainmise créative des studios hollywoodiens, viennent d’être rejoints par celui de Mike Nichols, qui s’est éteint ce 19 novembre. Cet ancien comédien humoriste passé derrière les caméras aimait les acteurs, qui le lui rendaient bien. Il n’y a qu’à voir la liste phénoménale de grands comédiens ayant travaillé avec lui à de nombreuses reprises, et la belle série de récompenses qu’ils ont obtenues. Richard Burton, Elizabeth Taylor, Dustin Hoffman, Anne Bancroft, Orson Welles, Meryl Streep, Jack Nicholson, Gene Hackman, Harrison Ford, Annette Bening, Emma Thompson, Kevin Spacey, Natalie Portman, Tom Hanks, Philip Seymour Hoffman, Julia Roberts… Impressionnante liste de comédiens, s’il en est ! Nichols ne fut pas pour rien un metteur en scène réputé, aussi à l’aise au théâtre qu’à la télévision ou au cinéma ; sur ce dernier médium, Nichols signa des œuvres de qualité variable, dont les meilleures restent cependant encore gravées dans les mémoires. Impossible de ne pas penser évidemment au Lauréat sans avoir les images, dialogues et chansons marquantes, choisies par cet homme très discret. Nichols a traversé les époques avec un regard aiguisé sur les relations humaines (spécialement les conflits conjugaux, omniprésents dans ses films) et les bouleversements sociaux survenus aux USA dans la seconde moitié du 20ème Siècle. Avec le grand écran, il a livré une solide filmographie s’étendant sur quarante années, de Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) à La Guerre Selon Charlie Wilson (2007). La courte biographie qui suit va restituer son parcours. Comme toujours, je demande l’indulgence du lecteur pour les éventuelles erreurs qui pourraient se glisser dans le texte.

Racines… Comme tant d’autres américains avant lui, Mike Nichols était un enfant d’émigrés : son vrai nom était Mikhaïl Igor Peschkowsky. Il naquit à Berlin, le 6 novembre 1931, de parents réfugiés juifs russes. Son père médecin, Pavel Nikolaevich Peschkowsky, était né en Autriche et descendait d’une riche famille domiciliée en Sibérie, chassée par la Révolution Russe. Du côté de la famille de la mère de Mikhaïl, Brigitte (née Landauer), des noms respectés dans les milieux intellectuels et littéraires : les grands-parents maternels, allemands, étaient Hedwig Lachmann, écrivaine, poétesse et traductrice réputée, et Gustav Landauer, grande figure anarchiste, un journaliste, écrivain et philosophe défenseur des idées libertaires, éthiques, métaphysiques et mystiques. Les Landauer-Lachmann étaient des parents éloignés d’un certain Albert Einstein. Le jeune Mikhaïl, élevé dans l’Allemagne basculant dans le nazisme, n’avait jamais connu ses grands-parents maternels : Hedwig était morte en 1918, et Gustav Landauer, emprisonné à Munich, mourut lynché l’année suivante par des soldats nationalistes du Freikorps. Voilà de quoi marquer une famille éduquée, assistant à la prise de pouvoir d’Hitler, annonciatrice des persécutions antisémites nazies. Pavel réussit à fuir l’Allemagne vers 1938-1939 pour les Etats-Unis ; Mikhaïl et son frère cadet Robert purent le rejoindre en avril 1939, et emménagèrent avec leur père à New York. Celui-ci changea son nom en « Paul Nichols », et Mikhaïl devint donc « Michael Nichols », ou plus simplement « Mike Nichols ». Leur mère les rejoignit l’année suivante. Mike Nichols, new-yorkais d’adoption et de cœur, passera ses jeunes années au domicile familial situé près de Central Park. Le célèbre parc deviendra un lieu familier de ses futurs films situés dans la Grosse Pomme. Il parla assez peu de sa famille, mentionnant toutefois parfois, plus tard, les relations avec un père qui lui manquait. Définitivement naturalisé en 1944, Mike Nichols fut diplômé (lauréat !) de la Walden School de New York ; quittant la New York University, il tenta de suivre les traces paternelles en étudiant la médecine en 1950 à l’Université de Chicago… mais très vite, les cours préparatoires médicaux l’intéressèrent moins que les cours de théâtre. Tout en enchaînant les petits boulots, il fit ses débuts d’acteur et de metteur en scène à l’Université, rencontrant au passage deux fidèles amies : Susan Rosenblatt, qui allait devenir l’activiste Susan Sontag, et sa future complice Elaine May. Il revint à New York pour étudier à l’Actors Studio, sous l’égide du maître Lee Strasberg.

 

Mike Nichols - Nichols_and_May_-_1961

Mike Nichols rejoignit en 1955 la compagnie d’improvisation des Compass Players, où jouait également Elaine May. Les deux comédiens, doués du même sens de l’humour, mirent au point par la suite le duo « Nichols and May » ; mis sur le gril de la stand up comedy dans les night-clubs, les deux comparses faisaient plier de rire le public par les sketches qu’ils interprétaient, baignant dans un humour pince-sans-rire basé sur les situations quotidiennes… et les relations déjà compliquées entre les hommes et les femmes ! Jouant sur l’autodérision (la force absolue de l’humour juif !), Nichols y était, le plus souvent, le dindon de la farce et May son parfait « repoussoir » aux réparties cinglantes ; engagés à Broadway, ils se produisirent ainsi à la radio puis à la télévision. Leurs meilleurs numéros enregistrés sur disque firent un triomphe. L’album de leur spectacle An Evening with Mike Nichols and Elaine May sera ainsi récompensé d’un Grammy Award. Le duo fera ainsi les belles heures de la comédie américaine sur les ondes, de 1958 à 1961, avant leur séparation. Nichols et May, cependant, resteront proches amis toute la vie, et travailleront encore ensemble sur certains de ses films. Mike Nichols, un grand instable sur le plan sentimental, épousa Patricia Scott en 1957, mais leur mariage prit fin trois ans plus tard. Mike Nichols se lança ensuite dans une fructueuse carrière de metteur en scène de théâtre à Broadway ; entre 1961 et 1966, il mit en scène des pièces d’Oscar Wilde (De l’importance d’être constant), George Bernard Shaw (Sainte Jeanne), et de Neil Simon. Pieds Nus dans le Parc, en 1963, lui permit de lancer la carrière d’un tout jeune Robert Redford ; pour cette pièce et pour Drôle de Couple (1965) avec Walter Matthau, Nichols fut récompensé des prestigieux Tony Awards. Il épousa en 1963 sa seconde femme, Margot Callas, dont il aura une fille, Daisy. L’expérience acquise par Nichols lui permettrait de passer à la réalisation cinématographique, avec un penchant évident pour les adaptations de pièces de théâtre de grande qualité. Le studio Warner Bros., en 1966, offrirait un sacré baptême du feu au nouveau venu des plateaux de tournage.

 

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Ci-dessus : une soirée inoubliable… Dans Qui a peur de Virginia Woolf ?, entre Martha et George (Elizabeth Taylor et Richard Burton), tous les coups bas sont permis, pour rire. Nick et Honey (George Segal et Sandy Dennis) vont être emportés par la tempête qui s’annonce.

 

Qui a peur de Virginia Woolf ?, la pièce d’Edward Albee, avait fait sensation dès sa production en 1962 ; l’auteur osait braver le tabou du langage ordurier, alors strictement réservé au théâtre underground, et omniprésent dans sa pièce. Elle fut un succès immédiat, et intéressa tout de suite les studios hollywoodiens, bien embarrassés pourtant… La cruauté dont faisaient preuve les deux personnages principaux, et leurs insultes, inquiétait les décideurs des studios croyant encore que le Code de Production (le « Code Hays ») censurerait immédiatement la moindre grossièreté. Le scénariste Ernest Lehman (La Mort aux Trousses, West Side Story), chargé d’écrire l’adaptation filmée, ne tint pas compte des avertissements et s’en tint le plus fidèlement possible au texte d’Albee. A Mike Nichols de filmer la déchirure du couple formé par George et Martha, un professeur d’université et sa femme, fille du recteur de l’académie ; bien imbibé, le couple s’affronte durant une longue nuit sous le regard effaré de ses deux invités, Nick et Honey (George Segal et Sandy Dennis). Le jeune couple pris à partie par ses aînés ne sera pas simple spectateur de la guerre conjugale en cours, et sera obligé de faire face à ses propres hypocrisies. Pour incarner George et Martha, Nichols filma LE couple légendaire des années 1960 : Elizabeth Taylor et Richard Burton. Les frasques des deux comédiens, amants puis mariés, avaient éclipsé le tournage dispendieux de Cléopâtre ; beaucoup doutaient qu’Elizabeth Taylor, incarnation vivante de la beauté hollywoodienne, était le bon choix pour Martha, bouffie par l’alcool et l’âge. Difficile de surcroît pour un jeune réalisateur sans expérience de filmer ce couple de monstres sacrés, au caractère explosif, forcés de s’affronter devant les caméras… Nichols releva le pari haut la main, sans se soucier des menaces d’appel à la censure proférées par les bigots de la Catholic Legion of Motion Pictures. Son adaptation de Qui a peur de Virginia Woolf ? reste un modèle de mise en scène : étouffant, maîtrisé, magnifiquement filmé en noir et blanc par Haskell Wexler, le film ne lâche jamais ses personnages et n’offre au spectateur aucune chance de sortie salvatrice. Les acteurs mis en confiance seront tous récompensés : nominations pour Segal et Richard Burton (parfait en homme rongé par l’amertume), Oscars pour Sandy Dennis et Elizabeth Taylor. Celle-ci n’a pas du tout hésité à malmener son image. Chevelure défaite, elle traîne des kilos en trop, ne cache pas un double menton apparent et « tue » volontairement tout glamour en elle. Le public fit un triomphe au film, qui obtint une pluie de récompenses : outre les Oscars pour les deux actrices, …Virginia Woolf ? obtint ceux de la Meilleure Photographie Noir et Blanc, de la Meilleure Direction Artistique et des Meilleurs Costumes. Nichols fut nominé comme Meilleur Réalisateur, aux Oscars comme aux Golden Globes. Son travail avec les acteurs fut unanimement salué.

 

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Ci-dessus : Benjamin Braddock (Dustin Hoffman) ramène Mrs. Robinson (Anne Bancroft) chez elle, et les ennuis commencent… L’hilarante scène de séduction du Lauréat !

 

« Hello darkness, my old friend… » Chaque décennie a son film « générationnel », celui qui symbolise le mieux l’état d’esprit de l’époque, sans que ceci soit évident aux yeux mêmes de ceux qui l’ont réalisé. En 1967, un « petit » film, avec un inconnu complet, en vedette fit un malheur au box-office mondial et entra dans le cœur d’une génération bouillonnante, aidé par les chansons de Paul Simon et Art Garfunkel. Impossible d’oublier la brillantissime introduction du Lauréat, avec un tout jeune Dustin Hoffman se laissant porter par le tapis roulant d’un aéroport, tandis que le duo entonne The Sound of Silence. Sitôt …Virginia Woolf ? achevé, Mike Nichols revint à Broadway pour mettre en scène The Apple Tree. Puis il enchaîna tout de suite sur l’adaptation filmée du roman de Charles Webb. Mélange habile de comédie et de drame, Le Lauréat suivait les mésaventures de Benjamin Braddock (Hoffman) et son entrée chaotique dans le monde adulte. Ce fils d’une bonne famille californienne, majeur et fraîchement diplômé, ne sait pas quoi faire de son avenir, répondant mollement aux pressions familiales de trouver un travail digne de son rang social. Pour rajouter au malaise, Benjamin perd sa virginité suite aux avances d’une amie de la famille, Mrs. Robinson (Anne Bancroft), épouse et mère frustrée qui en fait son amant… ceci avant qu’il ne tombe amoureux de sa fille Elaine (Katharine Ross). Le casting du film fut une sacrée épreuve. Mike Nichols, pour chaque rôle, eut à faire son choix parmi des dizaines de candidats possibles, des plus prestigieux aux plus improbables. On faillit avoir Robert Redford ou Warren Beatty pour Benjamin, Doris Day (!?) ou Jeanne Moreau pour Mrs. Robinson, Patty Duke, Faye Dunaway ou Shirley MacLaine (la sœur de Warren Beatty !) pour le rôle d’Elaine et Gene Hackman pour Mr. Robinson. Nichols eut le nez creux en offrant le tout premier rôle à Dustin Hoffman ; un choix audacieux, car Hoffman, à 29 ans, n’avait pas vraiment l’allure de l’étudiant séduisant et sûr de lui. Ce qui en faisait le choix parfait pour être Benjamin Braddock : avec son physique enfantin et son air anxieux, Hoffman donnait à merveille l’impression d’être un brave garçon pas très malin, englué dans une relation périlleuse. Il lui faudrait faire des pieds et des mains pour se faire pardonner d’Elaine, tout en subissant les foudres de la fameuse Mrs. Robinson. Inoubliable Anne Bancroft qui sut s’emparer du personnage, en évitant la caricature. Ni allumeuse ni mégère, sa Mrs. Robinson était une desperate  housewife avant l’heure, terrifiée par son inévitable vieillesse et sa solitude grandissante. Grâce à une direction d’acteurs irréprochable, Nichols fit mouche, faisant preuve une nouvelle fois d’un sens de la mise en scène maîtrisé à la perfection. Grâce aussi à l’écriture précise des scénaristes Calder Willingham (Les Sentiers de la Gloire, La Vengeance aux Deux Visages) et Buck Henry (de son vrai nom Henry Zuckerman, il fut engagé par Nichols qui appréciait son sens dévastateur de la satire), Le Lauréat regorge de séquences irrésistibles : Benjamin affolé par la séduction outrageuse de Mrs. Robinson (Nichols enterra au passage le Code Hays en filmant l’impensable dans une production hollywoodienne « respectable » : un plan subliminal sur les seins nus de l’épouse esseulée !), la jambe gainée d’un bas noir de la même Mrs. Robinson qui empêche Benjamin de sortir (devenue l’affiche emblématique du film), la séquence du scaphandre, le mariage perturbé par notre anti-héros… Le tout au son des chansons de Simon et Garfunkel, dont le célébrissime Mrs. Robinson, à l’origine une chanson sur Eleanor Roosevelt, « retouchée » à la demande du cinéaste. Des idées toutes simples, mais de pur génie, comme cette dernière séquence où Mike Nichols, filmant le happy end salvateur de Benjamin et Elaine dans le bus, laissa finalement tourner la caméra plus que de raison. L’expression de Dustin Hoffman et Katharine Ross passa ainsi du sourire à l’incertitude totale. Cette seule scène résumera finalement assez bien l’esprit d’une époque, où une belle jeunesse allait se révolter contre les préjugés parentaux petits-bourgeois, sans trop savoir de quoi serait fait son propre avenir. Le sens de l’observation de Mike Nichols, et son humour distancié, fit mouche. Le Lauréat fut, avec ses 104 millions de dollars (pour un budget raisonnable de 3 millions), le second plus grand succès de la décennie, un blockbuster complètement inattendu qui valut à son réalisateur un concert de louanges tonitruantes ; certains, ne se sentant plus, le surnommèrent même « le nouvel Orson Welles », rien de moins ! Le réalisateur prit calmement la chose, recevant au passage le BAFTA AWARD, le Golden Globe et l’Oscar du Meilleur Réalisateur. En deux films, il devenait le nouveau Roi d’Hollywood. Evidemment, un tel succès attisait des jalousies et un sévère retour de bâton, à l’approche des années 1970.

 

 

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Ci-dessus : Catch-22, et le briefing du Major Danby (Richard Benjamin) interrompu par le terrifiant Général Dreedle (Orson Welles)… Yossarian (Alan Arkin) et ses copains (Art Garfunkel, Martin Sheen) nous rappellent quant à eux que les hommes sont tous les mêmes !

 

Mike Nichols mit sa carrière cinématographique entre légères parenthèses pour revenir au théâtre, obtenant deux Tony Awards pour ses mises en scènes des pièces The Little Foxes de Lillian Hellman et Plaza Suite de Neil Jordan. Il tourna aussi un court-métrage, Teach Me !, avec Sandy Dennis, en 1968. En 1969, le studio Paramount l’engagea pour mettre en scène Catch-22, l’adaptation du roman de Joseph Heller. Une entreprise difficile car ce roman, décrivant les mésaventures d’un groupe de pilotes de bombardiers B-25 durant la 2ème Guerre Mondiale, multipliait les points de vue de différents personnages, n’avait pas de narration linéaire, et baignait dans un humour absurde versant peu à peu dans l’horreur. Avec son complice du Lauréat, Buck Henry, et la bénédiction d’Heller, Nichols remania le scénario, pour raconter les tribulations du Capitaine John Yossarian (Alan Arkin). Cantonné avec ses coéquipiers dans la base de Pianosa en Italie, Yossarian voit venir avec angoisse chaque nouvel ordre de mission décrété par son supérieur, le Colonel Cathcart (Martin Balsam). Chaque vol augmentant mathématiquement ses chances de mourir, Yossarian fait tout pour éviter de se retrouver aux commandes de son B-25. En pure perte, puisque Cathcart, suivant une logique tordue (le « Catch-22″ du titre), augmente sans cesse le nombre des missions suicide. Les autres pilotes tentent aussi d’y échapper, par tous les moyens à leur portée : faire du marché noir, coucher avec une prostituée, se crasher systématiquement, ou même devenir un assassin… L’humour de Mike Nichols trouvait là de quoi s’exercer aux dépens des institutions militaires américaines, mais Catch-22 n’eut pas le succès escompté. Le casting était pourtant attrayant : aux côtés d’Arkin et Balsam, on y croisait le futur réalisateur Richard Benjamin, Art Garfunkel (qui, sans son complice Paul Simon, entama une brève carrière d’acteur), Bob Balaban, Anthony Perkins, Charles Grodin, Paula Prentiss, les jeunes Martin Sheen et Jon Voight, et le redoutable Orson Welles en personne dans le rôle du Général Dreedle. Nichols, nanti d’un confortable budget, rassembla d’authentiques bombardiers B-25 sauvés de la démolition, et en fit les vedettes de superbes scènes de vol. Malheureusement, la logistique très lourde du film entraîna un sérieux dépassement de budget, faisant de Catch-22 l’un des films les plus coûteux à l’époque (11 millions de dollars) ; le tournage fut endeuillé par la mort du réalisateur de la seconde équipe John Jordan durant les scènes de vol. La critique fut mitigée, de même que le public… La Guerre du Viêtnam tournait au désastre et divisait l’opinion publique. Les studios saturaient cette année-là les salles de cinéma de films de guerre, avec des résultats opposés. Si les spectateurs « patriotes » se ruaient pour aller voir Patton, ils boudèrent Tora ! Tora ! Tora ! Et les spectateurs plus contestataires préférèrent la farce antimilitariste M.A.S.H. de Robert Altman, tournée avec des bouts de ficelle, au démesuré Catch-22 de Nichols. Le film fut un demi-succès (ou un demi-échec, c’est selon) au box-office. Aujourd’hui, il reste cependant considéré comme un classique incompris de la comédie militaire. Et, en tête d’affiche, Alan Arkin est irrésistible.

 

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Ci-dessus : la séance de diapositives donnée par Jonathan Fuerst (Jack Nicholson) dans Carnal Knowledge (Ce plaisir qu’on dit charnel)… Misogynie et amertume au programme.

 

Sitôt sorti de Catch-22, Mike Nichols enchaîna dès l’année suivante avec un tournage à petit budget, l’exact opposé de son film précédent. Carnal Knowledge (Ce plaisir qu’on dit charnel) était l’œuvre du cartooniste Jules Feiffer ; également dramaturge, Feiffer avait proposé à Nichols de mettre en scène sa pièce. Nichols décida d’en faire son nouveau film. L’histoire toute simple suivait 25 années de la vie de deux copains d’étude, Jonathan et Sandy (Jack Nicholson et Art Garfunkel), et leurs relations opposées avec les femmes. Amer à cause d’une histoire malencontreuse avec Susan (Candice Bergen), la petite amie de Sandy, Jonathan passera le reste de sa vie à « consommer » sexuellement les femmes. Sa relation avec Bobbie (sublime Ann-Margret) finira tristement. Jonathan finira, impuissant, par se laisser masturber par une prostituée (Rita Moreno)… Une comédie amère, très crue, qui montrait que, même à l’heure de la libération sexuelle aux USA, certains discours ne passaient pas encore dans les mentalités. Nichols osait, avec le personnage de Nicholson, montrait un machiste cynique et angoissé, traitant mal les femmes qu’il rencontrait dans des aventures sexuelles dénuées de tout glamour. Nichols osait transgresser un autre tabou : des scènes de sexe sans tendresse, sans « rêve » ni saupoudrage sexy à l’hollywoodienne. Dans Carnal Knowledge, les situations et les dialogues étaient tellement crus que cela valut au film une publicité négative révélatrice : le directeur d’un cinéma d’Albany, en Géorgie, fut arrêté pour avoir projeté le film, jugé « obscène et pornographique » par la Cour Suprême de l’état ; un jugement ultérieur de la Cour Suprême de Washington cassa cependant cette décision. Loin de ces tribulations judiciaires, Nichols avait su mener sa barque, s’entendant très bien avec un Jack Nicholson en pleine ascension après Easy Rider et 5 Pièces Faciles, et pour l’instant peu porté sur le cabotinage qui ferait sa réputation. Le film divisa cependant la critique, obtint quelques nominations aux Golden Globes et aux Oscars, mais fut froidement accueilli par le public.

 

Mike Nichols - Le Jour du Dauphin 

Alternant toujours les projets au théâtre entre les tournages de films, Mike Nichols monta à Broadway la pièce de Neil Simon, Le Prisonnier de la Seconde Avenue (qui lui valut un nouveau Tony Award) avec Peter Falk, puis une adaptation d’Oncle Vanya de Tchekhov, avant de revenir aux plateaux de tournage. Le producteur Joseph Levine avait acheté pour le studio United Artists les droits du roman du français Robert Merle, Un animal doué de raison. L’auteur de Malevil s’était inspiré de la vie d’un scientifique hors normes, John C. Lilly ; ce médecin obnubilé par l’étude des phénomènes de la conscience élabora les caissons de privation sensorielles, testa les effets des substances psychédéliques (ce qui fit de lui une figure majeure de la contre-culture des années 1960) et étudia l’intelligence des dauphins ; ce dernier point fournit la base du roman satirique de Merle, dont le succès attira l’attention d’Hollywood. Roman Polanski aurait dû réaliser Le Jour du Dauphin dès 1969, mais quitta le projet après l’assassinat de sa femme Sharon Tate par les « disciples » de Charles Manson. Franklin J. Schaffner fut intéressé, avant que Levine ne contacte Mike Nichols qui réalisa finalement le film en 1973. Le vieux complice Buck Henry signa le scénario, racontant les efforts du docteur John Terrell (George C. Scott) pour protéger deux dauphins, Fa et Be, qui sont capables de parler. A leur grande horreur, Terrell et son épouse Maggie (Trish Van Devere) réalisent que la Fondation qui finance leurs recherches veulent se servir des gentils cétacés comme de kamikazes, dressés à poser une mine qui tuera le Président des Etats-Unis !… Le Jour du Dauphin fut un mauvais souvenir pour Nichols : un tournage difficile aux Bahamas, nécessitant de nombreuses séquences aquatiques (fort belles, cela dit), et d’avoir affaire à George C. Scott… Le film déçut, c’est bien peu dire ; certes, Nichols y développait l’un de ses thèmes récurrents (le conflit entre Nature et Culture), et se montrait toujours à l’écoute de son temps (la prise de conscience écologiste, la méfiance absolue envers les autorités américaines) mais personne ne prit vraiment au sérieux un film où l’interprète du général Patton discutait avec des dauphins ! Les jolies images aquatiques et l’élégante musique de Georges Delerue ne sauvèrent pas Le Jour du Dauphin de l’échec. L’accueil critique fut très divisé, et le public bouda le film. Une période maussade pour le cinéaste-metteur en scène, divorcé pour la seconde fois en 1974. Il se remarierait l’année suivante avec l’écrivaine irlandaise Annabelle Davis-Goff, dont il aura deux enfants, Max et Jenny.

 

Mike Nichols - The Fortune

Sorti du Jour du Dauphin, Nichols cherchait à se relancer avec un film plus à son goût. Le scénario de The Fortune (La Bonne Fortune) écrit par Carole Eastman avait été écrit pour Warren Beatty et Jack Nicholson, qui retrouvait donc son réalisateur de Carnal Knowledge. Nichols remania le scénario de 240 pages avec un autre scénariste, Adrien Joyce, pour en faire un récit plus léger : ce serait une comédie screwball, dans la veine des films d’Ernst Lubitsch ou Howard Hawks, suivant deux escrocs minables, Nicky (Beatty) et Oscar (Nicholson), durant les années 1920. En cherchant à voler la fortune de « Freddie » Bigard (Stockard Channing), héritière d’une fortune acquise dans l’industrie de la serviette hygiénique, les deux complices se retrouvaient coincés avec cette dernière dans un ménage à trois imposé par les lois morales du Mann Act alors en vigueur… Interdiction pour Nicky de fuir l’Etat avec l’héritière pour avoir des « relations immorales » : Oscar est donc forcé d’épouser celle-ci pour pouvoir s’enfuir. Mais il insiste pour avoir de vraies relations conjugales avec Freddie qui n’a d’yeux que pour Nicky, qui, lui, n’en veut qu’à sa fortune… Sur un mode léger (et avec une prestation amusante des deux larrons Beatty et Nicholson), The Fortune continuait à explorer les difficiles relations hommes-femmes vues par Nichols. Mais aux yeux des spectateurs de 1975, la screwball comedy légère n’avait plus d’intérêt. Ereinté par les critiques, le film fut un échec cinglant. Il semble même avoir disparu de la mémoire de ses principaux intéressés, notamment Jack Nicholson, affecté par la découverte d’un lourd secret de famille sur sa naissance durant le tournage. Pratiquement invisible depuis sa sortie, le film conserve cependant quelques rares fidèles qui l’apprécient. Après les déconvenues de ses quatre derniers films, Mike Nichols retourna à Broadway, mettant le cinéma entre parenthèses pour quelques années.

 

Fin de la 1ère partie.

 

Ludovic Fauchier

Joyeux Halloween !

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Bonjour, chers amis neurotypiques !

31 octobre… Inutile de vous faire un dessin : « les citrouilles vont mourir de trouille, car c’est ça, Halloween, Halloween, Halloween ! »

Etant très pris ces derniers temps par mon travail, je n’ai pas écrit grand chose sur les films en cours. En compensation, je vous propose une petite compilation de quelques grands moments de trouille sur pellicule, sans aucune scène gore (enfin, le moins possible). Treize scènes à voir avant minuit, seul, dans le noir, et en poussant le son à fond pour profiter de l’ambiance de rigueur … ha ha ha ha ha ha ha (rire sépulcral à la Vincent Price) !!

 

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A tout saigneur, toute horreur… le grand-père de tous les films d’épouvante, le Nosferatu  de F.W. Murnau (1922), librement adapté du roman Dracula de Bram Stoker. Quand Uther (Gustav van Wagenheim) réalise enfin la vraie nature de son hôte transylvanien, le Comte Orlock (Max Schreck), il est déjà trop tard… sa chère épouse Ellen (Greta Schröder), somnambule, en fait des cauchemars. Elle n’est pas la seule.

 

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1942. Le mariage d’Irena Dubrovna (Simone Simon) et Oliver Reed (Kent Smith) s’écroule, la jeune femme refusant de consommer la nuit de noces par crainte de voir une antique malédiction se réaliser à ses dépens… Cat People (La Féline) du français Jacques Tourneur est resté célèbre pour son art de la suggestion, comme dans cette fameuse scène où Alice Moore (Jane Randolph), la rivale d’Irena, se croit suivie et tente de se changer les idées en allant à la piscine. Mauvaise idée, jeune fille… 

 

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L’ouverture de Night of the Demon (Rendez-vous avec la Peur, 1957), l’ultime chef-d’oeuvre angoissant de Jacques Tourneur (dangereux récidiviste !), nous place en compagnie d’un infortuné scientifique maudit par le sorcier Karswell (Niall McGinnis). Si le démon (un peu kitsch) fut conçu et filmé sans l’accord du cinéaste, le film n’en demeure pas moins le plus terrifiant jamais tourné, durant les si raisonnables années 1950.

 

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The Haunting (La Maison du Diable, 1963) de Robert Wise nous invite à séjourner, en compagnie des trois invités du professeur Markway, spécialiste en parapsychologie, à Hill House… une charmante demeure à l’épouvantable réputation, où personne ne passe la nuit. En compagnie de la fragile Nell (Julie Harris), endormie dans la chambre de Theo (Claire Bloom), nous comprenons vite pourquoi. Déconseillé aux insomniaques.

 

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Hantez, faites comme chez vous… Dans The Changeling (L’Enfant du Diable, 1980) de Peter Medak, John Russell (Georce C. Scott), compositeur endeuillé, emménage dans une vieille maison. Evidemment, il se croit seul… Même l’illustre interprète oscarisé du Général Patton ne peut rien contre une balle très opiniâtre.

 

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Egalement sorti en 1980, The Fog de John Carpenter, un vieil habitué du genre, confronte les habitants d’une petite ville côtière à des spectres revanchards de très, très mauvaise humeur… Les marins pêcheurs du cru sont les premiers à rencontrer les passagers du navire Elizabeth Dane, et leur Capitaine Crochet !

 

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« Coulrophobia« , un néologisme de la langue anglaise, signifie « phobie des clowns ». Poltergeist (1982), fruit de l’association de Tobe Hooper et de Steven Spielberg, a largement contribué en son temps à transmettre cette peur ! Tandis que maman Freeling (JoBeth Williams) se délasse, persuadée que sa maison est débarrassée des spectres qui la hantaient, les petits derniers (Oliver Robbins et Heather O’Rourke) s’endorment sous le regard d’un baby-sitter très antipathique.

 

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L’Exorciste III (1990) de William Peter Blatty (auteur du roman et du scénario du film original) n’est pas un grand film, mais il sait provoquer de sacrés électrochocs… Cette séquence est restée dans les mémoires pour une bonne raison. Un tueur en série, supposé mort exécuté 17 ans plus tôt (à l’époque des évènements de L’Exorciste, donc), rôde-t-il dans les couloirs de cet hôpital de nuit ?

 

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Le Dracula de Francis Ford Coppola a ramené le roman de Bram Stoker dans la lumière. Les chasseurs de vampires menés par Van Helsing (Anthony Hopkins) et Jonathan Harker (Keanu Reeves), le mari de Mina (Winona Ryder), découvrent les impressionnants dons de transformation de leur ennemi, le Comte Dracula (Gary Oldman), de fort méchante humeur. Les vampires n’aiment pas être dérangés au pieu.

 

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L’étoffe dont sont faits les cauchemars, à l’intérieur même des contes de fées… Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro envoie une petite fille, Ofelia (Ivana Baquero), récupérer une clé menant à un monde merveilleux. Ce n’est pas sans risques. La fillette affamée découvre qu’on ne mange pas à l’œil, à la table de l’horrible Homme Pâle (Doug Jones)…

 

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Peur à l’espagnole, suite… L’Orphelinat, réalisé par Juan Antonio Bayona et produit par Guillermo Del Toro (encore un dangereux récidiviste, monsieur le juge !). Après toutes ces scènes chocs, on se calme et on joue à « Un, Deux, Trois, Soleil » avec Laura (Belen Rueda) et les petits pensionnaires d’ un orphelinat déserté depuis la fin du franquisme. Restez calmes… 

 

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Ne jamais irriter une vieille gitane… Christine Brown (Alison Lohman), modeste employée de banque, n’aurait jamais dû écouter son patron et refuser une extension de prêt à Madame Ganush (Lorna Raver). La vieille carne le prend très mal… Cet affrontement dans le parking ouvre les hostilités de Drag Me To Hell (Jusqu’en enfer) ; Sam Raimi, Monsieur Evil Dead, est aux commandes, donc ce sera à la fois effrayant, violent… et drôle !

 

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Check-list : vampires ? OK. Démons ? OK. Fantômes ? OK. Sorciers ? OK. Loups-garous ? … ah, tiens non, pas OK… Pour finir en beauté avec ce passage (doublé en italien) du Wolfman de Joe Johnston, une belle transformation lycanthropique. Une assemblée de doctes médecins londoniens (et un policier joué par Hugo Weaving) examine le cas psychiatrique de Lawrence Talbot (Benicio Del Toro). Et il fallait qu’ils tiennent leur conférence un soir de pleine lune…

 

Dormez bien, et faites de beaux rêves !

 

Ludovic Fauchier (… peux pas dormir… dois laisser lumières allumées…)

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